Description de la Chine (La Haye)/Du Musc

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Scheuerlee (3p. 603-607).


DU MUSC.


Sa préparation.

Hiao dit : Quand on veut user du musc, le mieux est de le prendre entier avec la bourse qui le renferme. Il faut ouvrir cette bourse aux jours de l’année qui ont pour caractéristique la lettre Tsé[1], il faut les broyer un peu.


Sa saveur.

Il est d’un goût fade, d’une qualité un peu chaude, et n’a aucune malignité : Tchin kiuen dit : Le musc est amer, et fade ; il est ennemi de l’œil. Li ting fei dit : Il ne faut pas approcher le musc du nez. Il contient de petits insectes blancs, qui pénètrent jusqu’au cerveau. Ceux qui sont incommodés d’une galle invétérée, s’ils portent sur eux du musc, le musc leur pénètre la peau, et leur cause quelque nouvelle maladie.


Sa vertu et ses usages.

Il chasse le mauvais air. Il fait sortir les trois sortes d’insectes qui se forment dans l’estomac de quelques malades. Il est bon pour les fièvres intermittentes et pour les incommodités causées par quelque frayeur soudaine. Quand on en use souvent, il chasse la malignité des maladies, il délivre des songes importuns. Tout ceci est de l’auteur.

Il remédie à toutes sortes de maux et de maléfices, à ces maux de cœur et d’estomac, où le malade se trouve comme enflé et rempli de mauvaises humeurs. Il ôte les taches du visage et les tayes des yeux. Il aide aux femmes enceintes à se délivrer facilement de leur fruit. Ceci est de divers auteurs. Si on en porte sur soi, ou si on en met dans son oreiller, il chasse les mauvais songes et les fantômes ; il guérit les morsures de serpent. Ceci est tiré de Hong king.

Pao po tsé dit : Quand on va dans les montagnes, il faut mettre une petite boule de musc entre l’ongle et la chair du doigt du pied, et on verra la vertu qu’il a contre les serpents. La raison de cela, est que l’animal qui porte le musc, mange les serpents, et le musc conséquemment a la vertu de les faire fuir. Il est bon contre les morsures des serpents, contre le venin de certains petits vers ou insectes, qui se trouvent dans les eaux dormantes[2]. Il délivre des vers qui viennent dans l’estomac : il tue toutes sortes d’insectes qui se forment dans les entrailles. Il est salutaire contre les fièvres intermittentes. Il fait jeter les phlegmes produits par quelque vent froid. En un mot, il sert contre la malignité de toutes sortes de maladies. Il aide aux femmes à concevoir : il échauffe bénignement les parties nobles ; il guérit le ténesme qui vient d’une cause froide. Tout ceci est tiré de Ge hoa.

En le délayant un peu dans l’eau, il guérit les frayeurs soudaines des petits enfants. Il fortifie le cœur, entretient l’embonpoint. Il guérit les maladies fâcheuses des parties naturelles, et a la vertu de faire suppurer toutes sortes de tumeurs, d’apostumes, etc. Ceci est tiré du livre intitulé Yo sing, qui traite de la nature des remèdes.

On dit que si on fait prendre à une personne des pilules de musc, il jette une odeur de musc par tous les conduits ou ouvertures, et par tous les poils du corps. Il guérit cent sortes de maladies : il chasse toute sorte de mauvais air. C’est un remède contre les frayeurs, et contre la mélancolie. Ceci est tiré de Meng sin. Il pénètre dans tous les conduits du corps, ouvre les vaisseaux : il pénètre la chair et les os : il est bon contre les maladies des ivrognes : il fait digérer les fruits et les légumes froids qu’on a mangé, et qui restent sur l’estomac. Il guérit les incommodités des vents, et toute sorte de malignité qui se trouve dans le corps : il est bon contre les phlegmes, et contre les amas de toutes sortes de mauvaises humeurs. Ceci est tiré de Che tching.


Recettes.


Pour certaines maladies causées par des vents, où on perd toute connaissance.

Prenez deux dixièmes d’once de musc, broyez-les en poudre : mêlez-les dans deux onces d’huile transparente, et battez-les bien ensemble. Versez le tout dans la bouche du malade, et il reviendra à lui.


Pour les petits enfants qui sont sujets aux frayeurs subites, et à pleurer à toute heure, quand ils ont une soif opiniâtre.

