Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Apotres (symbole des)

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Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 144-150).

APOTRES (ORIGINES DU SYMBOLE DES)

Vers l’an 400, Rulin d’Aquilée écrivait : « C’est une tradition de nos ancêtres, tradunt majores nostri, qu’après l’Ascension du Seigneur, lorsque le SaintEsprit se fut reposé sur chacun des Apôtres sous forme de langues de feu, afin qu’ils pussent se faire entendre en toutes les langues, ils reçurent du Seigneur l’ordre de se séparer et d’aller dans toutes les nations pour prêcher la parole de Dieu. Avant de se quitter, ils établirent en commun une règle de la prédication qu’ils devaient faire, afin que, une fois séparés, ils ne fussent pas exposés à enseigner une doctrine différente. Etant donc tous réunis et remplis de APOTRES (SYMBOLE DES]

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l’Esprit-Saint, ils composent ce bref résumé de leurs l’ulures prédications, bree istiid futurae prædicationis iiidicium. mettant en commun ce que chacun pensait, et décidant que telle devra être la rèj> : le à donner aux croyants. Pour de nmltiples et très justes raisons ils voulurent que cette règle s’appelât Symbole. « Comment, in Srmbolum apostol., Migne, P. L., t. XXI, col. 33^.

La tradition à laquelle Ruiin fait appel regarde à la fois la date de la composition du Credo et le titz-e qui lui fut donné. L’application du mot Symbole au Credo baptismal ne paraît pas remonter, d’après les documents que nous possédons, plus haut que saint Cypricn. £p. lxix, 7, « c ? Ma<> ; num. Au iv^ siècle il est d’usage courant. Saint Ambroise rend hommage à l’autorité irréfragable du Symbole des Apôtres si bien gardé par Rome : Srmbolo apostolornm quod Ecclesia Romana intemeratnm semper custodlt et servat. Ep. xui, Migne, P. L., t. XVI, col. 1125. Un peu plus tard le Sacrantentaire gélusien. saint Jérôme, Ep. ad Pammacliiiim.P. L., t. XXIIl, col. 380, Cassien, saint Léon et VE.rplanatIo Symboli ad initiandos qu’on attribue soit à saint Ambroise. soit à un de ses disciples ou à saint Maxime de Turin, conlirmenl le sentiment de Rutîn sur l’origine apostolique du Credo romain. Dans la Préfcicek la Traditio Symboli tlu Sacramentaire géUtsien (qui pourrait liienètre des environs de l’an ^oo), nous lisons : « Recevez le ^Vmbole évangéliqiie, qui a été inspiré par le Seigneur et institué par les Apôtres, dont les paroles sont brèves et les mystères sont grands. Car le Saint-Esprit qui l’a dicté aux maîtres de l Eglise a renfermé la foi du salut dans cette brièveté. » Migne, P. L., t. LXXIV, col. 1089. Saint Jérôme déclare pareillement que le synibohim pdei de l’Eglise romaine est ab apostolis traditum ; et Cassien, De Incarnat Domini, lib. VI, cap. 3, estime que les Apôtres l’ont tiré de l’Ecriture : ex scriptis Beiper Apostolus Dei conditus. Saint Léon fait allusion au nombre des articles :

« Elle est courte et parfaite, la confession du symbole

catholique, rédigée, signata, en autant d’articles qu’il y a d’Apôtres. » Ep. xxxi, n » ^ 4 ? P-i-i t. LXV, col. ig4. Explanatio Symboli résume toute la tradition antérieure en ces termes : « Les saints Apôtres se sont réunis pour conqjoser le bréviaire de notre foi… Comme il y a douze Apôtres, il y a douze articles. Ce symbole composé et transmis par les Apôtres est celui que tient l’Eglise romaine, où siégea Pierre, le prince des Apôtres, qui apporta avec lui la doctrine rédigée en commun. >- P. L., t. XVI, col. 1 1 20.

Lorsque la tradition, ainsi formulée, eut passé les Alpes et les Pyrénées, elle prit, en cours de route, ]>lus de précision encore. Fauste de Riez (-7 après 485), saint Isidore (-f G46) et saint Ildephonse de Tolède (-j-G6g) se contentent de conunenter le texte de Rutin. Mais les auteurs d’un ou rage contre Elipand, Etherius. évècpu-d’Osnui, cl le prêtre Bcalus cxpli(pu’nt la légende de la nuinière suivante : « Pour donnei- à l’Eglise une foi ferme, le Christ a choisi douze apôtres. Bien qu’il fût leur chef, saint Pierre n’osa composer seul le synd » ole, qui fut rciligé par les douze Apôlres, a ce le plus grand soin, et remis aux croyants. Doiiz<’étaient les disciples du Christ et les docteurs des natit)ns ; comme tous ils ne faisaient qu’un, ils couq)osèrent aussi un seul synd)ole ; chacun d’eux dit son mol et ces nuits s’accordèrent en une seule foi, et il n’y eut que douze mots ou articles. » I’. /.., t. XGVI, col. 1026. Suit un commentaire sur le nombre douze. Ceci s’écrivait en’784.

