Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Apotres (actes des)
APOTRES (ACTES DES). — Les questions que suscite, au point de vue apologétique, le livre des Actes, se ramènent à l’analyse des données apologétiques qu’il renferme et à l'étude de la valeur historique qu’il possède. Nous examinerons brièvement : I la tradition sur l’auteur du livre des Actes ; II les données fournies par le livre luimême ; III les sources des Actes ; IV la valeur historique du livre des Actes ; V l importance apologétique du livre des Actes.
I. Tradition sur l’auteur du livre des Actes. — Les écrivains chrétiens de la lin du second et du commencement du troisième siècle attribuent unanimement à Luc, compagnon de Paul, la composition du livre des Actes ; Irénée, en Gaule (.J (/t. // « e/-., iii, 14, i ; 15, i) ; l’auteur du Canon de Muratori, probablement en Italie (1, 34-35) ; Clément d’Alexandrie (Strom., v, 12) ; Tertullien, en Afrique (De Jejunio, 10).
On peut remonter plus haut encore. Sans doute, les premières citations du livre des Actes que nous trouvons dans la littérature chrétienne ', ne nous renseignent pas sur l’autem-de ce livre ; elles promeut seulement son existence dans les premières années du second siècle. Mais on peut étaljlir avec une vraisemblance telle qu’elle exclut tout doute raisonnable, que Justin, au milieu du second siècle, regardait le troisième Evangile, et par conséquent aussi le livre des Actes (qu’il connaît) comme l'œuvre de Luc. L’apologète romain connaît, en effet, des Evangiles composés par des Apôtres et d’autres composés par des disciples d’Apôtres (Dialogue, io3) ; d’autre part, quand il emprunte certaines données au troisième Évangile, il évite toujours toute mention d’Apôtre (Apologie, I, 33). L’inscription du troisième Evangile
« selon Luc » est également très ancienne et date certainement de la première moitié du second siècle.
Si l’on veut réfléchir que le troisième Evangile, en raison de la dédicace, doit avoir porté le nom de son auteur, et qu’il n’a pu y avoir, semble-t-il, aucun motif pour attribuer cette œuvre à un disciple peu connu de Paul, on reconnaîtra aisément la grande valeur de la tradition sm-l’auteur du troisième Evangile et des Actes.
Les anciens témoignages sont assez sobres sur la vie de Luc. Les lettres de saint Paul nous apprennent
qu’il fut Grec de naissance, médecin (Col., iv, io-14)
et coopérateur de l’Apôtre (Philémon, 24 — II Tim.,
IV, II).
Les sources postérieures sont plus explicites. Luc serait né à Antioche de Syrie (Ecskbe, /I. E., iii, 4, 6).
1. Ignace, 5/7jy/n., 3 : Acl., x, k ; Magn., 5 : Act., ii, 25. — PoLYCAKPE, /'/(//., 1 : Act., M, 24. — Nous estimons que Clément {Cor., ii, 1) n a jias cité Act., xx, 35 : rf. Tlie Se^^ TcslameiU in the ApvstoUc Fathers, Oxfoid, laOô, ! >. '18.
Il n’y a pas de motif de révoquer en doute cette donnée ' qui est confirmée par une leçon très ancienne du livre des Actes (xi, 29). VArgumentum Evangelii secundum Lucam (Corssex, Munarcldanische Prologe, Te.rt. u. Unters., xv, 1, p. 7) croit savoir que Luc resta célibataire, composa son Evangile en Achaïe, et mourut en Bithynie.
Au quatrième siècle on a considéré Luc comme un des 72 disciples ; plus tard on l’a identifié avec le second disciple d’Emmaûs, le compagnon de Cléopas ; au cinquième siècle apparaît la légende de Luc, peintre de la sainte Vierge, dont on ne connaît pas l’origine. Ces dernières données n’ont aucune valeur historique.
II. Données fournies par 1 étude du livre luimême- — Après avoir étudié la tradition sur l’auteur des Actes, il convient de contrôler la conclusion pai l’examen interne du livre. Ici, est-il besoin de le dire, les opinions des critiques sont très divergentes. Tandis que les auteurs catholiques sont à peu près unanimes à déclarer que cet examen confirme la tradition, opinion que partagent bon nombre de critiques protestants, et non des moindres (Blass, Harnack, Pluuimer, Raïusay, B. Weiss), beaucoup de criticiues indépendants estiment, au contraire, que l’opinion traditionnelle devient insoutenable à la lumière de ce contrôle (H. Holtzmann ; Jiilicher ; Schiirer, Wendt). Généralement, ils reconnaissent, cependant, dans les Actes une partie qui dériverait d’un journal de Aoyage écrit par Luc, compagnon de Paul : à savoir les Wirstiiche'^.
Que nous apprend donc la lecture attentive des Actes au sujet de son auteur ?
Tout d’abord, il est évident que l’auteur du livre des Actes est un Grec de naissance. Il suffit de lire Act., xxviii, 1-4 : les habitants de Malte sont pour lui des « Barbares » . La période qui ouvre l'évangile est évidemment aussi l'œuvre d’un Grec. Act., vi, 5 ; XI, 19, 30 ; XIII, 1, 2 montrent clairement que l’auteur des Actes porte le plus grand intérêt à la ville d' Antioche. Ces conclusions sont également certaines dans l’hypothèse de l’identité et de la distinction de l’auteur des Wirstilche avec l’auteur des Actes.
Y a-t-il moyen de démontrer que l’auteur des Actes se sert si fréciuemment et si exactement de termes médicaux, qu’il doit avoir été médecin luimême ? Un médecin Irlandais, M. Hobart, a consacré sa vie à l'étude de cette question 3. Sans doute il a multiplié outre mesure les i^ termes médicaux » ; néanmoins sa thèse paraît bien prouvée. Nous renonçons à résumer ici cette preuve que l’on peut trouver ailleurs bien exposée. Mais nous devons faire remartpier une fois de plus que cette terminologie médicale se retrouve aussi bien dans les jr/ ; -, s/jà/>e que dans les autres parties des Actes et dans l’Evangile.
