Description du département de l’Oise/Du Beauvaisis

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P. Didot l’ainé (1p. 1-17).
DESCRIPTION
DU DÉPARTEMENT
DE L’OISE.




ARRONDISSEMENT
DE BEAUVAIS.


Les riches vallées et les belles plaines du Beauvaisis furent habitées dans les temps les plus reculés, comme toutes les contrées de la Gaule, par des Celtes nomades.

Trois divisions s’établirent depuis chez les Gaulois. Le Beauvaisis fit partie de la Gaule belgique ; une portion de la Belgique fut nommée Picardie ; une partie de la Picardie forme à présent le département de l’Oise, dont Beauvais est le chef-lieu.

Beauvais, situé par les 49° 26′ 2″ de latitude, par les 19° 44′ 2″ de longitude, est à 16 lieues de Paris, 18 de Rouen, 13 d’Amiens.

Cette ville appartenoit aux Bellovaques, dont parlent les Commentaires attribués à César. Le mot Belvacus, qu’on lit sur ses médailles, est gaulois, en supprimant la terminaison latine ; il est probable que Beauvais se nommoit Belvac : ac en gaulois signifioit demeure, habitation.

On a voulu que cette cité fût le Bratuspantium des Commentaires : on verra que Bratuspantium fut situé dans les environs de Breteuil.

Des rues anciennes retrouvées à dix pieds de profondeur, d’antiques constructions sur des constructions antiques, la bâtisse du temple de Jupiter, à présent nommé la Basse-Oeuvre, l’ancien beffroi, l’opus reticulatum des fortifications, des médailles et des médaillons de Posthume, trouvés dans les fondements des murailles, avec cette inscription, Restiturori Galliæ ; tout atteste que Beauvais fut possédé par les Romains.

On voit à côté de la préfecture des arcades à cintre plein, posées sur des fondements de construction romaine, restes du palais de nos rois de la première race.

Des statuettes nues se distinguent au-dessus d’une archivolte du temple de Jupiter ; elles appartenoient certainement à la religion païenne, et furent exécutées par des Romains.

Je pourrois ajouter à ces preuves les ruines du temple de Bacchus sur le mont Capron, à cent toises de la porte d’Amiens, à Beauvais : sa façade étoit égale à la longueur du Louvre, si l’on en croit quelques historiens. On a trouvé sur ces ruines, des frises, des colonnes, des chapiteaux, des ornements du meilleur style. Le Mercure barbu, décrit par Montfaucon, par Vaillant…… ; des vases, une multitude de médailles, des statuettes, des fibules, recueillis près de Milly, de Troisereux, du mont César, du mont Ganelon, près de Tartigny, etc., attestent d’une maniere irrécusable le long séjour des légions romaines dans toutes les contrées des Bellovaques.

Malgré la brièveté que je me suis prescrite, je ne peux me dispenser de citer quelques époques marquantes dans l’histoire de ces contrées.

César nomme les Bellovaques les plus braves des Belges, et les Belges les plus courageux des Gaulois ; ils purent mettre sur pied jusqu’à cent mille combattants à l’époque où ce grand homme s’empara des Gaules.

Les exactions des empereurs romains, les courses des Francs, des Saxons, troublèrent la Belgique. A la mort de Probus, qui seul opposoit une barriere aux débordements des barbares, tout ce pays fut ravagé. On lit dans le panégyrique d’Eumene que Constance Chlore repeupla la Champagne, la Picardie, le Beauvaisis, en permettant aux Francs de les habiter.

Loisel avance que Constantin fit sa résidence à Beauvais.

On ne croit point à la prise de cette ville par Attila ; Rumel veut que Clodion, en s’en emparant, fît périr six cent mille hommes.

Ce fut en 477, selon le P. Lecointe, en 471, suivant Simon, que Chilpéric fit comme vainqueur son entrée dans cette cité.

A l’époque où les Bretons secouerent le joug des Romains, où Clovis s’empara des Gaules, les habitants du Beauvaisis ne paroissent pas avoir joué un grand rôle ; la Picardie, comme la Champagne, se soumit naturellement aux Francs.

Dès 845, les Beauvaisins se sentirent de l’invasion des Normands, et contribuerent au tribut de sept mille livres d’argent, qu’ils leverent sur les peuples de la Belgique. En 850, Oschéri brûla Beauvais ; il fut bientôt réparé, ou n’avoit pas entierement été détruit, puisque trente ans après il servoit d’asyle contre les incursions de ces mêmes Normands.

