Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Extrême onction

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Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 1 – de « Agnosticisme » à « Fin du monde »p. 942-944).

EXTRÊME-ONCTION I. Doctrine catholique, questions diverses.- II.Institution. - III. Biliographie.

I. Doctrine catholique, questions diverses. —

La doctrine catholique de lextrênie-onction est formulée dans le décret dEuGii.NE IV aux Arméniens, Concile de Florence, 29 novembre i^Sg, Denz. Bannw., 700 (095) ; elle est reprise, développée et définie dans les '6 chapitres et les 4 canons du Concile de Trente, xiv' session, 25 nov. 1551, Denz. Bannw., 907-910 et 926-929 (780-788 ; 804-807). Il faiit y ajouter comme enseignements et déclarations authenfiques de l’Eglise, avec la décrétale d’iNNocENT 1" à Decentius en 4>6, Denz. Bannw.. 99 (61) ; la lettre de Clément YI au Catholicos d’Arménie en 1351. Ray Aug. Poulain. 1869

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naldi 1351, n. 12 ; deux déclarations du S. Office sur la béncdiction de l’huile des infirmes, en 16Il et 1842, Denz. Bannw., 1628-g (i^g^-ô) ; la proposition 48 du décret Lamentabili sur l’interprétation de Jac, v, 14, Denz. Bannw., 2048, et entin la déclaration de 1906, ibid., 1996, sur la forme suffisante pour la validité et à employer en cas de nécessité. — Diverses questions se posent à l’occasion de cette doctrine.

Le ministre du sacrement est le prêtre seul (Trente, can. 4) ' c'était déjà la pratique universelle : Innocent I" dont la lettre mal comprise, par Bède en particulier, a causé quelques hésitations, enseigne en fait que même les simples lidèles peuvent user de ce sacrement, le recevoir, mais que seuls le prêtre, et à plus forte raison Tévêque peuvent l’administrer.

La matière (Innocent V, Florence, Trente, chap. i), est Yhuile bénite par l'évêque : le S. Office a déclaré qu un simple prêtre ne pouvait pas, même en cas de nécessité, accomplir cette bénédiction : c’est donc qu’un tel acte de sa part serait invalide. Telle est la praticfue latine. Dans l’Eglise grecque, c’est le prêtre qui bénit régulièrement l’huile avant d’administrer le sacrement, et cet usage a été reconnu valide et légitime par Clément VIII et Benoît XIV, sanctionné par le Concile du Mont-Liban en l'^Sô et d’autres conciles grecs-unis (cf. Kern, p. 126-6). Sur la nature de ce pouvoir « épiscopal », auquel participent les prêtres grecs, voir ce qui a été dit à propos du ministre de la Confirmation (col. 654) : le problème est le même.

La forme essentielle est, d’après la déclaration de 1906 : Per istam sanctam unctionem inditlgeat tibi Dominus quidquid deliquisti : c’est la forme mentionnée à Florence, à Trente, universellement usitée dans l’Eglise latine depuis le xvii' siècle ; la forme grecque actuelle (Jlv-ipyyiî… Kern, p. 142), plus développée, concorde pour le fond — mais les formules de certains rituels orientaux ou latins plus anciens diffèrent complètement et pour les termes et pour le sens : il semble donc que le seul élément essentiel au sacrement, soit une prière du prêtre pour le malade (cf. Jac, v, 14), prière que l’Eglise détermine plus en détail (cf. Kern, p. 160, sqq.) pour l’administration non seulement licite, mais même valide, du sacrement dans les divers rites.

L’Eglise de Constantinople donne l’extrême-onction, euchelæon, même aux fidèles en pleine santé, pratique manifestement contraire au précepte de S. Jacques et à toute la tradition ; mais, avec l’Eglise russe, elle reproche à l’Eglise romaine de ne donner ce sacrement qu’aux mourants prêts à rendre le dernier soupir et déjà privés de leurs sens. — Il est vrai que, pour des raisons diverses bien indiquées par le P. Kern (p. 282-288), la pratique générale des fidèles a tendu depuis le xii' siècle et tend encore à reculer jusqu’au dernier moment la réception de ce sacrement : mais c’est en dépit des exhortations constantes de l’Eglise, qui a toujours maintenu la vraie destination de l’extrême-onction, le soulagement spirituel et corporel des malades en danger de mort, même non immédiat (Clément VI, Florence, Trente, et de nombreux conciles particuliers, cf. Kern, p. 304 et suiv.).

