Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Mont-Thabor (rue du)

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Mont-Thabor (rue du).

Commence à la rue d’Alger, nos 5 et 9 ; finit à la rue de Mondovi, nos 5 et 6. Le dernier impair est 43 ; le dernier pair, 58. Sa longueur est de 415 m. — 1er arrondissement, quartier des Tuileries.

Cette rue a été ouverte sur l’emplacement des couvents de l’Assomption, des Feuillants et des Capucins. Nous avons parlé du couvent de l’Assomption à l’article de l’église qui en a retenu le nom. La rue de Rivoli ayant été ouverte sur la plus grande partie de l’emplacement autrefois occupé par la maison des Feuillants, nous rapporterons à l’article de cette voie publique tous les faits qui se rattachent à cette communauté religieuse. Nous n’avons plus qu’à tracer ici l’historique du couvent des Capucins. — Le cardinal de Lorraine, à son retour du concile de Trente, amena en France plusieurs religieux de l’ordre des Capucins et les établit dans son parc de Meudon. Après la mort du cardinal, ces moines retournèrent en Italie. En 1574, Pierre Deschamps, cordelier, qui s’était fait capucin, établit cette même année un petit couvent de capucins à Picpus. Quelque temps après le général de l’ordre envoya de Venise le frère Pacifique, commissaire-général, avec douze religieux et deux frères laïques ; ils descendirent au couvent de Picpus. Catherine de Médicis réunit tous ces religieux, et les établit dans la rue Saint-Honoré. Henri III, par lettres du mois de juillet 1576, les prit sous sa protection et sauvegarde spéciales. Ce couvent était situé dans l’origine sur l’emplacement occupé aujourd’hui par la partie de la rue Saint-Honoré qui se trouve à l’ouest de la place Vendôme. La construction de l’église, commencée en 1601, fut achevée en 1610. Vers 1731, les Capucins firent rebâtir le portail et le mur du cloître du côté de la rue Saint-Honoré. En 1735, le chœur de l’église fut reconstruit. Dans la nef on voyait la tombe du père Ange ; ce singulier personnage, qui se nommait Henri de Joyeuse, porta le titre de marquis d’Arques, qu’il quitta pour prendre celui de comte Dubouchage. En 1587, le duc de Joyeuse perdit sa jeune épouse et se fit capucin. Ce fut lui qui dans la fameuse procession de Chartres, représentait le Sauveur montant au Calvaire. Il s’était laissé lier les bras et peindre sur le visage des gouttes de sang qui semblaient découler de sa tête couronnée d’épines ; il paraissait ne traîner qu’avec peine une longue croix de carton, et se laissait tomber par intervalles, poussant des gémissements lamentables. En voyant défiler devant la Cour, dans la cathédrale de Chartres, la pieuse mascarade, Crillon, brave guerrier, allié de Joyeuse, s’écria : « Frappez tout de bon ; fouettez, c’est un lâche qui a endossé le froc pour ne plus porter les armes. » Le père Ange ayant perdu successivement ses trois frères, quitta l’habit de capucin, sous prétexte qu’il pouvait rendre des services à la religion pendant la guerre de la Ligue. Redevenu duc de Joyeuse, il vendit sa soumission au roi Henri IV, qui le créa maréchal de France. Ce seigneur était souvent l’objet des plaisanteries du roi, d’humeur un peu caustique. Un jour que le duc de Joyeuse, placé près de Henri IV sur le balcon du Louvre, attirait les regards de plusieurs hommes du peuple, le roi lui dit : « Mon cousin, vous ignorez le motif de la surprise de ces bonnes gens : c’est de voir ensemble un renégat et un apostat. » Ces paroles firent une grande impression sur l’esprit du nouveau maréchal. Joyeuse se retira brusquement aux Capucins, en reprit l’habit, se soumit à leur règle et redevint le père Ange. Dans un accès de dévotion, il lui prit fantaisie de faire un voyage à Rome : il voulut y aller pieds nus ; cette folie lui coûta la vie. Il mourut à Rivoli, près de Turin, le 27 septembre 1608. Son corps fut rapporté en France et déposé dans l’église des Capucins. C’est sans doute le caractère inconstant de ce personnage que Boileau a voulu peindre dans ces deux vers :