En 881, les Normands, conduits par le roi Quaramond, s’avancerent jusqu’à Beauvais en ravageant ses environs ; en 883, ils fixerent dans cette ville leur quartier d’hiver ; en 886, elle servit d’asyle aux habitants de Pontoise que Sigefroy chassoit de leur pays.

On ne sait par quel accident Beauvais brûla le 17 septembre 886.

En 923, en 926, cette ville fut encore pillée par les Normands : ce n’est qu’en 946 que les habitants du nord, fixés dans la Neustrie, laisserent respirer ceux de la Picardie. Tant de ravages firent dire à Guérin le Lohéran, dans son roman composé dans le douzième siècle :

« Li Normands ont tot Biauvaisins gaté. »

Après quelques années de repos pendant les guerres de Guillaume-le-Conquérant, les Normands, abandonnés à leur audace, à l’amour du pillage qui les caractérisoit, firent des incursions chez leurs voisins. C’est à ces attaques imprévues qu’on doit l’élévation de cette multitude de châteaux qui couvrirent la Picardie.

En 1018, en 1180, Beauvais fut presque entièrement détruit par des incendies.

Les guerres contre les Anglais exposerent le Beauvaisis à une désolation continuelle : Philippe Ier fit la guerre en Normandie ; Louis-le-Gros la continua contre Henri Ier, roi d’Angleterre, avec lequel Lancelin de Beauvais s’étoit ligué… Cette guerre avec l’Angleterre se renouvela par le divorce de Louis-le-Jeune avec la reine Alienor, duchesse de Guienne, qui épousa, en 1151, Henri, duc de Normandie, depuis roi d’Angleterre.

La guerre la plus cruelle de cette époque malheureuse fut celle qui s’établit entre Édouard III et Philippe-de-Valois ; elle ruina le Beauvaisis, en 1346, sans que Beauvais pût être pris.

La Jacquerie causa de grands ravages dans toute la Picardie.

Ce ne fut qu’en 1450 que la guerre des Anglais et de Charles VII se termina.

On a dit que Beauvais fut assiégé en 1434 par le général Talbot ; il ne put s’en emparer. Cette entreprise est autre que celle où Jean de Ligneres sauva la ville en coupant à propos les cordes qui tenoient la herse de fer qui défendoit la porte de Lille.

La même année, pour se venger, les habitants de Beauvais surprirent le château de Rouen, qu’ils rendirent après faute de secours : malgré sa promesse le comte d’Arondel fit décapiter l’un après l’autre ceux qui s’en étoient emparés.

En 1472, la résistance des habitants de Beauvais contre les efforts du duc de Bourgogne les couvrit de gloire : attaqués par ce prince, à la tête de quatre-vingt mille hommes, ils résisterent avec un sang-froid, une sagesse, un courage inexprimables. C’est à ce siege que Jeanne Fourquet, surnommée depuis Jeanne Hachette, s’empara sur la breche d’un étendard appartenant aux Bourguignons : elle versoit sur l’ennemi des flots de poix fondue, d’huile bouillante, de chaux-vive ; et prévoyante autant qu’intrépide, elle faisoit préparer elle-même la nourriture des soldats qui combattoient à son exemple : toutes les ruses, tous les efforts des Bourguignons échouerent contre le patriotisme de cette héroïne, et le courage de quelques braves, des comtes de Damartin, du maréchal de Lohéac, des Fontenailles, des Crussol, des Rubempré, etc., qui s’étoient rendus de Noyon à Beauvais pour le défendre. Philippe de Commines a dit « que jamais place n’avoit été mieux attaquée ni mieux défendue. »

La faute principale du duc de Bourgogne fut d’avoir négligé d’investir la ville du côté de Voisin-lieu ; c’est par-là que tous les secours arrivèrent à Beauvais.

Dans les guerres de la ligue, excités par le fanatisme de quelques déclamateurs, les habitants de Beauvais refuserent, sans rien entreprendre, de servir sous Henri III ; Henri IV vint à bout de les réduire, de les ramener, et de conclure avec eux un traité, qui fut signé le 22 août 1594.

Rien de marquant dans le Beauvaisis de cette dernière époque à la révolution.


Evêques de Beauvais.


Les évêques de Beauvais ont été d’une trop grande importance pour que je ne fasse pas connoître les plus célèbres d’entre eux par quelques détails historiques.

On assure que vers l’an 245 ou 250, ou sous l’empire de Julien l’apostat, S. Lucien, que quelques écrivains font disciple de S. Pierre, fonda la religion catholique dans le Beauvaisis ; c’est à Mont-mille, à près d’une lieue de Beauvais, qu’il établit sa résidence. Les païens lui couperent la tête ; elle fut portée jusqu’au lieu qui de son nom fut appelé Saint-Lucien : on y bâtit une chapelle qui fut détruite dans le cinquieme siècle ; Chilperic Ier la fit rétablir.

