Description de Notre-Dame, cathédrale de Paris/Élévations latérales de l’église

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Élévations latérales de l’église.

Les deux côtés de la nef, à l’extérieur, au nord et au midi, sont à peu près semblables. Les différences qui peuvent se rencontrer dans les détails n’ont pas assez d’importance pour être signalées. À la suite des tours, après une travée d’intervalle, commence une suite de chapelles qui se continue jusqu’au transsept. Elles sont éclairées chacune par une large fenêtre ogivale, accompagnée de colonnettes. La plupart des fenêtres sont partagées par des meneaux en deux baies principales, dont chacune en comprend deux autres, avec trèfles ou quatrefeuilles dans les petits tympans, et rose à redents dans la partie supérieure de l’ogive mère. Les seules variétés consistent dans le nombre des subdivisions et dans la forme des compartiments percés aux tympans. Les chapelles sont venues remplir les vides laissés entre les contre-forts, qui leur servent maintenant de murs de refend dans toute leur profondeur. Les contre-forts présentent donc une masse épaisse et solide. Ils contre-buttent les voûtes de la tribune au moyen d’un premier arc-boutant qui passe par-dessus la première allée du collatéral ; et la maîtresse voûte de la haute nef, au moyen d’un second arc d’une portée beaucoup plus considérable. En arrière des chapelles, à une distance assez grande, on aperçoit la tribune, dont les ouvertures, défigurées à diverses époques, par suite de l’abaissement des voûtes des galeries, sont en complète restauration ; une balustrade, composée de trèfles couchés sur le flanc borde la terrasse qui en recouvre les voûtes. Les grandes fenêtres de la nef sont en ogive ; des colonnettes les divisent en deux baies, et un œil-de-bœuf simple en occupe le tympan. Cette ordonnance générale ne souffrait qu’une seule exception ; mais les travaux de restauration en introduisent de nouvelles, comme nous le dirons dans un instant. Les arcs supérieurs des contre-forts trouvent entre les fenêtres, à leur point de contact avec le mur de la nef, un pilastre carré qui les soulage. Ce pilastre est couronné d’un chapiteau à feuillage. Sur la crête des murs latéraux de la nef, dans toute leur longueur, il existe un chéneau dont la rampe est percée d’arcs à trois lobes. Au-dessous de cette rampe règne une corniche sculptée de billettes et de feuillages. Des fleurons et des gargouilles en forme de bêtes, placés à chaque intervalle de travée, donnent du jeu à cet entablement.

Des travaux de réparation, entrepris sans intelligence et avec une parcimonie déplorable dans le cours du siècle dernier et dans les premières années du siècle présent, ont altéré de la manière la plus fâcheuse l’architecture des parties latérales de la nef. On pourrait dire que cette portion de l’édifice a été en quelque sorte rabotée. On a successivement supprimé les saillies des contreforts entre les chapelles, les pignons, les frises, les balustrades, en un mot, toute l’ornementation de ces mêmes chapelles ; les pinacles qui décoraient la tête des contre-forts, avec les statues qui les accompagnaient et leurs aiguilles fleuronnées ; les gargouilles pittoresques qui rendaient au monument le service de rejeter au loin les eaux pluviales. En ce moment même, les architectes de Notre-Dame travaillent à la restitution de tous ces détails, dont la suppression ne tendait pas à moins qu’à compromettre la solidité de l’église. Dans les parties dont la restauration n’est pas encore commencée, on retrouve à peine, au milieu d’ornements du plus mauvais style imaginés par des architectes contemporains, quelques consoles historiées, des portions de frises feuillagées échappées à la ruine, et les figures à mi-corps d’hommes ou d’animaux qui supportaient les grandes gargouilles.

