De la variation des animaux et des plantes sous l’action de la domestication/Tome II/20

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De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication (The Variation of Animals and Plants under Domestication)
Traduction par Jean-Jacques Moulinié.
C. Reinwald (Tom. IIp. 204-236).

CHAPITRE XX.

SÉLECTION PAR L’HOMME.


Difficulté de la sélection. — Sélection méthodique, inconsciente et naturelle. — Résultats de la sélection méthodique. — Soins à prendre. — Sélection des plantes. — Sélection chez les anciens et les peuples à demi civilisés. — Attention portée sur des caractères même peu importants. — Sélection inconsciente. — Les animaux domestiques ont, sous l’action de la sélection inconsciente, changé lentement avec les circonstances. — Influence qu’exercent différents éleveurs sur une même sous-variété. — Action de la sélection inconsciente sur les plantes. — Effets de la sélection manifestés par l’étendue des différences existant sur les points les plus recherchés par l’homme.


L’influence de la sélection, qu’elle soit pratiquée par l’homme ou qu’elle résulte, dans l’état de nature, de la lutte pour l’existence et de la survivance ultérieure du plus apte, dépend absolument de la variabilité des êtres organisés. Sans celle-ci rien ne peut être fait, mais il suffit de légères différences individuelles pour que la sélection puisse entrer en jeu, et ce sont probablement les seules qui aient contribué à la production d’espèces nouvelles. La discussion sur les causes et les lois de la variabilité à laquelle nous nous livrerons plus loin, aurait donc dû, dans l’ordre strict, et avec les questions de l’hérédité, des croisements, etc., que nous avons déjà traitées, précéder notre sujet actuel. J’ai dû cependant préférer, comme pratiquement plus convenable, le présent arrangement. L’homme n’essaye point de déterminer la variabilité ; bien qu’en fait et sans intention de sa part, elle résulte de ce qu’il place les organismes dans de nouvelles conditions d’existence, et de ce qu’il croise des races déjà formées. Mais la variabilité admise, il opère des merveilles. Sans l’intervention de quelque sélection, le libre entre-croisement des individus d’une même variété ne tarde pas, ainsi que nous l’avons vu, à effacer les faibles différences qui peuvent apparaître, et à imprimer ainsi à l’ensemble des individus une certaine uniformité de caractères. Dans des localités séparées, une exposition longtemps prolongée à des conditions extérieures différentes peut parfois déterminer, sans l’aide de la sélection, la formation de nouvelles races ; mais nous aurons à revenir sur ce sujet difficile de l’action directe des circonstances extérieures.

Lorsque des animaux ou des plantes, naissent avec quelque caractère nouveau apparent et héréditaire, la sélection se réduit à la conservation des individus qui le présentent, et à l’empêchement ultérieur de tout croisement ; nous n’avons donc pas besoin d’insister plus longuement sur ce point. Mais dans la grande majorité des cas, un caractère nouveau, ou une supériorité d’un caractère ancien, ne sont d’abord que peu prononcés, et pas fortement héréditaires, et c’est alors qu’on peut apprécier toute la difficulté qu’il y a à appliquer judicieusement la sélection ; et la patience, le discernement, et le jugement que nécessite son emploi. Il faut toujours avoir devant les yeux, un but bien déterminé. Peu d’hommes possèdent toutes ces qualités réunies, surtout celle de discerner de très-légères différences ; une longue expérience peut seule leur faire acquérir le jugement nécessaire, et l’absence d’une des qualités requises peut faire perdre le travail d’une vie entière. J’ai été bien étonné, lorsque des éleveurs célèbres, dont l’habileté et l’expérience sont consacrées par les succès qu’ils ont remportés dans les concours, en me montrant leurs animaux, qui me paraissaient tous semblables, m’indiquaient leurs motifs pour apparier tel individu avec tel autre. L’importance de la sélection gît principalement dans cette aptitude à reconnaître des différences à peine appréciables, qui sont néanmoins transmissibles, et qu’on peut accumuler, jusqu’à les rendre évidentes aux yeux de chacun.

On peut reconnaître trois sortes de sélection. La sélection méthodique est celle que pratique l’homme cherchant systématiquement à modifier une race d’après un type préconçu et déterminé d’avance. La sélection inconsciente est celle qui résulte de ce que l’homme conserve naturellement les individus qui ont le plus de valeur, et détruit ceux qui sont inférieurs, sans aucune intention d’améliorer la race ; et il est certain que cette marche seule peut déterminer très-lentement des changements importants. La sélection inconsciente passe graduellement à la sélection méthodique, et on ne peut nettement séparer que les cas extrêmes ; car celui qui conserve un animal utile et supérieur, l’emploiera généralement comme reproducteur, dans l’espoir d’en obtenir des produits ayant les mêmes qualités ; mais tant qu’il n’a pas pour but déterminé d’améliorer sa race, on peut dire qu’il ne fait que de la sélection inconsciente[1]. Nous avons enfin la sélection naturelle, qui implique que les individus qui sont le mieux adaptés aux conditions complexes, et dans le cours des temps changeantes, au milieu desquelles ils se trouvent, survivent et reproduisent leurs semblables. Dans les produits domestiques, dont nous nous occupons plus spécialement ici, la sélection naturelle peut intervenir dans une certaine limite, en dehors de l’action de l’homme, et même parfois, contrairement à sa volonté.

Sélection méthodique. — Nos expositions actuelles de bétail amélioré et d’oiseaux de fantaisie, démontrent clairement ce que l’homme a pu faire en Angleterre, dans ces derniers temps, au moyen de la sélection méthodique. Nous devons les grandes améliorations de notre gros bétail, et de nos moutons et porcs, à une série de noms connus, — Bakewell, Collins, Ellman, Bates, Jonas Webb, les lords Leicester et Western, Fisher Hobbs et d’autres. Les auteurs agricoles sont unanimes à reconnaître l’efficacité de la sélection, et nous trouverions dans leurs écrits de nombreux faits à l’appui de notre thèse. Youatt, observateur sagace et expérimenté, dit[2] que le principe de la sélection permet à l’agriculteur, non-seulement de modifier les caractères de son troupeau, mais de les changer entièrement. Un éleveur de courtecornes[3] dit à leur sujet, « que les éleveurs modernes ont beaucoup amélioré les courtecornes de Ketton, en corrigeant les défauts de l’articulation de l’épaule, et en changeant la position de son sommet de manière à remplir la cavité qui se trouvait derrière… L’œil a eu ses modes à diverses époques ; autrefois l’œil était haut et saillant, plus tard il fut terne et enfoncé, extrêmes qui ont disparu pour céder la place à un œil ample, clair et saillant, au regard placide ».

Un excellent connaisseur en porcs[4], remarque, « qu’il ne faut pas que les pattes soient plus longues qu’il n’est nécessaire pour empêcher le ventre de l’animal de traîner par terre ; la jambe étant la partie la moins profitable du porc, il est inutile qu’il y en ait plus qu’il ne faut absolument pour soutenir le reste ».

Il n’y a qu’à comparer le sanglier sauvage au porc de nos races améliorées actuelles, pour juger de l’énorme réduction qu’ont subie les membres de ces derniers.

Peu de gens, les éleveurs exceptés, se doutent des soins systématiques qu’il faut apporter à la sélection des animaux, et de la nécessité d’entrevoir nettement dans l’avenir le but qu’on se propose. Lord Spencer dit à ce sujet[5], « que celui qui veut commencer à élever du bétail ou des moutons, doit avant tout, décider quelles sont les formes et qualités qu’il désire obtenir, et poursuivre avec constance son plan préconçu ». Lord Somerville, parlant des améliorations remarquables apportées par Bakewell et ses successeurs, aux moutons New Leicester, dit qu’il semble, « qu’ils aient d’abord dessiné une forme parfaite, à laquelle ils ont ensuite donné la vie ». Youatt[6] insiste sur la nécessité de réviser annuellement chaque troupeau, parce que beaucoup d’animaux dégénèrent certainement du type de perfection que l’éleveur s’est proposé. Même pour un oiseau aussi peu important que le canari, on a établi, il y a déjà longtemps (1780 à 1790), des règles, et fixé un type de perfection, auquel tous les éleveurs de Londres ont cherché à ramener leurs diverses sous-variétés[7]. Un éleveur de pigeons[8], parlant du Culbutant courteface amande, dit, « il y a beaucoup d’amateurs qui recherchent ce qu’on appelle le bec de chardonneret, qui est fort beau ; d’autres prenant pour modèle une grosse cerise ronde, dans laquelle ils insèrent un grain d’orge pour représenter le bec ; d’autres préfèrent un grain d’avoine, mais comme j’estime que le bec de chardonneret est le plus élégant, je conseillerai à l’amateur inexpérimenté de se procurer une tête de chardonneret, et de l’avoir toujours sous les yeux ». Or, si différents que soient les becs du bizet et du chardonneret, le but a été presque atteint, en ce qui concerne du moins les proportions et la forme extérieure.

Il ne faut pas seulement examiner avec soin les animaux vivants, mais comme dit Anderson[9], il faut encore scruter leur cadavre, et ne réserver pour la reproduction que les descendants de ceux qui, selon l’expression des bouchers, se laissent bien découper.

On a réussi à obtenir dans le bétail un grain voulu dans la viande, une distribution et une marbrure égales de la graisse[10], et un dépôt plus ou moins considérable de cette dernière dans l’abdomen des moutons. Un auteur[11] parlant des Cochinchinois, qui diffèrent beaucoup par la qualité de leur chair, recommande d’acheter deux coqs frères, d’en tuer un, de l’apprêter et de le servir ; s’il est médiocre, on peut disposer de la même manière de l’autre, si au contraire il est fin et de bon goût, on pourra conserver le frère pour la reproduction.