Grégoire de Tours ne dit pas un mot de S. Lucien.

On prête une autre origine à la religion catholique dans le Beauvaisis : douze généraux chrétiens, dit-on, quitterent Rome pour porter l’évangile dans les Gaules ; S. Lucien étoit un de ces généreux apôtres ; douze vierges, qui vivoient à Rome dans un saint commerce de toutes les vertus, vinrent joindre les douze guerriers, et travaillerent avec eux à la régénération du pays.

En 406, les Vandales, errants dans les Gaules, ruinerent vraisemblablement l’église de S. Lucien ; ils décapiterent l’apôtre S. Just ; son corps fut transporté dans la cathédrale de Beauvais.

Loisel croit et déclare « qu’il y a beaucoup de défectuosités et d’incertitude sur les premiers évêques de Beauvais, aussi-bien que sur ceux des autres diocèses de ce temps-là. »

L’existence des trente premiers évêques qui succédèrent à S. Lucien n’est attestée que par des légendaires, ou par leur nom cité dans quelques actes.

Odo, premier abbé de Corbie, fut présent au partage du royaume fait entre Charles-le-Chauve et Louis, son frere, en 860 ou 870 ; il souscrivit le synode de Poissy, etc., et fut le trente-deuxième évêque de Beauvais.

Herveus, le quarantieme, est dénommé au synode de Reims, en 991 ; il fit de grands biens à l’église de Beauvais ; de son temps furent jetés les fondements de S.-Pierre, cathédrale de cette ville.

Le quarante–unième fut Rogérius, fils de Eude II, comte de Champagne ; il fut, dit-on, chancelier du roi Robert avant d’être évêque : on dit que par lui furent réunis les livres, actes, joyaux du trésor et de la bibiotheque de Beauvais ; il mourut en 1024.

Henri de France, fils du roi Louis-le-Gros, fut fait évêque de Beauvais en 1148 ; plusieurs cérémonies païennes s’exécutoient encore à cette époque.

Philippe de Dreux, étoit petit-fils de Louis-le-Gros ; il se croisa, fut pris, et mené à Babylone ; il fit la guerre contre les Albigeois, les Anglais. Richard, roi d’Angleterre, le fit prisonnier près de Milly, et le garda pendant deux ans. Il assistoit à la fameuse bataille de Bovines ; il y combattoit avec une masse d’armes, de laquelle il renversa Étienne, comte de Salsbery, dit Longue-épée, frère et lieutenant du roi d’Angleterre ; il s’empara du vidamé de Gerberoy, fut 35 ans évêque de Beauvais, et mourut en 1217.

Le successeur de Philippe de Dreux, Miles de Nantheuil, eut quelques démêlés avec Louis IX ; des troubles excités par lui furent appaisés par l’arrivée du prince, qui fit punir les rebelles. L’évêque refusa de donner au roi la somme de 80 livres parisis pour son droit de gîte à Beauvais ; le prince fit saisir son hôtel et ses meubles : l’évêque vindicatif excommunia le maire et les échevins de la ville, mit l’interdit sur son diocese : des évêques s’intéressent à cette affaire en faveur de leur collegue. Synodes, chapitres, etc. Miles se rendoit à Rome pour obtenir satisfaction du pape, il mourut en route l’an 1234.

Il avoit été dans la Palestine avant de se faire sacrer.

Godefroy de Nesle fut fils aîné de Raoul de Cler-mont, connétable de France, et d’une fille de la maison de Nesle ; il fut sacré l’an 1234 ; il voulut soutenir la cause de Miles, mit un nouvel interdit sur son diocèse, partit pour Rome, et mourut aussi en route.

Robert de Cressonsac continua de revendiquer sur le roi le temporel de l’évêché de Beauvais, fidele à la cause de ses prédécesseurs ; mais il s’accommoda moyennant 100 livres parisis par an, qu’il consentit de payer au prince pour le droit de gîte, soit que le roi vînt ou ne vînt pas à Beauvais. On prétend qu’il assista, en l’an 1239, au supplice d’un très grand nombre d’Albigeois ou Bulgares, brûlés en présence du roi de Navarre, des barons de Champagne, de Braine, archevêque de Reims, et de ses suffragants ; il avoit fait avec S. Louis le voyage de la Terre-Sainte.

Jean de Dormans, soixante-huitieme évêque de Beauvais, étoit, en 1358, chancelier de monseigneur le dauphin, duc de Normandie, régent du royaume pendant la prison du roi Jean son pere.

