Description du département de l’Oise/Beauvais

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P. Didot l’ainé (1p. 17-47).
DE BEAUVAIS.


Beauvais est placée dans un riche vallon, entouré de collines riantes et boisées.

Le Thérain, jolie rivière très poissonneuse, l’environne ; ses eaux, dirigées avec intelligence, traversent plusieurs rues, et servent une multitude de tanneries et de manufactures, qui font la richesse de cette commune. L’Avelon verse ses eaux dans le Thérain, près de la porte S.-Jean, et coule avec lui dans l’Oise.

Les eaux qui s’épandent autour de Beauvais n’ont plus le cours qui les rendoit saines autrefois ; stagnantes près de l’abyme et de la poterne S.-André, elles menacent la vie de ses habitants ; l’air, arrêté par les remparts, circule avec difficulté, et rend mal-saine une partie de la ville.

Il seroit d’autant plus urgent de prévenir l’effet des eaux stagnantes, que leurs poisons long-temps suspendus se développent quelquefois d’une manière affreuse. En 1623 une peste violente se manifesta dans Beauvais ; elle y régnoit encore en 1637. En 1625 une multitude de Beauvaisins, effrayés des ravages de cette maladie, se retirèrent à Gerberoy.

On peut prévenir de pareils malheurs en rendant aux fossés, qu’on a creusés pour élever les remparts et les murs de la ville, la terre dont ils sont formés.

Dominées par les hauteurs du séminaire, du mont Capron, par la montagne du Thil, la ville et les fortifications ne peuvent se défendre depuis l’existence de l’artillerie.

L’octroi seul paroîtroit souffrir du nivellement des terres ; mais le large fossé qu’on pourroit creuser s’opposeroit à la fraude. De quel air salubre jouiroient alors les pauvres ouvriers, tellement enclavés dans les remparts, qu’ils ne peuvent respirer ! leur vue, bornée par des décombres, se promèneroit dans les riches vallées des Aires, de Terdonne, de la Mie-au-Roi, ou sur le riant coteau de Marissel, ou sur l’immense plaine de Tillé.

Les canaux seroient entourés d’arbres, de jolies promenades, de verds gazons ; la ville resserrée s’étendroit ; les familles, entassées dans des cahutes enfumées, agrandiroient leurs habitations ; l’ouvrier, las des travaux du jour, trouveroit à sa porte la promenade, le repos, l’air pur, dont il a besoin pour entretenir sa santé, pour réparer ses forces, et pour égayer ses enfants.

L’ingénieur Souhart, dans le tableau qu’il m’a présenté sur la destruction des remparts de la ville, n’en porte la dépense qu’à 51,957 fr., « Dépense, dit-il, qui seroit plus que compensée par la vente des arbres existants, par les matériaux de démolition, montant à 4,091 fr., lesquels joints à la vente de vingt-huit mille neuf cent quatre-vingt-cinq metres carrés de terrain, estimés au moins 67,362 f. 50c., formeroient une masse de 71,453 f. 50 c., qui dédommageroient de l’avance de fonds et frais nécessaires.

On ne pourroit exagérer les avantages qui résulteroient de l’exécution de ce plan.

Dans le temps où les fortifications de Beauvais etoient tenues dans un état respectable de défense, cette ville offroit un aspect très imposant ; son immense cathédrale est là pour l’attester ; privée de tous les alentours qui paroissoient la soutenir, elle est comme une masse énorme de rochers, qui, minés par le temps, n’attendent qu’un coup de mer pour s’abymer dans l’océan. Les différents amphithéâtres qu’elle surmontoit encore conduisoient l’œil insensiblement jusqu’au mont S.-Simphorien, couronné par le séminaire et les arbres qui l’enveloppent si pittoresquement. C’est du sommet de cette montagne qu’on peut jouir du plus bel aspect de la ville, et voir se développer des plaines, des vallons, des coteaux revêtus de bois, qui portent l’œil jusqu’à Clermont, après l’avoir promené sur les vastes ondulations de la forêt de la Neuville en Hez.

Comme j’ai peu vu de cité dont les alentours fussent aussi variés, aussi pittoresques, et d’un genre de paysage aussi riche, je me permettrai de les décrire avec rapidité.

La route d’Amiens n’offre qu’une vaste et fertile plaine, quelques villages épars dans l’étendue ; ce chemin assez beau se rend jusqu’à Breteuil au milieu d’une allée de pommiers ; son uniformité n’est coupée que par les vallons de Noiremont, et les aspects riants de Maisoncelles et d’Oursel Maison.