Il serait dilTicile de prouver, par l’examen interne du livre des Actes, en dehors des JVirstiic/ce, que l’auteur a dû être un disciple intime de Paul. Son pauliiiisme toutefois est suffisamment accentué pour un
1. M. Ramsay, qui a beaucoup étudié les écrits de Luc. croit que celui-ci était originaire de Philippes (S. Paul, The TravcUcr, p. 207 sv.) ; mais il n’est pas suivi.
2. On appelle de ce nom — que nous conservons faulo d’un ternie français analogue — 97 veiscts où l’auteur parle à la premièi-e personne : xvi, 10-17 ; xx. 5-15 ; xxi, 1-18 ; xxvii, 1-xxYiii, 16. Cène serait évidemment qu une partie de ce journal qui aurait été insérée dans les.ctes par un auteur posti-rieur.
3. The médical laiigua^e of St. Luke. Dublin, 1882.
h. Cf. Th. Zaiin, Einlcittuig in dus.. T., n^, p. 435 svv. ; A. Harnack, Lukas der Arzt…, 122-137 ; L. Jacqvier, Histoire des livres du Nouveuu Testament. 11, 445, 446. — Lire, par exemple, Act., xxviii, 1-10 ; Evangile, viii, 43, 44.
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compagnon de Paul : on peut s’en convaincre en lisant p. ex. Act., xiii, 38 ; xx, 28.
L’examen interne du livre des Actes conduit donc à des conclusions en parfaite harmonie avec les données de la tradition. Pour nier ces conclusions, il faudrait des motifs bien graves. On croit les avoir trouA-és cependant. Les Wirstiicke marquent, dit-on, pour le style, le vocabulaire et la pensée, un certain contraste avec le reste du livre ; il y aurait, en dehors des Wirstiicke, telles narrations et telles conceptions qu’il serait impossible d’attribuer à un compagnon de Paul ; on pourrait même démontrer que les sections où l’auteur parle à la première personne, ont été insérées et retravaillées par un écrivain postérieur qui se servit de ces notes pour la composition de son livre. Ces raisons prouveraient que la tradition aurait généralisé indûment : fauteur d’une source des Actes serait devenu l’auteur du livre tout entier.
Remarcjuons d’abord, avec le P. Rose (Les Actes des Apôtres, p. ix), combien il serait invraisemblable ffue la tradition ancienne et constante sur Tauteur du troisième Evangile et des Actes « ait pour unique point de départ une collaboration très restreinte (de Luc) au livre des Actes, ou plus exactement, l’usage qu’un écrivain anonyme devait faire plus tard, à son insu, de quelques feuillets qu’il avait couverts de notes pendant les voyages de l’aiîôtre…)> D’ailleurs un examen plus attentif prouve que les raisons alléguées en faveur de cette hypothèse sont dénuées de fondement. M. Harnack a soigneusement comparé au point de vue philologique les Wirstiicke avec les autres narrations des Actes et avec le style du troisième Evangile ^ L’analogie enti-e les deux termes de la comparaison lui a paru si grande qu’il en a conclu à l’identité d’auteur. Dans l’hypothèse contraire, l’auteur des Actes n’aurait guère retenu des notes de Luc que l’emploi de la première personne : tout le reste aurait été changé.
L’argument sur lequel insistent spécialement tous ceux qui rejettent l’opinion traditionnelle sur l’auteur des Actes, est basé siir la comparaison de Act.. xv, 1-29, avec Gal., ii, i-io. (Voir p. ex. E. SchiIrer, Tlieologische Literaturzeitung, 1906, p. ^oô-^oy.) Il serait impossible, dit-on, de concilier ces deux récits. Un compagnon de Paul ne peut donc pas avoir écrit le premier. On ne comprendrait pas non plus que Luc ait pu attribuer à la réunion de Jérusalem un décret que Paul exclut tout au moins par son silence.
On a proposé différentes réponses à cette objection. Une théorie, qui a gagné d’assez nombreux partisans, ne rapporte pas aux mêmes événements les deux narrations Gal., 11, et Act., xv : les événements racontés au chapitre 11 de l’Epître aux Galates, n’auraient eu que très peu de publicité et auraient précédé le Concile de Jérusalem. Il n’y aurait donc aucune opposition entre les deux récits. (V. Weber. Die Abfassung des Galaterhriefs’or dem Apostelkonzil, 1900 ; J. Belser, Einleitiing in das X. T., 1901, p. 438 ; Mgr Le Caml’s, LŒuvre des Apôtres, vol. II, p. 94-170.) Cette solution nous paraît inadmissible. Car, dans les deux narrations, il est question de la même controverse, l’obligation de la loi mosaïque povir les païens convertis ; les personnes qui jouent un rôle dans la délibération sont encore les mêmes : Pierre et Jacques, — Paul — et les Judaïsants ; enOn la solution principale est la même : les païens convertis ne devront pas observer la Loi. Admettra-t-on que la question de la Loi pour les païens convertis
1. Luhas., p. 19-60. Ici, comme pour la preuve du « langage médical » , il n’est pas possible de reproduire l’argumentation, dont la valeur dépend Je l’abondance des détails.
ait été deux fois l’objet d’une délibération publique des Apôtres, à Jérusalem ? Une première décision n’était-elle pas suffisante ?