A cette date, la légende s’était encore mieux prc(îisée en Gaule. Certains comnuntateurs du synd)ole avaient entrepris d’assigner à clia(pu" apôtre sa part

dans la composition du Credo. Cette combinaison fut appliquée non seulement au sjinbole romain primitif, tel tjue le transmettait Rulin, mais encore au texte amplifié déjà en cours, et devenu depuis le Textus receptas, comme nous l’expliquerons plus loin. On connaît plusieurs manuscrits de sermons qui suivent ainsi la liste des Apôtres dans l’ordre indiqué par saint Matthieu, x, 2-4, plaçant en regard de chaque nom un article déterminé du Credo romain. Tels sont les manuscrits cotés Sangallensis 40 ; Vatican. Palat., 220 ; Sessorianus, 52 (B). Saint Pierre y est censé proclamer le premier article ; saint André, le second ; saint Jacques, le troisième ; saint Jean, le quatrième ; saint Philippe, le cinquième ; saint Barthélémy, le sixième ; saint Thomas, le septième ; saint Matthieu, le huitième ; saint Jacques, fils d’Alphée, le neuvième ; saint Thaddée, le dixième ; Simonie Cananéen, le onzième ; saint Mathias, le douzième. Le nombre des commentaires consacrés de la même manière au Textus receptus est plus considérable. Les uns, notamment le pseudo-Augustin, Serm. 241, P-L-, t. XXXIX, col. 2190, et saint Pirmin, P. L., t. LXXXIX, col. io34, ne suivent plus l’ordre de saint Matthieu, x, 2-4, mais celui des Actes, I, 13. D’autres, par exemple le pseudo-Augustin (Serm. 240), reproduisent l’ordre du canon romain de la messe.

Tout le moyen âge vécut sur ces légendes. Mais la tradition, dont l’essentiel remontait au iv= siècle, fut interrompue au xv^, à l’occasion de la tentative d’union faite entre l’Eglise latine et l’Eglise grecque au concile tle Florence. Dès le début des négociations, en 1 438, pendant que les Pères siégeaient encore à Ferrare, comme les Latins invoquaient l’autorité du symbole des Apôtres, les théologiens grecs, notamnu’nl Marcos Eugenicos, archevêque d’Ephèse, s’étonnèrent de cette référence et dirent nettement : « Pour nous, nous n’avons pas et nous ne connaissons pas de synd>ole des Apôtres. » Cette déclaration fut un coup de surprise. Tombée dans le domaine public, elle fut recueillie et exploitée par le fameux sceptique Laurent Valla, qui écrivit un libelle, d’ailleurs dépourvu de science et de critique, contre l’origine apostolique du Credo latin. La question fut, depuis lors, reprise et discutée. Au xvii^ siècle le savant Jacques Usher inaugura la critique historique de la légende, en groupant les textes les plus anciens qu’il put recueillir et en publiant deux numuscrits importants du synd>ole, l’un grec, l’autre latin, tous deux ai)parentés au texte du Credo ronuiin que Rulin nous a transmis. Le xix° siècle entin a essayé de résoudre nuHliodiquement et délinitivement le problèuïe des origines du symbole. C’est cette solution que nous allons exposer.

La préhistoire du Credo. — Le Credo comporte trois grandes divisions, qui regardent la première Dieu le Père et ses opérations ad extra : la seconde. Dieu le Fils et son œuvre de rédemption ; la troisième. Dieu le Saint-Esjiiit et son (tuvre de sanctilication. On jx-ut dire tpie tous ses articles fiu-ent groupés auloui-de la formule que le Sauveur, d’après saint Matthieu (xxvui, 19), a dictée à ses Apôlres quand il leur icconnnanda d’enseigner toutes les nations, i( les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » . Mais par tpii et à qucUe date se lit ce groupeuu’ul, tel que nous l’a transmis le Credo baptisnuil romain primitif’.' C’est ce qu’on ne saurait établir avec une précision absolue. Cepemlant tous ou à peu près tous les critiques sont d’accord pour lixer cette date aux environs de l’an 100.

D’aucuns ont pensé ({u’un symbole baptismal assez tlével()pi)é, d’où seraient sortis plus tard le Credo

romain et un Credo asiatique un pen différent, appartenait à l’Eglise tout à fait primitive. La « belle confession » que saint Paul rappelle à Timotliée dans sa premièi’e épître (vi, 13) ne saurait être, suivant eux, que la profession de foi qu’il aurait faite à son baptême ; et, pour en retrouver la teneur, il sullirait de réunir les éléments que fournit la seconde épître (i, 13 ; 11, 8 ; iv, 1-2) adressée au même disciple. N’y est-il pas question de Dieu comme auteur de la vie ? puis de « Jésus-Christ » qui fut « de la semence de David » , qui comparut « devant Ponce Pilate » , qui

« est ressuscité d’entre les morts » , et qui reparaîtra

un jour « pour juger les vivants et les morts » ? Ailleurs (1, 14) niention est faite du Saint-Esprit, mais incidemment et sans que cette mention paraisse faire pai’tie d’une règle de foi. Et c’est là le point faible de l’opinion qui attribue aux premiers messagers de l’Evangile la composition d’un Credo de quelque étendue. Aussi bien, le membre de phrase : « de la semence de David » n’est jamais entré dans aucun symbole.