La route de Calais traverse les villages de Duthil, de Villers, en laissant sur la gauche le joli paysage de la Mie-au-Roi. Le commencement de la route est formé de vallons et de monticules qui laissent appercevoir toutes les variétés de la vallée de S.-Lucien, des jolies habitations champêtres, riches de pâturages et de vergers délicieusement ombragés. Les alentours de Villers, espèce de labyrinthe, sont un des lieux les plus tranquilles, les plus fleuris et les plus frais qu’on puisse parcourir dans les jours ardents de l’été. Il est peu de jeunes gens qui ne rattachent à ces beaux lieux, dans les premières émotions du printemps, ces douces sensations que l’amour, que l’opulence de la nature, et que le chant de mille oiseaux déterminent. J’ai remarqué pourtant que ces heureuses demeures sont un peu négligée, et que la discrétion ou la froideur du Beauvaisin n’a tracé, ni sur les beaux frênes, ni sur les ormeaux et les peupliers qui parent ce séjour, de ces noms enlacés, de ces emblèmes amoureux si communs dans la Bretagne ou dans les provinces du midi. À la ferme du bois, avant la descente qui conduit dans la plaine de Troissereux, vous découvrez un vaste bassin, formé par le prolongement de la montagne de Montmilles, et les bois qui couronnent la fin du coteau de Villers ; cette vue étendue est embellie par les contours du Thérain, qui serpente dans la prairie, par de belles moissons, par des bosquets agréablement disposés. On aime à contempler le soleil couchant, du bois où ce riche tableau se déploie avec magnificence, à voir ses rayons pourprés teindre les ondes du Thérain, que la lune doit bientôt décolorer en répandant sur la nature l’uniformité d’une lumière d’argent : mais c’est dans les bosquets de la Mie-au-Roi, près du moulin, dont les tourelles mangées par le temps laissent deviner un antique château, ou, dit-on, un vieux monastere consacré par l’amour d’un de nos premiers rois pour sa mie ; c’est dans les sinuosités si bien boisées, si romantiques de ce rivage qu’il faut aller terminer sa journée, l’esprit et le cœur pleins des souvenirs de merveilles et d’amour que la tradition y consacre. Ces bocages ont été sous mes yeux honorés par les pas, célébrés par les chants d’une femme héritière de la lyre de Sapho, du luth de Ninon, et de la plume de Sévigné ; les échos de ces lieux ont répété souvent le nom de Viot de Bourdic et de d’Antremont. Cette nouvelle et brillante inspirée fera peut-être par ses chants tomber les souvenirs de l’antique romance, comme les sons de Pasiello, de Piccini, de Cimarosa, anéantirent les ritournelles de Campra, de Beaumavielle, et de Lully.

La route de Gournay se sépare en deux branches à l’extrémité du village de S.-Just ; l’une d’elles conduit à Savignies, cette intéressante habitation de potiers, qui fournissent Paris de fontaines de grès, de creusets, et de vases de toute espèce : on traverse en s’y rendant le joli bois du parc ; en pénétrant dans ses allées, tantôt droites et propres à la chasse de la bête fauve, tantôt circulaires, couvertes de gazons et de fleurs, vous arrivez à des vallons que les eaux ont abandonnés, à des salles de verdure que la nature seule a préparées, à des coudrettes impénétrables à l’œil de la curiosité ; tantôt un lit de mousse vous offre le repos et le sommeil ; tantôt des cintres majestueux de grands arbres, asyle de la religion de nos pères, vous portent à la méditation, sans qu’ils soient assez sombres pour conduire à la mélancolie. La fin du bois, en s’approchant de Savignies, laisse appercevoir les rayons du soleil couchant, les jeux de sa lumière, et les pommiers chargés de fruits, qui couvrent les vergers du hameau de Rome, et du vaste château d’Herculé.

La deuxième branche de la route de Gournay ressemble à ces vallons de la Bretagne et de la Normandie, qui n’offrent que rarement de vastes aspects, dont l’horizon se termine à chaque quart de lieue, pour vous présenter de nouveaux et de riants points de vue ; ce sont de petits bois sur de petits coteaux, des prairies coupées de ruisseaux, des tertres cultivés, décorés d’arbres épars : quelques maisonnettes répandues dans la campagne en coupent l’uniformité.

Le paysage est plus vaste et plus riant près de Goincourt, que vous dominez du grand chemin ; ce beau village se prolonge dans la vallée, terminée par la montagne du Point-du Jour, qu’on apperçoit dans le lointain. On s’arrête avec plaisir pour examiner les progrès du nouvel établissement du citoyen Michel : on y fait des briques de la meilleure espèce et du plus beau rouge ; l’incroyable variété des terres permet d’y fabriquer toutes espèces de poteries, depuis le grès jusqu’à la porcelaine. Le prolongement de cette route conduit jusque dans la vallée du Bray, pays très curieux qui demande un article particulier.

En quittant Beauvais pour se rendre à Rouen, l’œil est arrêté sur la gauche par une montagne à pic, que l’active industrie des habitants essaie de cultiver : les terrains bas et trop humides qu’on a sur la droite, sont couverts d’arbres fruitiers de toute espèce ; les bords de l’Avelon, qui laissent échapper mille ruisseaux, offrent des promenades délicieuses. A mesure qu’on s’élève sur la montagne, le riant village de Goincourt, les sauvages bâtiments de la manufacture de vitriol, le village du Marais, les bois de Belloy, se déploient à vos yeux ; ce superbe point de vue est encore terminé par la montagne du Point-du-Jour, qu’un long ruban de la route de Rouen coupe dans toute sa longueur, et par les enfoncements vaporeux de la vallée du Bray. Les bois que vous traversez en continuant cette route sont enchanteurs : le village de Saint-Léger, que vous trouvez en les quittant, offriroit à l’ami des champs et du repos le plus délicieux asyle. Vous passez le riche pays d’Auneuil avant d’arriver au Point-du-Jour, que je viens de citer comme une des bornes de ce noble et grand paysage.