Nous pensons donc que les deux récits, celui de Paul et celui de l’auteur des Actes, se rapportent aux mêmes événements ; nous estimons aussi que le dernier ne contredit pas le premier. Les multiples différences entre les deux i-écits peuvent s’expliquer par le but différent des deux auteurs et les circonstances dans lesquelles ils écrivaient. Luc, écrivant après l’apaisement des controverses juives, voit les choses du dehors et décrit la grande réunion publique. S. Paul, écrivant sa lettre au milieu des difficultés, rapporte certains détails personnels et insiste surtout sur la reconnaissance de son apostolat. Enfin, pour comprendre l’omission par Paul, dans l’épître aux Galates, des quatre stipulations du décret des Apôtres, on se rappellera que ces stipulations ne sont pas la partie principale de la solution. Celle-ci consistait, avant tout, dans la non-obligation de la Loi pour les convertis d’origine païenne. Un disciple de Paul peut donc avoir écrit le chapitre xv des Actes’.
Il nous resterait encore à examiner si les Wirstiicke apparaissent comme ayant été retravaillés et insérés dans les Actes par un auteur postérieur. Pour le prouver, on cite certaines anomalies dans la seconde partie des Actes. La principale se rencontre dans l’histoire de la délivrance de Paul emprisonné à Philippes. Act., -K.xi, 25-34, dit-on, serait une addition d’un auteiu" postérieur en quête de miracles, et la scène serait présentée au surplus d’une façon tout à fait invraisemblable. Au fond, cette argumentation repose sur la peur du miracle. Un disciple de Paul admettait évidemment le surnaturel, et si la scène noctiu’ue dans la prison de Philippes ne nous est pas décrite avec toute la précision désirable, on ne peut en conclure cependant que la narration ne puisse avoir été écrite par un disciple de Paul qui fut lui-même à Philippes à ce moment. D’après Harnack (Zî^Aas, p. 80), il serait impossible de recourir, pour la solution de la difficulté, à une interpolation, tellement ces récits manifestent le style de Luc.
Les témoignages et la critique interne s’accordent donc à prouver que’Luc, le médecin grec, le compagnon de Paul, a composé, non seulement les Wirstiicke, mais tout le livre des Actes.
Nous n’apprenons malheiu-eusement pas avec une égale certitude le lieu et la date de composition du livre. Sur le premier point nous renonçons même à émettre aucune hypothèse. La date de composition
1. Consulter, sur l’exposé, dans les^Actes, de la controverse judaïsante : J. Thomas, L’Eglise et les Judaïsants à l’âge apostolique^ Rei’ue des Questions historiques, octobre 1889, avril 1890 ; H. Coppieters, Le Décret des Apôtres, Rei’ue biblique, janvier et avril 1907. Sur ce même sujet M. Harnack [Lukas…, p. 89-96), a quelques remarques très intéressantes.
Dans son dernier ouvrage sur les Actes des Apôtres, M. Harnack (Die Apostelgeschichle, 1908, p. 188-198) s’est rallié à une solution radicale de la difficulté. Il admet l’authenticité de la leçon occidentale du décret (trois prohibitions : idolothytes, sang, fornication, et précepte de charité) et considère le décret comme un catéchisme moral. Les Apôtres auraient déclaré que les païens convertis étaient délivrés du joug de la Loi, mais qu ils devaient s’abstenir des festins sacrés des païens, d’homicide et de fornication. Dès lors le silence de Paul dans l’épître aux Galates se comprend parfaitement ; il avait le droit de s’écrier que les Apôtres ne lui avaient pas imposé de nouvelles obligations. Les arguments que fait valoir A. Harnack en faveur de cette solution nouvelle et qui sont empruntés en bonne partie à la monographie de G.Resch (Das Aposteldecret nach seiner ausserkanonischen Textgestalt, 1905) ne paraissent pas convaincants.
doit être sûrement placée après G3 ', puisque l’auteur connaît la délivrance de Paul après sa captivité de deux ans (xxvui, 30). Brusquement, il termine alors son ouvrage, ce dont on a souvent conclu que Luc l’avait composé avant la mort de Paul (67). Il y a des difficultés réelles contre cette opinion. Sans doute, la dépendance des Actes à l'égard de Flavius Josèphe, l’historien juif, qui a écrit son livre Antiquités juives dans les dernières années du premier siècle, ne se prouve pas. La date des Actes doit se déterminer plutôt par la date du troisième Evangile. Celui-ci a-t-il été écrit avant ou après 70? Les auteurs qui préfèrent cette seconde alternative, la justifient généralement par les considérations suivantes. L’Evangile de Marc, qu’Irénée dit avoir été composé après la mort de Pierre et de Paul, a servi de source au troisième Evangile : il n’est pas aisé de placer ces deux écrits entre 67 et 70. De plus, la comparaison entre le discours eschatologique du Christ chez Marc et Luc semblerait montrer que Luc a connu le siège de Jérusalem et la ruine de la ville (Cf. Luc, xxi, 20-21 ; Marc, xiu, l-ih). Il est vrai que les partisans de cette opinion ont une certaine difficulté à expliquer la fin si luusque des Actes. (Voir d’autres considérations en faveur de la composition des Actes avant 70, dans Harnack, Die Apostelgeschichte, p. 217-221.)
Du reste, au point de vue apologétique, une différence d’une dizaine d’années jiour la date de composition des Actes n’a pas une importance capitale.
m. Les sources du livre des Actes. — Il n’y a aucun intérêt apologétique à exposer la longue série d’hypothèses émises au sujet des sources des Actes, ni les innombrables essais de restitution tentés par de bien subtils critiques^.
