Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Poissonnière (rue du Faubourg-)

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Poissonnière (rue du Faubourg-).

Commence aux boulevarts Poissonnière, no  2, et Bonne-Nouvelle, no  42 ; finit aux chemins de ronde des barrières Poissonnière et Saint-Denis. Le dernier impair est 115 ; le dernier pair, 140. Sa longueur est de 1108 m. — Les numéros impairs sont du 2e arrondissement, quartier du Faubourg-Montmartre ; les numéros pairs du 3e arrondissement, quartier du Faubourg-Poissonnière.

Ce territoire comptait un grand nombre d’habitations au commencement du XVIIe siècle. Il fut érigé en faubourg en 1648, et l’on donna vers cette époque à la grande rue qui le traversait le nom de chaussée de la Nouvelle-France (c’était la dénomination affectée à une partie de ce territoire). Cette voie publique prit vers 1660 la dénomination de Sainte-Anne, en raison d’une chapelle qu’on y avait construite sous l’invocation de sainte Anne. Elle se nomme enfin rue du Faubourg-Poissonnière, parce qu’elle prolonge la rue Poissonnière au-delà du boulevart. — Une décision ministérielle du 18 messidor an IX, signée Chaptal, a fixé la moindre largeur de cette voie publique à 11 m. Les propriétés ci-après ne sont pas soumises à retranchement : encoignure du boulevart, de 11 à 75 inclus ; de 91 à la fin ; de 2 à 26, 36, 40 ; de 46 à 50 inclus, 54, 56 ; de 62 à 88 inclus, partie du no  90, de 92 à 106 inclus ; de 110 à 138 inclus. — Égout depuis le boulevart jusqu’à la rue Chabrol. — Conduite d’eau entre le boulevart et la rue de l’Abattoir. — Éclairage au gaz (compe Française).

Au commencement du XVIIIe siècle, on voyait encore sur le rempart, à côté du faubourg, la porte Sainte-Anne, dont la construction datait de 1645. Elle fut démolie vers 1715.

Au coin de la rue Bergère est situé le Conservatoire de Musique. Sur la proposition du baron de Breteuil, cet établissement fut créé par arrêt du conseil du 3 janvier 1784, sous le nom d’École royale de chant et de déclamation. Ouverte le 1er avril de la même année, sous la direction de Gossec, elle était destinée à fournir des sujets à l’Opéra. On y enseignait le chant, la musique instrumentale, l’harmonie, la composition musicale et la danse. En 1786, sur le rapport du duc de Duras, une école de déclamation pour le Théâtre-Français fut annexée à cet établissement.

Les artistes les plus célèbres de l’époque, Molé, Fleury, Dugazon, en ont été les premiers professeurs. Talma y forma son génie aux leçons de ces grands maîtres. L’année 1789 vit tomber cette école naissante. Heureusement un amateur éclairé des arts, M. Sarrette, en réunit les débris et leur donna une nouvelle vie. Quarante-cinq musiciens des gardes françaises se joignirent à lui et formèrent le noyau de la musique de la garde civique ; quelque temps après le corps municipal porta à soixante-dix-huit le nombre des exécutants, et créa, en 1792, une école gratuite de musique, qui, placée d’abord dans la rue Saint-Pierre-Montmartre, fut ensuite transférée dans la rue Saint-Joseph. Au mois de novembre 1793, le nom d’Institut national de musique fut donné à cet établissement, qui l’échangea deux ans après contre celui de Conservatoire de musique.

Définitivement constitué par l’empereur, le Conservatoire fut placé dans l’ancien hôtel des Menus-Plaisirs. Depuis sa création, il compte cinq directeurs : Gossec, Sarrette, Perne, Cherubini et Auber.

Au no  51 était située la chapelle Sainte-Anne. Elle fut construite pour la commodité des habitants de ce quartier, qui se trouvaient trop éloignés de l’abbaye de Montmartre. En vertu d’une permission de l’abbesse du 19 mars 1655, Roland de Buci, confiseur, qui avait une maison dans cette rue, en fit don pour cet usage. Il fit construire la chapelle et le logement du chapelain, et les céda, par contrat du 25 octobre 1656, à l’abbaye de Montmartre. Cette chapelle fut bénite le 27 juillet 1657, et le 19 août suivant, l’archevêque permit d’y célébrer l’office divin, sous la condition expresse de reconnaître le curé de Montmartre pour pasteur. Supprimée en 1790, la chapelle Sainte-Anne devint propriété nationale et fut vendue le 27 germinal an III.

Au no  76 est située la caserne de la Nouvelle-France. D’intéressants souvenirs se rattachent à cette propriété ; nous voulons parler de deux hommes dont les noms ont retenti glorieusement dans nos grandes guerres de la république.

L’un, né à Versailles le 24 février 1768, soldat aux gardes françaises à dix-sept ans, général en chef de l’armée de la Moselle à vingt-cinq ans, pacificateur de la Vendée à vingt-sept, mourut à vingt-neuf ans général en chef de l’armée de Sambre-et-Meuse.

L’autre, de quatre ans moins jeune, fut soldat en 1780, sergent en 1789, prince de Ponte-Corvo et maréchal d’empire en 1804, prince héréditaire de Suède et de Norwége en 1810, puis roi, et mourut à quatre-vingts ans… Hoche et Bernadotte ont été sergents à la Nouvelle-France. La chambre qu’occupait ce dernier sert aujourd’hui de cantine aux sous-officiers.