« Il tourne au moindre vent, il tombe au moindre choc,
» Aujourd’hui dans un casque et demain dans un froc. »

C’est de Joyeuse que Voltaire a dit :

« Il prit, quitta, reprit la cuirasse et la haire. »

Auprès de la tombe du père Ange était celle du terrible père Joseph. Il était fils aîné de Jean Leclerc du Tremblay, ambassadeur à Venise, chancelier du duc d’Alençon et président aux requêtes du parlement de Paris. Le génie de ce capucin, qu’on appelait l’éminence grise, maîtrisa souvent la politique du cardinal de Richelieu. Le père Joseph venait d’être promu au cardinalat lorsqu’il mourut à Ruel, le 18 décembre 1638. Le voisinage du tombeau du père Ange de celui du père Joseph inspira ce distique :

« Passant, n’est-ce pas chose étrange
» De voir un diable auprès d’un ange ? »

Le couvent des Capucins, supprimé en 1790, devint propriété nationale. Par un arrêté du 6 juillet de cette année, l’Assemblée Nationale chargea la municipalité de Paris de rendre libres les bâtiments des Capucins voisins de la salle des séances de cette assemblée ; et, par un autre arrêté du 30 du même mois, elle y établit ses bureaux. — « Paris, le 1er floréal, l’an X de la république, etc… Les Consuls de la république arrêtent : Article 1er. Les terrains appartenant à la république, situés dans le cul-de-sac du Manège, longeant la terrasse des Feuillants ; tous les terrains occupés par les Feuillants, les Capucins et l’Assomption seront mis en vente. — Art. 2. Le plan annexe au présent arrêté sera suivi et exécuté dans toutes ses parties, et servira de base pour dresser le cahier des charges. — Art. 7. Tous les fonds provenant des ventes ordonnées par le présent arrêté seront versés dans la caisse du trésorier du gouvernement, à la charge de pourvoir à toutes les dépenses que nécessiteront ces travaux. Le ministre des finances et le gouverneur du palais sont chargés de l’exécution du présent arrêté. Le premier consul, signé Bonaparte. » — Le plan dressé le 2 frimaire an XI, par MM. Percier et Fontaine, donnait à la rue projetée une largeur de 10 m. Son nom du Mont-Thabor consacre le souvenir de la glorieuse bataille gagnée en Syrie, le 16 avril 1799, par les Français sur les Turcs et les Mamelucks. — Jusqu’en 1832 le prolongement de la rue du Mont-Thabor formait impasse dans la rue de Castiglione. Cette impasse a été convertie en rue conformément à une ordonnance royale du 28 mai 1832 qui porte : « Article 1er. MM. Casimir-Pierre Périer, Louis Barthélemy et Valery Chéronnet, propriétaires des terrains de l’ancien hôtel de Noailles, à Paris, sont autorisés à prolonger sur leurs terrains l’impasse Mont-Thabor jusqu’à la rue d’Alger, sur une largeur de 10 mètres, conformément au plan ci-annexé, à la charge, tant par ces propriétaires que par les autres propriétaires riverains, de se conformer en tous points aux clauses et conditions énoncées dans la délibération du conseil municipal de la ville de Paris, du 14 mai 1830, relative à la rue d’Alger, établie sur le terrain de l’ancien hôtel de Noailles. » — Ce prolongement a été immédiatement exécuté. Les constructions de la rue du Mont-Thabor ne sont point soumises à retranchement. — Conduite d’eau dans une grande partie. — Éclairage au gaz (compe Anglaise).