Si Luc est l’auteur des Actes, comme nous avons tâché de le montrer, il n’est guère probable qu’il se
1. Nous suivons ici l’opinion la plus répandue sur la chronologie de la vie de saint Paul.
2. Tout récemment, M. A. Bludal" a ]>ubliésur ce sujet un excellent article bibliograpliique dans la liibUsclic Zeitchrifi de l’JOT, n"' 2 et 15, sous le titre Die QucUenscheidungen in der Apostelgeschichte. Signalons les dernières conclusions de M. A. H.VRNACK (Die Apostelgeschichte, p. 131158) sur les àources de la première partie des Actes qu il étend jusqu'à xvi, 5. M. Harnack, après avoir reconnu 1 impossibilité d'établir une distinction de sources sur des difl'érences de vocabulaire et de style, recourt à l’analyse des divers récits et à l’examen de leurs tendances. Il trouve ainsi une suite de récits qui décrivent l’origine et le développement du christianisme à Antioche : vi, 1-viii, 4 ; XI, 19-30 ; xii, "JS-xvi, 5. Ces récits, de très grande valeur historique, auraient été transmis à Luc pur Silas qui avait habité Antioche (Act., xv, 32-33). — Faisant abstraction de IX, 1-30 (le récit de la conversion de Puuli M. Harnack croit reconnaître dans la partie restante une suite de narrations qui concernent les événements de Jérusalem et de Césarée : Pierre et Phili[>pe sont les personnages ini|)()rtants. C’est la source A, qu’on pourrait attribuer au diacre Philippe qui vécut à Césarée. Elle comprendrait iii, 1-v, 16 ; viii, 5-'40 ; ix, 31-xi, 18 ; xii, 1-24. — Les quelques chapitres qui restent sont, pour M. Harnack, des récils dénués de valeur hisloyiipie. Le chapitre 11 et v, 1742 (la source B) seraient un doublet de ui-iv-v, 1-16 ! La scène iv, 23-31 serait le récit historique dont une tradition peu fidèle aurait fait la légende bien connue de la Pentecôte ! Nous engageons les lecteurs à comparer les récits A et les récits B ; ils verront bien que ces derniers ne constituent pas de simples doublets des premiers..ussi serail-cp bien principalement sur la comparaison des récit’i que Harnack fonde son juj^ement di'-favoi’able sur B ? Ne serait-ce pas plutôt sur ses piincii>es philosophiques concernant le miracle ? Il est permis de le croire, puisque le récit de r.scension (ch. i) auquel il n’est pas possible d assigner un doublet quelconque, n’est pas mieux traité que le cb. 11.
soit servi de sources dans la seconde partie de son livre (à partir du ch. xiii ou ch. xvi. 6) où il raconte surtout les missions de saint Paul. Tout au plus coinprendrait-on qu’il ait inséré dans son ouvrage certains petits documents, comme la lettre des apôtres et des presbytres de Jérusalem aux chrétiens d' Antioche (xv, 28-29), ^^"^ ^* lettre de Lysias au gouverneur Félix (xxiii, 26-30).
Selon notre opinion sur l’auteur des Actes, le problème des sources doit se restreindre à la première partie (ch. i-xii ou ch. i-xvi, 5). Luc se serait-il servi d’un document écrit pour l’exposé qu’il fait de l’Eglise primitive de Jérusalem ?
Rien n’empêche d’admettre chez un auteur inspiré l’usage de sources écrites. Luc s’en est certainement servi pour la composition de son Evangile. La comparaison minutieuse du troisième Evangile avec le second montre clairement c|ue le second Evangile a été repris, presque tout entier, par Luc, qui s’est le plus souvent contenté d’y apporter des changements de style assez notables. Je crois aussi que la plupart des discours du Christ qui se trouvent seulement dans le premier et le troisième Evangile dérivent d’une source commune aux deux évangélistes, une collection de Logia, sans doute celle dont les sources anciennes attribuent la composition à l’apôtre Matthieu. Enfin plusieurs récits du troisième Evangile, qui ne se trouvent ni chez Matthieu ni chez Marc, ont une couleur sémitique tellement marquée qu’on ne les attribuera pas facilement à un auteur grec capable d'écrire des périodes classiques, comme celles par laquelle Luc commençait son Evangile. Il suflit de lire par exemple l’histoire de l’Enfance ou le récit des disciples d’Emmaiis. On est donc autorisé, semble-t-il, à admettre une troisième source, d’origine palestinienne, pour la composition du troisième Evangile. On s’est demandé si une partie des narrations contenues dans les douze premiers chapitres des Actes, ne dériverait pas de la même source palestinienne, qui aurait continué l’histoire évangélique après la Résurrection. On cherche un argument en faveur de cette hypothèse dans le style de cette première partie, qui renferme beaucoup plus d’hébra’ismes, et l'étroite parenté entre.^c/., iet Luc, xxiv. Ce dernier chapitre serait, en grande partie, emprunté à la source spéciale du troisième Evangile. L’examen lexicographique de Act. i-xii n’est pas de nature à infirmer cette conclusion. On trouve en effet dans cette partie des expressions plus ou moins hébraisantes, qui se rencontrent, il est vrai, dans les Evangiles, mais nulle part dans la partie finale des Actes : 'jr.u.ùy. (l3 fois) ; Tï/sara (9 fois) ; Trpoyy.v.p-rspslv (6 fois) ; £ ; tTTàvat (8 fois) ; y.p-Hî7evA (4 fois) ; « lît (16 fois). La glossolalie de la première partie des Actes (11. 1-1 4 ; xi, 15) semble différer notablement de celle des Eglises pauliniennes (I Cor., xiv). On pourrait encore faire valoir d’autres divergences. (On peut consulter sur les arguments spéciaux en faveur de cette opinion B. Weiss, Einleiiung in dus Neue Lesta nient, Berlin, 1897, p. 540 ss. ; P. Fkim :, Eine voïkanonische Ueberlieferung des Lukas, 1891, p. 156-212. Voir aussi le jugement de A. IIaknack, Lukas, p. 75 ss.)
Ne semble-t-il pas que ces pliénomènes s’expliquent plus aisément par l’admission d’une source palestinienne, où Luc aurait puisé liiistoire de la chrétienté primitive de Jérusalem ? Elle aurait été rédigée avant la ruine de Jérusalem, peut-être en araméeu. On ne peut guère songera la reconstituer. On fera inême l>ien d’ajouter que la démonstration esquissée plus haut est loin d'être apodictique, tout eu paraissant être d’une solide probabilité. L’iiistorien s’apercevra immédiatement que cette hypothèse ne peut qu’augmenter la valeur historique du livre des Actes.