Il fut chancelier de France et cardinal ; le pape Grégoire XI le chargea de négocier la paix entre les rois de France et d’Angleterre ; il baptisa Charles VI.

En l’an 1370, il fonda le collège de Beauvais, à Paris.

Miles II ; on assure qu’à la bataille contre les Flamands, en 1389, il commandoit l’avant-garde de l’armée de Charles VI.

Il avoit pris le château de S.-Sauveur en Normandie, avec Bertrand Duguesclin, connétable de France, et Olivier de Clisson, en 1375.

Le soixante-seizième évêque fut Pierre Cochon, qui se montra si passionné dans l’affaire de la Pucelle d’Orléans ; il la conduisit à l’échafaud. Jean Juvenel des Ursins dit qu’il fut fils d’un vigneron des environs de Reims. On a dit, mais sans preuve, qu’en 1441 son barbier lui coupa la gorge.

Odet de Coligny fut le protecteur et l’ami de Rabelais et de Ronsard : il embrassa la religion protestante ; il étoit neveu maternel d’Anne de Montmorency, connétable de France, et frère de l’amiral Coligny. Pie IV l’excommunia en 1563, le déclara hérétique, le priva de tous ses bénéfices ; son chapitre même l’excommunia dans sa propre cathédrale. Il épousa une demoiselle de Hauteville, en 1564, sans quitter la pourpre de cardinal. Poursuivi, persécuté par les habitants de Beauvais, il passa en Angleterre. Il combattit à la journée de S.-Denis, et mourut en 1570.

Quatre-vingt-onze évêques depuis S. Lucien jusqu’à M. de la Rochefoucauld, qui périt dans la journée du 2 septembre.


Comtes de Beauvais.


On voit par les capitulaires de Charlemagne que sous son regne il y avoit un comte de Beauvais autre que l’évêque ; il se nommoit Ruadfridus. Ces comtes dans la suite se rendirent héréditaires. Les évêques leur succédèrent dans cette dignité ; le premier qui la posséda fut Roger, qui vivoit du temps du roi Robert : il la transmit à ses successeurs.

On sait peu de chose de ces comtes.


Maires, officiers de Beauvais.


Louis-le-Gros rétablit les maires des communes de Beauvais et de son arrondissement dans leur état ancien.

La justice qu’ils exercerent sur les hommes de leur commune occasionna les querelles interminables qui s’éleverent entre les bourgeois, l’évêque de Beauvais, et le roi de France, si vigoureusement soutenues par Miles de Nantheuil et ses successeurs. Ces discussions s’appaiserent par un accord entre les partis, de l’an 1182 : ils reconnurent l’évêque seigneur de la ville, et lui laisserent la garde des murs, des forteresses, et des clefs ; il eut le droit de visite sur les poids et balances des drapiers, celui d’élire les jurés qui désignoient aux officiers les draps mal façonnés que la loi condamnoit au feu, à être livrés à l’Hôtel-Dieu, ou vendus en détail en plein marché.

La police sur le pain appartenoit à l’évêque.

La police sur ces droits respectifs ne fut pas tellement fixée qu’elle ne déterminât plusieurs arrêts. Un d’eux, en 1281, porte que la justice de toute la commune appartient à l’évêque.

Un autre, de 1308, décide « que l’évêque peut commettre des gardes sur les métiers de tanneurs et teinturiers, et autres manufactures de draps, corriger, punir et justicier les abus ; qu’il connoîtra des deniers pour l’entretien et réparation des routes. »

D’autres arrêts, en 1281, 1302, 1308, et 1368, parurent en faveur des maires et pairs contre les prétentions des évêques, particulièrement sur la taille, dont la connoissance leur a toujours été conservée.

Les pairs étoient au nombre de treize, parmi lesquels on élisoit un maire, à l’exemple de la plupart des villes des Gaules, dans lesquelles il y avoit jadis majores villarum. Depuis Philippe-Auguste les habitants de Beauvais ont été constamment gouvernés par un maire et douze pairs.

Les plus grandes prérogatives furent accordées à cette ville par Louis XI ; après la défaite du duc de Bourgogne, en 1472, elle fut affranchie de toute taille par lettres-patentes de cette année ; depuis on donna le privilège aux Beauvaisins de posséder des fiefs sans payer de droits au roi, sans être obligés de fournir des hommes en temps de guerre : le même prince les exempta de toute imposition en mémoire de Jeanne l’Aînée, Fourquet ou Hachette ; il ordonna que les femmes marcheroient les premières à la procession de Ste-Angadresme.

