Description du département de l’Oise/Saint-Germer

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P. Didot l’ainé (1p. 77-81).
DE SAINT-GERMER.


Le canton de Saint-Germer est un pays coupé de prairies et d’herbages, dont la culture differe nécessairement de celle des belles et riches plaines de la ci-devant Picardie.

Les terres labourables sont de peu de rapport ; leur produit n’acquitteroit pas les frais de culture, si la grande quantité de bétail que nourissent des prairies fécondes ne leur fournissoit beaucoup d’engrais.

Les plantations en arbres fruitiers y sont multipliées ; mais le cidre est d’une qualité médiocre.

Les cultivateurs prétendent que l’abus du plâtre qu’on répand sur les prairies artificielles, où l’on ne cultive cependant que le trefle, fait mourir une grande quantité de bêtes à cornes et cause de fréquentes épizooties.

Les terres en général étant d’une qualité médiocre ne produisent que du seigle et de l’orge.

Il y a quelques carrières dans les environs de S.-Germer ; mais la grande dureté des pierres fait qu’on les emploie peu dans les bâtiments : quelques tuileries fournissent aux besoins des environs.

Les mœurs des habitants étoient assez douces autrefois : on se plaint aujourd’hui du peu de respect des enfants pour leurs pères, et du peu d’égards qu’on a pour la vieillesse.

Les chemins vicinaux sont si mauvais dans ces contrées, qu’ils éloignent jusqu’aux mendiants étrangers.

Le commerce du pays consiste en grosses étoffes de laine qu’on y fabrique, en dentelles noires, qui s’enlevent pour Paris et pour l’Espagne.

Les maires de Saint-Germer, d’Hannaches, d’Auchy, se plaignent que depuis la révolution et la perte de la religion, le libertinage est à son comble dans leurs communes.

Les terres coupées, montagneuses des environs de Saint-Germer contrastent avec les belles vallées des environs de Songeons, et les vastes amphithéâtres qu’on découvre de Gerberoy.

On ne se rappelle pas qu’il y ait eu de haras dans ces contrées ; mais le gouvernement, il y a soixante ans, y fit conduire des étalons tirés du Danemarck : ils produisirent avec les grosses juments du pays de Bray des poulains assez marquants par leurs formes et par leur bonté. Tant que cette race s’entretint dans ce pays la cavalerie s’y pourvut d’excellents chevaux.

Les habitants d’Auchy et des villages qui l’entourent sont laborieux et de mœurs douces : ils vivent vieux ; on y trouve beaucoup d’hommes de soixante-dix à quatre-vingts ans.

Les incendies sont rares dans le village d’Auchy, quoique les maisons soient construites en bois et couvertes de paille. Elles sont toutes séparées ; les granges, les étables ne touchent pas au bâtiment principal : de grands arbres arrêteroient les progrès du feu.

De chez le citoyen Larchier Courcelles, ci-devant seigneur de la commune d’Auchy, on a la vue la plus belle ; rien d’égal à la diversité des sites qu’elle présente.

Je ne peux m’empêcher, en parcourant tant de communes dépendantes de Saint-Germer, de faire connoître et de proposer pour modèle l’agent de la commune d’Hannaches, Claude Cochereux : il est d’autant plus estimable que le sol sur lequel il exerce ses talents est très ingrat, que la variété des expositions et de la nature de ses terres lui présente toujours des difficultés dont son courage et son intelligence savent triompher.

Les environs d’Hannaches produiraient assez de cidre pour qu’on pût en exporter, si les chemins étoient en bon état.

Tous les habitants voisins de Saint-Germer demandent qu’on acheve une grande route commencée de Beauvais à Gournay, qui passeroit par Savignies : elle donneroit des débouchés nécessaires à des communes qui n’en ont pas.

Le château d’Hannaches, situé entre Gerberoy et Gournay en Bray, est fort ancien ; on le croit bâti à la même époque que ceux d’Anvoile et de Sarcus : ce dernier s’appeloit autrefois la Vieuville ; il perdit ce nom sous François Ier, qui le fit rétablir et fortifier. Il l’érigea en marquisat de Sarcus, pour Jean de Sarcus son chambélan, en 1512 : il étoit mestre-de-camp, et capitaine de cent chevaux légers. Le château d’Hannaches est flanqué de quatre grandes tours ; il est situé dans un fond entouré de monticules qui le dominent, et forment un site agréable et pittoresque.

La population de Saint-Germer, est de mille habitants. Une abbaye de bénédictins rendoit ce lieu célèbre ; leur église étoit remarquable, la chapelle de la vierge sur-tout dont la coupe passe pour un chef-d’œuvre. On prétend qu’elle a servi de modèle à la Sainte-Chapelle de Paris. Un abbé qui ne vivoit pas en bonne intelligence avec ses moines la fit bâtir, dit-on, pour éviter d’entrer dans leur église.

On dit qu’un nommé Ansegise fut établi par Charlemagne abbé de Saint-Germer, en 817.

Eustache, abbé de Saint-Germer, étoit en Angleterre du temps du pape Innocent III ; il alla de ville en ville prêcher la sanctification du dimanche : on parle de lui avec honneur dans un concile tenu en Écosse l’an 1203.

Andelelme, religieux de Saint-Germer, fut célèbre par ses écrits vers l’an 1107. Suivant Horderic-Vitalis, il ne faut pas le confondre avec un écrivain du même nom qui florissoit en Angleterre en 680.

Ce couvent de bénédictins fut fondé par saint Germer vers l’an 650 : les Normands le brûlèrent en 851 ; on le rétablit en 1030.

Saint Anselme visitoit souvent cette abbaye, remplie d’hommes saints, doctes, et religieux.