IV. Valeur historique des Actes. — Le temps n’est plus où l"éc’ole t !e Tiiliiiii^uc rangeait les Actes parmi les essais de coiicUiatiuii entre le pétrinisme et le paulinisme, en leur déniant toute valeur historique. La critique a réussi à classer cette hypothèse parmi les fantômes à jamais évanouis, dont il est désormais inutile de s’occuper.
Au contraire, les considérations que nous avons été amené à faire au sujet des questions précédentes, nous permettront d'établir aisément l’autorité du livre des Actes. Une bonne partie du livre est, en effet, écrite par un témoin oculaire, ou très voisin des événements qu’il rapporte. Luc avait voyagé avec Paul, de Troas à Philippes (xvi, lo-i'^) ; au voyage suivant, le troisième, il accompagne Paul de Philippes à Milet (xx, 5-15) et de Milet à Jérusalem (xxi, 1-18). Il lit avec Paul captif le voyage de Césarée à Rome (xxvii, i-xxviii, 16). Pour toute cette période, on ne saurait désirer meilleure information. On reconnaîtra aussi que, pour le premier voyage de Paul (Act., xiiixr'), Luc a pu s’informer avec sûreté et sans grande difficulté.
Pour ce qui regarde les origines de l’Eglise de Jérusalem et des Eglises de Palestine, il aurait eu, d’après une hypothèse à laquelle nous nous sommes déclaré favorable, le très grand avantage de pouvoir se servir d’une source composée en Palestine, assez voisine des événements racontés. Même si l’on regardait cette dernière opinion comme insoutenable, il serait encore facile de prouver que Luc a dû connaître l’histoire des chrétientés primitives de Palestine. Il connaissait et a^ait fréquenté plusieurs personnalités marquantes de l’Eglise de Jérusalem : Jacques le frère du Seigneur, qu’il avait vu en 69 (Act., xxi, 18 s.) ; le diacre Pliilippe, chez qui il avait logé avec Paul, à Césarée (Act., xxi, 8 s.), et qu’il a dû revoir sans doute pendant les deux ans de captiAÎté de son maître à Césarée ; le cousin de Barnabe, Mare, qu il avait rencontré à Rome (Col., iv, io-14) ; son compagnon de voyage Silas (Act., xv, 40 ; xvi, 10 s.), qui avait été jadis chargé de porter la lettre du Concile de Jérusalem aux chrétiens d’Antioche ; d’autres encore, comme Mnason « l’ancien disciple » (Act., xxi, 16) et sans doute aussi Jésus le Juste (Col., iv, 11) : tous ces chrétiens, certainement les quatre premiers, ont pu renseigner Luc sur les grands événements qui avaient suivi la mort et la résurrection du Christ. Ils l’auront fait sans le moindre doute. Car l’Evangéliste qui avait soin de renseigner exactement Théophile, n’aura pas manqué de s’informer auprès de ces premiers convertis de Jérusalem « sur les choses qui s'étaient accomplies parmi eux » .
Les considérations qui précèdent sont fondamentales pour établir la valeur historique des Actes. Elles ne suffisent sans doute pas à prouver l’exactitude des moindres détails de la narration. En histoire, une exactitude absolument minutieuse ne se prouve que très rarement. En apologétique d’ailleurs, l’autorité substantielle des Actes est seule fondamentale, les détails du récit étant généralement dénués d’importance'. Cependant les découvertes ont mis en lumière l’exactitude de l’auteur des Actes dans des détails tout à fait minimes. Signalons une inscription
1. Nous renonçons donc à essiniinerici certaines objections dont jadis on faisait grand cas contre l’autoVilé historique des Actes : une crrour chronolog-iriue dans le discours de Ganialiel (v, 36) ; des inexactitudes dans le discours de S. Etienne sur l’histoire patriarcale (vii, 2, 17) des divergences de d « tail dans la triple exposition de la conversion de saint Paul (ix, 1, 30 ; xxii, 4, 16 ; xxvi, 9, 18). S’il fallait admettre dans les Actes des inexactitudes de ce genre, il ne s’en suivrait absolument rien contre l’authenticité des Actes, ni contre leur valeur historique.
de Delphes, peu connue, qui en rendant témoignage au récit des Actes (xvui) permet de préciser la date du proconsulat de Gallion en Achaïe. (Voir BouRGUET, De rébus Jelp/iicis iiiiperatoriae aeiatis capita duo (thèse). Paris, igoS, p. 63, 64.) Luc sait que les magistrats de la colonie Philippes sont appelés mpc/.r : r, yr^i (xvi, 20) ; les inscriptions de Sicile relatent une appellation honoriiique, rpjrt) ;, que Luc donne au gouverneur romain de Malte (xxviii, ^). Le récit de la révolte des orfèvres d’Ephèse contre Paul, tout en ne se trouvant pas dans les Wirstilcke, est particulièrement remarquable (xix, 28, 40). « Le // : ! '7/.//.aTîiJ ?, secrétaire de la ville, était à Ephèse un magistrat considérable. On lit sur une inscription trouvée dans cette ville, qu’un même personnage est à la fois Asiarque et secrétaire du peuple, 'Amc/.pyrii et y/ ; a, y.//aT£jç tîO Sr, <J-o-j. On ne peut qu’admirer l’exactitude de l’auteur des Actes, que les Hellénistes ne peuvent jamais prendre en défaut pour la désignation des proconsuls, des provinces sénatoriales, des magistrats des différentes villes. De même pour l’expression v£wxc}îî ; 'ApTé/j.iSa : Ephèse est appelée la ville de Diane dans les inscriptions et les monnaies, de même pour le terme otenB-éç qui désigne la vieille statue de bois que l’on croyait tombée du ciel et qui représentait la forme authentique de la déesse. » (V. Rose, I. c. p. 203.Cf. A BLVDAV, Bervufstand des Silberschmieds Demetrius (Kat/iolik. 3Fo'^e, -s.xs.ni). Act., xix, 23-40. Il convient de dire ici un mot du dessein de l’auteur.
