Depuis l’Exil Tome VIII Les décrets sur le Panthéon

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NOTE IX.

LES DÉCRETS SUR LE PANTHÉON.

Le Journal officiel du 28 mai 1885 publie le rapport suivant adressé au président de la République par les ministres de l’intérieur, de l’instruction publique et des finances :

Monsieur le président,

Le Panthéon, commencé sous le règne de Louis XV et terminé seulement sous la Restauration, a subi, même avant son achèvement définitif, des affectations diverses.

Par le décret-loi des 4-10 avril 1791, l’Assemblée nationale décida que « le nouvel édifice serait destiné à recevoir les cendres des grands hommes à dater de l’époque de la liberté française » ; elle décerna immédiatement cet honneur à Mirabeau.

En 1806, le décret du 20 février décida que l’église Sainte-Geneviève serait affectée au culte et confia au chapitre de Notre-Dame, augmenté à cet effet de six chapelains, le soin de desservir cette église. Il en remit la garde à un archiprêtre choisi par les chanoines. Il ordonnait la célébration de services solennels à certains anniversaires, notamment à la date de la bataille d’Austerlitz. Toutefois, ce décret, qui ne devait entrer en vigueur qu’après l’achèvement complet de la construction, ne fut pas exécuté.

L’ordonnance du 12 décembre 1821 rendit l’église au culte public et la mit à la disposition de l’archevêque de Paris pour être provisoirement desservie par des prêtres que ce prélat était chargé de désigner. La même ordonnance portait qu’il serait ultérieurement statué sur le service régulier et perpétuel qui devrait être fait dans ladite église et sur la nature de ce service. Cependant aucune décision n’intervint à cet égard, et l’église ne fut érigée ni en cure ni en succursale de la cure voisine. Elle n’avait donc encore reçu aucun titre légal lors de la révolution de 1830.

L’ordonnance du 26 août 1830 statua en ces termes :

« Louis-Philippe,

« Vu la loi des 4-10 avril 1791 ;

« Vu le décret du 20 février 1806 et l’ordonnance du 12 décembre 1821 ;

« Notre conseil entendu,

« Considérant qu’il est de la justice nationale et de l’honneur de la France que les grands hommes qui ont bien mérité de la patrie, en contribuant à sa gloire, reçoivent après leur mort un témoignage éclatant de l’estime et de la reconnaissance publiques ;

« Considérant que, pour atteindre ce but, les lois qui avaient affecté le Panthéon à une semblable destination doivent être remises en vigueur,

« Décrète :

« Article premier. — Le Panthéon sera rendu à sa destination primitive et légale ; l’inscription : Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante, sera rétablie sur le fronton. Les restes des grands hommes qui ont bien mérité de la patrie y seront déposés.

« Art. 2. — Il sera pris des mesures pour déterminer à quelles conditions et dans quelles formes ce témoignage de la reconnaissance nationale sera décerné au nom de la patrie.

« Une commission sera immédiatement chargée de préparer un projet de loi à cet effet.

« Art. 3. — Le décret du 20 février 1806 et l’ordonnance du 12 décembre 1821 sont rapportés. »

Ainsi, l’ordonnance qui précède faisait du Panthéon un lieu de sépulture non confessionnel, comme l’avait voulu l’Assemblée nationale. L’édifice était laïcisé.

Au lendemain du coup d’État, le décret du 6 décembre 1851 vint encore une fois rendre au culte l’ancienne église.

Ce décret porte :

« L’ancienne église de Sainte-Geneviève est rendue au culte, conformément à l’intention de son fondateur, sous l’invocation de sainte Geneviève, patronne de Paris.

« Il sera pris ultérieurement des mesures pour régler l’exercice permanent du culte catholique dans cette église. »

Un décret du 22 mars 1852 remit en vigueur les dispositions de celui de 1806 et reconstitua la communauté des chapelains de Sainte-Geneviève recrutée au concours avec traitement alloué par l’État.

À la suite de la loi de finances du 29 juillet 1831, qui supprima cette allocation, le chapitre a cessé de se compléter lors des vacances et ne contient plus que trois membres, lesquels ne reçoivent aucun traitement de l’État.