Les modifications de tous genres ne sont pas nouvelles à Notre-Dame. La cathédrale n’était pas achevée que déjà on apportait de graves changements à ses dispositions. Les fenêtres de la nef et du chœur n’étaient, dans le principe, ni plus grandes ni plus ornées que la première fenêtre à une seule baie, sans meneaux, qu’on voit de chaque côté de la nef, à la première travée, à la suite des tours, et que l’architecte du XIIIe siècle n’a pas osé remanier, dans la crainte d’occasionner un mouvement dans la maçonnerie. Toutes les autres furent élargies et allongées jusque sur l’arcature des galeries, et des meneaux y furent posés. Alors aussi, et par une conséquence nécessaire de cette première modification, les combles simples, si favorables à l’écoulement des eaux, firent place, pour la couverture des galeries, à des chéneaux qui entretiennent sur les voûtes une constante et pernicieuse humidité[1]. On a cru devoir rétablir, dans leurs dimensions primitives, la dernière fenêtre de chaque côté de la nef et celle des croisillons, afin de se procurer l’espace nécessaire pour restituer des roses d’un effet très-original, autrefois comprises sous les combles des galeries. On s’étonnait avec une apparence de raison de la nudité des murs, dans leur état primitif, entre les arcs des galeries et les fenêtres hautes. De nombreux fragments récemment découverts et des claveaux encore en place ont prouvé que ces murs possédaient au contraire, dans une série de roses à jour, une remarquable décoration.

En arrivant au transsept, on retrouve de grands éperons qui en maintiennent les deux extrémités et qui ont été conservés comme contre-forts. Les baies ogivales, de style tout roman, dont ils sont percés, éclairaient autrefois les galeries du premier étage. Il est facile de s’apercevoir que chacun des croisillons du transsept a été augmenté d’une travée dans la seconde moitié du XIIIe siècle ; la soudure est visible.

La façade du croisillon septentrional n’a pas l’avantage d’avoir, comme celle du midi, son acte de naissance gravé dans la pierre. Mais sa date est écrite, et ce n’est guère moins décisif, dans son architecture elle-même. Nous l’avons dit déjà, elle appartient à la même époque, peut-être au même artiste que la façade méridionale. Des restaurations modernes ont amaigri les profils et jeté le trouble dans certaines parties de la sculpture. On monte quatre degrés dans l’ébrasement de la porte. La baie de cette porte est une grande ogive encadrée de feuillages en crochets, avec un trumeau qui la partage en deux, un tympan sculpté, un triple rang de voussures historiées, et un pignon très-orné percé de compartiments à jour. Trois niches trilobées et une arcature à deux ogives faisant suite aux niches, accompagnent de chaque côté la baie centrale. Des pignons, accostés d’aiguilles, vont grandissant des angles de la façade vers le couronnement de la porte. Trois niches garnissent de chaque côté les deux ébrasures de l’entrée. Toutes ces niches, au nombre de douze, sont montées sur des piédestaux élégants, décorés de colonnettes, d’ogives, de petits châteaux, et d’une foule d’animaux qui circulent entre les moulures avec une singulière vivacité. Chacune des six niches de l’ébrasure a son dais en pendentif. Une balustrade, découpée en arcatures, colonnettes et pignons, termine ce premier étage de façade. En arrière, le mur est revêtu d’ogives en application, de trèfles et d’une belle frise feuillagée. Au-dessus, une galerie à jour, partagée en neuf ogives principales, et subdivisée en dix-huit baies secondaires, forme un brillant treillis, avec ses faisceaux de colonnettes, ses trèfles et ses quatrefeuilles. Immédiatement après, s’arrondit la rose sur un diamètre d’environ quarante pieds. Des meneaux, en forme de colonnettes, y décrivent autour d’un compartiment circulaire placé au centre un double rang d’ogives trilobées, seize au premier et trente-deux vers la circonférence. Le cercle de la rose s’inscrit dans un carré, dont les angles inférieurs sont évidés en trois compartiments principaux chacun, tandis que les deux angles supérieurs ont été laissés pleins avec quelques ornements dans le champ. Aux côtés de la rose, vers le haut des contre-forts qui l’accompagnent, deux niches contiennent chacune la statue d’un ange sonnant de la trompette. Ces figures de grande proportion n’ont dû leur salut qu’à leur position élevée, qui ne permet pas de les atteindre facilement ; elles sont parfaitement conservées. Au-dessus de la rose, une corniche feuillagée ; puis, une balustrade semblable à celle qui court sur les murs de la haute nef ; enfin, un pignon décoré d’une rose de moyenne dimension, et d’autres compartiments, moitié aveugles, moitié à jour. Ce pignon avait pour amortissement une statue remplacée il y a vingt ans par des fragments de bouquets d’amortissements pris à droite et à gauche ; il est accosté de deux légers clochetons soutenus par des colonnettes dont l’ornementation a été complètement grattée dans le dernier siècle.


  1. Voir le rapport des architectes de Notre-Dame au ministre de la justice et des cultes en 1843.