L’extrême-onction, n’imprimant pas de caractère, est réitérable, au nioinsà chaque nouveau danger de mort (Trente, ch. 3, (élément VI). En pratique (et Clément VI impose cette pratique) on ne la réitère pas plus souvent : d’après le P. Kern ([>. 338 suiv.) on a des motifs sérieux de penser que, de soi et quant à la validité de l’acte, ce sacrement est, comme la pénitence, purement et simplement réitérable, l)ien que la discipline de l’Eglise puisse mettre des limites à cette réitérabilité : ainsi s’expliqueraient bien cer tains rituels du moyen âge et de lOrient, prescrivant la réception de l’extrême-onction pendant sept jours consécutifs. (Voir en sens contraire, F. Schmid, Ueher die Wiederholung der Krankenolung, Zeitsch. f. kath. Theol.^ t. XXV, 1901, p. 208-269.)

II. Institution. — Le principal problème relatif à ce sacrement est celui de son institution par JésusChrist, problème soulevé par le petit nombre des témoignages antérieurs au ix'= siècle et pai* les divergences dans l’intei’prétation du texte scripturaire auquel le rattache la tradition.

a) Ecriture Sainte. — Maldonat et beaucoup d autres auteurs ont voulu voir dans les onctions faites aux malades par les apôtres (Marc, ai, 13), la pratique du sacrement que Xotre-Seigneur aurait alors institué : mais cette interprétation n’est pas soutenable, même théologiquement, et il n y a là qu’une annonce du futur sacrement, insinuation, dit le Concile de Trente (ch. i), qui repoussa expressément le mot institution. Cet indice n en est pas moins précieux à recueillir comme témoignage indirect de la possibilité de l’institution par Jésus-Christ. Sur le fait de l’institution par Jésus-Christ, voir l’article Sacrements.

En revanche, le même concile, avec toute la tradition, voit une recommandation du sacrement dans Jac, V, 14-15, et définit (can. i) le sens de ce texte. Le décret Lamentabili (prop.48, cLLoisy, Autour d’un petit livre, p. 25 1) précise encore : il s’agit d’un sacrement, dans toute la rigueur du terme. Le décret n’entend pas affirmer que S. Jacques enseigne explicitement la notion de sacrement, telle que les théologiens l’exposeront plus tard ; ni même que l'étude purement critique de ce texte, indépendamment du secours de la tradition, pourrait démontrer avec certitude que c’est bien d’un sacrement ainsi entendu que parle S. Jacques ; — mais il rejette la conception évolutionniste, d’après laquelle l’apôtre aurait recommandé en fait un rite autre, moins riche d’elTicacité surnaturelle que le sacrement tel qu’il sera plus tard décrit en détail, un rite sanctifiant quelconque, qui ne serait devenu que longtemps après notre sacrement actuel d’extrême-onction. Mais la grande majorité des critiques protestants et libéraux refusent de reconnaître au rite de Jacques aucune efficacité spirituelle : il n’y aurait là qu’un recours à la prière et à un remède naturel ou au charisme des guérisons, mentionné déjà par S. Paul (I Cor., xii, 10, 28) ; quant à la rémission des péchés dont parle le verset 15, il y faudrait voir une trace de l’idée juive que la maladie est une suite du péché, que guérison et pardon vont nécessairement ensemble. VoN SoDEN cependant {Hand-Commentar^, III, 2, p. 201, 1899) ne croit pas que ce texte puisse s’entendre d’un soulagement corporel apporté au malade, et l’exclut même d’une façon trop absolue. Il s’agirait uniquement du salut de l'âme, parce que toutes les expressions se rapportent à des mourants sans espoir de retour à la vie.