On a appliqué à la sélection le principe de la division du travail. Dans certaines localités[12], on confie l’élève des taureaux à un nombre limité de personnes, qui, vouant toute leur attention à ce point, peuvent d’année en année livrer des taureaux qui améliorent constamment la race du district. L’élève et le louage des béliers de choix ont été longtemps une des principales sources de profit de plusieurs éleveurs célèbres. Ce principe est poussé à l’extrême en Allemagne pour le mouton mérinos[13]. On regarde une bonne sélection des animaux reproducteurs comme si importante, « que les meilleurs possesseurs de troupeaux ne se fient ni à leur propre jugement ni à celui de leurs bergers, mais emploient des classificateurs de moutons, qui sont spécialement chargés de s’occuper de cette partie de l’aménagement des troupeaux, et de conserver ainsi ou d’améliorer si possible les bonnes qualités des parents chez leurs agneaux. En Saxe, lorsque les agneaux sont sevrés, on les place tous à leur tour sur une table, pour examiner minutieusement leur forme et leur laine. Les plus fins sont réservés pour la reproduction et reçoivent une première marque. À l’âge d’un an, avant de les tondre, on soumet ceux qui ont reçu la première marque à un second examen, on marque une seconde fois ceux qu’on trouve sans défauts, et le reste est condamné. Quelques mois après, on procède à une troisième et dernière visite, les béliers et brebis de premier choix reçoivent une troisième marque, mais la plus légère imperfection suffit pour faire rejeter l’animal. » On n’élève ces moutons que pour finesse de leur laine, et le résultat répond au travail auquel on se livre pour leur sélection. On a inventé des instruments pour mesurer exactement l’épaisseur de la fibre, et on a obtenu des toisons autrichiennes dont douze brins de laine égalaient une seule fibre de la laine d’un mouton Leicester.

Dans toutes les parties du monde où l’on produit de la soie, on choisit avec les plus grands soins les cocons qu’on destine à produire les papillons pour la reproduction. Un bon sériciculteur[14] doit aussi examiner ceux-ci après l’éclosion, et détruire ceux qui ne sont pas parfaits. En France, certaines familles se vouent à la production des œufs pour la vente[15]. Près de Shanghaï en Chine, les habitants de deux petits districts ont le privilége de fournir la graine pour toute la contrée avoisinante, et afin qu’ils puissent consacrer tout leur temps à cette occupation, la loi leur interdit la production de la soie[16].

Les éleveurs les plus habiles prennent les plus grands soins pour l’appariage des oiseaux. Sir J. Sebright, dont la réputation s’est perpétuée par le Bantam qui porte son nom, passait souvent deux ou trois jours à examiner, consulter et discuter avec un ami, lesquels de cinq ou six oiseaux étaient les meilleurs[17]. M. Bult, dont les Grosses-gorges ont gagné tant de prix, et ont été exportés jusqu’aux États-Unis, me dit qu’il délibérait souvent pendant plusieurs jours avant d’apparier ses oiseaux ; nous pouvons donc comprendre les conseils d’un éleveur éminent, M. Eaton[18] dont nous avons déjà cité les paroles (chapitre sixième, page 229), qui montrent que l’art de produire des pigeons de fantaisie n’est rien moins que simple : la solennité de ses préceptes peut même provoquer le sourire, mais celui qui raille ne gagnera jamais de prix.

Comme nous l’avons déjà remarqué, ce sont nos concours qui démontrent le mieux ce dont la sélection appliquée aux animaux est capable. Les moutons appartenant à quelques éleveurs anciens, tels que Bakewell et lord Western, avaient été tellement changés, que bien des personnes n’ont pu croire qu’ils n’eussent pas été croisés. Nos porcs, selon la remarque de M. Corringham[19], ont dans ces vingt dernières années, subi une métamorphose complète, due tant à des croisements qu’à une sélection rigoureuse. La première exposition de volailles eut lieu en 1845, au Jardin Zoologique, et les améliorations apportées depuis cette époque ont été grandes. M. Baily m’a fait remarquer, qu’autrefois on avait décidé que le coq Espagnol aurait la crête droite, et au bout de quatre ou cinq ans, tous les bons oiseaux l’eurent ainsi ; on prescrivit, chez le coq Huppé, l’absence de crête et de plumes sétiformes, aujourd’hui un oiseau qui en aurait serait laissé de côté ; on prescrivit ensuite la barbe, et à l’exposition de 1860, au palais de Cristal, tous les coqs exposés dans cinquante-sept compartiments, eurent la barbe. Il en a été de même pour une foule d’autres cas. Mais dans tous, les juges ne prescrivent que ce qui peut occasionnellement se produire, et ce qui peut être amélioré ou rendu constant par la sélection. L’augmentation constante de poids chez les volailles, dindes, canards et oies est très-remarquable ; des canards pesant six livres sont actuellement communs, la moyenne était autrefois de quatre livres. Comme on n’a pas souvent indiqué le temps nécessaire pour opérer un changement, je citerai qu’il a fallu à M. Wicking, treize ans pour donner au Culbutant amande une tête blanche, « un triomphe dont, » dit un autre éleveur, « il peut être fier à juste titre[20]. »

M. Tollet, de Betley Hall, a choisi des vaches et surtout des taureaux descendant de bonnes laitières, dans l’unique but d’améliorer chez son bétail la production du fromage ; et au bout de huit ans il avait augmenté ses produits dans la proportion de quatre à trois. Voici un cas curieux[21] d’un progrès continu mais lent, bien que le but ne soit pas encore complétement atteint ; une race de vers à soie, introduite en France en 1784, produisait, sur mille cocons, cent qui n’étaient pas blancs ; actuellement, après une sélection soigneuse poursuivie pendant soixante-cinq générations, la proportion de cocons jaunes est descendue à trente-cinq pour mille.

Appliquée aux plantes, la sélection a donné d’aussi bons résultats que pour les animaux, mais le procédé est simplifié, les deux sexes se trouvant réunis dans la grande majorité des plantes ; on doit cependant avec toutes prendre autant de précautions afin d’éviter les croisements, que pour les animaux et les plantes unisexués. Pour quelques plantes, comme les pois, ces précautions paraissent moins nécessaires. Dans toutes les plantes améliorées, sauf celles qui se propagent par boutures, bourgeons, etc., il est indispensable d’examiner tous les individus levés de semis, et de détruire tous ceux qui s’écartent du type voulu. Cette épuration est, par le fait, une forme de sélection, comme le rejet des animaux inférieurs. Les horticulteurs exercés recommandent toujours de conserver pour la production de la graine les plus belles plantes.

Bien que chez les plantes on observe des variations plus apparentes que chez les animaux, il faut cependant une grande attention pour déceler tous les changements peu prononcés et favorables. M. Masters[22] raconte combien dans sa jeunesse on consacrait de temps à apprécier les différences dans les grains de pois destinés à servir de graines. M. Barnett[23] remarque que l’ancienne fraise écarlate américaine a été cultivée pendant plus d’un siècle sans produire une seule variété ; et un autre auteur fait remarquer qu’aussitôt que les jardiniers commencèrent à s’occuper de ce fruit, il se mit à varier ; le fait est qu’il avait toujours varié, mais qu’aucun résultat apparent n’avait été obtenu, tant que la sélection des légères variations et leur propagation par graine n’avaient pas été faites. Les nuances de différences les plus légères dans le froment ont été observées et choisies avec autant de soins que pour les animaux, ainsi que nous le voyons dans les ouvrages du col. Le Couteur ; mais la sélection n’a jamais été bien longtemps continuée sur nos céréales.

En fait, la grande amélioration de toutes nos plantes anciennement cultivées peut être attribuée à l’action continue d’une sélection partiellement inconsciente, partiellement méthodique. J’ai, dans un chapitre antérieur, montré combien une culture et une sélection systématiques ont augmenté le poids de la groseille épineuse. Les fleurs de pensées ont également augmenté de grandeur et gagné en régularité de contours. M. Glenny[24], alors que les cinéraires avaient des fleurs irrégulières, étoilées et d’une couleur mal définie, fixa un type qui fut alors regardé comme impossible à atteindre, et qui, fût-il réalisé, n’aurait, disait-on, aucun avantage, parce qu’il gâterait la beauté des fleurs. Il n’en poursuivit pas moins son projet, et la suite lui donna raison. On est plusieurs fois parvenu à obtenir par sélection des fleurs doubles ; le Rév. W. Williamson[25] après avoir pendant plusieurs années semé de la graine d’Anemone coronaria, trouva une plante pourvue d’un seul pétale additionnel ; il en sema la graine, et, en persévérant dans la même direction, finit par obtenir plusieurs variétés avec six ou sept séries de pétales. La rose d’Écosse simple se doubla et donna huit variétés dans le laps d’une dixaine d’années[26]. La Campanula medium fut doublée par une sélection soigneuse au bout de quatre générations[27]. Par la culture et une sélection rigoureuse, M. Buckman[28] a converti en quatre ans du panais sauvage levé de graine en une bonne et nouvelle variété. Une sélection soutenue pendant plusieurs années a avancé de dix à vingt et un jours l’époque de maturation des pois[29]. Depuis que la betterave est cultivée en France, elle a à peu près doublé son rendement en sucre ; c’est par une sélection attentive que ce résultat a été obtenu, en déterminant régulièrement la densité des racines, et en réservant les meilleures pour la production de la graine[30].

