Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Mont-de-Piété (le)

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Mont-de-Piété (le).

Situé dans les rues des Blancs-Manteaux, no  18, et de Paradis, no  7. — 7e arrondissement, quartier du Mont-de-Piété.

« Versailles, le 9 décembre 1777. — Louis, etc… Les bons effets qu’ont produits et produisent encore les Monts-de-Piété chez différentes nations de l’Europe, et notamment ceux formés en Italie, ainsi que ceux érigés dans nos provinces de Flandres, Hainault, Cambrésis et Artois, ne nous permettent pas de douter des avantages qui résulteraient en faveur de nos peuples, de pareils établissements dans notre bonne ville de Paris, et même dans les principales villes de notre royaume. Ce moyen nous a paru le plus capable de faire cesser les désordres que l’usure a introduits, et qui n’ont que trop fréquemment entraîné la perte de plusieurs familles. Nous étant fait rendre compte du grand nombre de mémoires et de projets présentés à cet effet, nous avons cru devoir rejeter tous ceux qui n’offraient que des spéculations de finance, pour nous arrêter à un plan formé uniquement par des vues de bienfaisance, et digne de fixer la confiance publique, puisqu’il assure des secours d’argent peu onéreux aux emprunteurs dénués d’autres ressources, et que le bénéfice qui résultera de cet établissement sera entièrement appliqué au soulagement des pauvres et à l’amélioration des maisons de charité. À ces causes, etc… Ordonnons, voulons et nous plaît ce qui suit : — Article 1er. Il sera incessamment établi dans notre bonne ville de Paris un Mont-de-Piété ou bureau général d’emprunt sur nantissement, tenu sous l’inspection et administration du lieutenant-général de police ; qui en sera le chef, et de quatre administrateurs de l’Hôpital-Général nommés par le bureau d’administration du dit Hôpital-Général et dont les fonctions seront charitables et entièrement gratuites. — Article 2e. Toutes personnes connues et domiciliées ou assistées d’un répondant connu et domicilié, seront admises à emprunter les sommes qui seront déclarées pouvoir être fournies, d’après l’estimation qui sera faite des effets offerts pour nantissement, et ces sommes leur seront prêtées des deniers et fonds qui seront mis dans la caisse du dit bureau, savoir : pour la vaisselle et les bijoux d’or et d’argent, à raison des quatre cinquièmes du prix de la valeur au poids, et pour tous les autres effets à raison des deux tiers de l’évaluation faite par appréciateurs du dit bureau, etc… On percevra des emprunteurs à l’instant du prêt, pour droit de prisée, un denier pour livre du montant de la somme prêtée. — Article 3e. Permettons aux administrateurs d’établir aussi, s’ils le jugent nécessaire, dans notre bonne ville de Paris, sous la dénomination de prêt auxiliaire, différents bureaux particuliers, etc… — Article 4e. Il ne pourra être perçu ou retenu pour frais de garde, frais de régie, et pour subvenir à toutes les dépenses et frais généralement quelconques relatifs au dit établissement, sous quelque prétexte ou dénomination que ce puisse être, autres que pour les frais de prisée, par nous ci-dessus réglés, et pour ceux de vente dont il sera parlé ci-après, au-delà de deux deniers pour livre par mois du montant des sommes prêtées, et le mois commencé sera payé en entier quoique non fini. — Art. 5e. Les effets mis en nantissement seront au plus tard, à l’expiration de l’année du prêt révolue, retirés par les emprunteurs ou par les porteurs de la reconnaissance qui aura été délivrée au d. Mont-de-Piété ; sinon, dans le mois qui courra, les dits effets seront vendus par ordonnance du lieutenant-général de police, et par le ministère d’un des huissiers commissaires-priseurs de notre Châtelet de Paris, etc… — Art. 6e. Les deniers qui proviendront de la vente des effets mis en nantissement seront remis aux propriétaires après le prélèvement fait de la somme empruntée, et des deux deniers par livre par chaque mois, échu depuis le jour du prêt jusqu’à celui de la vente, etc… Donné à Versailles, le 9 décembre, l’an de grâce 1777, et de notre règne le 4e. Signé Louis. » (Extrait des lettres-patentes.) — La construction des bâtiments du Mont-de-Piété a été achevée en 1786.

