Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Imprimerie royale

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Imprimerie royale.

Située dans la rue Vieille-du-Temple, no  89. — 7e arrondissement, quartier du Mont-de-Piété.

L’origine de l’imprimerie royale ne remonte pas au règne de François Ier, ainsi que l’ont avancé plusieurs historiens. Cette fondation ne date que du ministère du duc de Luynes. Le 2 février 1620, Louis XIII rendit l’ordonnance qui constitua le premier privilège des imprimeurs royaux. On lit dans cet acte que les sieurs Nurel et Mettayer, imprimeurs ordinaires du roi, pourront seuls imprimer les édits, ordonnances, règlements, déclarations, etc. Richelieu devenu premier ministre en 1621 s’empara de cette belle création et sut lui donner plus tard de grands développements. L’imprimerie royale fut définitivement organisée en 1642. Sur la présentation du cardinal, Sublet des Noyers reçut le titre d’intendant, Trichet-Dufrène fut nommé correcteur, et Sébastien Cramoisy, imprimeur. On consacra pour ainsi dire ce bel établissement en commençant ses travaux par l’impression de l’Imitation de Jésus-Christ. D’abord établie au Louvre, l’imprimerie royale fut transférée à l’hôtel de Toulouse (aujourd’hui la Banque de France). Un décret du 6 mars 1809 affecta à l’imprimerie royale une partie de l’hôtel de Soubise. Cette dépendance était appelée Palais-Cardinal, en raison d’Armand Gaston, cardinal de Rohan, qui en avait ordonné la construction en 1712. En fondant l’imprimerie royale, la pensée des rois avait pour but de créer cet établissement dans l’intérêt des lettres, et non pour l’utilité des services publics. Cette imprimerie n’avait alors qu’un petit nombre de travaux pour le compte de l’État, et son directeur n’était qu’une espèce d’entrepreneur à qui on livrait un matériel précieux et unique en lui imposant certaines charges. La famille Anisson Duperron, en possession du privilège depuis 1691, employa tous les moyens pour centraliser dans cet établissement toutes les impressions affectées aux services publics.

Un arrêt du 22 mai 1775 réunit à l’imprimerie royale celle qui avait été formée dès 1683 dans l’Hôtel de la Guerre à Versailles, chargée d’imprimer les différents ouvrages relatifs aux départements de la Guerre et de la Marine. Un autre arrêt du conseil, de 1789, y réunit aussi l’imprimerie dite du cabinet, à Versailles. L’Assemblée Constituante conserva l’administration générale de l’imprimerie, mais ne poursuivit pas l’idée d’y réunir toutes les impressions des services publics. La Convention sut réaliser complètement cette idée et constitua, en 1795, l’imprimerie de la république, qu’elle destina à tous les besoins du gouvernement. Le 22 mai 1804, l’imprimerie de la république prit le titre d’imprimerie impériale. Un décret du 24 mars 1809 modifia son organisation, et lui donna plus d’unité. Cette imprimerie resta exclusivement chargée des impressions du ministère, du service de la maison impériale, de celui du conseil d’état, et de l’impression du Bulletin des lois. La restauration, préférant les idées de l’ancienne monarchie, déclara, dans une ordonnance du 28 décembre 1814, que l’imprimerie royale cesserait d’être régie aux frais de l’état. Un directeur dut prendre pour son compte cette administration. Il gardait, en qualité d’usufruitier, les poinçons et tout le matériel de l’administration. Des plaintes nombreuses s’élevèrent contre un pareil état de choses, et une ordonnance royale de 1823 réorganisa l’imprimerie sur le pied où elle est encore aujourd’hui. Après la révolution de juillet, quelques réformateurs imprudents demandèrent la suppression de l’imprimerie, sous prétexte qu’elle était inutile, dispendieuse ou nuisible à l’intérêt privé. Une commission fut nommée ; après un examen approfondi, elle fut d’avis de conserver cette belle institution : — L’administration de l’imprimerie royale est confiée à un fonctionnaire qui porte le titre de directeur. Cinq employés supérieurs dirigent sous ses ordres les diverses parties du service. Ce sont les chefs de la typographie, du Bulletin des lois et des travaux accessoires, du service intérieur, de la comptabilité et du contrôle. Ces employés sont désignés par le garde-des-sceaux. Le directeur est nommé par le roi, entre les mains duquel il prête serment. Le budget des dépenses de l’imprimerie royale a été, pour l’exercice de 1837, de 1 971 200 francs. Les recettes effectives sont évaluées à 2 050 000 francs. L’imprimerie royale occupe 125 presses ordinaires et deux presses mécaniques mues par la vapeur. Elle emploie à son exploitation environ 456 000 kilogrammes de caractères, et conserve annuellement dans sa réserve 5 à 6 000 formes composées dans toutes les dimensions, pour les besoins instantanés des administrations financières. Son cabinet de poinçons possède, pour la typographie étrangère : 1o quarante caractères ou alphabets différents, chacun sur plusieurs corps (on en compte 92), et formant ensemble 9 386 poinçons et 13 632 matrices ; 2o deux corps de chinois gravés anciennement et formant 126 590 groupes en bois ; 3o un autre corps de chinois exécuté d’après un nouveau système, au moyen duquel on pourra avec 5 ou 6 000 groupes en représenter 60 000 ; chacun de ces groupes étant formé de signes mobiles qui peuvent se décomposer selon les exigences de la langue chinoise. Le nombre des poinçons de ce caractère gravé jusqu’à ce jour, est de 5 547. On grave en ce moment deux nouveaux corps de géorgien, un caractère guzarati et l’on frappe deux nouveaux corps de caractères hébreux. La typographie étrangère vient en outre d’être augmentée de neuf corps, nouvelle gravure, de caractères allemands. La typographie française se compose de cinquante-sept corps de caractères romains, dont seize de nouvelle gravure. Les caractères de l’imprimerie royale ont été en grande partie renouvelés dans ces dernières années. La valeur du matériel de l’imprimerie royale était estimée, au 31 décembre 1836, à 1 544 714 fr. 75 cent., dont environ 280 000 francs pour les poinçons, 200 000 francs pour les papiers en magasin, et 300 000 francs pour le dépôt du Bulletin des lois et autres ouvrages. Les caractères sont évalués seulement à 531 624 francs 67 cent., à raison de 1 fr. 20 cent. le kilogramme, ce qui ne représente que la valeur brute. Quant à l’immeuble affecté au service de l’imprimerie royale, le tableau officiel des propriétés mobilières appartenant à l’État l’évalue à 1 038 000 fr.