De la sélection chez les peuples anciens et à demi civilisés. — En attribuant autant d’importance à la sélection des animaux et des plantes, on peut objecter que la sélection méthodique n’a pas dû être pratiquée anciennement, et un naturaliste distingué a prétendu qu’il serait absurde de supposer qu’elle ait pu l’être par des peuples à demi civilisés. Il est sans doute certain que le principe de la sélection a été reconnu et pratiqué sur une beaucoup plus grande échelle dans ces cent dernières années, qu’à aucune époque antérieure, et a produit des résultats en conséquence ; mais ce serait une grande erreur, comme nous allons le voir, de supposer qu’on n’ait pas reconnu son importance à une époque plus ancienne, et qu’elle n’ait pas été employée par des peuples à demi civilisés. Je dois dire qu’un bon nombre des faits que je vais signaler montrent seulement qu’on prenait des soins pour la reproduction, mais quand cela a lieu, il est presque sûr que la sélection intervient dans une certaine mesure. Nous serons plus tard mieux à même de juger jusqu’à quel point, même pratiquée occasionnellement et seulement par quelques habitants d’un pays, la sélection peut, à la longue, produire des résultats importants.

Dans un passage célèbre du trentième chapitre de la Genèse, se trouvent indiquées des règles pour influencer, ce qu’on croyait alors possible, la couleur des moutons ; et les races foncées ou tachetées sont mentionnées comme ayant été maintenues séparées. Au temps de David les toisons étaient comparées à la neige. Youatt[31], qui a discuté tous les passages de l’Ancien Testament se rapportant à la reproduction, conclut qu’à cette période primitive, plusieurs des principes essentiels de l’élevage ont dû être connus et pratiqués avec suite. Selon Moïse, il était commandé « de ne pas laisser le bétail engendrer avec une autre sorte ; » mais comme on achetait des mulets[32], il faut qu’à cette époque reculée d’autres nations aient dû croiser le cheval et l’âne. Il est dit qu’Erichtonius[33], quelques générations avant la guerre de Troie, avait beaucoup de juments, au moyen desquelles et grâce à un choix judicieux d’étalons, il avait créé une race de chevaux supérieure à toutes celles des pays avoisinants. Homère (chant v), parle des chevaux d’Énée, comme provenant de juments livrées aux coursiers de Laomédon. Dans sa République, Platon dit à Glaucus, « Je vois que tu élèves chez toi beaucoup de chiens pour la chasse. Prends-tu donc des soins pour leur appariage et leur reproduction ? Parmi les animaux de bonne souche n’y en a-t-il pas toujours quelques-uns qui sont supérieurs aux autres ? » Glaucus répond affirmativement[34]. Alexandre le Grand avait choisi les plus beaux individus de bétail indien pour améliorer la race de la Macédoine[35]. D’après Pline[36] le roi Pyrrhus possédait une race de bêtes à cornes très-précieuse ; et il ne permettait pas qu’on appariât les vaches et taureaux avant l’âge de quatre ans, pour que la race ne dégénérât pas. Virgile (Géorgiques, lib. III), donne des conseils aussi précis que pourrait le faire un agriculteur moderne, sur la nécessité de choisir avec soin les animaux reproducteurs ; de noter leur tribu, leur généalogie, et les mâles ; de marquer les produits ; de réserver les moutons du blanc le plus pur, et de rejeter ceux qui ont la langue noire. Nous avons vu que les Romains conservaient les généalogies de leurs pigeons, ce qui n’aurait eu aucune raison d’être s’ils n’avaient apporté de grands soins à leur reproduction. Columelle donne des instructions détaillées sur l’élevage des races gallines : les poules doivent être choisies d’après leur couleur et avoir le corps robuste, carré, une large poitrine, de grosses têtes et des crêtes dressées et d’un rouge vif. Celles qui ont cinq doigts sont regardées comme les meilleures[37]. D’après Tacite, les Celtes s’occupaient de leurs races domestiques, et César raconte qu’ils donnaient des prix élevés aux marchands pour les beaux chevaux qu’ils importaient[38]. Quant aux plantes, Virgile parle de la nécessité de recueillir annuellement les plus belles graines, et Celse ajoute, « que là où le blé et la récolte sont faibles, il faut choisir les meilleurs épis, et conserver à part les grains qui en proviennent[39]. »

Au commencement du IXe siècle, Charlemagne avait expressément ordonné à ses officiers d’avoir grand soin de ses étalons, et de le prévenir avant de leur livrer les juments, lorsqu’ils seraient trop vieux ou mauvais[40]. À la même époque et en Irlande, il semblerait, d’après quelques vers anciens[41], décrivant une rançon exigée par Cormac, qu’on estimait les animaux de certaines localités, ou ayant des caractères particuliers : « J’ai apporté d’Aengus deux porcs de ceux de Mac Lir, un bélier et une brebis tous deux rouges et ronds. J’ai ramené avec moi un étalon et une jument des magnifiques haras de Manannan ; un taureau et une vache blanche de Druim Cain. » En 930, Athelstan reçut d’Allemagne en cadeau des chevaux de course, et prohiba l’exportation des chevaux anglais. Le roi Jean importa de Flandre une centaine d’étalons choisis[42]. Le 16 Juin 1305, le prince de Galles écrivit à l’archevêque de Canterbury, pour lui demander en prêt quelque étalon de choix, en promettant de le rendre à la fin de la saison[43]. Il existe de nombreux documents dans l’histoire ancienne de l’Angleterre, relatifs à l’importation d’animaux de choix de races diverses, ainsi qu’à des lois contre leur exportation. Sous les règnes d’Henri VII et d’Henri VIII, on ordonna aux magistrats de faire, à la Saint-Michel, une battue générale dans les communaux, et de détruire toutes les juments au-dessous d’une taille fixée[44]. Quelques-uns de nos premiers rois avaient édicté des lois contre l’abattage des béliers appartenant à de bonnes races, avant qu’ils eussent atteint l’âge de sept ans, afin qu’ils eussent le temps de reproduire. Le cardinal Ximenès fit publier en Espagne, en 1509, des règlements sur la sélection des meilleurs béliers pour la reproduction[45].

On dit qu’avant l’an 1600, l’empereur Akbar-Khan avait considérablement amélioré ses pigeons en croisant les races, ce qui implique nécessairement l’emploi d’une sélection attentive. À la même époque, les Hollandais s’adonnaient à l’élève du pigeon. Belon (1555) dit qu’en France on examinait la couleur des jeunes oies, afin d’obtenir des oies blanches et de meilleure sorte. En 1631, Markham conseille aux éleveurs de choisir toujours les lapins mâles de la plus belle apparence et les plus gros. Même pour les plantes de jardin, sir J. Hanmer écrivait, en 1600[46], que les meilleures graines étaient les plus pesantes, qu’on les trouve sur les tiges les plus vigoureuses, et recommande de ne laisser sur les plantes destinées à la graine qu’un petit nombre de fleurs, ce qui montre qu’on s’occupait déjà, il y a deux cents ans, de ces détails dans nos jardins. J’ajouterai comme exemple de la sélection ayant été appliquée dans des endroits où on pourrait le moins s’y attendre, qu’au milieu du siècle dernier, et dans une partie reculée de l’Amérique du Nord, M. Cooper avait amélioré par une sélection intelligente tous ses légumes, qui devinrent, par ce fait, très-supérieurs à ceux de ses voisins. Lorsque ses radis, par exemple, étaient propres à l’usage, il en prenait dix ou douze des meilleurs, et les plantait à cent mètres de distance d’autres qui fleurissaient en même temps ; il traita de la même manière toutes ses autres plantes, en variant les circonstances suivant leur nature[47].

Dans le grand ouvrage sur la Chine, publié au siècle dernier par les jésuites, et qui est une compilation d’anciennes encyclopédies chinoises, il est dit que l’amélioration des moutons consiste à choisir avec un soin tout particulier, les agneaux destinés à la reproduction, à les bien nourrir, et à tenir les troupeaux séparés. Les Chinois ont appliqué les mêmes principes à diverses plantes et arbres fruitiers[48]. Un édit impérial recommande le choix des graines remarquables par leur grosseur ; la sélection a même été appliquée par des mains impériales, car on dit que le Ya-mi ou riz impérial ayant été remarqué dans un champ par l’empereur Khang-hi, fut recueilli et semé dans son jardin, et s’est depuis répandu, à cause de sa précieuse propriété d’être le seul riz qui puisse croître au nord de la grande muraille[49]. Parmi les fleurs, le pivoine arbre (P. moutan) a, d’après les traditions chinoises, été cultivé depuis 1400 ans ; et a donné de deux à trois cents variétés, qu’on cultive avec autant de soins que les Hollandais le faisaient autrefois pour les tulipes[50].

Passons maintenant aux peuples à demi civilisés et aux sauvages. D’après ce que j’avais vu dans diverses parties de l’Amérique du Sud, où il n’existe pas d’enclos, et où les animaux ont peu de valeur, il m’avait semblé qu’on ne prenait aucun soin pour leur sélection ou leur reproduction, et le fait est assez généralement vrai. Roulin[51] décrit toutefois, en Colombie, une race de bétail nue, qu’on ne laisse pas augmenter à cause de la délicatesse de sa constitution. D’après Azara[52], il naît souvent au Paraguay des chevaux à poils frisés, que les habitants détruisent, parce qu’ils ne les aiment pas ; tandis que, d’autre part, ils ont conservé un taureau sans cornes né en 1770 et qui a propagé son type. On m’a parlé de l’existence d’une race à poils renversés dans la Banda orientale, et le bétail niata si extraordinaire a apparu en premier à La Plata, où il est resté distinct. Il y a donc dans ces pays, si peu favorables à une sélection soignée, des variations apparentes qui se sont conservées pendant que d’autres ont été détruites. Nous avons aussi vu que les habitants introduisent dans leurs troupeaux du bétail étranger pour éviter les inconvénients d’une reproduction consanguine. Je tiens d’autre part de bonne source que, dans les Pampas, les Gauchos ne prennent aucun soin pour choisir les meilleurs étalons ou taureaux pour la reproduction, ce qui explique probablement l’uniformité remarquable que présentent les chevaux et le bétail dans toute l’étendue de la république Argentine.