La route de Paris est riche d’aspect, et variée de forme ; outre le grand tableau que présente sur la gauche la vallée de Voisin-Lieu et de Villers, et le vaste amphithéâtre qui s’élève de Marissel et de Terdonne jusqu’à la ligne de Tillé et de Laversines ; outre ces monts qui se croisent à l’horizon derrière Bourguillemont, vous avez sur la droite le bois et la vallée d’Allonne, le bois de Warluis, et des vallons délicieux.

Je ne connois point de jardins anglais qui présentent plus de richesses, de masses plus belles dans des proportions bornées que celles qui se varient à l’infini sur la route de Beauvais à Clermont ; rien de comparable à cet interminable village, perdu dans les ormeaux sur les bords du Thérain, qui s’étend presque jusqu’à Terdonne ; rien d’aussi fécond que ces terrains chargés de légumes, qui dans une vaste étendue couvrent les environs de la ville au sud-est. À ces riches aspects, à ces terres fécondes succèdent d’immenses prairies peuplées de grands troupeaux, des bocages disposés avec tant de bonheur, qu’on les croiroit l’effet de l’art et de l’intelligence ; votre œil est entraîné de monticules en monticules dans un lointain où tout se confond avec les nuages. Je laisse à l’imagination du lecteur, pour compléter le tableau des environs de Beauvais, à remplir les terrains qui séparent ces routes de tout ce qui peut embellir la campagne ; jardins frais et fleuris, moulins si variés de formes, châteaux, qui ne rappellent ni l’extrême opulence, ni la féodalité, sentiers au fond de la vallée, que coupe un ruisseau murmurant, qui vous conduit à l’habitation du simple laboureur, où l’hospitalité vous offre ses fruits, son lait, et ses caresses.

J’ai cru nécessaire de donner au voyageur l’idée positive de ce qu’il pourroit trouver dans les environs de Beauvais, si ses affaires, ses goûts ou la curiosité l’y conduisoient.

Ce seroit ici le lieu de faire connoître les fêtes de villages qui dans les principaux jours de l’année appellent les Beauvaisins à la campagne : mais on ne peut nommer fêtes les rassemblements qui s’y forment ; la propreté, j’oserois dire l’espèce de luxe des individus de la classe la moins riche sont la seule chose qui m’ait frappé dans ces réunions, auxquelles aucun instrument champêtre ne donne la vie ; on s’y rend processionnellement sans gaieté ; de tristes violons tentent en vain de donner de l’action à des êtres que leurs mœurs ou que leur position sur le globe rendent apathiques et froids. O rives de l’Arno ! champs animés de la Provence et du Languedoc ! rivages de la Loire ! hameaux de la Bretagne ! combien vous parlez plus aux cœurs, à l’imagination ! non que la nature soit plus belle dans ces contrées, mais les individus qui les peuplent ont un coup de soleil de plus.

Revenons à Beauvais. Cette cité n’est pas plus mal-saine que le reste de la Picardie ; on y compte un grand nombre de vieillards : la peste et la suette sont les seules maladies épidémiques dont fassent mention ses mémoires.

Boyer, médecin du roi, fut chargé, en 1750, d’examiner une maladie qu’il nomme la suette.

Il rend compte, dans un mémoire imprimé chez Desjardins en 1750, de ses observations.

« Cette maladie, dit-il, est la même que celle qu’en 1747 il suivit dans la ville de Beaumont-sur-Oise, Chambly, et dans les paroisses circon-voisines. Elle parut il y a trente ans dans le Beauvaisis ; chaque année elle reparoît en divers lieux : la saison et la qualité des aliments la produisent.

« On s’éveille après trois ou quatre heures de sommeil avec une sueur copieuse, une chaleur ardente, le visage enflammé, la langue blanche, le pouls dur, tendu, fort, plein, lourd.

« La chaleur augmente les deux et troisième jours ; fièvre ardente, éruptions qui rendent la peau graveleuse sur tout le corps ; elles se montrent comme de petites vessies pleines d’une liqueur blanche ; plusieurs malades sont couverts de taches rouges plus ou moins foncées ; on diroit un érésypele universel. « La suette est du genre des fièvres putrides, malignes, inflammatoires.

« On la guérit par la saignée, par la tisanne de fraisier, de chiendent, de reglisse, par l’eau de poulet, le petit-lait, etc. »

On cite comme preuve de la longévité dans ce pays qu’au premier jubilé, publié à Rome par Boniface VIII, entre deux cent mille pèlerins, il s’en trouva deux de Beauvais âgés de 107 ans.

Le climat de Beauvais est tempéré ; le vin y est très médiocre, froid, sur ; on le fait presque toujours trop tôt, et quelquefois si verd, qu’il cesse d’être potable. La méthode de Chaptal, recommandée chez tous les vignerons, essayée avec succès chez quelques particuliers, détruira peut-être les mauvais effets d’une routine nuisible.