Ce qui paraît plus vraisemblable, c’est que la règle de foi primitive se réduisait à la confession que fait l’eunuque dans les Actes, viii, 3^. Bien d’autres textes du même ouvrage (11, 38 ; x, l ; xix, 5) insinuent cette idée, qu’on retrome d’ailleurs dans les épîtres de Paul aux Romains (vi, 3 ; x, 9) et aux Calâtes (111, S’y), dans la première épître de saint Jean et dans l'épître aux Hébreux. « Quiconque, dit saint Jean (I Joa., iv, 15), confesse que Jésus est le Fils de Dieu, demeure en lui et lui en Dieu. » Et encore (v, 5) : « La victoire qui a vaincu le monde, c’est notre foi. Et qui est-ce c|ui a Aaincu le monde si ce n’est celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? » Comparez l'épître aux Hébreux, iv, i/J. Tous ces textes ont amené certains critiques à penser que le Credo de l’Eglise primitive consistait à déclarer de vive voix et du fond du cœur que Jésus est « le Seigneur » ou « le Fils de Dieu » .

Nous sommes loin du Credo baptismal romain. Ce <[ui est sûr, c’est que les Pères apostoliques — et nous entendons par là les docteurs de la génération qui suivit les Apôtres (sauf saint Jean) —, même en exposant la doctrine contenue dans le symbole, ne laissent nullement entendre que cette doctrine forme un corps et ait été formulée à l’origine en douze articles.

Parmi les ouvrages cjui pourraient nous renseigner à cet égard, nous avons l'épître de saint Clément de Home aux Corinthiens, les épîtres de saint Ignace d’Antioche, l'épître de saint Polycarpe de Smyrne et la Didaché. Or aucun de ces écrits ne suppose l’existence du symbole des Apôtres.

« N’avons-nous pas, dit saint Clément, I Corinth.,

XLVi, 6, un seul Dieu, un seul Christ, un seul Esprit de grâce, qui a été répandu sur nous ? » Et encore, ibid., Lviu, 2 : « Comme Dieu vit, le Seigneur JésusChrist vit, et le Saint-Esprit, la foi et l’espérance des élus ? » Ces paroles insinuent que le Fils et le SaintEsprit ont une vie personnelle distincte de celle du Père et néanmoins divine. C’est le dogme de la Trinité, mais non pas le Symbole.

Saint Ignace, à maintes reprises, expose une règle de foi qui se rapproche lieaucoup plus de notre Credo. « Notre Dieu Jésus-Christ a été conçu dans le sein de Mîirie, de la semence de David, mais aussi du Saint-Esprit. » Ad Ep/ies., c. 18. « Jésus-Christ, qui était de la race de David, qui fut le fils de Marie, <iui est réellement né, a mangé et a bu, qui fut vraiment persécuté sous Ponce-Pilate, fut vraiment crucilié et mourut à la vue de ceux qui sont au ciel, sur la terre et sous la terre ; qui, de plus, est vraiment ressuscité des morts, son Père l’ayant ressuscité, qiji de la même manière nous ressuscitera, nous qui

croyons en lui, son Père, dis-je, nous ressuscitera dans le Christ Jésus. » Ad. TralL, c. g. Ailleurs Ignace parle de « l’Eglise catholique » dans le sens d’Eglise universelle. Ad Smyrn., c. 8. Mais ni la résurrection de la chair ni la mention de l’Eglise ne sont rattachées au Saint-Esprit, comme dans le symbole des Apôtres. La seconde partie du Credo est seule développée, et encore, s’il y est question de la naissance miraculeuse, de la crucifixion, de la résurrection du Christ, ce n’est pas dans les termes sacramentels qu’aurait sûrement suggérés la connaissance d’un symbole apostolique.

La lettre de Polycarpe aux Philippiens n’offre rien de significatif ; elle emprunte simplement (c. 2) à saint Pierre les mots dont celui-ci se sert pour marquer que Jésus-Christ est ressuscité d’entre les morts, et fait écho plus loin (c. 7) à saint Jean (I Ep., iv, 2-4) pour la venue du Christ dans la chair. La Didaché (c. 7) cite la formule baptismale indiquée par saint Mattliieu, mais sans aucun développement.

Bref il paraît assuré que le symbole des Apôtres n’existait pas aux temps apostoliques, bien qu’on puisse recueillir dans les écrits des Apôtres et de leurs disciples immédiats les termes mêmes dont s’est servi celui qui le composa.

