Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Patriarches (marché des)

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Patriarches (marché des).

Situé rue du Marché-des-Patriarches. — 12e arrondissement, quartier Saint-Marcel.

L’emplacement occupé par ce marché dépendait autrefois de la maison dite du Patriarche, ainsi nommée parce qu’elle avait appartenu à Bertrand de Chanac, patriarche de Jérusalem, qui mourut en 1404. Simon Cramault, cardinal et patriarche d’Alexandrie, possédait en 1422 cette vaste propriété qui était circonscrite par les rues Mouffetard, de l’Épée-de-Bois, Gracieuse et d’Orléans.

Vers le milieu du XVIIe siècle, la maison du patriarche servait de temple aux Calvinistes. Le 27 décembre 1561, ces religionnaires, au nombre de 2,000, assistaient au prêche. Leur ministre, étourdi par le son des cloches de l’église Saint-Médard, fait prier le curé de cesser ce bruit. Les envoyés du ministre sont assaillis et maltraités par les familiers de l’église ; l’un d’eux est percé de plusieurs coups de hallebarde. Ce meurtre est suivi d’un tintamarre épouvantable ; on sonne le tocsin. Alors le prévôt des marchands qui se trouvait dans le temple des Calvinistes, afin d’y maintenir l’ordre, envoie un de ses archers à Saint-Médard ; mais les portes lui sont fermées, et les gens placés dans le clocher font pleuvoir une grêle de pierres sur ceux qui approchent de l’édifice. Le tumulte est à son comble, on assiège l’église dont les portes sont brisées, et un combat sanglant se livre dans le saint lieu qui est indignement profané. Les prêtres de Saint-Médard n’ayant plus de pierres, arrachent de leurs niches les statues des saints et les lancent contre leurs ennemis.

Pendant ce combat, Gabaston, chevalier du guet, arrive pour faire cesser la lutte. Il entre à cheval dans l’église mais sa présence loin d’apaiser les combattants, les irrite davantage. Parmi ceux qui défendaient l’église, cinquante au moins sont dangereusement blessés, et dix-sept faits prisonniers.

Les Calvinistes, enorgueillis de leur succès, firent une espèce d’entrée triomphale dans Paris, et conduisirent les vaincus en prison. Ils revinrent le lendemain, tous armés dans leur temple. Après leur départ les catholiques se transportèrent dans la maison du patriarche, brisèrent les bancs, la chaire du ministre, et mirent le feu au temple, qui fut consumé ainsi que plusieurs maisons voisines.

Dans la cour de la propriété du patriarche, on établit vers la fin du XVIIIe siècle, un marché aux légumes.

Une ordonnance royale du 20 septembre 1828 porte : « Article 1er. Le sieur Baroilhet est autorisé à ouvrir sur son terrain deux rues de douze mètres de largeur, l’une qui communiquera de la rue de l’Épée-de-Bois à celle d’Orléans-Saint-Marcel ; l’autre en retour d’équerre sur la précédente, comme il est indiqué au plan ci-annexé qui est également approuvé en ce qui concerne l’agrandissement du marché des Patriarches, et l’alignement de ses abords, etc… — Art. 3e. Le sieur Baroilhet sera tenu : 1o d’abandonner gratuitement à la ville le terrain occupé par les deux rues qui seront ouvertes sur sa propriété ; 2o de supporter les frais de premier établissement du pavage et de l’éclairage des dites rues ; 3o d’établir de chaque côté, au fur et à mesure des constructions, des trottoirs en pierre dure, dont les dimensions seront déterminées par l’administration. » — Ces dispositions furent en partie modifiées par une autre ordonnance du 2 juin 1830, qui est ainsi conçue : « Notre bonne ville de Paris est autorisée à accepter les soumissions des 19 février et 9 avril 1830, par lesquelles une compagnie de capitalistes a proposé de se charger de tous les frais d’agrandissement et de reconstruction du marché dit des Patriarches, situé dans le quartier Saint-Marcel, et d’abandonner immédiatement à la ville la propriété des terrains et des constructions dudit marché, moyennant la concession à son profit, pendant quatre-vingts ans, du produit de la location des places, à raison de 30 c. par place. Il sera passé, en conséquence, un traité définitif entre notre bonne ville de Paris et ladite compagnie, sur les bases ci-dessus mentionnées et autres clauses et conditions exprimées tant dans les soumissions ci-dessus indiquées, que dans les délibérations du conseil municipal du 22 mai 1829, et du 12 mars 1830. » — D’après cette autorisation, le marché, immédiatement construit sous la direction de M. Chatillon, architecte, a été inauguré le 1er juin 1831. Il se compose d’un seul corps de bâtiment formant un carré long entièrement couvert et orné d’une fontaine ; sa superficie est de 822 m. — Conformément aux dispositions arrêtées par les ordonnances royales précitées, trois rues de douze mètres de largeur ont été ouvertes : la première commence à la rue d’Orléans, et se termine à la rue de l’Épée-de-Bois ; la seconde borde trois façades du marché (voyez les deux articles suivants) ; enfin, la troisième qui comprend une partie de l’ancien passage des Patriarches, communique de la rue Mouffetard à la rue des Patriarches. En vertu d’une décision ministérielle du 21 juin 1844, cette dernière rue doit prendre le nom de la rue de l’Arbalète, à laquelle elle fait suite. La propriété située sur le côté gauche, à l’encoignure de la rue Mouffetard, sera supprimée pour l’exécution de l’alignement.