De la sagesse/Livre III/Chapitre XIII

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LIVRE 3 CHAPITRE 13


mesnagerie.

la mesnagerie est une belle, juste et utile occupation. C’est chose heureuse, dict Platon, de faire ses affaires particuliers sans injustice. Il n’y a rien si beau qu’un mesnage bien reiglé, bien paisible. C’est une occupation qui n’est pas difficile ; qui sera capable d’autre chose, le sera de celle-là : mais elle est empeschante, penible, espineuse, à cause d’un si grand nombre d’affaires ; lesquels, bien qu’ils soyent petits et menus, toutesfois, pource qu’ils sont drus, espais et frequens, faschent et ennuyent. Les espines domestiques piquent, pource qu’elles sont ordinaires ; mais si elles viennent des personnes principales de la famille, elles rongent, ulcerent, et sont irremediables. Avoir à qui se fier, et sur qui se reposer, c’est un grand sejour et moyen propre pour vivre à son aise : il le faut choisir loyal et entier, comme l’on peust, et puis l’obliger à bien faire par une grande confiance. (…). Les preceptes et advis de mesnagerie principaux sont ceux-cy : 1 acheter et despendre toutes choses en temps et saison ; elles sont meilleures et à meilleur prix. 2 garder que les choses qui sont en la maison ne se gastent et perissent, ou se perdent et s’emportent. Cecy est principalement à la femme, à laquelle Aristote donne par preciput ceste authorité et ce soin. 3 pourvoir premierement et principalement à ces trois, necessité, netteté, ordre ; et puis, s’il y a moyen, l’on advisera à ces trois autres (mais les sages ne s’en donneront pas grand’peine : (…)) : abondance, pompe et parade, exquise et riche façon. Le contraire se practique souvent aux bonnes maisons, où y aura licts garnis de soye, pourfilés d’or, et n’y aura qu’une couverture simple en hyver, sans aucune commodité de ce qui est le plus necessaire. Ainsi de tout le reste. Reigler sa despense ; ce qui se faict en ostant la superfluë, sans faillir à la necessité, debvoir et bienseance : un ducat en la bourse faict plus d’honneur que dix mal despendus, disoit quelqu’un. Puis, mais c’est l’industrie et la suffisance, faire mesme despense à moindre frais, et sur-tout ne despendre jamais sur le gain advenir et esperé. Avoir le soin et l’œil sur tout : la vigilance et presence du maistre, dict le proverbe, engraisse le cheval et la terre. Mais pour le moins le maistre et la maistresse doibvent celer leur ignorance et insuff isance aux affaires de la maison, et encore plus leur nonchalance, faisant mine de s’y entendre et d’y penser ; car si les officiers et valets croyent que l’on ne s’en soucie, ils en feront de belles.