Credo romain primitif. — Dans le cours du 11' siècle les allusions ou les emprunts faits au Credo romain deviennent manifestes. Afin de le mieux faire Aoir, il importe d’en donner de suite la teneur :

1. Credo in Deum Patrem omnipoteniem :

2. Et in Christum Jesiim unicum Filium ejits, Dominiim nostrum ;

3. Qui natus est de Spiritu Sancto et Maria Virgine :

4. Cruci/i.rus suit Pontio Pilato et sepultus ;

5. Tertia die resurrexit a mortuis ;

6. Ascendit in coelos ;

j. Sedet ad dexteram Patris ;

8. Unde venturus est judicare vivos et mortuos ;

g. Et in Spiritum sanctum ;

10. Sanctam Ecclesiani ;

11. Remissionem peccatorum ;

12. Carnis resitrrectionem.

Tel est, au iv^ siècle, le texte du Credo romain. Nous sommes sîirs de le posséder tel que le i*écitaient, la veille de leur baptême, les catéchumènes ou

« élus » , soit en grec, soit en latin. La version latine

nous a été conservée, non seulement par Rufin, mais encore par un manuscrit du vue siècle qu’Usher a découvert et qui est connu sous le nom de Codex Laudianns 35 (du nom de l’archevêque Laud). Marcel, évêque d’Ancyre en Galatie, nous a transmis la version grecque, et voici dans quelles circonstances : exilé de son siège par les intrigues des Ariens, il passa une grande partie des années 340 et 341 à Rome. Sur le point de retourner dans son diocèse, il rédigea une profession de foi, destinée à servir de gage de son orthodoxie, et que ses amis pussent alléguer pour sa défense. Le texte nous en a été conservé par saint Epiphane, Hæres., lxxii, et c’est encore Usher qui a fait observer le premier que ce document n'était pas le Credo de l’Eglise d’Ancyre, mais celui de l’Eglise de Rome, que Marcel avait adopté et fait sien. On y pevit remarquer de légères variantes, par exemple, l’omission du mot « Père » dans le' premier article, et l’addition des mots « vie éternelle » dans le dernier. Mais, comme les manuscrits du texte d’Epiphane, d’où ce symbole est extrait, fourmillent d’erreurs, il y a lieu de penser Cfue les variantes suspectes sont des fautes de copistes. Tel est du moins le sentiment des meilleurs critiques, de Caspari et de Burn. Ce qui avait amené Usher à APOTRES (SYMBOLE DES]

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proposer celle attriltution, c’est la découverte trun texte apparenté au Credo de Marcel d’Ancyre, texte tiré du Psautier du roi Ethelstan et sûrement conforme au symbole romain primitif.

En remontant du iv' au m* siècle on suit aisément la trace de ce Credo. Novatien, qui s'éleva contre le pape Corneille et entreprit de le supplanter, écrivit vers 260 un traité de Trinitute où se reconnaissent très nettement les principaux articles du Symbole (Hahn, p. 15, 16). Dans les lettres 69 et 70 de saint Cyprien, cjui sont des environs de 255, nous lisons les formules suivantes : « Credis in remissionem peccatorum et vitam aeternam per sanctam ecclesiam ? » et encore : « Credis in vitam aeternam et remissionem peccatorum per sanctam ecclesiam ? » L’emprunt au questionnaire baptismal est incontestable. A noter les mots « vitam aeternam « .qu’on ne lit pas dans le symbole ronuiin.

TcrtuUien est plus explicite. Nous avons de lui quatre professions de foi qui reproduisent d’une façon très reconnaissable les articles du Credo romain. Et ce n’est pas là une simple co’incidencc due au hasard. Tertullien invoque l’unité de foi qui existe entre l’Afrique et Rome ; il invoque même expressément l’autorité dogmatique de l’Eglise romaine : « Vous êtes près de l’Italie, dit-il à son interlocuteur dans le traité des Prescriptions, cap. 36 ; vous avez Rome qui fait autorité chez nous… Voyez ce qu’elle a appris (des Apôtres), ce qu’elle professe de concert avec les églises africaines : quid citm africains quoque ecclesiis contesserarit. » Remarquez ce contesserarit qui indicjue une règle de foi secrète, un mot d’ordre, un « mot de passe » des premiers chrétiens. Tertullien continue et cite quelques articles du symbole : « Unum Dcum novit, creatorem universitatis et Christum Jesum ex Virgine Maria Filium Dei ereatoris et carnis resurrectionem. » Ailleurs il est Ijeaucoup plus complet. Il faut croire, dit-il, « en un seul Dieu tout-puissant, créateur du monde, et en son Fils Jésus-Christ, né de la Vierge Marie, crucifié sous Ponce-Pilate ; le troisième jour, il est ressuscité des morts, a été reçu au ciel, est assis maintenant à la droite du Père, et viendra juger les Aivants et les morts après la résurrection de la chair. » De virginihits velandis, c. 1 ; cf. de Baptismo, 13 ; de Præscrip., 13.

Pour Tertullien cette règle de foi remonte très haut dans l’Eglise. Il accuse Marcion de l’avoir altérée dès le milieu du n^ siècle, et, d’une façon plus générale, il déclare que « la vérité sur la règle de foi a subi une altération après les temps aposlolicpies » . Dans sa pensée, le Credo romain, i-esté inviolé, se rapproche sûrement des origines. Croit-il qu’il ait été proprement rédigé par les Apôtres ? A cet égard son langage, sinon son sentiment, est extrêmement vague. « L’Eglise, dit-il, a reçu cette règle de foi des Apôtres, les Apôtres du Christ, le Christ de Dieu. » Visil)Iement il s’agit ici de a doctrine, et non proprement de la formule qui la contient.