Dans l’ancien monde, au Sahara, le Touareg met autant de soins à la sélection des Maharis (race fine du dromadaire) qu’il destine à la reproduction, que l’Arabe en met à celle de ses chevaux. Les généalogies se transmettent, et plus d’un Mahari peut se vanter d’une généalogie bien plus reculée que les descendants du Darley Arabian[53]. D’après Dallas, les Mongols cherchent à propager les Yaks à queue blanche, pour vendre celle-ci aux mandarins chinois comme chasse-mouches ; et soixante-dix ans après Pallas, Moorcroft constate qu’on choisissait encore pour la reproduction les individus à queue blanche[54].

En parlant du chien, nous avons vu que les sauvages de la Guiane et de diverses parties de l’Amérique du Nord croisaient leurs chiens avec des canidés sauvages, comme le faisaient, selon Pline, les anciens Gaulois, pour leur donner plus de puissance et de vigueur ; de même que les gardiens de grandes garennes croisent quelquefois leurs furets (à ce que m’apprend M. Yarrell) avec la fouine sauvage pour leur donner, comme ils disent, « plus de diable. » D’après Varron, on s’emparait autrefois d’ânes sauvages pour les croiser avec l’âne domestique afin d’améliorer la race, comme les Javanais chassent encore aujourd’hui leur bétail dans les forêts pour qu’il se croise avec le Benteng (Bos Sondaicus) sauvage[55]. Chez les Ostyaks, dans la Sibérie du Nord, les marques des chiens varient dans différents districts, mais dans chacun ils sont tachetés d’une manière uniforme de blanc et de noir[56], d’où nous devons conclure à une reproduction surveillée, d’autant plus que dans une certaine localité ils sont réputés dans tout le pays pour leur supériorité. Certaines tribus d’Esquimaux tiennent à honneur d’avoir pour leurs attelages de traîneaux des chiens d’une couleur uniforme. En Guiane, d’après sir R. Schomburgk[57], les chiens des Indiens Turumas sont fort estimés et sont l’objet d’un grand trafic ; on donne d’un bon chien le prix d’une femme, on les garde dans des espèces de cages, et pendant l’époque du rut, les Indiens font très-attention à ce que les femelles ne soient pas couvertes par des mâles de qualité inférieure. Les Indiens ont dit à sir Robert qu’ils ne tuaient pas les chiens mauvais ou inutiles, mais qu’ils périssaient abandonnés à eux-mêmes. Il y a peu de peuplades plus barbares que les naturels de la Terre de Feu, et cependant je tiens d’un missionnaire, M. Bridges, que lorsqu’ils ont une chienne de belle taille et forte, ils l’apparient avec un beau chien, et prennent soin de la nourrir convenablement, pour que ses petits viennent beaux et vigoureux.

Dans l’intérieur de l’Afrique, les nègres qui n’ont pas vécu avec les blancs sont très-désireux d’améliorer les animaux, et choisissent toujours les mâles les plus grands et les plus forts : les Malakolos furent enchantés de la promesse que leur fit Livingstone de leur envoyer un taureau, et quelques Balakolos ont porté dans l’intérieur un coq vivant depuis Loando[58]. Plus au midi, Andersson a vu un Damara donner deux bœufs contre un chien qui lui avait plu. Les Damaras aiment à avoir leurs troupeaux de bétail d’une même couleur, et ils estiment leurs bœufs en proportion de la longueur de leurs cornes. Les Namaquas ont une vraie manie pour les attelages uniformes, et presque toutes les peuplades de l’Afrique méridionale estiment leur bétail à l’égal des femmes, et mettent leur amour-propre à posséder des animaux ayant de la race. Ils n’emploient jamais ou fort rarement un bel animal comme bête de somme[59]. Ces sauvages possèdent un discernement étonnant, et peuvent reconnaître à quelle tribu appartient quelque bétail que ce soit. M. Andersson m’informe, en outre, que les indigènes apparient souvent des taureaux et des vaches choisis.

Le cas le plus curieux qui ait été consigné, d’une sélection appliquée par un peuple à demi civilisé, est celui donné par Garcilazo de la Vega, un descendant des Incas, comme ayant été en usage au Pérou avant que le pays eût été conquis par les Espagnols[60]. Les Incas faisaient chaque année de grandes chasses, dans lesquelles les animaux sauvages étaient rabattus sur un immense espace vers un point central. On détruisait alors les bêtes féroces comme nuisibles. On tondait les Guanacos et les Vigognes sauvages ; on abattait les vieux individus, mâles et femelles, puis on rendait la liberté aux autres. On examinait les diverses espèces de cerfs, les individus âgés étaient détruits, puis on libérait les plus jeunes et belles femelles ainsi qu’un certain nombre de mâles, choisis parmi les plus beaux et les plus vigoureux. Nous avons là un exemple de la sélection humaine venant en aide à la sélection naturelle, les Incas faisant justement le contraire de ce qu’on reproche à nos chasseurs écossais, qui, en tuant toujours les plus beaux cerfs, font ainsi dégénérer la race entière[61]. Quant aux lamas et alpacas domestiques, ils étaient, du temps des Incas, classés par troupeaux selon leur couleur, et si un individu de couleur différente naissait dans un troupeau, on l’enlevait pour le placer dans un autre.

Le genre Auchenia comprend quatre formes : le Guanaco et la Vigogne, qui sont sauvages et incontestablement distincts ; le Lama et l’Alpaca, qu’on ne connaît qu’à l’état domestique. Ces quatre animaux sont si différents, que la plupart des naturalistes, et surtout ceux qui les ont étudiés dans leur pays natal, soutiennent qu’ils sont spécifiquement distincts, quoiqu’on n’ait jamais vu de lama ou d’alpaca sauvages. M. Ledger, qui a étudié de près ces animaux soit au Pérou, soit pendant leur exportation en Australie, et qui a fait de nombreuses expériences sur leur reproduction, donne des arguments qui me paraissent concluants, que le Lama est le descendant domestiqué du Guanaco, et l’Alpaca celui de la Vigogne[62]. Et maintenant que nous savons qu’il y a plusieurs siècles qu’on élève systématiquement ces animaux, et qu’on leur applique la sélection, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’ils aient éprouvé des changements aussi considérables.

Il m’avait paru autrefois probable que si les peuples anciens ou à demi civilisés avaient pu s’occuper de l’amélioration des animaux les plus utiles, quant aux points essentiels, ils devaient avoir négligé les caractères insignifiants. Mais la nature humaine est la même dans le monde entier ; partout règne la mode, et l’homme est toujours enclin à estimer quoi que ce soit qu’il possède. Nous avons vu conserver, dans l’Amérique du Sud, le bétail niata, dont la face courte et les narines retroussées n’ont certainement aucune utilité. Les Damaras de l’Afrique méridionale recherchent chez leur bétail l’uniformité de couleur et un énorme développement des cornes. Les Mongols estiment leurs yaks pour leur queue blanche. Je montrerai maintenant qu’il n’y a pas de particularité chez nos animaux utiles qui, par mode, superstition, ou tout autre motif, n’ait été recherchée, et par conséquent conservée. Pour le bétail, Youatt[63] cite un ancien document, qui parle de cent vaches blanches à oreilles rouges ayant été réclamées comme compensation par les princes du pays de Galles, le chiffre de cent cinquante devait être fourni, si les animaux étaient de couleur foncée ou noire. On s’inquiétait donc dans ce pays de la couleur à une époque antérieure à celle de son annexion à l’Angleterre. Dans l’Afrique centrale, on abat un bœuf qui frappe le sol avec sa queue, et dans le sud, quelques Damaras ne veulent pas manger la chair d’un bœuf tacheté. Les Cafres estiment un animal dont la voix est musicale, et dans une vente qui eut lieu dans la Cafrerie anglaise, le beuglement d’une génisse excita une telle admiration, qu’une foule d’acheteurs se disputèrent sa possession, et elle atteignit un prix considérable[64]. En ce qui concerne les moutons, les Chinois préfèrent les béliers sans cornes ; les Tartares préfèrent ceux qui les ont enroulées en spirale, parce qu’ils croient que les béliers inermes sont moins courageux[65]. Quelques Damaras ne mangent pas la viande de mouton sans cornes. En France, à la fin du xve siècle, les chevaux à manteau liart pommé étaient les plus estimés. Les Arabes ont un proverbe : « N’achète jamais un cheval aux quatre pieds blancs, car il porte son linceul avec lui[66] ; » et comme nous l’avons vu, ils méprisent les chevaux isabelles. Anciennement, Xénophon et d’autres avaient des préjugés contre certaines couleurs chez le chien, et on n’estimait pas les chiens de chasse blancs ou de nuance ardoisée[67].

Les anciens gourmets romains recherchaient, comme étant le plus savoureux, le foie de l’oie blanche. On élève au Paraguay les volailles à peau noire, parce qu’on les regarde comme plus productives, et leur chair comme plus convenable pour les convalescents[68]. Sir R. Schomburgk m’apprend que les naturels de la Guiane ne veulent manger ni la chair ni les œufs de volaille, dont ils élèvent cependant deux races distinctes à titre d’ornement. On élève aux îles Philippines jusqu’à neuf sous-variétés distinctes et dénommées de la race de Combat, il faut donc qu’on les maintienne séparées.