En résumé, le Panthéon n’est, comme la basilique de Saint-Denis, ni un édifice diocésain, ni un édifice paroissial. Il ne rentre pas dans la catégorie de ceux qui, aux termes de l’article 75 de la loi du 18 germinal an X, ont dû être mis à la disposition des évêques à raison d’un édifice par cure et par succursale. Le culte ne s’y célèbre pas d’une manière régulière et légale. Ce n’est la paroisse d’aucun citoyen français. Il n’a aucune existence comme circonscription ecclésiastique.

Comme monument, il appartient incontestablement au domaine de l’État et, dès lors, il rentre dans vos attributions, monsieur le président, conformément aux dispositions de l’arrêté des consuls du 13 messidor an X et à l’ordonnance du 14 juin 1833, d’affecter cet édifice à un nouveau service public.

Il nous a paru que le moment était venu de donner satisfaction au vœu déjà formulé par le Parlement en 1881 et de restituer au Panthéon sa destination première. Si ces vues sont agréées par vous, monsieur le président, nous avons l’honneur de vous prier de vouloir bien revêtir de votre signature le décret ci-joint.

Nous vous prions d’agréer, monsieur le président, l’hommage de notre profond respect.

Le ministre de l’instruction publique,
des beaux-arts et des cultes,
René Goblet.
Le ministre de l’intérieur,
H. Allain-Targé.
Le ministre des finances,
Sadi Carnot.

À la suite de ce rapport, le Journal officiel publie le décret suivant, rendu sur les conclusions conformes des ministres :

Le président de la République française,

Sur le rapport des ministres de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes, de l’intérieur et des finances,

Vu la loi des 4-10 avril 1791 ;

Vu le décret du 20 février 1806 ;

Vu l’ordonnance du 12 décembre 1821 ;

Vu l’ordonnance du 26 août 1830 ;

Vu le décret des 6-12 décembre 1851 ;

Vu les décrets des 22 mars 1852 et 26 juillet 1867 ;

Vu l’arrêté du gouvernement du 13 messidor an X et l’ordonnance du 4 juin 1833 ;

Considérant que la France a le devoir de consacrer, par une sépulture nationale, la mémoire des grands hommes qui ont honoré la patrie, et qu’il convient, à cet effet, de rendre le Panthéon à la destination

que lui avait donnée la loi des 4-10 avril 1791,
Décrète :

Article premier. — Le Panthéon est rendu à sa destination primitive et légale. Les restes des grands hommes qui ont mérité la reconnaissance nationale y seront déposés.

Art. 2. — La proposition qui précède est applicable aux citoyens à qui une loi aura décerné les funérailles nationales. Un décret du président de la République ordonnera la translation de leurs restes au Panthéon.

Art. 3. — Sont rapportés le décret des 6-12 décembre 1851, le décret du 26 février 1806, l’ordonnance du 12 décembre 1821, les décrets des 23 mars 1852 et 26 juillet 1867, ainsi que toutes les dispositions réglementaires contraires au présent décret.

Art. 4. — Les ministres de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes, de l’intérieur et des finances sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 26 mai 1885.

Jules Grevy.
Par le président de la République :
Le ministre de l’instruction publique,
des beaux-arts et des cultes,
René Goblet.
Le ministre de l’intérieur,
H. Allain-Targé.
Le ministre des finances,
Sadi Carnot.

Le Journal officiel publie également le décret suivant :

Le président de la République française,

Sur le rapport des ministres de l’intérieur, de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes,

Vu le décret du 26 mai 1885 ;

Vu la loi du 24 mai 1885, décernant à Victor Hugo des funérailles nationales,

Décrète :

Article premier. — À la suite des obsèques ordonnées par la loi du 21 mai 1885, le corps de Victor Hugo sera déposé au Panthéon.

Art. 2 : — Le ministre de l’intérieur et le ministre de l’instruction publique, des beaux-arts et des cultes sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 26 mai 1885.

Jules Grévy.
Par le président de la République :
Le ministre de l’intérieur,
H. Allain-Targé.
Le ministre de l’instruction publique,
des beaux-arts et des cultes,
René Goblet.