Description historique et géographique de l’Indostan/Introduction/7

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DESCRIPTION
GÉOGRAPHIQUE
DE L’INDOSTAN.



La Carte dont cet Ouvrage présente l’explication, renferme une si vaste étendue de pays ; ses différentes parties sont composées de matériaux si divers, que, pour prévenir la confusion, j’ai jugé nécessaire de diviser mon travail en sections séparées, selon la division naturelle du pays, et en quelque sorte, selon la nature des matériaux. Je l’ai donc divisé en sept sections.

La première contient les côtes maritimes et les îles.

La seconde — l’étendue de pays dont le plan a été levé, du côté du Bengale, ou le pays arrosé par le Gange et ses branches principales, en remontant à l’ouest jusqu’à la ville d’Agra.

La troisième — le pays arrosé par l’Indus et ses branches.

La quatrième contient le pays situé entre la Kistnah et les contrées arrosées par le Gange et l’Indus, c’est-à-dire, le milieu de l’Inde.

La cinquième — la presqu’île au sud de la Kistnah.

La sixième — les contrées situées entre l’Indostan et la Chine ; savoir, le Thibet, Bootan, Assam, Pégu, Aracan, Ava et une partie des états de Siam.

La septième et dernière contient des tables de distance entre les villes principales, etc.

Mais avant d’entrer en matière, il convient de faire connaître la mesure itinéraire en usage dans les lieux dont on n’a pas levé le plan. Dans l’Indostan, c’est la Coss dont les dimensions varièrent souvent, selon le caprice de certains empereurs. Cependant ces variations ne purent jamais prévaloir, le public s’obstinant à se servir de la mesure primitive.

Acbar fut le premier qui changea les dimensions de la coss. Il voulut qu’elle fut de 5,000 guz, ce qui équivaut à 4,757 verges géométriques, ou environ deux milles d’Angleterre et cinq stades. Un demi-siècle après, Shah Jehan augmenta la coss d’un vingtième, en la portant au-delà de deux milles et six stades. Mais depuis Aureng-Zeb, la coss ancienne ou commune est la seule en usage, et l’on ne connaît plus celles d’Acbar et de Shah Jehan que dans l’histoire des temps où l’on s’en servait.

On doit s’attendre que dans un pays dont l’étendue est équivalente à moitié de l’Europe, les mesures itinéraires, quoique sous la même dénomination, varient selon les lieux. C’est ce qui arrive dans différentes provinces d’un même royaume en Europe. Mais quant à la coss, d’après les premières données qui permettent d’établir une juste comparaison, elle ne varie pas d’un sixième, dans tout le pays ; et entre les extrémités septentrionales et méridionales de l’Inde (c’est-à-dire, dans une étendue d’environ 1700 milles) la différence n’est pas de plus d’un seizième. Les milles varient beaucoup plus dans les différentes parties de l’Europe.

En prenant un terme moyen entre les coss en usage dans l’Indostan et le Deccan, il y en aurait environ quarante au degré d’un grand cercle du globe ; c’est-à-dire que chaque coss est d’environ un mille et demi géographique : mais il faut l’entendre de la mesure horizontale de laquelle sont déduites les sinuosités des routes ; car il n’y a pas de règle certaine pour estimer avec une précision géographique la longueur des routes. La coss cependant, si l’on veut l’évaluer en mesure de route, est d’environ un mille et neuf dixièmes ; de manière que 190 milles d’Angleterre équivalent à 100 coss. Un septième est accordé pour les sinuosités, lorsque la distance est considérable. Ainsi, sept milles mesurés sur la route sont censés valoir six milles mesurés horizontalement, ou en ligne directe.

Dans le Malwa et son voisinage, les coss sont plus grandes que par-tout ailleurs. Elles sont d’environ 1,7 milles géographiques, ou de 35 au degré. Sur la route de Baglana à Masulipatam, elles sont si courtes, qu’il en faut 46 pour un degré. Mais comme cette dernière proportion n’est appuyée que par un exemple, elle ne peut servir de règle. Les proportions que j’ai adoptées pour l’Indostan, le Malwa et le Carnate, d’après un grand nombre d’exemples sont respectivement 1,43 ; 1,71 ; et 1,6 milles géographiques pour une coss horizontale, ou 42 ; 35 ; et 37½ pour le degré d’un grand cercle. La coss de l’Indostan est donc plus courte que toute autre, et elle est en usage dans la plus grande partie du pays. Il y a encore dans le Nagpour (l’ancien Goondwaneh) une coss Goondy d’environ 2,76 milles géographiques réduits en distance horizontale, ou de 21,9, ou 22 au degré. Cette mesure paraît être en usage chez les naturels de Mundiua et Boggilcund, ainsi que dans le Nagpour. Elle occasionne quelquefois beaucoup de confusion dans les rapports des cossids ou courriers. On compte cependant aussi par coss de l’Indostan dans ce pays, et en général, les proportions conviennent très-bien à cette échelle, entre les provinces du Bengale et Aurungabad, et entre Mundilla et Hydrabad.