Ces privileges, approuvés par Charles IX, par Henri-le-Grand, par Louis XIII, se perdirent dans les siècles suivants.

Le maire et les pairs étoient renouvelés tous les ans.

Le dernier jour de juillet la commune étoit assemblée au son de la cloche de S.-Etienne ; on se réunissoit au cimetière : le maire montoit en chaire, remercioit les habitants de son élection, de leur conduite pendant l’année, et les engageoit à lui nommer un successeur ; le lendemain à six heures du matin on chantoit une messe du Saint-Esprit en ladite église ; on se rendoit après à l’hôtel-de-ville, où se trouvoient les membres du conseil, et la plupart des habitants, et sur-tout les maîtres de métiers, en présence desquels le maire remettoit les clefs de la chambre du secret : il déposoit les sceaux sur le bureau ; le procureur de la ville s’en saisissoit, et les remettoit au plus ancien des pairs. L’assemblée étoit avertie par son avocat qu’il falloit nommer quatre scrutateurs pour recevoir les voix de l’élection, deux du corps de la ville, et deux de la commune, du nombre desquels le plus ancien des pairs étoit communément ; en leur présence on appeloit tour-à-tour les maîtres des métiers, qui, jurant de donner leur voix à celui qu’ils croiroient le plus digne de la place de maire, remettoient par écrit son nom au greffier, qui l’écrivoit sur un rôle ; les scrutateurs y apposoient leur sceau : on quittoit alors la chambre du secret pour se rendre dans la salle où le peuple étoit rassemblé. Les scrutateurs nommoient maire celui qui avoit obtenu le plus de voix : le jour même il prêtoit serment en présence du peuple.

Le lendemain, à l’hôtel-de-ville, le nouveau maire, les pairs, le conseil de ville, et les principaux chefs des métiers, élisoient les nouveaux pairs ; le lieutenant, l’avocat, le procureur, le greffier, le maître des forteresses, officiers annuels, étoient élus par la même assemblée. « Ces élections populaires, dit Loisel, retenant encore de la façon des anciens Gaulois. »

Le roi nommoit un capitaine : Anne de Montmorency, connétable de France, le seigneur de Montbrun son fils, occupoient cette place sous Henri II et sous Charles IX. Le lieutenant de ce capitaine avoit, ainsi que le maire, une des clefs de chaque porte ; ils se trouvoient ensemble à l’ouverture et à la clôture de ces portes.

L’évêque eut depuis la garde des clefs de la ville ; Philippe-le-Hardi, en 1376, lui confirma dominium portarum et clavium.

Philippe-le-Bel, en 1276, voulant terminer la guerre des maires de Beauvais et de l’évêque Regnault de Nantheuil, envoya à Beauvais deux commissaires qui, du consentement des parties, rédigerent un accord, par lequel,

« Les maires et pairs, quel qu’eût été leur usage antérieurement, ne dévoient plus connoître des causes de maléfices ;

« Dorénavant aussi ne pourront lesdits maires et pairs faire apporter doloire ou marteau pour couper le poing de celui qui les aura frappés, ou aucun d’iceux, et lui ôter aucun membre :

Nec modo potestatem habebunt vel authoritatem dicti majores et pares faciendi afferri dolabum vel malleum ad scindendum pugnum illius qui majorem percusserit, vel unum de paribus, nec iidem poterunt auferre membra.

« Ne pourront aussi lesdits maires et pairs connoître des plaids et différents des héritages…, mais bien des gouttières, toits, clôtures, portes. »

Par cet accord et suivant les lois anciennes, on payoit cinq sous d’amende pour un coup donné ou pour une calomnie, et 20 sous 3 deniers lorsque le sang avoit coulé.

Après cette esquisse rapide de la maniere dont la ville de Beauvais étoit gouvernée, des querelles qui s’éleverent entre les évêques tout puissants, les rois qui vouloient augmenter leur pouvoir, les bourgeois qui vouloient maintenir ou rappeler leurs anciens droits ; après des combats, des usurpations, des vexations, des meurtres, des pillages, des incendies, et tous les désordres des temps de l’anarchie ; le scandale d’un évêque chassé par ses sujets, de sujets égorgés par les gens d’un évêque, de princes assiégeant la demeure du chef de l’église à Beauvais, de ce chef interdisant son diocèse, etc., les choses rentrèrent dans l’ordre par le pouvoir que les rois de France acquirent sur les peuples et sur le clergé, et sur–tout par l’établissement des parlements, qui prononcèrent avec quelque décence sur les querelles qui s’élevoient.