De la morale naturelle/XVII
CHAPITRE XVII.
Gourmandise, Ivrognerie.
Comment les oublier dans un
traité de morale ? Ce sont les premières
et les dernières passions
de l’homme, et c’est aux deux
extrémités de la vie que leur influence
paraît le plus à craindre.
Ce sont elles qui probablement
ont fait les premiers brigands
comme les premiers héros de la
terre. C’est la gourmandise qui
donna lieu aux plus anciennes
conquêtes dont nous parle l’histoire.
Sur cent voleurs que leurs
forfaits ont conduits au supplice,
peut-être n’en est-il pas deux que
cette vile passion n’ait entraînés
dans l’enfance à la première
faute devenue le germe de tous
leurs crimes.
Que de libertins échappés aux suites ordinaires du désordre de leur jeunesse, qui, dans un âge avancé, meurent victimes de la seule sensualité que leur laisse encore un tempérament épuisé par l’abus des voluptés dont ils furent esclaves !
Ô douce médiocrité ! un des biens réservés à ceux qui savent te chérir, c’est ce plaisir simple et pur que l’habitude de la frugalité ne cesse de mêler aux jouissances du besoin qui se renouvelle le plus souvent et ne s’use enfin qu’avec la vie.