Les vins de Saint-Jacques, de Marissel, de la Côte et de la Goutte d’or sont les moins mauvais du canton. On assure qu’en 1757, un des grands-vicaires du cardinal de Gèvres, se rendant à Rome, remplit sa voiture de vin de Marissel, auquel il étoit accoutumé : il est léger, apéritif.

Les légumes sont abondants, mais peu savoureux dans la banlieue de Beauvais ; à Bresles ils sont préférables.

Les cidres sont médiocres dans cette partie du département ; ils sont meilleurs dans le Bray, près de Songeons, de Gerberoy, et de Plainville. Les grains sont abondants et de bonne qualité, sur-tout dans la plaine de Tillé ; les fourrages des environs de la ville sont médiocres.

Tous ces détails, au reste, que je traite ici légèrement, seront donnés dans les descriptions particulières de chaque localité, et dans les tableaux que je vais exécuter.

Le territoire dépendant de Beauvais est peu considérable, il est composé de deux fermes, occupant ensemble environ 400 arpents, et de 300 arpents de vignes : ces vignes appartiennent à de petits propriétaires, qui les soignent eux-mêmes, ou les font travailler par des vignerons à raison de trente à trente-cinq sous la verge ; ce même espace se cultivoit, il y a quatre ou cinq ans, à raison de vingt-cinq sous : les ceps sont placés dans des tranchées coupées par des élévations de terre, qui servent d’abri, et facilitent les moyens de provigner. Les récoltes de vin sont si précaires, le vin d’une qualité si médiocre, que beaucoup de vignerons se résolvent à mettre en bled l’ingrat terrain de leur vignoble.

Les terres des environs de Beauvais sont fortes, remplies de pierre calcaire, de marne, et de silex, et de peu de rapport, en général : il faut en excepter des jardins nommés les aires, placés à l’est de la ville, qui fournissent une prodigieuse quantité de légumes. Cent vingt à cent trente propriétaires se partagent ces terres fécondes, que, déduction faite des sentiers, des fossés, places vagues, on porte à cent quatre-vingts arpents : le nombre des propriétaires et locataires qui font valoir par eux-mêmes est de soixante-dix à soixante-quinze. Ces terres sont d’un prodigieux rapport ; mais elles consomment une énorme quantité de fumiers de toute espèce, de fiente de pigeons, de volaille, de moutons surtout : elles rapportent trois ou quatre fois l’année. L’estimation totale est à-peu-près de 510,000 f., qui donneroient, à raison de cinq pour cent, 25,500 fr. Leur produit brut est estimé 192,000 f., desquels déduisant la somme de 90,000 f. pour engrais et frais d’exploitation, donnent un bénéfice net de 102,000 f. ; partant l’industrie de ces exploitants leur donne un produit quadruple de l’intérêt de l’argent à cinq pour cent.

En s’étendant sur Marissel et sur Allonne surtout on pourroit augmenter de beaucoup le produit des aires ; mais le propriétaire se contente de cultiver le terrain qu’il possède, et préfère malheureusement les moyens faciles, immoraux et dangereux de l’agiotage, à ceux qu’il pourroit faire si légitimement en augmentant ses cultures.

Les aires se cultivent à la bêche et à la fourche ; elles exigent les travaux les plus opiniâtres pendant huit mois de l’année ; ils commencent avant l’aurore, et ne finissent qu’après le crépuscule du soir : cent cinquante ou deux cents filles et femmes sont employées par ces exploitants à raison de 1 f. 25 c. par jour. Les productions de ce riche terrain sont, des pois, des féves, des haricots, des pommes de terre, du chanvre, des pommes, dans les terres les moins soignées ; les autres produisent une prodigieuse quantité de raves, radis, laitues, scaroles, chicorées, romaines, oignons, carottes, porreaux, salsifis, plants de choux à repiquer, choux pommés, anis, glaïeuls, osier. Ces plantes, nées dans un terrain aqueux ne sont pas de première qualité ; elles sont quelquefois monstrueuses. Les meilleurs légumes, et les meilleurs fruits qu’on mange à Beauvais viennent des jardins de Bresles des cantons de Clermont et Liancourt.

Ces aires remplissent l’espace qui règne entre la route de Clermont et la route de Paris ; elles offrent un aspect délicieux : ces milliers de compartiments, le désordre heureux de la plaine qu’arrose un bras du Thérain, embelli par cette lisière d’aunes et de frênes qui borde le coteau depuis Beauvais jusqu’à Terdonne ; — paysage enchanteur, promenade délicieuse à toute heure, sur-tout à la chute du jour, quand des bandes d’or et d’opale se mélangent à l’occident, quand la cathédrale énorme, les ruines de Beauvais, se dessinent sur ce fond magique, et que le clocher de Marissel, porté sur un amphithéâtre de vignobles, coupe de ses flèches aiguës les nuages presque décolorés de l’orient.

Avant le quatorzième siècle tous ces terrains étoient incultes, comme les marais d’Allonne et de Marissel le sont encore : à cette époque les habitants de Voisin-Lieu les défricherent, les convertirent en prairies ; ceux de la poterne S.-André y cultiverent des chanvres et des lins. Ils devinrent dans le quinzième siècle ce qu’ils sont à présent, le jardin le plus riche et le plus fécond de la France.