Avec Tertullien nous touchons à la (in du ii^ siècle. Saint Irénée, saint Justin, Marcion nous font remonter plus haut encore.

La carrière de saint Irénée est parliculièrement intéressante. Ce docteiu-relie en quehqu> sorle l’Orient à l’Occident et marque la transition entic Vàgesiihapostoliqiie et le ni e siècle. Il natpiit en Asie minciu-e et fut le disciple de saint Polycarpe. Jeune encore, il vint en Gaule et reçut la prèliise à Lyon. Une importante mission qu’il reiiq)lit à Rome lui permit de connaître le Credo de celle Eglise. Il était naturel cpie ses écrits contre les hérésies du temps, notanunent contre le gnoslicisme, renfermassent sa

profession de foi. On y remarque, Ad-ers. Hæreses, 1, 10, une règle de foi qui rappelle en certains endroits les termes du synd)ole romain primitif. Par exemple les formules, « un Dieu le Père tout-puissant >s a le Christ Jésus » , sont caractéristiquesVle ce Credo. Par contre, » créateur du ciel et de la terre et de la mer » et quelques autres traits montrent à l'évidence qu’Irénée a recueilli ailleurs certains éléments de la règle de foi cju’il préconise. A l’entendre, les diverses communautés chrétiennes, la Germanie, l’Ibérie, les Celtes, l’Egypte, la Libye, avaient reçu la même foi. Mais il faut évidemment prendre cette assertion dans le sens d’une réelle unité de doctrine et non dans celui d’une rigoureuse unité de formule. Le fait qu’il ne mentionne pas le Saint-Esprit, ajirès avoir longuement détaillé la doctrine de l’Incarnation, a même fait conjecturer, non sans vraisemblance, que son Credo personnel consistait uniquement dans la formule ancienne : « Je crois que Jésus est le Fils de Dieu. 1 Le reste ne serait cpie le développement théologique de ce dogme capital. Quoi qu’il en soit, sa règle de foi n’en révélerait pas moins laconnaissance du Credo romain.

Marcion rompit avec l’Eglise romaine vers 140. Or M. Zaun appelle l’attention sur un passage de l’Epître aux Galates {Gal., iv, 2^) remanié par cet hérétique à propos des deux Testaments. « L’un, dit-il, est notre mère à tous, qui nous a engendrés dans la sainte Eglise, à qui nous avons fait serment d’allégeance. » Le mot « repromittere » iT.v.-f/ùjtiBu.i., est significatif ; saint Ignace s’en était déjà servi pour indiquer sa profession de foi. Les termes « sainte Eglise » ne sont pas moins dignes de remarque. M. Zahn en conclut, et d’autres critiques après lui, que l’article « sainte Eglise » était contenu dans le Credo baptismal de Marcion et par conséquent dans le Œc^o romain de l’an ! b. Cf. Birn, Introduction, p. 5 ;.

Saint Justin, originaire de la Palestine et issu de parents païens, devint un ardent propagateur de la doctrine chrétienne dèsque « les portes de la lumière s’ouvrirent à lui >-. Il enseigna à Ephèse, où probablement il reçut le baptême, et à Rome, où il souffrit le martjre (vers 165). A propos du baptême, il nous apprend que, de son temps, on donnait une instruction aux candidats et qu’on exigeait d’eux une promesse. La formule baptismale qu’il nous apporte est un peu plus développée que dans saint Matthieu : « Au nom de Dieu le Père et Seigneur de toutes choses et de notre Sauveur Jésus-Christ et du Saint-Esprit. » Sa christologie marque cpie « Jésus, le fils de Dieu, est né d’une Vierge, tju’il a été crucifié sous Ponce-Pilate, cpi’il est mort, est ressuscité, est monté au ciel, et viendra juger tous les hommes jusques et y compris Adam » . Mais toute cette doctrine est disséminée dans son Apologie et son Dialogue avec Tryphon et ne forme pas un tout qui indique un Credo. Dans iiOzDialogue(35 et ^7) il semble même réduire sa règle de foi à la croyance en « Jésus, Seigneur et CHirist » . Mais en même temps on a remarqué dans sa christologie cei’taines expressions qui sentent le Credo baptismal romain. Dans une citation de Matthieu, xvi, 2 1, = Marc, viii, 3 1, = : Luc. ix, 22, il emploie (Dialog. 51, 76. 100) le mot « crucifié » au lieu de « tué » qui est caractéristique du texte reçu. Il parle aussi ailleurs (Ihid., 80) de « la résurrection de la chair » , comme faisant partie de l’orthodoxie chrétienne. Bref, il y a lieu de croire que le Credo romain primitif ne lui était jias inconnu, ( ; f. Rurn, T/ie Apostles Creed, j). 18-20.