En Europe, chez nos animaux les plus utiles, on fait aujourd’hui attention à la plus petite particularité, soit par mode, soit comme marque de la pureté du sang. J’en citerai deux exemples parmi le grand nombre de ceux qu’on connaît. Dans les comtés occidentaux de l’Angleterre, le préjugé contre un porc blanc est presque aussi prononcé que l’est celui contre un porc noir en Yorkshire. Dans une des sous-races du Berkshire, le blanc doit être restreint aux quatre pieds, une petite tache entre les yeux, et quelques poils blancs derrière les épaules. Trois cents porcs en la possession de M. Saddler portaient ces marques[69]. Vers la fin du siècle dernier, Marshall[70], parlant d’un changement opéré dans une des races bovines du Yorkshire, dit qu’on avait considérablement modifié les cornes, une corne petite, nette, et aiguë, étant devenue fashionable depuis une vingtaine d’années. Dans une partie de l’Allemagne, la race de Gfœhl est estimée pour plusieurs bonnes qualités, mais il faut que ses cornes aient une certaine nuance et une courbure particulière, au point que lorsqu’elles menacent de prendre une mauvaise direction, on a recours à des moyens mécaniques pour les ramener dans la bonne ; mais les habitants considèrent comme un fait de la plus haute importance et indispensable, que les naseaux du taureau soient de couleur chair, et les cils clairs. On n’achèterait pas, ou on ne donnerait qu’un prix très-bas d’un veau à naseaux foncés[71]. Personne ne peut donc dire qu’il y ait des caractères ou des détails trop insignifiants pour attirer l’attention et mériter les soins des éleveurs.

Sélection inconsciente. — Ainsi que cela a déjà été expliqué, j’entends par cette expression, la conservation par l’homme des individus les plus estimés, et la destruction des plus inférieurs, sans intention volontaire de sa part d’altérer ou de modifier la race. Des preuves directes des résultats qui découlent de ce mode de sélection sont difficiles à donner, mais les preuves indirectes abondent. En fait, si ce n’est que dans un des cas, l’homme agit avec intention, et pas dans l’autre, il y a peu de différence entre la sélection méthodique et la sélection inconsciente. Dans les deux cas, l’homme conserve les animaux qui lui sont les plus utiles, ou lui plaisent le plus, et détruit ou néglige les autres. Mais les résultats de la sélection méthodique sont incontestablement plus prompts que ceux de la sélection inconsciente. L’épuration des plates-bandes par les horticulteurs, et la loi promulguée sous le règne de Henri VIII, ordonnant la destruction de toutes les juments au-dessous d’une certaine taille, sont des exemples du contraire de la sélection dans le sens ordinaire du mot, mais conduisant néanmoins au même résultat général. L’influence de la destruction d’individus pourvus d’un caractère particulier est bien démontrée par la nécessité de supprimer tout agneau ayant quelques traces de noir, si on veut maintenir un troupeau blanc ; ou encore par les effets qu’ont eues sur la taille moyenne des hommes en France les guerres meurtrières de Napoléon, dans lesquelles beaucoup d’hommes grands ont péri, les plus petits seuls étant restés pour être pères de famille. C’est du moins la conclusion à laquelle sont arrivés ceux qui ont étudié de près la conscription, et il est positif que, depuis le temps de Napoléon, le minimum de la taille pour l’armée a dû être abaissé à deux ou trois reprises.

La sélection inconsciente se confond avec la méthodique au point qu’il est difficile de les distinguer. Lorsqu’un éleveur a autrefois remarqué un pigeon ayant un bec particulièrement court, ou un autre avec des rectrices plus développées qu’à l’ordinaire, bien qu’il ait fait reproduire ces oiseaux, avec l’idée arrêtée de propager ces variétés, il ne pouvait pas alors avoir l’intention de faire un Culbutant à courte face ou un pigeon paon, et était bien loin de se douter qu’il eût fait le premier pas vers ce but. S’il avait pu connaître le résultat final, il aurait été frappé d’étonnement, mais, d’après ce que nous savons des habitudes des amateurs, probablement pas d’admiration. Nos Messagers, Barbes, etc., ont été considérablement modifiés de la même manière, comme nous pouvons l’inférer tant des preuves historiques données dans le chapitre sur le Pigeon, que de la comparaison des oiseaux importés de pays éloignés.

Il en a été de même pour les chiens ; nos chiens courants pour la chasse au renard diffèrent beaucoup de l’ancien courant anglais ; nos lévriers sont devenus plus légers ; le chien-loup, qui appartenait au groupe du lévrier, s’est perdu ; le chien d’Écosse, pour la chasse au cerf, s’est modifié et est maintenant rare. Nos bulldogs diffèrent de ceux employés autrefois pour combattre le taureau. Nos pointers et Terreneuves ne ressemblent que peu aux chiens qu’on trouve actuellement dans les pays d’où ils ont été importés. Ces changements ont été en partie effectués par des croisements ; mais, dans tous les cas, le résultat a été réglé par une sélection rigoureuse. On n’a néanmoins aucune raison pour supposer que l’homme ait intentionnellement et méthodiquement voulu amener les races à être exactement ce qu’elles sont aujourd’hui. À mesure que nos chevaux sont devenus plus rapides, le pays plus cultivé et plus uni, des chiens courants plus légers et plus prompts ont été désirés et produits, sans que personne ait probablement prévu distinctement ce qu’ils deviendraient. Nos pointers et nos setters, ces derniers provenus certainement de grands épagneuls, ont été beaucoup modifiés pour les besoins de la mode, et en vue d’une vélocité plus grande. Les loups se sont éteints, les cerfs devenus rares, les combats de taureaux ont cessé, et ces changements ont entraîné des changements correspondants dans les races de chiens. Mais nous pouvons être certains que lorsqu’on a cessé les combats de taureaux et de chiens, personne ne s’est dit : je vais maintenant faire des chiens plus petits et créer la race actuelle. À mesure que les circonstances ont changé, l’homme a aussi changé, lentement et d’une manière inconsciente, la direction primitive qu’il avait d’abord imprimée à la sélection.

Chez les chevaux de course la sélection a été méthodiquement poursuivie en vue d’augmenter leur vitesse, et nos chevaux actuels battraient facilement leurs ancêtres. L’augmentation de taille, et l’apparence différente du cheval de course anglais sont telles, qu’il serait impossible de concevoir actuellement qu’il descende d’une combinaison du cheval arabe et de la jument africaine[72]. Ce changement est, selon toute probabilité, le résultat d’une sélection inconsciente, et des efforts faits dans chaque génération pour produire des animaux aussi fins et aussi beaux que possible, sans qu’on eût dès l’origine aucune intention préconçue de leur donner l’apparence qu’ils ont aujourd’hui. D’après Youatt[73], l’importation au temps de Cromwell de trois étalons célèbres venant d’Orient modifia promptement la race anglaise, car lord Harleigh, de la vieille école, se plaignait que le grand cheval disparaissait rapidement. Il y a là une bonne preuve d’une application rigoureuse de la sélection, car, sans cela, les traces d’une si petite infusion de sang oriental n’eussent pas tardé à disparaître et à être absorbées, bien que le climat de l’Angleterre n’ait jamais été considéré comme particulièrement favorable au cheval, une sélection longtemps soutenue, tant méthodique qu’inconsciente, succédant à celle pratiquée par les Arabes dès une époque fort ancienne, n’en a pas moins fini par nous donner une des meilleures races du monde. Macaulay[74] fait à ce sujet la remarque suivante : « Deux hommes réputés de grandes autorités dans la matière, le duc de Newcastle et sir J. Fenwick, avaient prononcé que la moindre rosse, venant de Tanger, donnerait une meilleure descendance que celle qu’on pourrait espérer du meilleur étalon indigène. Ils n’auraient pas cru, à ce moment, qu’il viendrait un temps où les princes et les nobles des pays voisins seraient aussi désireux d’avoir des chevaux anglais, que les Anglais d’alors l’étaient d’obtenir des chevaux barbes. »

Le cheval de gros trait de Londres, si différent par son apparence de toute espèce naturelle, et dont l’énorme taille a tellement étonné bien des princes orientaux, doit probablement son origine à une sélection, poursuivie pendant un grand nombre de générations, des animaux les plus lourds et les plus puissants d’Angleterre et des Flandres, sans aucune intention de créer un cheval comme celui que nous avons aujourd’hui. Ainsi que Schaaffhausen[75] le fait remarquer, si nous remontons le cours de la période historique, nous voyons dans les statues de l’antiquité grecque des chevaux ne ressemblant ni au cheval de course, ni à celui de trait, et différant de toute race connue.

On peut nettement apprécier les effets de la sélection inconsciente, par les différences que présentent les troupeaux élevés séparément par de bons éleveurs, et provenant de la même souche. Youatt[76] donne un exemple frappant de ce fait, dans les moutons appartenant à MM. Buckley et Burgess, qui ont été conservés purs depuis plus de cinquante ans, et descendent de la souche créée par Bakewell. Il ne peut y avoir aucun doute, sur le fait, que ces deux éleveurs aient jamais dévié du sang pur de la souche originelle de Bakewell, et cependant les différences entre les moutons de ces deux troupeaux sont assez considérables pour qu’ils paraissent appartenir à des variétés différentes. J’ai observé des exemples analogues et très-marqués chez les pigeons ; ainsi une famille de Barbes que j’ai eue en ma possession, descendant de ceux de sir J. Sebright, et une autre provenant d’un autre éleveur, différaient l’une de l’autre d’une manière très-appréciable. Nathusius, — dont la compétence en ces matières est incontestable, — remarque que chez les Courtes-cornes, dont l’apparence est très-uniforme (la coloration exceptée), chaque troupeau porte comme une empreinte du caractère individuel et des goûts de celui qui l’élève, de sorte que les divers troupeaux diffèrent quelque peu les uns des autres[77]. Le bétail Hereford a acquis ses caractères actuels bien marqués vers 1769, à la suite d’une sélection rigoureuse opérée par M. Tomkins[78] ; mais cette race vient récemment de se séparer en deux branches, — dont l’une a la face blanche, et présente encore quelques légères différences sur d’autres points[79] ; mais on n’a aucune raison pour croire que cette séparation, dont l’origine est inconnue, ait été intentionnelle ; on peut, avec probabilité, l’attribuer à ce que les divers éleveurs ont porté leur attention sur des points différents. De même, en 1810, la race de porcs du Berkshire avait beaucoup changé depuis l’année 1780 ; et depuis 1810, deux sous-races distinctes au moins ont porté ce même nom[80]. Si nous réfléchissons à la rapidité avec laquelle tous les animaux se multiplient, et que chaque année il faut en détruire et en conserver pour la reproduction, lorsque c’est le même éleveur qui, pendant un long laps de temps, fait toujours le choix des individus à conserver, il est à peu près impossible que ses dispositions individuelles n’influent pas sur les caractères de ses produits, et n’impriment ainsi un cachet particulier à son troupeau, sans aucune intention préconçue de sa part de modifier la race, ou de créer une branche nouvelle.