Après avoir parlé des sinuosités des routes, peut-être est-il à propos de donner le résultat de mes recherches sur ce point, pour l’utilité de ceux qui auraient à faire des itinéraires en distances évaluées. On accorde un septième, comme je l’ai dit plus haut, lorsque les distances sont considérables, dans les pays coupés par des rivières profondes, ou des eaux courantes ; dans ceux où la main des hommes n’a pas pratiqué de routes, et dans les contrées où se trouvent des obstacles à surmonter. Les sinuosités des routes dans différens pays, (toutes choses égales d’ailleurs) sont en rapport avec leur état plus ou moins amélioré. Dans l’Inde, les routes sont excellentes. Quand de profondes rivières (dans ce pays elles sont en grand nombre et sans ponts), des marais, des montagnes, ou d’autres obstacles s’opposent à ce qu’une route continue à suivre la ligne droite, on lui fait décrire la courbe la plus commode pour le passage. Aussi les routes, dans l’Inde, présentent-elles beaucoup plus de sinuosités que celles d’Europe, où nous jettons des ponts sur les rivières et les courans d’eau, où nous coupons les montagnes pour en adoucir la pente. La différence occasionnée par les sinuosités doit varier avec les circonstances. Elle peut n’être que d’un dixième dans un pays aride, découvert, et passablement uni ; mais cette circonstance est si rare, qu’elle ne peut motiver une règle générale. Plus la ligne de la distance est considérable, plus le résultat des sinuosités le devient aussi. Moins une route est longue, moins elle offre de détours ; car, dans les pays où l’administration des routes n’est point perfectionnée, une grande route se forme de chemins particuliers, qui conduisent d’une ville à l’autre ; sans suivre une ligne de direction ; et alors il faut ajouter un détour général aux sinuosités particulières. C’est à ces sinuosités complexes que l’on peut appliquer la proportion de 1 à 7. Quand les distances sont très-considérables, des obstacles naturels changent la direction d’une route ; ces obstacles peuvent être un bras de mer, une rivière d’un passage difficile, un marais ou des montagnes inaccessibles. Il est possible que la route des deux côtés de l’obstacle n’ait qu’un degré ordinaire de sinuosité ; mais il est rare que dans un espace de 150 ou 200 milles, on ne rencontre pas un de ces différens obstacles. La proportion de 1 à 8 peut convenir en général aux distances d’environ 100 milles ; c’est-à-dire, huit milles de route pour sept en ligne directe, ou ce que l’on appelle communément vol d’oiseau ; et la proportion peut être de 1 à 7, lorsque la distance est de 200 à 300 milles.

Dans l’Indostan, les distances ont rarement été mesurées dans les lieux dont la véritable distance horizontale est connue, à l’exception du Bengale ; mais ce pays est coupé par un trop grand nombre de rivières profondes, de lacs et de marais, pour servir de base à une proportion commune. Dans le Carnate, contrée aride, le terme moyen des sinuosités, pour des distances d’environ cent milles, est dans la proportion de 1 à 9. En Angleterre, si nous nous en rapportons aux cartes, la proportion est de 1 à 11 pour les distances d’environ cent milles, et de 1 à 7 pour les distances plus considérables, comme celle d’Édimbourg.

Il peut arriver que la route directe traverse un désert ou un pays mal administré : dans ce cas, les voyageurs éviteraient une route où ils seraient menacés de la famine ou du brigandage ; et par conséquent ils quitteraient la véritable ligne de direction : mais il est évident que l’on ne peut donner de règles pour ces circonstances particulières. Il résulte de tout ce que je viens de dire, que le degré de sinuosités, tant qu’elles dépendent de causes naturelles, peut s’évaluer en raison composée de la longueur de la ligne de distance et de la nature du pays ; et des connaissances locales seraient nécessaires pour corriger les distances avec précision[1].

D’Anville termine ses recherches sur la longueur de la coss par en fixer le nombre à 37 au degré, terme moyen ; mais il faut remarquer, qu’il n’avait pas de lignes mesurées dont il pût se servir pour comparer ses distances. D’un autre côté, chaque degré des distances respectives de Candahar, Cabul et Attock, telles qu’il les a données lui-même, contient 47 coss de Tavernier.



  1. Ceux qui desirent une règle générale pour changer les distances horizontales en distances de route, d’après les cartes, peuvent partager la ligne de distance, si elle est très-longue, en portions de 100 ou 150 milles, et ensuite ajouter un huitième à la somme totale des distances.