« Vous recevrez la puissance du Saint-Esprit qui descendra sur Aous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, et dans toute la Judée, et dans la Samarie,
et jusqu’aux extrémités de la terre. » (Act., 1, 8. Cf. A. Harxack, Die Apostelgeschichte, p. 4-'0.) Voilà le programme dont Luc se proposa l’exéciition, quand il écrivit les Actes pour convaincre Théophile de la vérité du Christianisme. Ce I)ut pratique peut avoir dirigé l’auteur dans l’omission de certains détails, dans l’insistance sur d’autres ; il explique, par exemple, pourquoi Luc ne rapporte pas l’incident entre Pierre et Paul à Antioche, ni les difficultés dans les Eglises de Galatie, ni les ardentes controverses elles coteries chez les Corinthiens. Il faudra compléter les Actes par les lettres de saint Paul, si l’on veut se faire une idée quelque peu exacte des chrétientés de l'âge apostolique. Averti par l’auteur lui-même sur le but et le plan du livre, l’historien qui étudie les Actes ne sera pas offusqué par ces omissions qui s’expliquent si bien ; il n’appréciera pas moins le compagnon de Paul, dont l’excellente information nous a valu un ouvrage qui projette sur l'âge apostolique de si vives et de si précieuses lumières^.
V. Importance apologétique du livre des Actes. — Poiu" montrer l’importance apologétique des Actes, nous croj’ons ne pouvoir mieux faire que d’analyser et de mettre en lumière le témoignage que ce livre rend en faveur du fait de la Révélation, des principaux points de la doctrine chrétienne, et des éléments essentiels de l’organisation ecclésiastique.
I. Le fuit de la Réyélation chrétienne.
Le grand argument en faveur de la Révélation chrétienne a été dès les premiers jours de la prédication apostolique et est encore aujourd’hui lalîésur 1. Le texte du livre des Actes nous est transmis dans les manuscrits et la version avec de nombi’euses et quelquefois assez notables variantes. La recension que contient la Vulgate se rapproche assez du texte authentique. Il sufEt de mentionner cette controverse qui, au point de vue apologétique, n’a pas grande importance. Cf. H. Coppieters, De historia te.rtus Actonnn Apostoloritm (dissei’Ution), Louvain, van Lintliout, 1902.
reclion du Christ. Elle prouve avec évidence la mission divine de Jésus, lautorité divine de son enseignement et des institutions établies par lui. Les prodiges opérés, d’après la prédiction du Christ, par les Apôtres et les premiers disciples, devaient être pour ceux-ci un moyen très puissant de conGrmer la vérité de leur prédication, dont ils constituaient une garantie divine.
Si la Résurrection du Christ est un fait historique, si la réalité des miracles des Apôtres se démontre, la Révélation chrétienne sera solidement établie. Or les Actes des Apôtres contiennent des témoignages très importants en faveur de ces prodiges.
Le livre des Actes raconte que, très peu de temps après la mort de Jésus, les Apôtres, Pierre surtout, ailirment devant un auditoire juif la Résurrection du Christ, la prouvent par des prophéties et ne craignent pas de proclamer que « sa chair n’a pas vu de corruiDtion » (ii, 24-32). Ailleurs la Résurrection est encore énergiquement affirmée (m, 14-16 ; iv, lo) et dans le discours de Paul à la synagogue d’Antioche de Pisidie — discours qui semble rédigé par l’auteur des Actes d’après le premier discours de Pierre, le jour de la Pentecôte — il est même explicitement question de la sépulture du Christ dans un tombeau ; « mais Dieu l’a ressuscité des morts » (Act., xiii, 27-80). Contrairement à ce qu’on a récemment affirmé, les Apôtres savaient donc que Jésus avait été enseveli dans un tombeau. Et si, immédiatement après la mention de la sépulture, ils affirment la résurrection, déclarent que la chair de Jésus ne vit pas la corruption, n’y a-t-il pas là une confirmation évidente du récit évangélique sur la découverte du tombeau vide, et, partant, un argument en faveur de la Résurrection. Cf. E. Mangenot, La Sépulture de Jésus, dans JRevue pratique d’Apologétique, i" juillet et ler décembre 1907 (voir l’article Jésus-Christ).
Il n’est pas possible de nous étendre ici sur chacun des miracles rapportés dans les Actes. Signalons-en toutefois les principaux : le miracle de la Pentecôte (11, i-13) ; la guérison d’un boiteux (m, i-ii) ; la conversion de Paul (ix. i-30 ; cf. xxii, 4- '6 ; xxvi, 9-18) ; la guérison d’Enée et la résurrection de Tabitha (ix, 31-43) ; la délivrance de Pierre (xii, 6-17) ; plusievu’s guérisons opérées par Paul (xiv, 8-10 ; XVI, 16-18 ; XX, 7-10 ; xxviii, 7-10) ; sa propre guérison (ib., 2, G). — Et cette énumération est loin d'être complète.