La sélection inconsciente, dans le sens le plus strict du terme, c’est-à-dire, la conservation des animaux les plus utiles, et la destruction, ou tout au moins l’abandon, de ceux qui le sont moins, sans aucun souci de l’avenir, a dû se pratiquer dès les temps les plus reculés, et chez les nations les plus barbares. Les sauvages ont souvent à souffrir de la famine, et sont quelquefois chassés de leur pays par la guerre. On ne peut douter que, dans ces cas, ils ne doivent chercher à sauver leurs animaux les plus utiles. Lorsque les natifs de la Terre de Feu sont fortement poussés par le besoin, ils tuent leurs vieilles femmes pour les manger, plutôt que leurs chiens, en disant que les vieilles femmes ne servent à rien, tandis que les chiens prennent les loutres ; et le même sentiment les portera à conserver leurs meilleurs chiens, lorsqu’ils seront encore plus fortement pressés par le besoin. M. Oldfield qui a beaucoup étudié les indigènes d’Australie, m’informe qu’ils sont tous très-contents de pouvoir se procurer un chien européen, et on cite plusieurs cas connus d’un père ayant tué son enfant, pour que la mère pût allaiter le précieux animal. Comme il faut aux Australiens pour chasser les kanguroos et les opossums, et aux Fuégiens pour attraper le poisson et les loutres, des chiens différents, la conservation dans chacun de ces pays des animaux les plus utiles aura définitivement eu pour résultat la formation de deux races très-distinctes.

Dès les premiers pas de la civilisation, la meilleure variété connue à chaque période a dû être plus généralement cultivée, et sa graine a pu être occasionnellement semée, il a dû en résulter une sorte de sélection dès une époque très-reculée, mais sans type de perfection préconçu ni aucune pensée d’avenir. Nous profitons aujourd’hui d’une sélection qui a été poursuivie d’une manière inconsciente pendant des milliers d’années. C’est ce que prouvent les recherches de Oswald Heer, sur les habitations lacustres de la Suisse, montrant que les graines de nos variétés actuelles de froment, d’orge, d’avoine, de pois, fèves, lentilles et de pavots, dépassent en grosseur celles qui étaient cultivées en Suisse pendant les périodes néolithique et du bronze. Les peuples anciens de la période néolithique, possédaient un pommier sauvage beaucoup plus grand que celui qui croit actuellement dans le Jura[81]. Les poires décrites par Pline étaient évidemment fort inférieures en qualité à celles que nous cultivons à présent. Nous pouvons actuellement réaliser les effets d’une sélection et d’une culture prolongées d’une autre manière, car, aujourd’hui, personne ne chercherait à obtenir une pomme de premier ordre de la graine d’un vrai pommier sauvage, ou une poire succulente et fondante d’un poirier de même origine. Alph. de Candolle m’informe qu’il a eu occasion de voir à Rome sur une ancienne mosaïque une représentation du melon, et comme les Romains, gourmands comme ils l’étaient, ne mentionnent pas ce fruit, il en conclut que le melon a dû être grandement amélioré depuis l’époque classique.

Plus récemment, Buffon[82] comparant les fleurs, fruits et légumes cultivés de son temps avec de fort bons dessins faits cent cinquante ans auparavant, fut frappé des améliorations énormes réalisées depuis, et remarque que ces anciennes fleurs et légumes seraient non-seulement dédaignés par un horticulteur, mais même par un jardinier de village. Depuis Buffon, l’amélioration a continué rapidement, et tous les fleuristes qui comparent les fleurs actuelles avec celles figurées dans les livres publiés il n’y a pas bien longtemps, sont étonnés du changement. Un amateur[83] rappelle, au sujet des variétés de Pélargoniums produites par M. Garth vingt-deux ans auparavant, combien elles avaient fait fureur ; elles paraissaient alors être l’extrême perfection, et aujourd’hui on ne daignerait pas les honorer d’un regard ; on n’en doit pas moins de la reconnaissance à ceux qui ont vu ce qu’on pouvait faire, et l’ont fait. M. Paul[84], horticulteur, remarque à propos de cette plante, dont les figures, dans l’ouvrage de Sweet, l’avaient tellement charmé dans sa jeunesse, qu’elles ne sont cependant comparables en rien aux Pélargoniums actuels. Ici encore la nature n’a pas avancé par sauts ; l’amélioration a été graduelle, et si on avait négligé ces pas progressifs, les beaux résultats actuels n’auraient pas été obtenus. Le Dahlia s’est amélioré d’une manière semblable, suivant une direction imprimée par la mode, et par une série de modifications lentes et successives[85]. Des changements graduels et continus ont été signalés dans beaucoup d’autres fleurs ; ainsi, un ancien fleuriste[86], après avoir décrit les principales variétés des œillets cultivés en 1813, ajoute : « c’est à peine si on daignerait aujourd’hui employer les œillets d’alors pour garnir des bordures ». L’amélioration de tant de fleurs, et le nombre de variétés qui ont été produites, sont des faits d’autant plus frappants, que le plus ancien jardin à fleurs d’Europe connu, celui de Padoue, ne remonte qu’à l’an 1545[87].

Effets de la sélection, manifestés par le fait que les parties les plus estimées par l’homme sont celles qui présentent les plus grandes différences. — L’influence d’une sélection prolongée, méthodique ou inconsciente, est très-apparente, si on compare les différences existant entre les variétés d’espèces distinctes, qu’on recherche pour certaines particularités, dans les feuilles, les tiges, tubercules, graines, fruits ou fleurs. La partie qui a de la valeur pour l’homme sera toujours celle qui présentera les plus grandes différences. Chez les arbres qu’on cultive pour leurs fruits, ceux-ci sont toujours plus gros que dans l’espèce parente ; chez les arbres cultivés pour leur graine, comme les noisetiers, noyers, amandiers, châtaigniers, etc., c’est la graine elle-même qui est la plus grosse ; Sageret l’explique par le fait que la sélection a été pendant des siècles appliquée au fruit dans le premier cas, et à la graine dans le second. Gallesio fait la même observation. Godron insiste sur la diversité des tubercules de la pomme de terre, des bulbes de l’oignon, et des fruits du melon ; les autres parties de ces mêmes plantes se ressemblant d’ailleurs beaucoup[88].

Pour m’assurer de l’exactitude de mes impressions sur ce sujet, j’ai cultivé un grand nombre de variétés de la même espèce rapprochées les unes des autres. Voici quelques-uns des résultats de mes comparaisons. Nous avons vu dans le neuvième chapitre combien les variétés du chou diffèrent par le feuillage et les tiges, tout en se ressemblant beaucoup par les fleurs, les capsules et les graines. Dans sept variétés du radis, les racines différaient énormément par la couleur et la forme, sans qu’il fût possible d’apprécier aucune différence dans leur feuillage, leurs fleurs, ou leurs graines. Le contraste est frappant au contraire, si nous comparons les fleurs des variétés de ces deux plantes avec celles des espèces que nous cultivons comme ornement dans nos jardins, ou leurs graines avec celles de nos variétés de maïs, de pois, haricots, etc., que nous recherchons et élevons pour la graine. Nous avons vu que les variétés de pois ne diffèrent que peu, si ce n’est par la taille de la plante, un peu par la forme des cosses, mais beaucoup par le pois lui-même, qui est le point essentiel, et celui auquel on applique la sélection. Les variétés du Pois sans parchemin diffèrent plus par la gousse, laquelle, comme on le sait, est recherchée pour être mangée. J’ai cultivé douze variétés de fèves ; une d’elles, la Dwarf fan, différait seule par son apparence générale ; deux, par la couleur des fleurs, qui étaient albinos dans l’une et entièrement, au lieu de partiellement pourpres dans l’autre ; plusieurs différaient beaucoup par la forme et la grosseur de la gousse, mais encore plus par la fève même, la partie essentielle de la plante. La fève Toker, par exemple, est deux fois et demie aussi longue et aussi large que la féverole, et plus mince et d’une forme différente.

Les variétés du groseillier diffèrent considérablement par le fruit, mais à peine par leurs fleurs ou organes de végétation. Chez le prunier, les différences sont également plus grandes chez les fruits que dans le feuillage ou les fleurs. Les graines du fraisier, qui correspondent au fruit du prunier, ne diffèrent presque pas du tout ; tandis que chacun sait combien le fruit, — qui dans la fraise n’est que le réceptacle développé, — est différent dans les diverses variétés. Dans les pommiers, poiriers et pêchers, les fleurs et feuilles diffèrent considérablement, mais pas d’une manière aussi forte que les fruits. Les pêchers chinois à fleurs doubles montrent, d’autre part, qu’on a formé des variétés de cet arbre, différant plus par la fleur que par le fruit. Si, comme cela est extrêmement probable, le pêcher est un descendant modifié de l’amandier, il s’est opéré des changements remarquables dans une même espèce, dans la pulpe charnue des fruits du premier, et dans les noyaux du second.