Qu’on juge de la bonté de cette terre, dont on vend l’arpent 3000 francs, quand il rapporte de 15 à 1700, et quelquefois 2400 francs par an.

Le terrains des aires est aquatique. Il donne des fraîcheurs aux étrangers qui le cultivent : il ne fait aucun mal à ses habitants, dont l’âge se prolonge quelquefois jusqu’à quatre-vingts à quatre-vingt-dix ans. On y meurt rarement avant soixante ans.

Mais, je l’ai dit, l’agiotage destructeur pénetre jusque dans cette heureuse vallée, et menace de la détruire. Les habitants commencent à préférer l’abondant produit de l’usure à l’honnête rapport de leur travail. Il n’est plus d’angle sur la terre que n’ait atteint la démoralisation.

Le peu de cidre qui se récolte dans le canton de Beauvais est d’une médiocre qualité ; il se vend de 26 à 30 livres le muid de 320 bouteilles. Il est étonnant qu’ayant sous les yeux l’exemple de la Normandie et la facilité d’en tirer du plant, la grande majorité des habitants du Beauvaisis soigne aussi peu les arbres, et conserve une aussi mauvaise méthode de faire les cidres.

Le vignoble de Beauvais, situé entre le 49 et le 50e degré de latitude, ne fournit, par sa position et la manière dont il est cultivé, qu’un vin foible, peu généreux, qui, dépourvu du principe alkoolique, est de mauvaise garde. La nature forte du terrain oblige bien les vignerons à rapprocher les ceps pour qu’ils ne poussent pas tout entiers en bois ; mais il est un juste milieu à tenir pour ne pas avoir cette grande quantité de raisins, dont l’abondance est toujours en raison inverse de la qualité. Ils ne peuvent changer la température qui concourt puissamment à modifier la sève et à former cette quantité de muqueux sucré sans lequel on ne peut espérer de bon produit ; mais en greffant sur cep avec des espèces mieux appropriées à la nature du sol, en ne mettant plus cette masse de fumiers, dont l’usage, même en petite quantité, est toujours dangereux, et en variant la nature de leurs engrais, les cultivateurs de ce vignoble seroient bien sûrs d’obtenir des vins d’une meilleure qualité, dont la vente les dédommagerait amplement des nouveaux soins qu’ils seroient obligés d’apporter à la culture. Il n’y a ni bois ni parc dans l’arrondissement de Beauvais.

Quelques plantations nouvelles garnissent les places S.-Étienne, S.-Michel, dans l’intérieur de la ville. Les plantations faites au Champ-de-Mars, autour du jeu de paume et du jeu de tamis donnent la plus belle espérance. On entretient avec soin les semis assez considérables faits par les anciennes municipalités.

Les remparts sont plantés d’ormeaux ; mais ils sont presque tous ulcérés. Il seroit possible de remédier à ce mal par les procédés indiqués par la société d’Abbeville : on perce l’arbre jusqu’au centre ; on y place une cheville en bois de chêne pour y faciliter l’écoulement de la sève trop abondante. Cette opération se fait dans les mois de février et de mars.

