Aller au contenu

Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Lemoine (rue du cardinal)

La bibliothèque libre.


Lemoine (rue du cardinal).

Commence à la rue des Fossés-Saint-Bernard ; finit à la rue de Poissy. Pas de numéro. Sa longueur est de 179 m. — 12e arrondissement, quartier du Jardin-du-Roi.

« Le roy estant informé par les prevost des marchands et eschevins de sa bonne ville de Paris, qu’en exécution des arrests du conseil de sa majesté, ils faisoient travailler à l’ouverture et élargissement de la rue des Nonnaindières et à former le terre-plein qui doit estre en face des aisles du Pont-Marie, et vers l’hostel de Sens pour la communication de l’île Nostre-Dame au quartier Saint-Antoine et Marais-du-Temple par la place Royalle, et que pour la plus grande commodité publique et décoration de la ville, on pourroit faire ouverture d’une rue nouvelle au bout du pont de la Tournelle sur le quay, qui communiquerait à travers les chantiers et anciens ramparts de la ville aux quartiers Saint-Victor et Saint-Marceau, par la nouvelle rue des Fossés-des-Angloises, qui se rencontrant de droite ligne au dit pont de la Tournelle, aligneront pareillement la rue des Nonnaindières jusques à la rue Saint-Antoine, en indemnisant les propriétaires des maisons qu’il conviendroit démolir à cet effet, tant des deniers patrimoniaux de la ville que de ceux qui proviendroient des contributions qui seront faites par les propriétaires des maisons du quai de la Tournelle, à proportion de l’avantage qu’ils recevroient de l’ouverture de cette rue. Sa majesté auroit eu ce dessein agréable, et voulant qu’il soit exécuté, sa majesté estant en son conseil a ordonné et ordonne que la dite rue sera ouverte à travers les héritages, chantiers et marais estant vis-à-vis le pont de la Tournelle, et qu’à cet effet les maisons marquées sur le plan que les prevost des marchands et eschevins en ont fait lever par ses ordres seront démolies, etc… Fait au conseil d’état du roy, le 8 novembre 1687. » — Cet arrêt ne fut pas exécuté.

Une ordonnance royale du 7 juillet 1824 porte ce qui suit : « Vu les plans et procès-verbaux d’alignement des rues à former sur l’emplacement de l’ancien collége du cardinal Lemoine à Paris ; vu les contrats domaniaux des 18 frimaire an V, 9 brumaire an IX et 13 germinal an XIII, portant vente de cet emplacement, à charge par les acquéreurs de fournir le terrain nécessaire à l’ouverture des rues dont il s’agit, etc… ; nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit : — Article 1er. Les alignements des trois rues à former sur l’emplacement de l’ancien collége du cardinal Lemoine à Paris, sont arrêtés conformément aux lignes noires tracées sur les plans ci-joints, et qui donnent à chacune des deux rues 12 m. de largeur. — Art. 2e. Elles seront ouvertes, quant à présent, sur les terrains qui devront être livrés gratuitement à la ville ; quant à celle de ces trois rues désignée sous le nom de rue du Cardinal Lemoine, et qui exigera des acquisitions de propriétés particulières, il sera pourvu à son achèvement, soit par mesure de voirie, soit en traitant de gré à gré avec les propriétaires des bâtiments à acquérir, soit en procédant, s’il y a lieu, à l’expropriation suivant les formes prescrites par la loi du 8 mars 1810. » — Des trois rues dont l’ouverture a été prescrite par cette ordonnance, une seule a été exécutée. Cette rue a 12 m. de largeur, et n’est pas entièrement bordée de constructions. Elle est fermée depuis 1838.

Collége du cardinal Lemoine. — La voie publique dont nous venons de parler ayant été ouverte sur l’emplacement de ce collége, nous allons rappeler ici son origine. Il fut fondé par Jean Lemoine, cardinal, qui vint en France en qualité de légat pour terminer la fameuse querelle qui s’était élevée entre Boniface VIII et Philippe-le-Bel. Le cardinal, pour établir son collége, fit choix de l’emplacement autrefois occupé par les Augustins et donna, dans les années 1302 et 1308, des règlements dans lesquels il désignait ainsi ceux qui habitaient cet établissement : les pauvres maîtres et écoliers de la maisons du Chardonnet.

Jean Lemoine mourut en 1313 ; son corps fut transporté dans la chapelle du collége qu’il avait fondé. Les parents du cardinal augmentèrent par de nouveaux bienfaits les revenus et le nombre des boursiers de ce collége. Un des descendants de Jean Lemoine établit, en mémoire du fondateur, une fête annuelle qu’on nomma la Solennité du cardinal Lemoine. La cérémonie avait lieu le 13 janvier. Un familier du collége jouait pendant la fête le personnage du cardinal. Revêtu d’habits pontificaux, il le représentait à l’église et à table, et recevait avec gravité les compliments en vers et en prose que lui adressaient humblement les élèves.

Les comédiens de l’hôtel de Bourgogne assistaient à la célébration d’une messe solennelle en exécutant des morceaux de musique et de chant en l’honneur du cardinal. C’était un tribut de reconnaissance que ces artistes acquittaient pour les bienfaits que leur théâtre avait reçus de la famille du prélat, qui possédait dans leur salle une loge longtemps appelée loge du cardinal Lemoine. — Trois hommes célèbres, Turnèbe, Buchanan et Muret ont étudié dans ce collége, dont les bâtiments furent réparés vers 1757. Cet établissement, qui occupait une superficie de 4,160 m. environ, fut supprimé en 1790, devint propriété nationale et fut vendu le 21 messidor an V, à la condition suivante : « Que l’adjudicataire serait tenu de subir le retranchement pour le percement et l’alignement des rues projetées, sans avoir à prétendre pour raison de ce aucune indemnité contre la république vengeresse. » — Cette clause a été exécutée en partie par suite de l’ouverture de la rue du Cardinal-Lemoine.