Lorsque des parties se trouvent en connexion aussi intime l’une avec l’autre que le sont la pulpe (quelque puisse être sa nature au point de vue homologique) et le noyau, si l’une d’elles est modifiée, l’autre l’est en général aussi, mais pas nécessairement au même degré. Dans le prunier, par exemple, quelques variétés donnent des prunes presque semblables, mais dont les noyaux peuvent différer beaucoup ; d’autres, au contraire, peuvent porter des fruits très-dissemblables, mais dont les noyaux sont presque identiques ; et en général les noyaux, quoique non soumis à la sélection, varient passablement suivant les variétés. Dans d’autres cas, des organes entre lesquels on ne peut saisir de relation apparente varient ensemble, en suite de quelque liaison inconnue, et par conséquent sont susceptibles, sans intention de la part de l’homme, de céder simultanément à l’action de la sélection. Ainsi les variétés de Giroflées (Matthiola), qui ont été choisies uniquement pour la beauté de leurs fleurs, ont des graines différant considérablement par leur grosseur et leur couleur. Des variétés de laitues qu’on ne cultive que pour leurs feuilles produisent également des graines un peu différentes. Généralement, en vertu de la loi de corrélation, quand une variété diffère beaucoup des autres par un caractère, elle en diffère jusqu’à un certain point par plusieurs autres. J’ai observé ce fait en cultivant ensemble un grand nombre de variétés d’une même espèce, car, dressant successivement des listes des variétés qui différaient le plus par leur feuillage et leur mode de croissance, puis par leurs fleurs, leurs capsules, et enfin par leurs graines mûres, je trouvai ordinairement que les mêmes noms se représentaient dans deux, trois ou quatre de mes listes. Mais les plus fortes différences portaient toujours, autant que j’ai pu en juger, sur les organes pour lesquels la plante est spécialement cultivée.

Si nous songeons que toute plante a dû être en premier cultivée par l’homme en raison de l’utilité qu’elle pouvait avoir pour lui, que ses variations n’ont été qu’une conséquence souvent très-postérieure de la culture, nous ne pouvons pas expliquer la plus grande diversification des parties les plus recherchées, par la supposition que l’homme ait primitivement choisi les espèces ayant une tendance spéciale à varier dans une direction particulière. Le résultat ne peut être attribué qu’au fait que les variations de ces parties ont été successivement conservées, et ainsi continuellement accumulées, tandis que les autres variations ont été négligées et se sont perdues, à l’exception de celles qui, par corrélation, accompagnaient les premières. Nous pouvons en inférer qu’on pourrait, par une sélection prolongée, arriver à créer des races aussi différentes sur un point de conformation quelconque, que le sont, par leurs caractères utiles et recherchés, celles qu’on cultive actuellement.

Nous remarquons quelque chose d’analogue chez les animaux, bien qu’ils n’aient pas été domestiqués en assez grand nombre, ni fourni assez de variétés pour une bonne comparaison avec les plantes. Chez les moutons, on recherche la laine ; aussi diffère-t-elle dans les diverses races bien plus que le poil chez le gros bétail. On ne demande aux moutons, chèvres, bêtes à cornes et porcs, ni force ni agilité, aussi ne possédons-nous pas de races différant sous ce rapport entre elles, comme le cheval de course et celui de trait. Mais ces qualités sont recherchées chez le chameau et le chien, aussi trouvons-nous dans la première espèce, le dromadaire et le chameau pesant ; et dans la seconde, le lévrier et le dogue. On recherche enfin encore plus, chez le chien, la finesse des sens et certaines facultés mentales, et chacun sait combien les races diffèrent entre elles sous ces rapports. Dans les pays où, par contre, comme dans les îles Polynésiennes et en Chine, le chien n’a d’autre utilité que de servir de nourriture, on le signale comme étant un animal fort stupide[89]. Blumenbach a déjà remarqué que certains chiens, tels que le basset, ont une conformation si remarquablement appropriée à certaines exigences, que, dit-il, « je ne puis me persuader que cette structure bizarre puisse n’être que la conséquence accidentelle d’une dégénération[90]. » Si Blumenbach avait songé au grand principe de la sélection, il n’aurait pas prononcé le mot de dégénération, et il n’aurait pas été étonné que les chiens et autres animaux se soient si complètement adaptés au service de l’homme.

Nous pouvons conclure, en somme, que toutes les parties ou caractères qui sont les plus recherchés, — qu’il s’agisse des feuilles, tiges, tubercules, bulbes, fleurs, fruits ou graines chez les plantes ; ou de la taille, force, agilité, pelage ou intelligence chez les animaux, — se trouveront invariablement être ceux qui présenteront les plus grandes différences quant à la nature et au degré. Ce résultat est évidemment attribuable à ce que l’homme a, pendant une longue suite de générations, conservé les variations qui lui étaient utiles, et négligé les autres.

Je terminerai ce chapitre par quelques remarques sur un sujet important. Chez les animaux comme la girafe, dont toute la conformation est si admirablement adaptée à certains besoins, on a supposé que toutes ses parties ont dû être simultanément modifiées, et on a objecté que cela était impossible d’après la sélection naturelle. Mais en raisonnant ainsi, on a tacitement admis que les variations ont dû être très-grandes et brusques. Si le cou d’un ruminant venait à s’allonger considérablement et subitement, il n’est pas douteux que ses membres antérieurs et son dos devraient nécessairement et simultanément être modifiés et renforcés ; mais on ne peut nier qu’un animal ne pût avoir son cou, sa tête, sa langue ou ses membres antérieurs un peu allongés, sans que les autres parties du corps dussent nécessairement présenter des modifications correspondantes ; mais ainsi légèrement modifié, l’individu, pendant une disette, par exemple, possédant un léger avantage sur les autres, et pouvant atteindre aux branchilles d’arbres un peu plus élevées, leur survivrait ; car quelques bouchées de plus ou de moins dans la journée peuvent faire toute la différence entre la vie et la mort. Par la répétition du même fait, l’entre-croisement éventuel des survivants, il y aurait un progrès, si lent et fluctuant qu’il puisse être, vers la structure si étonnamment coordonnée de la girafe. Si le pigeon Culbutant à courteface, avec sa tête globuleuse, son petit bec conique, son corps rond, ses petites ailes et ses pattes courtes, — tous caractères bien harmonisés, — eût été une espèce naturelle, on aurait regardé sa conformation comme parfaitement adaptée à sa vie ; cependant, d’après ce que nous avons vu, les éleveurs, étant forcés de prendre successivement point par point, ne peuvent jamais parvenir à améliorer toute la structure à la fois. Le lévrier, ce type parfait de grâce, de symétrie, de légèreté et de vigueur, ne le cède à aucune espèce naturelle sous le rapport d’une conformation admirablement coordonnée, avec sa tête effilée, son corps svelte, sa poitrine profonde, son abdomen relevé, sa queue de rat et ses longs membres musculeux, tout lui permettant d’atteindre une grande rapidité, et de forcer une proie faible. Or, d’après ce que nous savons de la variabilité des animaux, et des procédés différents que les éleveurs emploient pour améliorer leurs souches, — les uns s’occupant d’un point, les autres d’un autre, quelques-uns ayant recours aux croisements pour corriger les défauts, — nous pouvons être certains que, si nous pouvions embrasser toute la série des ancêtres d’un lévrier de premier ordre, en remontant jusqu’à son point de départ, un chien-loup sauvage, nous verrions un nombre infini de gradations insensibles, tantôt dans un caractère, tantôt dans un autre, mais conduisant toutes vers le type actuel. C’est par des pas peu considérables et incertains que la nature a progressé dans sa marche vers l’amélioration et le développement.

On peut appliquer aux organes séparés le même raisonnement qu’à l’organisme entier. Un auteur[91] a récemment soutenu que « il n’y a rien d’exagéré à supposer que, pour perfectionner un organe comme l’œil, il faille l’améliorer d’emblée dans dix sens différents ; et l’improbabilité qu’un organe complexe puisse être produit et amené à la perfection de cette manière est du même genre que celle qu’on aurait de produire un poëme ou une démonstration mathématique en jetant au hasard des lettres sur une table. » Si l’œil était modifié brusquement et fortement, il faudrait sans doute qu’un grand nombre de ses parties fussent simultanément changées, pour que l’organe pût demeurer utile.

Mais est-ce le cas pour les changements plus petits ? Il y a des gens qui ne voient distinctement que dans une lumière affaiblie, circonstance qui dépend d’une sensibilité anormale de la rétine, et est héréditaire. Si maintenant un oiseau dut, par exemple, tirer quelque avantage de bien voir au crépuscule, tous les individus doués d’une grande sensibilité de la rétine, jouissant de cet avantage, auraient le plus de chances de survivre, et il pourrait en être de même de ceux qui auraient l’œil plus grand, ou la pupille plus dilatable, sans que ces modifications dussent nécessairement être simultanées. Des croisements ultérieurs entre ces individus donneraient des produits doués des avantages respectifs de leurs ascendants. De légers changements successifs de cette nature amèneraient peu à peu l’œil de l’oiseau diurne à ressembler à celui du hibou, qu’on a fréquemment invoqué comme un excellent exemple d’adaptation. La myopie, qui est souvent héréditaire, permet à celui qui en est affecté de voir distinctement un petit objet à une distance assez rapprochée pour être indistinct pour un œil ordinaire ; il y a donc là une apparition soudaine d’une aptitude qui, dans certaines conditions, peut être avantageuse. Les Fuégiens, à bord du Beagle, pouvaient voir des objets éloignés beaucoup plus distinctement que nos matelots, malgré toute leur longue pratique ; j’ignore si cette aptitude dépend d’une sensibilité nerveuse, ou du pouvoir de l’accommodation de l’œil, mais il est probable qu’elle peut être légèrement augmentée par d’autres modifications successives et de diverses natures. Les animaux amphibies, qui sont capables de voir dans l’eau et dans l’air, doivent avoir, et, ainsi que l’a montré M. Plateau[92], ont effectivement des yeux construits sur le plan suivant : « La cornée est toujours plate, ou au moins très-aplatie devant le cristallin, sur un espace égal au diamètre de cette lentille, tandis que les parties latérales peuvent être très-bombées. » Le cristallin est à peu près sphérique, et les humeurs de l’œil ont presque la densité de l’eau. Un animal terrestre acquérant peu à peu des habitudes de plus en plus aquatiques, de très-faibles changements dans les courbures de la cornée ou du cristallin, dans la densité des humeurs, ou l’inverse, peuvent survenir successivement, et, sans altérer sérieusement la vision aérienne, être avantageux à l’animal quand il est sous l’eau. Il est, cela va sans dire, impossible de conjecturer comment la conformation fondamentale de l’œil des vertébrés a pu être acquise originellement, car nous ne connaissons absolument rien sur la structure de cet organe chez les premiers ancêtres de la classe. Quant aux animaux les plus inférieurs de l’échelle animale, les états de transition par lesquels l’œil a probablement dû primitivement passer peuvent être indiqués par analogie, comme j’ai cherché à le faire dans mon Origine des espèces[93].