Ma description seroit incomplète, si je n’entrois dans quelques détails sur l’intérieur de la ville. Beauvais, comme nous l’avons dit, est construit au milieu des canaux formés par le Thérain et l’Avelon qui l’environnent. Les murailles, couvertes d’arbres et d’une construction variée, sont quelquefois très pittoresques. La promenade des remparts est agréable ; elle domine, tantôt sur la campagne, tantôt sur les ruines d’anciennes églises, au milieu desquelles on voit avec étonnement la cathédrale conservée sans aucune marque de destruction. Une multitude d’aiguilles, d’arcades, de pans de murs, fournit des études intéressantes pour l’architecture et la perspective. Presque toutes les maisons, mal alignées, sont bâties de bois, d’argile, et de mortier, à la manière de nos plus anciennes villes : on est frappé, au milieu de ce désordre, de la multitude d’ornements de sculptures en bois qui les décorent. Comment la sculpture a-t-elle atteint ce point de perfection, quand l’architecture, qui communément marche sur la même ligne, est restée si loin derrière elle ? et comment, dans les jours de l’aisance et de la prospérité, les Beauvaisins ne se sont-ils pas procurés des demeures plus élégantes et plus commodes ? Le seul bâtiment qu’on puisse citer est celui de l’hôtel-de-ville ; il forme une des faces de la place principale de Beauvais, à laquelle il ne manque qu’une suite de bâtiments pareils pour être une des plus vastes et des plus belles de la France. Tous les habitants désirent de la voir ornée d’une fontaine, à laquelle on pourroit,avec peu de dépense,conduire les eaux abondantes et pures de Panthemont ou de la Mie-au-Roi. Il ne règne aucun luxe dans l’intérieur des maisons de Beauvais : les habitants y vivent très retirés, dans une certaine aisance, résultat de leur ancienne industrie et de leur modération habituelle. Leurs mœurs, malgré le voisinage de Paris, prennent une teinte de celles de la Flandre ; ils ont plus l’air de se laisser aller au plaisir de la société, que d’être entraînés par les jouissances qu’elle procure. Cette vie sédentaire, éloignée du mouvement étranger dont l’homme a besoin, fut la cause peut-être de cette habitude de médisance ou de calomnie qu’un vieux proverbe prêtoit aux habitants de Beauvais (Beauvais, ville sonnante, puante, et médisante). La surveillance de la police, la chûte des clochers, la justice et la raison, qui tous les jours doivent faire des progrès, anéantiront ce proverbe désagréable. Les cafés, les spectacles, les lieux publics sont peu fréquentés : les jeux de hasard y sont proscrits, et n’y ont jamais fait le désespoir des familles. Comme à Genève, comme à Basle, comme dans les petites républiques isolées, les étrangers sont rarement accueillis à Beauvais ; quelques familles y dominent, s’y sont alliées par le sang ou par des intérêts communs ; elles craignent tout ce qui ne tient pas à leur coterie ; et peut-être doit-on à cet éloignement, à cette espèce de méfiance, la probité, la fidélité à tenir leurs engagements, le peu de faillites et de banqueroutes qu’on y remarque. On croiroit qu’une petite ville où regnoient un évêque, tant de chanoines, le clergé de treize paroisses, les moines et religieuses de huit couvents, des séminaires, des collégiales, des chapelains, des hospitalières, un collège dirigé par des prêtres, des chantres, des bedauts, des enfants de chœur, où la raison et la réflexion étoient sans cesse brisées par le son des cloches et les subtilités de la théologie, devroit avoir conservé beaucoup de fanatisme. Mais il faut rendre justice au clergé de Beauvais ; il n’a jamais embrassé le système d’intrigue qu’on a vu déchirer plusieurs départements ; il a baissé la tête avec résignation sous le coup des persécuteurs : sa conduite a toujours été celle que prescrit l’évangile ; et si le gouvernement se détermine à le favoriser, il le pourra sans inconvénient ; il sert Dieu, sans persécuter : son but est d’ajouter à la saine morale la force de la religion, la crainte et l’espérance de l’avenir, base de tous les cultes. Il doit sentir plus que jamais que la simplicité, que la modération évangélique, peuvent seules faire oublier l’orgueil intolérant dont l’ancienne église a malheureusement donné l’exemple ; qu’on ne doit plus voir le pied d’un pape fouler la tête d’un souverain ; que l’inquisition, les billets de confession doivent disparoître ; et qu’un culte dans le dix-neuvieme siècle ne peut être ce qu’il étoit dans le dixième.

Les pratiques du paganisme ont dû disparoître dans une ville toute catholique. Elle en conserve cependant quelques vestiges ; témoin les fêtes, les repas, les éloges funèbres qu’on célèbre en coterie, quand on va déposer en terre l’homme qui se fit aimer, ou qui marquoit dans son quartier.

Le cimetière de Beauvais est à présent hors de la ville, dans l’enceinte des capucins ; des vases cinéraires et des médailles qu’on y trouve démontrent qu’à des époques reculées ces terres avoient la même destination. Grâce à la piété du maire les cérémonies funéraires s’exécutent avec décence ; ses vues s’étendent sur toutes les parties de son intéressante administration : il faut espérer qu’il profitera de son influence pour achever de régler la police, et de faire disparoître surtout de la place publique ces langes, ces tentes en lambeaux, ces échoppes, qui ne mettent à l’abri des influences des saisons ni le marchand, ni l’acheteur, ni les denrées qu’on y débite : de petites boutiques propres et régulières, alignées, décorées, faites en brique, ne coûteroient guère plus à ceux qui étalent sur ces places que le terrain nu qu’on leur loue ; et quelle salubrité, quelle propreté, quels avantages ne résulteroient pas de ce nouvel établissement !

Il y a dans Beauvais une salle de comédie proportionnée à la grandeur de la ville, assez bien décorée par le propriétaire ; il la loue aux comédiens, qui, toujours trompés dans leurs espérances, se hâtent de l’abandonner.

L’art dramatique n’a pas de prise sur des hommes froids qui redoutent la dépense jusqu’à blâmer celle dont ils profitent.

Il est probable que les Bellovaques s’établirent à Beauvais pour jouir des avantages que ses eaux et sa position présentent aux manufacturiers. Cette ville, dans le moyen âge, fut nommée villa pontium, d’après une lettre de Suger.

Nous avons des notions assez précises sur le commerce et les arts des Belges, dont les Bellovaques faisoient partie ; mais sans des dissertations, inadmissibles dans cet ouvrage, il est impossible de les développer.

Depuis la conquête des Francs, Beauvais eut ses fabriques d’étoffes, comme Amiens, comme Abbeville ; mais les ravages des Normands nous en ont fait perdre les traces.

On sait que dès l’an 800 des moulins à foulon étoient établis dans le faubourg de Beauvais nommé S.-Quentin. Un article du règlement de Philippe II, en 1182, fait mention des paudouers qu’on fichoit en terre à Beauvais, pour y étendre des draps. On fit dans cette ville, en 1379, des aunes de bois ; elles étoient de corde auparavant. En 1360, on établit deux foires dans cette cité.