Irénée, Justin, Marcion sont donc des témoins de l’existence de ce Credo. Avec Marcion nous atteignons lapremière moitié du n’siècle. Aconsidérer les

caractères internes et le style du symijole des Apôtres, il semble qu’on doive en placer l’origine aux environs de l’an loo. Le style en est d’une simplicité et d’une sobriété qui fait penser à l'âge subapostolique, dit M. Burn. Il n’j' est pas question de l'œuvre de la création, qui préoccupa particulièrement les esprits après l’apparition du gnoslicisme. Si donc on ne peut, d’une part, l’attribuer aux grands Apôtres Pierre et Paul qui évangélisèrent la capitale de l’empire, on ne peut guère non plus en retarder la composition jusqu’en plein ii « siècle.

M. Zahn voudrait remonter plus haut que l’an loo, persuadé qu'à cette date il y avait à Rome et à Antioclie deux symboles assez dissemblaljles dans l’expression (témoin la cliristologie de saint Ignace), mais très apparentésdansladoctrine.Ces deux C/ef/o auraient été des formules sœurs, issues d’une formule primitive due aux Apôtres eux-mêmes. Cette hypothèse ne nous paraît pas soutenable. Comme le fait remarquer M. Burn, fnirodiiciioii, p. 66, elle tombe devant l’objection formidable que voici : Si le Credo avait été dicté littéralement par les Apôtres, comment la première génération chrétienne eùtelle eu la présomption d’en moditier le texte ? « Il convient cependant de l’appeler un Credo des Apôtres, d’abord parce qu’il renferme la substance de l’enseignement ^apostolique, puis parce qu’il est l'œuvre d’un esprit qui ne fut séparé des Apôtres que par une seule généi’ation. w Burn, The Apostles Creed, p. 30.

L’aire d’influence de ce formulaire n’est pas nettement déterminée au regard dos critiques. Quelquesuns estiment que le vieux Credo romain est à la base de tous les sj’mboles, tant orientaux qu’occidentaux, de contexture et de cadre semblables. Cette thèse est diflicilement acceptable. Cf. Burn, The Apostles Creed, p. 32-36. Sans nous attarder à la discuter, notons simplement que, du moins, tous les symboles occidentaux dépendent du symbole romain primitif. Sur ce point tout le monde est d’accord.

Le Textus receptus. — Mais le texte reçu de notre Credo diffère considéi-ablement de celui du iv siècle. Il s’en distingue par les appositions suivantes :

« Créateur du ciel et de la terre » , « a souffert » , « est

mort » , « a été conçu » , « est descendu aux enfers » ,

« Dieu (le Père) tout-puissant » , « catholique » , « la

communion des saints » , « la vie éternelle » . Dans le second article, l’ordre des mots « Christ Jésus » se trouve interverti. Reste à savoir d’où vient ce symbole, comment et quand et où il lit sa première apparition.

Il est à remarquer que, dès le i' siècle, nombre des appositions que nous venons de citer iîguraient dans certains Credo ; Nicetas de Remesiana donnait

« Créateur du ciel et de la terre » , « a souffert » ,

« est mort » , « catholique » , k la communion des saints » , « la Aie éternelle » ; le symbole d’Aquilée contenait : u est descendu aux enfers » , cf. Hahn, ouv. cit., p. 47-49 ; le Credo espagnol qui nous est connu par les écrits de Priscillien, offrait au septième article la forme définitive : « est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant » . PhéJjadius d’Agen, qui composa le formulaire de Rimini en Sôq, écrivait : .. a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie » , au lieu de « est né du Saint-Esprit et de la Vierge Marie » . Ailleurs il introduit le mot « a souffert » , qu’on retrouve aussi dans le Credo de saint Victrice. Cf. Hahn, p. 69-70. Il suffit donc qu’une Eglise ramasse toutes ces A-arianles et les fonde dans son Credo pour avoir, ou peu s’en faut, le formulaire qui constitue le Textus receptus.

Quelle sera cette Eglise ? L’Eglise romaine ? l’Eglise

des Gaules ? ou même un monastère influent tel que Bobbio ? M. Burn n’ose se prononcer.

11 ne nous paraît pas vraisemblable que ce soit ' l’Eglise romaine. Le pape Pelage (555-559) employait encore le symbole primitif, et si saint Grégoire le Grand, aux euvirons de l’an 600, introduit le mot « a été conçu » , dans une profession de foi priA'ée, (Hahn, p. 28), il conserve sûrement pour l’usage public la fornuile ancienne. Comme nous l’avons dit ailleurs (Etudes de critique, p. Sg) le symbole importé de Rome en Grande-Bretagne, soit à la fin du Ai^" siècle, soit à la fin du au', par les missionnaii-es romains, était le texte du Credo primitif, sans Avariante appréciable, témoin le Symbole contenu dans le /^6rtH//erd’Ethelstan. Le Credo romain n’avait donc pas été modifié officiellement à Rome avant le au" siècle. Chose remarquable, le Codex Sessorianus 52, qui est un manuscrit daté du pontificat de Nicolas h'^ (ixe siècle) contient tout à la fois et le aIcux Credo romain et le Textus receptus et le Symbole de Nicée. Les trois textes y sont religieusement conserA'és, mais les deux derniers seuls sont en usage. Si le Aieux Credo romain s'était peu à peu transformé, à Rome même, en Textus receptus, il n’y aurait pas eu de raison, ce semble, de conservcr la forme primitiA’e à côté du texte définitif, l’une ayant été insensiblement absorbée par l’autre. Et M. Burn paraît entrer dans cette pensée quand il écrit (The Apostles Creed, p. 53) : « Nous pouA’ons dire avec quelque confiance que le A’ieux Credo romain n’a pas cessé d'être en usage jusqu’au jour où il fut remplacé par le texte rcvisé, qui ne fut pas regardé comme une forme nouvclle mais simplement comme une forme plus complète du sjnibole. »