De nos jours, les adversaires du miracle ne contestent plus guère le caractère merveilleux des événements tels qu’ils sont racontés dans les Actes des Apôtres. Ils cherchent à expliquer, sans prodiges réels, la genèse de cette foi au surnaturel qu’ils constatent chez les disciples du Christ presque au lendemain de sa mort sur le Calvaire. Les explications dun Renan, tant prisées jadis dans le monde rationaliste, sont oubliées maintenant, ou font sourire. Voici conunent il explicpiait le miracle de la Pente(ôte. « Un jour que les frères étaient réunis, un orage éclata. Un vent violent ouvrit les fenêtres ; le ciel était en feu. Les orages en ces jiays sont accompagnés d’un prodigieux dégagement de lumière ; l’atmosphère est comme sillonnée de toutes parts de gerbes de flammes. Soit rpie le fluide électrique ait pénétré dans la pièc<' même, soit qu’un éclair éblouissantait subitement illuminé la face de tous, on fut convaincu que l’Esprit était rentré et qu’il s'était épanché sur la tête de chacun, sous forme de langues de feu. » (Les Apôtres, p. 62-68.)
C’est de l’escamotage plutôt cpie de la ciilitiue. Que <le détails de la narration {Act., 11, i-13) y sont négliges ! Et quel singidier orage que celui qu’on vient de n(nis décrire ! Car, on ne doit pas l’oublier, l’histoire
constate que les Apôtres, de timides et d’ignorants qu’ils étaient, ont été transformés subitement en des hommes pleins d’une sainte audace et en docteurs remplis de la science des divines Ecritures. Quelques jours auparavant ils avaient pris la fuite lors de l’arrestation de leur maîti-e ; Pierre l’avait renié trois fois ; la mort de Jésus les avait profondément découragés ; ils ne comprenaient que peu de chose à la divine économie. Et les voilà qui prêchent hardiment, ne craignant ni les prisons ni la mort. Le miracle de la Pentecôte n’est-il pas cei’tiflé par ses effets étonnants ?
Au fond, dans toutes ces discussions soi-disant historiques, on sent bien qu’on est plutôt sur le levrain philosopliique. La remarque de Sabatier à propos de la conversion de Saul vaut aussi pour d’autres faits de ce genre. « Elle (la question de la conversion de Saul) se rattache et se lie d’une manière indissoluble à celle de la résurrection même de Jésus-Christ. La solution qu’on donnera à la première dépend de celle que l’on a donnée à la seconde. Celui qui accepte la résurrection du Sauveur, serait mal venu à mettre en doute son apparition à son Apôtre ; mais celui qui avant tout examen est absolument sur que Dieu n’intervient jamais dans l’histoire, celui-là écartera sans doute les deux faits. » (V Apôtre Paul, Paris, 1896, p. 4-j)- On ne pevit mieux exprimer la dépendance des explications critiques vis-à-vis des principes philosophiques. Néanmoins, puisque bien des critiques prétendent maintenir la discussion sur le terrain historique, il est de la plus haute importance de faire valoir les considérations exposées plus haut en faveur de l’autorité historique des Actes. Si Luc est l’auteur des Actes, il faudra expliquer la conversion au christianisme de cet homme cultivé, le courage des Apôtres jadis si hésitants, l'étonnante vitalité de ce Christianisme primitif, qui nous est signalée par des témoins si bien placés pour le connaître. En dehors de tout miracle, cette explication n’est pas facile à donner. Harnack (Lukus, p. iv) a reconnu que le problème psychologique et historique posé par la conversion et la foi des pi’emiers chrétiens est extraordinairement grave, mais il s’est abstenu de le résoudre dans son système.
2. La doctrine chrétienne attestée par le li^'re des Actes.
On aurait grand tort de chercher dans un livre comme les Actes un exposé complet de la doctrine chrétienne à l'époque apostolique. Ce n’est guère que dans les discours que nous trouvons des éclaircissements sur la prédication apostolique. Et encore ces discours n’exposent que la première prédication des Apôtres à un auditoire de juifs ou de païens ; c’est l’Evangile oral que nous entendons là, bien longtemps avant qu’il ait été consigné par écrit. C’est cette prédication primitive, ce témoignage d’ensemble de la comnmnauté chrétienne au temps des apôtres qu’on a justement appelé le cinquième Evangile. Si nos conclusions sur les sources des Actes et la valeur historique de ce livre sont exactes, c’est dans les Actes surtout qu’il faudra chercher l’objet de cette prédication.
Aux Juifs, les Apôtres prêchent avant tout la messianité de Jésus (11, 5-36 ; iii, 12-26 ; x, 87-48). Ils la prouvent surtout par les Ecritures, l’argument favori pour la raison juive formée à la lecture de l’Ancien Testament. La christologie est peu développée : ils n’insistent pas beaucoup sur la préexistence du Christ : le juif qui écoutait ce discours, l’admettait aisément. Jésus était mort sur la croix « selon le dessein arrêté et la prescience de Dieu » (11, 28) ; ressuscité, il répandait l’Esprit sur ses disciples (v, 82)
et « c’est par lui que le pardon des péchés est annoncé x' (x. 38) ; poiu- être sauvé il faut croire en Lui (iv, 10-12). Cf. E. Maxgenot, Jésus Messie et J-'ils de Bien ci a près les Actes des Apôtres, Revue de l’Institut catholique de Paris, 190 y, p. 385-423, et en brochiu’e, Paris, 1908.
Aux païens, le missionnaire inculque avant tout le monothéisme (xiv, 14-16 ; xaii, 22-31) pour les jn-éparer à accepter la doctrine du Christ. On entre dans la vie ciirétienne par le baptême qui lave la souillure du péché et donne l’Esprit (11, 38) ; les fidèles se réunissent souvent pour prier et rompre le pain (11, 42), ce que beaucoup d’interprètes entendent de l’Eucharistie.
Il n’est pas possible de continuer ici l’examen de la théologie enseignée dans les premiers chapitres des Actes. Certes, la terminologie qu’on y trouve diffère encore beaucoup de la terminologie paulinienne. et c’est un nouvel argument pour le caractère ui apostolisch de ces discours et l’emploi d’une source palestinienne dans la première partie des Actes. Mais les points principaux de la doctrine chrétienne sont déjà bien fixés, et pour en arriver à la théologie paulinienne ou joannine il ne faudra pas une évolution radicale. Tout en tenant bien compte que c’est un Anglican qui écrit, on consultei-a utilement G. Stevens, The Theology of the New Testament, Edinburgh, 1901, IIP p., chapitre 11.
