De la morale naturelle/XIX

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chez Volland, Gattey, Bailly (p. 126-127).


CHAPITRE XIX.

Colère.



De toutes nos passions la plus machinale et par conséquent celle dont l’habitude renforce le plus malheureusement le caractère et les effets ; elle naît d’une sensibilité trop vive, trop prompte, et ses excès étouffent, anéantissent les sentimens les plus naturels à l’homme.

C’est la seule passion, dit Sénèque, qui ne soit accompagnée d’aucun plaisir. Ce mot est plus aimable, je crois, qu’il n’est vrai. La violence est le délire du pouvoir ; la colère est l’ivresse de la violence ; ce qui donne à l’homme un sentiment si vif de ses forces n’a qu’un charme trop puissant, quelque tristes, quelque funestes qu’en soient les suites.

Ne vous flattez point que les meilleures raisons du monde l’emportent jamais sur la colère ; souvenez-vous du trait sublime de Pascal : La violence et la vérité ne peuvent rien l’une sur l’autre.