Beauvais fournissoit aux marchés de la Champagne, les plus renommés et les plus importants de ce temps, des brebis et des pourceaux.

L’époque la plus florissante des manufactures de cette ville, dans les temps modernes, paroît avoir été celle de 1780 à 1789 ; on y comptoit alors de sept à huit cents métiers battants ; ils employoient neuf à dix mille ouvriers. Les étoffes fabriquées par eux, qu’on débitoit principalement en Normandie et dans toutes les parties de la France, étoient des ratines de , qui se vendoient de 7 à 8 liv. ; ratines , de 6 à 7 liv.

Calmouck ou moletons béges, moletons espagnolettes, tous de , de 3 à 4 liv.

Moletons rayés, calmouck, de 3 liv. 15 s. à 4 liv. 15 s. ; moletons à deux faces, de 6 à 7 liv.

De 1780 à 1790, des espagnolettes particulières, d’une aussi bonne qualité que celles des fabriques de Demetal, étoient un des objets les plus marquants du commerce de Beauvais.

On y fabriquoit, en 1770, des draps à deux faces, écarlate et bleu, et autres couleurs tranchantes : ils obtinrent un grand débit ; ils valoient alors 18 à 20 livres l’aune , et, comparés aux draps des autres fabriques, se vendroient à présent de 40 à 50 liv. On n’en a guère fabriqué que quatorze à quinze cents pièces.

Cet état des fabriques de Beauvais a tellement été réduit par la révolution, qu’on compte à peine deux cents métiers dans la ville, et deux mille ouvriers.

La matière première manque aux fabriques ; elle est d’une cherté exorbitante ; l’ouvrier est obligé de vendre presque toujours à perte l’étoffe qu’il vient de terminer. Les grands rouets ne sont point en usage, ce qui ne permet pas de supporter la concurrence avec Amiens, Carcassonne, et Montauban. Il seroit utile, pour encourager la fabrique de Beauvais, et pour détruire la routine du département de l’Oise, de fournir des avances à la commission des hospices, qui feroit établir une filature à grands rouets. Les maires de Mouy, d’Aumale, de Tricot, enverroient un certain nombre d’élevés à l’hospice pour en apprendre l’usage. Il n’est aucun moyen qu’on ne doive employer pour rendre à Beauvais l’état qu’il eut jadis, si l’on veut qu’il soit encore compté parmi les villes de commerce. On voit avec peine les fabricants de ce pays négliger les procédés offerts par la chimie nouvelle. Nous ne sommes plus à l’époque où quelques efforts ou quelque industrie faisoient réussir des manufactures. L’Espagne même se réveille d’un long sommeil ; elle établit des filatures en grand dans la Catalogne ; et diminue par là notre commerce, puisque nous étions dans l’usage de lui fournir des draperies.

La prospérité des manufactures de Beauvais tenoit encore à l’exactitude avec laquelle on suivit les ordonnances des comtes, des évêques, des rois, et du parlement : des inspecteurs visitoient, marquoient chaque nature d’étoffe ; on ne pouvoit tromper sur leur qualité, sur l’aunage, et sur leur valeur. Cette surveillance n’eût peut-être pas obtenu le suffrage public dans un moment où tout étoit dirigé par le mot vague et indéfini de liberté ; mais elle doit renaître aujourd’hui.
Toiles peintes.


Le commerce de toiles peintes s’établit à Beauvais en 1765 ; en 1786, quatre fabriques avoient deux cent cinquante tables battantes ; elles employaient mille soixante et quatorze ouvriers.

De 1780 à 1786 ces quatre maisons faisoient pour deux millions d’affaires.

Les toiles de coton s’achetoient à Lorient à raison de 36 à 50 sous l’aune.

Les toiles de fil, dites demi-hollandes, s’achetoient à Bulles de 3 liv. 10 s. à 4 liv. l’aune.

Laval en fournissoit de 2 liv. à 2 liv. 10 s.

Les deux tiers des produits de ces manufactures étoient consommés dans l’intérieur ; le reste se débitoit en Italie, en Espagne, en Amérique.

Présentement il y a dans Beauvais huit fabriques de toiles peintes ; elles n’occupent que huit cent soixante ouvriers, et ne font qu’un million six cent mille livres d’affaires.

Le citoyen Guérin jouit d’une grande réputation pour l’application des rouges : la Suisse, Neuchâtel, la maison Portalès, ont recours à sa fabrique. Le citoyen Baron obtient le même succès pour ses bleus faïencés.

La maison Michel, père et fils, faisoit, il y a quelques années, pour deux millions d’affaires avec l’Espagne, en y transportant les demi-hollandes de Bulles, qu’ils blanchissoient.

Ce commerce est continué avec moins d’étendue par le citoyen Michel Mazieres ; il emploie dans sa manufacture l’acide muriatique oxygéné : il seroit à souhaiter qu’il réalisât le projet de blanchir à la vapeur de la soude.