La loi du 16 vendémiaire an V avait conféré aux hospices de Paris la propriété du Mont-de-Piété. Le 8 ventôse de la même année, la commission administrative arrêta ainsi son organisation : 1o que le Mont-de-Piété serait administré par la commission des hospices ; 2o que cette commission s’adjoindrait cinq administrateurs faisant chacun cent mille francs de fonds, représentant dix actions ; 3o qu’il serait créé dix mille actions de 10,000 francs chacune, ou cinq mille de 20,000 francs ; 4o que les actions produiraient cinq pour 0/0 d’intérêt, et que les actionnaires jouiraient en outre de la moitié des bénéfices ; 5o que l’autre moitié appartiendrait aux hospices. Ces clauses, approuvées le 3 prairial an V, par le Directoire exécutif, furent converties en acte de société le 2 messidor an V. Il fut alloué à tous les administrateurs un droit de présence de 15 francs par jour. Cette rétribution forma le traitement des administrateurs jusqu’au 1er fructidor an XII.

Par délibération du 12 prairial an VII, il fut décidé que les arrérages de la dette du Mont-de-Piété seraient payés sur les produits de l’établissement, avant aucun partage de bénéfice. L’administration des hospices avait fait déposer à la caisse du Mont-de-Piété presque tous ses revenus, sous la condition d’un intérêt. Un décret du 8 thermidor an XIII ordonna la clôture des maisons de prêt à Paris, et réorganisa l’établissement, sur de nouvelles bases. Le règlement porte : 1o que les actions du Mont-de-Piété seront remboursées sans délai ; 2o que le Mont-de-Piété sera administré sous l’autorité du ministre de l’intérieur, et celle du préfet du département de la Seine, par le conseil d’administration établi par le décret du 25 messidor an XII, et conformément au règlement annexé au décret ; 3o que les délibérations du conseil seront soumises au ministre de l’intérieur par le préfet du département.

Il nous reste maintenant à donner quelques détails sur les opérations de cet établissement.

Dans ces dernières années les engagements ont présenté les chiffres ci-après :

Articles. Sommes.
1838 . . . . . . 1,124,411. 17,098,817 fr.
1839 . . . . . . 1,175,327. 18,254,666 fr.
1840 . . . . . . 1,220,692. 18,576,020 fr.
1841 . . . . . . 1,109,667. 17,587,279 fr.
1842 . . . . . . 1,183,224. 19,451,197 fr.

La moyenne des prêts effectifs, qui était en 1840 de 15 fr. 21 c. ; en 1841, de 15 fr. 85 c. ; s’est élevée en 1842 à 16 fr. 44 c.

Il est à remarquer que la classe ouvrière est généralement animée d’un esprit d’ordre et de conservation. Ainsi les jours ordinairement consacrés à la dissipation sont ceux où cette classe intéressante applique ses salaires et ses économies à retirer les effets dont le dépôt au Mont-de-Piété lui a procuré des secours dans ses moments de gêne.

Les dégagements opérés les samedis et les dimanches sont de beaucoup supérieurs aux engagements ; l’excédant sur les autres jours de la semaine a été, en 1842, de 95,264 articles pour une somme de 722,642 fr.

La perception des droits s’est élevée pendant le cours de l’année 1842 :

Par les dégagements, à 1,717,790 fr. 90 c.
Par les renouvellements, à 1,593,148 fr. 40 c.
Par les ventes, à 1,145,445 fr. 45 c.

Total 1,456,384 fr. 75 c.

Les bénéfices versés dans la caisse des hospices ont produit, savoir :

1838 . . . . . . 198,712 fr. 32 c.
1839 . . . . . . 195,541 fr. 86 c.
1840 . . . . . . 334,215 fr. 58 c.
1841 . . . . . . 429,979 fr. 85 c.
1842 . . . . . . 334,452 fr. 41 c.