Il faut prendre un peu de musc, et le détremper dans de l’eau claire, et leur en faire prendre trois fois par jour.


Pour les maladies des petits enfants, dont les excréments sont clairs comme de l’eau.

Il ne faut prendre que du musc, en faire des pilules de la grosseur d’un bon pois, en délayer trois à la fois avec le lait de la mère, et en donner trois ou quatre diverses prises à l’enfant.


Pour les blessures qu’on a laissé exposées à l’air.

Si la plaie est envenimée et enflée, et cause une douleur insupportable, prenez un peu de musc en poudre ; mettez-le dans la plaie, le pus sortira entièrement, et vous en verrez incontinent l’effet.


Pour les maux de cœur, et envies de vomir.

Prenez un dixième de musc, une demie tasse de vinaigre, mêlez-les bien ensemble ; puis faites-le prendre au malade.


Pour les estomacs refroidis à force de manger des fruits.

Si le malade a le ventre tendu, et la courte haleine, prenez une once de musc, autant de bois de cannelle verte, du riz cuit : faites-en des pilules de la grosseur d’un petit pois. Il en faut donner quinze aux personnes âgées, et seulement sept aux petits enfants, et les faire avaler avec de l’eau chaude. La raison de cela, est que le musc fait tomber les fruits des arbres, et la cannelle fait sécher leur bois.


Pour les douleurs de tête, soit qu’on les sente au milieu, soit qu’on les sente aux côtés.

Si la douleur est invétérée, quand le soleil est déjà assez élevé sur l’horizon, retirez les cheveux de la partie affligée, prenez une demie once de musc, un dixième de riz vert ; réduisez l’un et l’autre en poudre, et les ayant enveloppés dans du papier délié, appliquez-les à l’endroit où l’on sent de la douleur, couvrant chaudement le musc avec du sel torréfié, et enveloppé dans un linge tout chaud. Quand le sel est refroidi, il faut le changer, faisant la même chose à diverses fois ; et aussitôt le malade ne sentira plus de douleur.


Pour hâter, et faciliter l’accouchement.

Prenez un dixième de musc, délayez-le dans de l’eau. Donnez-le à boire à la malade, et sur l’heure elle enfantera. Cette recette est admirable.


Autre recette, qui est plus précieuse que l’or.

Pour assister une personne faible, qui a peine à enfanter, il ne faut que prendre un dixième de musc, une once d’yen ché[3]. Enveloppez-les dans un morceau de vieille toile qui soit nette : faites-les rôtir, pilez-les en poudre : puis donnez-en deux dixièmes dans du vin à prendre à la malade, aussitôt elle sera délivrée de son fruit.


Pour le fruit mort dans le ventre de la mère, lorsqu’elle ne peut s’en délivrer.

Prenez une bourse de musc, deux mas du cœur de bois de cannelle : le tout étant mis en poudre, donnez-le à boire à la malade dans du vin chaud, et elle se délivrera aussitôt de son fruit.


Pour les hémorrhoïdes enflées, et qui ne fluent point.

Prenez une bourse de musc, avec du salpêtre qui croît sur les murailles, égales parties, et en frottez la partie incommodée, seulement par trois fois.


Pour les morsures des rats.

Il faut frotter la partie offensée avec du musc. Cela est excellent.


Contre les insectes qui causent les douleurs de dents.

Prenez de l’huile appelée hiang yeou ; frottez-en les gencives ; plus, du meilleur musc, que vous envelopperez dans un peu de coton, puis le ferez chauffer, et le mettrez tout chaud entre les dents du malade, vis-à-vis la partie qui fait de la douleur, le changeant par deux ou trois fois. Cela fera mourir les insectes, et coupera la racine du mal.


  1. Selon la période chinoise, qui est de deux divers nombres de lettres dix et douze, qui, combinées ensemble, font la période sexagénaire, ou de soixante couples de lettres ou noms différents, dont ils distinguent les années, les jours, et les heures.
  2. Ce sont, ce semble, les petits vers qui se transforment en cousins.
  3. L’yen ché est fait avec des fèves noires, qu’on fait cuire, et qu’on garde quelques jours, jusqu’à ce qu’il se forme une espèce de moisissure dessus ; puis on les lave, on les fait sécher, et on les sale.