Il seroit nécessaire que de sages règlements fixassent le prix de la main-d’œuvre ; que le manufacturier ne fût plus victime du caprice des ouvriers qu’il emploie ; que leur insubordination fût réprimée ; que l’apprenti tînt à ses engagements ; que des coalitions nuisibles à l’industrie fussent prévenues : elles sont telles que jusqu’à présent les femmes n’impriment pas dans les atteliers, ce qu’elles font en Suisse, en Allemagne, etc.

La marche rapide du gouvernement, ses opérations, sa prévoyance, font tomber ces abus à l’instant où j’écris ; et ces notes ne serviront, en établissant ce qui fut, qu’à faire valoir ce qui doit être.

Je n’ai point parlé des tanneries, des bonneteries, etc., etc., indiquées dans le tableau général du commerce et des manufactures.


Beauvais a toujours passé pour une ville de bienfaisance et de charité : des femmes respectables, sous le titre de mères des pauvres, distribuent les dons de leurs concitoyens dans les asyles de la misère, qu’elles ne cessent de visiter : mais leurs opérations, commandées par le cœur et la sensibilité, n’ont pas la sage mesure que prescrivent les Anglais, les Toscans, et tous ceux qui s’occupent de la distribution importante des secours publics : l’espèce d’aisance qu’elles fournissent à l’indigent devient pour ainsi dire un luxe dangereux, puisqu’il entretient leur paresse, et qu’il va jusqu’à leur donner du dégoût pour les aliments de l’ouvrier industrieux.

Que l’esprit de clientele, que quelques partialités, qu’un peu d’ostentation, se mêlent à ces actes pieux : je veux le croire ; c’est le foible de l’homme : mais qu’on aille jusqu’à refuser des secours au malheureux qui ne peut montrer un billet de confession ; il faut rejeter cette pensée qui noirciroit un beau tableau, et ne pas supposer que des êtres sensibles et généreux établissent une magistrature inquisitoriale dans l’asyle de la pauvreté.

On compte deux hospices à Beauvais,

Celui des malades, où l’on reçoit les hommes et les femmes, est garni de quarante-huit lits ;

Celui des vieillards et des orphelins des deux sexes, qui sont au nombre de deux cent vingt-huit.

Le revenu de ces deux maisons est de 88500 liv. ; les octrois entrent dans cette somme pour 32 81 l. ; le travail des indigents dans l’an 9 augmenta ce revenu d’une somme de 2500 liv. Les charges et les dépenses annuelles de ces hospices se montent à 123157 liv. : il y a donc une insuffisance annuelle de 32081 livres dans leurs revenus ; aussi leurs dettes passives s’élevent-elles à 48899 liv.

Les hospices de Beauvais ont perdu, depuis 1790, 49931 liv. de rentes.

Ces maisons, particulièrement celle des vieillards, ont besoin de plus de 80,000 liv. pour réparer les maux de neuf années.

On doit les plus grands éloges aux administrateurs de ces hospices ; au citoyen Langlet, officier de santé du premier mérite, qui les soulage ; à la demoiselle Guérin, chargée de la surveillance et des détails de l’hospice des vieillards et des orphelins.

Des sœurs hospitalières de l’ancienne congrégation de S.-Jean desservent l’hospice des malades : elles soignent les militaires ambulants et les prisonniers qu’on leur confie, avec beaucoup de zèle et d’intelligence.

Des atteliers de draperies, où se font tous les ouvrages, depuis le nettoiement des laines jusqu’à la fabrication du drap, sont établis dans l’hospice des vieillards et des orphelins sur ses fonds et pour son compte.

Les hospices de Beauvais ayant 91076 liv. de revenus, et secourant trois cent quarante-huit individus dans les deux maisons, il en résulte que la dépense annuelle de chacun des secourus est de 261 liv. 13 s., ou de 14 s. 8 d. par jour. Mais le calcul manque de quelque justesse, parcequ’il est impossible d’établir avec précision, d’une part, la somme de ces 91076 liv. employées à payer des rentes, et de l’autre, la part qu’a annuellement la dette arriérée sur les fournitures réelles de ces hospices.

La même administration qui régit les deux hospices de Beauvais dirige aussi les secours à domicile, dont les revenus sont distincts. Ils étoient avant la révolution de 9449 l., auxquelles les dons particuliers ajoutoient considérablement ; ils sont aujourd’hui réduits à 4037 liv., encore 843 liv. des revenus actuels sont-ils le produit des droits sur les spectacles et les fêtes publiques. Les dons particuliers sont éteints pour cette branche de secours. La loi portant établissement d’octroi dans les villes, en affectant ses produits aux hospices, les destine bien aussi aux secours à domicile ; mais le rapport des octrois de Beauvais est loin de suffire à ses besoins, et de couvrir l’insuffisance des revenus des hospices.

Les prisons de Beauvais sont au nombre de trois : celle de justice est trop petite, mais sûre, et assez propre ; elle renferme les prévenus qui doivent être jugés par le tribunal criminel du département ; celle de détention contient les femmes, les fous, et les hommes condamnés à la gêne.

La prison de l’hôtel-de-ville sert aux condamnés par le tribunal civil à la détention, les hommes arrêtés pour faits de police, etc.