3. L’organisation ecclésiastique d’après le li^re des Actes*
Grâce à l’ouvrage de Luc nous poxivons aussi nous faire une idée de la direction de la communauté chrétienne primitive.
A Jérusalem la communauté est d’abord gouvernée par les Apôtres ; plus tard elle est présidée par Jacques, le frère du Seigneur (xxi, 18) ; à côté de lui, il y a des presbytres, chargés sans doute de l’aider dans sa fonction (ib., cf. xi, 30, xv, 23). Dès le début les Apôtres avaient institué des diacres pour la distribution régulière des aumônes. On leur avait imposé les mains, et ils prêchaient aussi la parole de Dieu (vi, i-io).
Dans les autres communautés, l’apôtre missionnaire exerce le pouvoir. Là aussi, il y a des j^resby très chargés de gouverner la chrétienté (xiv, 23 ; xx, 17). Ces presbytres sont appelés aussi épiscopes (xx, 17, 28), d’où l’on conclura que les deux termes sont s jnonymes. Nous n’apprenons pas toutefois dans les Actes la nature et l'étendue des fonctions sacrées qui leur sont réservées.
Les fidèles, tout en étant fort unis à leurs chefs, leur doivent obéissance et soumission : la hiérarchie ne gouA’erne pas en vertu d’une délégation, mais en vertu d’une institution (xiv, 23).
Ces simples constatations ont leur importance : elles prouvent tout d’abord que l’institution des diacres et des presbytres vient des Apôtres, eux-mêmes
« envoyés du Christ » . La hiérarchie à trois degrés,
cvêqiies, prêtres et diacres, que nous trouvons en Asie Mineure dès le début du second siècle, et bientôt après dans toute la chrétienté, a du moins sa racine dans la volonté du Christ. On pourra discuter, sans doute, si les prêtres de premier ordre ou évêques répondent aux apôtres et délégués d’apôtres, les I)rètres de second rang aux presbylres-épiscopes de l'âge apostolique, ou bien si les presbytres-épiscopes d’alors jouissaient tous de la plénitude du sacerdoce. Mais cette question délicate, que nous n’avons pas à traiter ici, n’est pas inséparable de l’origine aijostolique et divine de la hiérai-chie ecclésiastique.
1. Voir articles Eglise, Episcopat.
La première partie des Actes montre encore clairement la prééminence de Pierre dans le collège apostolique : il prend la direction de la communauté, propose de donner un successeur au traître Judas, montre dans toutes les circonstances qu’il est le chef du collège apostolique et de la communauté chi-étienne.
Bibliographie. — Les Introductions aux livres du Nouveau Testament, les Commentaires du livre des Actes, les manuels sur l’histoire de l'âge apostoli({ue, les monographies composées au sujet des questions spéciales touchées ici, sont en si gi-and nombre qu’il est impossible de citer même les principaux d’entre eux. Un triage sévère s’impose, tant parmi les ouvrages d’auteurs catholiques que parmi ceux d'écrivains appartenant à d’autres confessions religieuses.
1. Introductions au N. T. — R. Cornely. Historica et critica Introductio, t. III, Parisiis, 1897 ; J.Belser, Einleitung in das N. T., Freiburg. 1901 ; E. Jacquier, i//s<oùe des libres du A'. T., Paris, tome III, 1908 (cet article était imprimé au moment où parut le volume de M. Jacquier ; il n’a plus été possible de le consulter ; au tome II, à propos du troisième EA’angile, on trtuive aussi beaucoup de renseignements) ; Th. ZaA , Einleitung in das.V. T., Leipzig, , 1900. B. Weiss, id., Berlin, 1897. A. Jiilicher, id., Tiibingen, 1906.
2. Commentaires. — J. Knabenbauer, Commentarius in Actus Apostolorum. Parisiis. 1899. ^ Rosp> ^^^ Actes des Apôtres, Paris, igoâ. J. Belser, Die Apostelgescliicfitef Vienne, 1906 ; H. Wendt, Die Apostelgeschichte, Gôttingen, 1899. H. Hollzmann, id., . Freiburg, 1901.
3. Exposés d’ensemhle sur V/iistoire des Apôtres. — C. Fouard, Saint Pierre… Saint Paul (2 vol.), Paris. Mgr Le Camus, L’OF.uvre des Apôtres (3 vol.), Paris. 1900 ; C. Weiszacker, Das Apostolische Zeitalter. Freiburg. 1892 ; Mrc Gitïevl, flistorrofC/iristianity in the Apostolie Age. Edinburgh, 1897 ; C. Clemen, . Paulus. Seiri Lehen und If irken. Giessen, 1904 ; A. Brassac. Manuel hildique, t. IV, Paris, 1909.
4. Monographies sur différentes questions spéciales. — J. Thomas, L’Eglise et les Judaisants à l’Age apostolique, dans Re<, 'ue des questions nistoriques, 1889-1900 ; articles réimprimés dans Mélanges d’histoire, Paris, 1899 ; P. Feine, Eine vorkanonische Ueberlieferung des Luhas, Gotha, Perthes, 1891 : F. Chase, The credihilitv of the Acts of the Apostles, London, 1902 ; A. Harnack, Lukas der Arzt. der Verfasser des dritten Eyangeliums und der Apostelgeschichte, Leip : ; ig, 1906 ; W. Rainsa^-. Saint Paul the Traseller and the Roman Citizen, London, 1900 ; Th. Vogel, Zur Charahteristik des Lukas nach Sprache und Stil, Leipzig, 1899 ; A. Harnack, Die Apostelgeschichte, Leipzig, 1908.
H. COPPIKTERS.