Le fondateur de Bobbio, saint Colomban (-|- 61 3), ou l’un de ses disciples serait-il l’auteur du Textus receptus ? M. Burn incline Aisiblement A’ers cette hypothèse, et Aoici comment il fut amené à la proposer. Nous aA’ons déjà au que le Credo de Nicétas de Remesiana conqjrenait la plupart des additions qui furent faites au Symbole romain primitif. Nicétas propagea son Credo dans son pays, c’est-à-dire dans une partie des Balkans, la Dacie. Un autre symbole du même temps, conservé parmi des fragments ariens et appartenant aux terres Aoisines du Danube, à la Pannonie et à la Mésie, renferme également les appositions : « Créateur du ciel et de la terre » ,

« a souffert » . Il est probable que ces symboles,

reçus dans la presqu'île des Balkans, tiraient leur origine des églises orientales. Tous les Credo orientaux font allusion à l’a^uvre créatrice de Dieu le Père. Le fameux sjuibole publié à Sirmium en 35 1, et qui est l'œuvre de l'évêque Marc d’Aréthuse, signale, en outre, la descente du Sauveur aux enfers. Hahn, p. 196.

Or, d’autre part, Dom MoRix a découvcrt un Credo qui n’est Aiaisemblablement que la profession de foi de saint Jérôme et qui se rapproche plus encore que les précédents du Textus receptus. On y lit : « Je crois en un seul Dieu le Père Tout-Puissant, créateur des choses AÙsibles et invisibles. Je crois en un seul Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu… qui pour notre salut est descendu du ciel, a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie, a souffert sous Ponce-Pilate, sous le roi Hérode, a été crucifié, est mort, est descendu dans l’enfer…, est ressuscité le troisième joiu', est apparu aux Apôtres. Après cela, il est monté au ciel, est assis à la droite de ©ieu le Père, d’où il Aicndra juger les A’ivants et les morts. Et je crois au Saint-Esprit… Je crois la rémission des péchés dans la sainte Eglise catholique, la communion des saints, la résurrection de la chair pour la Aie éternelle. Amen. » Code.r 28 de Saint-Mihiel, ix" siècle.

Où saint Jérôme a-t-il pris ce formulaire ? Il avait beaucoup voyagé ; il avait traversé l’Asie Mineure, visité la Palestine. Il a pu emprunter aux églises de ces divers pays le Credo qu’il adresse ainsi à l'évêque de Jérusalem (Ep. xvii, n" 4). Mais il a pu aussi bien le tirer de son pays d’origine, la Pannonie. Et nous voici revenus à la péninsule des Balkans. Nous trouvons donc dans cette région, traversée par la grande route qui faisait communiquer l’Orient avec l’Occident, des symboles étroitement apparentés au Textiis receptiis.

Saint Colomban a-t-il pu en avoir connaissance ? Rien d'étonnant que les symboles de Xicétas et de saint Jérôme se soient propagés vers l’ouest et aient atteint le Xorique, la Rhétie et le nord de l’Italie. De son côté, saint Colomban, après avoir évangélisé la Bourgogne, lit route vers l’est. On le voit à Bregenz ; il laisse son disciple saint Gall sur les bords du lac de Constance, et finit par s'établir à Bobbio, où il mourut. Qu’il ait rencontré dans ses missions le Credo romain transformé et augmenté, qu’il l’ait adopté, enrichissant ainsi son formulaire d’origine irlandaise et romaine, cela ne saurait encore trop nous surprendre.

Justement le Missel de Bobbio, plus connu sous le nom de sacramentaire gallican, donne quelque vraisemblance à cette hypothèse. C’est un manuscrit du vue siècle (Ms. 18246, fonds lat. de la Bibliot. nationale, Paris). Il contient une liturgie romaine dans son fond, la liturgie que Rome avait communiquée à la Grande-Bretagne au ve siècle, qui s'était fort bien conservée dans l’Eglise celtique, et qui parvint à Bobbio enrichie sans doute par les soins de saint Colomban. Le sermon qui a trait à la Traditio srmholi rappelle par certains caractères, notamment par l’ouverture des oreilles, le rite romain. Mais le Credo (il en a plusieurs) qui représente la forme usitée à Bobbio avant l’an 700 est presque exactement notre texte reçu. On est donc porté à croire que saint Colomban, ou l’un de ses disciples, a donné au symbole romain primitif sa forme déûnitive.