  1. Le terme de sélection inconsciente a été contesté comme impliquant une contradiction ; mais le professeur Huxley, dans Nat. Hist. Review, Oct. 1864, p. 578, fait à ce sujet d’excellentes observations, et remarque que, lorsque le vent amoncelle des dunes de sable, il trie et choisit d’une manière inconsciente, au milieu du gravier de la grève, les grains de sable de grosseur égale.
  2. Sheep, 1838, p. 60.
  3. J. Wright, On Shorthorn Cattle ; Journ. of R. Agric. Soc, vol. vii, p. 208, 209.
  4. H. D. Richardson, On Pigs, 1847, p. 44.
  5. Journ. of R. Agric. Soc., vol. I, p. 24.
  6. Sheep, p. 319, 520.
  7. Loudon’s, Mag. of Nat. Hist., vol. VIII, 1835, p. 618.
  8. Treatise on the Art of Breeding the Almond Tumbler, 1851, p.9.
  9. Recreations in Agriculture, vol. II, p. 409.
  10. Youatt, On Cattle, p. 191, 227.
  11. Fergurson, Prize Poultry, 1854, p. 208.
  12. Wilson, Trans. Highland Agr. Soc., cité dans Gard. Chronicle, 1844, p. 29.
  13. Simmoods, cité dans Gardener’s Chronicle, 1855, p. 637. — Youatt, On Sheep, p. 171.
  14. Robinet, Vers à soie, 1848, p. 271.
  15. Quatrefages, Les maladies des vers à soie, 1859, p. 101.
  16. M. Simon, Bull. Soc. d’accl., t. IX, 1862, p. 221.
  17. The Poultry Chronicle, vol. I, 1854, p. 607.
  18. J. M. Eaton, Treatise on Fancy Pigeons, 1852, p. xiv. — Treatise on Almond Tumbler, 1851, p. 11.
  19. Journ. Roy. Agric. Soc., vol. VI, p. 22.
  20. Poultry Chronicle, vol. II, 1855, p. 596.
  21. Isid. G. Saint-Hilaire, Hist. nat. gén., t. III, p. 254.
  22. Gardener’s Chronicle, 1850, p. 198.
  23. Transact. Hort. Soc., vol. VI, p. 152.
  24. Journ. of Horticult., 1862, p. 369.
  25. Trans. Hort. Soc., vol. IV, p. 381.
  26. Ibid., p. 285.
  27. Rev. W. Bromehead, Gard. Chron., 1857, p. 550.
  28. Gardener’s Chronicle, 1862, p. 721.
  29. Dr Anderson, The Bee, vol. VI, p. 96. — Barnes, Gardener’s Chronicle, 1844, p. 476.
  30. Godron, O. C., 1859, t. II, p. 69. — Gardener’s Chronicle, 1854, p. 258.
  31. On Sheep, p. 18.
  32. Volz, Beiträge zur Kulturgeschichte, 1852, p. 47.
  33. Mitford, History of Greece, vol. I, p. 73.
  34. D. Dally, Anthropol. Review, 1864, p. 101.
  35. Volz, O. C., p. 80.
  36. Hist. du monde, chap. 45.
  37. Gardener’s Chronicle, 1848, p. 323.
  38. Reynier, De l’Économie des Celtes, 1818, p. 487, 503.
  39. Le Couteur, On Wheat, p. 15.
  40. Michel, Des Haras, 1861, p. 84.
  41. Sir W. Wilde, Essay on unmanufactured animal remains, etc., 1860, p. 11.
  42. Col. H. Smith, Nat. Library, vol. XII, Horses, p. 135, 140.
  43. Michel. O. C., p. 90.
  44. Baker, History of the Horse, Veterinary, vol. XIII. p. 423.
  45. L’abbé Carlier, Journal de physique, vol. XXIV, 1784, p. 181, mémoire qui renferme beaucoup de renseignements sur la sélection ancienne des moutons ; c’est là que j’ai trouvé rapporté le fait relatif à la défense d’abattre les jeunes béliers en Angleterre.
  46. Gardener’s Chronicle, 1843, p. 389.
  47. Communications to Board of Agriculture, cité dans Phytologia, de Dr Darwin, 1800, p. 451.
  48. Mémoire sur les Chinois, 1786, t. XI, p. 55 ; t. v, p. 507.
  49. Recherches sur l’agriculture des Chinois, par L. D’Hervey Saint-Denys, 1850, p. 229. — Pour Khang-hi, voir Huc, Chinese Empire, p. 311.
  50. Anderson, Linn. Transact., vol. XII, p. 253.
  51. Savants étrangers, t. VI, 1835, p. 333.
  52. Des Quadrupèdes du Paraguay, 1801, t. II, p. 333, 371.
  53. The Great Sahara, par Rev. H. B. Tristam, 1860, p. 238.
  54. Pallas, Acta Acad. Saint-Petersbourg, 1777, p. 249. — Moorcroft et Trebeck, Travels in the Himalayan Provinces, 1841.
  55. Raffles, Indian Field, 1859, p. 196. — Pour Varron, voir Pallas, O. C.
  56. Erman, Travels in Siberia (trad. angl.), vol, I, p. 453.
  57. Voir Journ. of R. Geograph. Soc., vol. XIII, part. I, p. 65.
  58. Livingstone, First travels, p, 191, 439, 565. — Exped. to the Zambesi, 1865, p. 195, pour un cas analogue relatif à une race de chèvres.
  59. Andersson’s, Travels in South Africa, p. 232, 318, 319.
  60. Dr Vavasseur, Bull. Soc. d’acclimat., t. VIII, 1861, p. 136.
  61. Natural History of Dee Side, 1855, p. 476.
  62. Bull. Soc. d’acclimat., t. VII, 1860, p. 457.
  63. Cattle, p. 48.
  64. Livingstone, Travels, p. 576. — Andersson, Lake Ngami, 1856, p. 222. — Pour la vente en Cafrerie, Quarterly Review, 1866, p. 139.
  65. Mémoire sur les Chinois (par les jésuites), 1786, t. XI, p. 57.
  66. F. Michel, Des Haras, p. 47, 50.
  67. Col. H. Smith, Dogs, Nat. Library, vol. x, p. 103.
  68. Azara, O. C., t. II. p. 324.
  69. Youatt, édition Sidney, 1860, p. 24, 25.
  70. Rural Economy of Yorkshire, vol. II, p. 182.
  71. Moll et Gayot, Du bœuf, 1860, p. 547.
  72. Indian Sporting Review, vol. II, p. 181. — The Stud Farm, par Cecil, p. 98.
  73. The Horse, p. 22.
  74. History of England, vol. I, p. 316.
  75. Ueber Beständigkeit der Arten.
  76. On Sheep, p. 315.
  77. Ueber Shorthorn Rindvieh, 1857, p. 51.
  78. Low, Domesticated Animals, 1845, p. 363.
  79. Quarterly Review, 1849, p. 392.
  80. H. Von Nathusius, Vorstudien… Schweineschädel, 1864, p. 140.
  81. Dr Christ, dans Rütimeyer’s, Pfahlbauten, 1861, p. 226.
  82. Passage cité dans Bull. Soc. d’accl., 1858, p. 11.
  83. Journal of Horticulture, 1862, p. 394.
  84. Gardener’s Chronicle, 1857, p. 85.
  85. M. Wildman, Gardener’s Chronicle, 1843, p. 86.
  86. Journal of Horticulture, 24 Oct. 1865, p. 239.
  87. Prescott, History of Mexico, vol. II, p. 61.
  88. Sageret, Pomologie physiologique, 1830, p. 47. — Gallesio, Teoria, etc., 1816, p. 88. — Godron, De l’Espèce, 1859, t. II, p. 63, 67, 70. — J’ai donné, dans les dixième et onzième chapitres, quelques détails sur les pommes de terre, auxquels je pourrais ajouter des observations analogues sur l’oignon. J’ai aussi montré combien les remarques de Naudin sur les variétés du melon concordent avec les miennes.
  89. Godron, O. C., t. II, p. 27.
  90. The Anthropological Treatises of Blumenbach, 1865, p. 292.
  91. M. J. J. Murphy, dans son adresse d’ouverture à la Soc. d’Hist. naturelle de Belfast, 19 Nov. 1866, suit la série des arguments contre mes idées, déjà donnés précédemment avec plus de circonspection par le Rév. C. Pritchard, président de la Société royale d’Astronomie, dans son sermon prêché devant la British Association à Nottingham en 1866.
  92. Sur la Vision des Poissons et des Amphibies ; traduit dans Ann. et Mag. of Nat. Hist., t. XVIII, 1866. p. 469.
  93. Quatrième édition, 1866.