Ce n’est là évidemment qu’une hypothèse et qui ne saïu-ait forcer la conviction. Le Textiis receptus contient en effet, au septième article, une apposition caractéristique qui semble provenir de l’Espagne.

« Tout-Puissant » . Nicétas de Remesiana dit : « à la

droite du Père » ; saint Jérôme : « à la droite de Dieu le Père » . Il semble que le mot « Tout-Puissant » n’a dû s’introduire dans le symbole que par l’intermédiaire de la Gaule.

La Gaule serait-elle donc le pays d’origine du texte reçu ? Plusieurs raisons invitent à le penser. Les communications établies entre l’Orient et l’Occident par la voie du Danube ou les Balkans n’ont pas dû s’arrêter à la Haute-Italie. Entre Milan et le royaume d’Arles, les relations ne furent jamais interrompues. Les symboles de Nicétas et de saint Jérôme, ou leui-s dérivés, ont pu pénétrer de la sorte en Gaule. Et de fait, au v' et au vie siècle, Fauste, évêque de Riez, Césaire, évêque d’Arles, tous deux disciples du monastère de Lérins, nous offrent des Credo étroitement apparentés au Textus receptus. Hahn, p. 70-72. Il ne manque au symbole de Césaire que les appositions : « Créateur du ciel et de la terre » : au premier article, et u Dieu tout-puissant). au septième.

« Tout-Puissant » , nous l’avons dit, pénétra aisément

d’Espagne en Gaule ; « Créateur du ciel et de la terre » aurait dû venir de l’Orient avec le reste. La difliculté est de fixer la date où il fut inséré dans les Credo de la Gaule. Sa présence n’y fait plus de doute aux environs de l’an 700. Le Missel gallican, qui est de cette époque, contient un sacramentaire de provenance auxerroise, cf. Burn, The Jposlles Creed, p. 50, où

se lit le Texte reçu en entier, sauf les mots : n est descendu aux enfers >. Les sermons 2.41 et 242 du pseudovugustin (cf. Burn, Introduction, p. 235-238), qui commentent le Texte reçu, remontent à la même date et paraissent avoir une origine gallicane.

Tout cela ne prouve pas que le Textus receptus se soit formé en Gaule, mais, au moins, rend l’hypothèse de cette origine assez vraisemblable.

Ce qui est sur, c’est qu’au début du viiie siècle, le nouveau texte prit une grande extension, grâce sans doute à saint Pirmin et à saint Boniface, grâce aussi à la papauté.

Saint Pirmin était vraisemblablement un moine irlandais qui, après avoir traversé la Neustrie, vint fonder en Germanie l’abbaye de Reiclienau. Cf. Acta SS., novembre, t. I, 1, p. 33. Son ouvrage, le Scarctpsus, Migne, Pat. lut., t. LXXXIX, col. 1029, contient le texte authentique le plus anciennement daté du Credo reçu.

Il resterait à savoir de qui le grand moine missionnaire tenait son formulaire. L’a-t-il emprunté à la Gaule qu’il traversa ? M. Burn incline à penser qu’il le reçut par une autre Aoie. Il le montre en relations avec saint Boniface, dont il était l’ami, et qui prenait son mot d’ort'.ie à Rome. Parmi les documents que le pape Grég.ùre II envoya sur les bords du Rhin, se trouvait un Credo romain pour le baptême. Il est naturel de penser qu’il comprenait un Credo baptismal. Or, si on en juge par un manuscrit qui provient de Freisingen, cf. Bui-n, Tlie Apostles Creed, p. 00, cette église fondée par saint Boniface, évangélisée par saint Pirmin, possédait vers le milieu du viiie siècle le Textus receptus. C’est donc par Rome que les missionnaires irlandais auraient été mis en possession du nouveau texte du Credo.

Cette hypothèse, qui n’est pas sans vraisemblance, soulève un autre problème à peu près insoluble. Nul ne saurait dire comment et à quelle date Rome s’est approprié le Textus receptus, ni si elle l’a tiré de Bobbio ou de la Gaule.

Du moins savons-nous que l’influence bien sensible de l’Eglise romaine sur les autres églises d’Occident, à partir du viiie siècle, assura l’insertion progressive, quoique lente, du texte nouveau dans la liturgie de la chrétienté latine tout entière. A la fin du vuie siècle Charlemagne, adressant aux évêques de son Empire une série de questions, leur demanda, entre autres choses, quelle était la forme du Credo en usage dans leurs églises. Quelques-unes des réponses qu’il recueillit nous sont parvenues, notamment celle d’Amalaire de Trêves, qui est d’une extrême importance. Nous y apprenons qu’Amalaire, non seulement se servait du Textus receptus, mais encore que VOrdo dont il usait pour le baptême était VOrdu ronuiin. Ep. ad Carolum Mag. Imperat., dans Alcuini, Opéra, éd. Frobenius, 1 777, t. II, vol. 1, p. 622 ; cf. Hahn, p. 100. A partir de Charlemagne, notre Credo n’a plus d’histoire.

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