L’explication catholique traditionnelle est moins exclusive : elle admet le soulagement et de l'àme et du corps, mais elle refuse de voir là l’exercice d’un simple charisme passager. S. Jacques adi-essele malade aux Tipc^Z’Jrîpoi. Tr, i èy.y.'/Y, 71v.ç, c’est-à-dire, sans conteste possible, aux presbytres formant la hiérarchie régulière : or rien ne permet de supposer que tous possèdent le charisme particulier des guérisons, ni qu’il faille sous-entendre une distinction entre ceux qui l’ont et ceux qui ne l’ont pas (noter l’article rii) ;) : il s’agit donc, non d’une i)uissance extraordinaire et transitoire, mais d’un pouvoir spirituel permanent, d’un de ceux qui sont confiés à la hiérarchie régulière. Encore moins s’expliquerait-on le recours aux il

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presbytres si l’onction n’intervenait que comme une simple pratique médicale.

b) Tradition. — A partir du viiie siècle, les témoignages relatifs à l’extrême-onction se font nombreux (Conciles d’Aix-la-Chapelle en 836, ch. 2, c. 8, 5 ; de Pavie (Ticinense), c. 8, en 850, Denz. B., oiô.Théodul-PHE d’Ùrléaxs en 789, P.L., CV, 220, S.BoMFACEdans ses statuts n. 4 et 29, P. L., LXXXIX, 821, 828, etc.) : aussi est-ce entre le viii° et le xii* siècle que les critiques protestants placent l’origine et le développement de ce rite sacramentel. Antérieurement à cette date, les attestations sont beaucoup plus rares : elles existent cependant.

Le recueil liturgique de Sérapion de Tiimuis (éd. Funk, Paderborn, 1906, c. 26, p. 191, 1. 22), — mort peu après le milieu du iv" siècle : mais les formules de son recueil peuvent être plus anciennes que lui,

— contient une prière pour l’huile des malades, [les mots ajoutés au titre « ou pour le pain, ou pour l’eau)> sont postérieurs : la prière ne parle que de l’huile] : elle demande pour l’huile une eflicacité corporelle et spirituelle ; elle est distincte des prières pour la consécration de l’huile destinée au baptême, ibid., c. 25, p. 187, distincte également des prières pour la bénédiction de l’huile et de l’eau comme eulogies (le mot y est) à la lin de la liturgie eucharistique, ibid., c. 17, p. 179 : on a donc bien là une bénédiction de l’huile sacramentelle.

Innocent I" (loc. cit.) recommande l’onction des malades, qu’il rattache à Jac., v, 14, que les prêtres seuls peuvent accomplir suivant le précepte apostolique, que les pénitents ne peuvent pas plus recevoir que « les autres sacrements ». — La Vie de S. Hypatius (écrite entre 447-450, Bardenhewer) raconte qiie le saint, appliqué au soin des malades, avertissait son abbé « car celui-ci était prêtre », afin qu’il vint oindre les malades avec « l’huile consacrée » (Acta SS., 17 juin, c. I, n. 9, p. 313).

Ces témoignages et ceux, plus ou moins explicites, que le P. Kkrn a réunis pp. 17-59, sufTisent pour écarter l’argument négatif qu’on oppose à l’institution par Jésus-Christ.

On peut en outre, jusqu’à un certain point, rendre

raison de cette réelle pauvreté d’attestation pour un si long espace de temps (Kern, p. 22 suiv.) : la mention de l’extrènie-onction devait être amenée particulièrement par le texte de S. Jacques : or nous avons perdu tous les commentaires de cette épître antérieurs à BÈDK (viii* siècle) qui est précisément un témoin du sacrement, dans son explication de ce passage, P. L., XCIII, 3g. Les onctions étaient en outre de plusieurs sortes, cette onction avait une signification symbolique très étendue, et très courante : par suite, beaucoup de textes font peut-être allusion au sacrement des malades, dont le sens est pour nous impossible à préciser. L’extrêriie-onction est le complément de la pénitence : plus d’une fois elle a pu lui être réunie et passer ainsi assez inaperçue, comme la confirmation à côté du baptême.

in. Bibliographie. — Outre les traités généraux de dogmatique (Commentaire sur le Maître des Sentences, IV. Dist. 23, et S.Thomas, 5. Tlieol., III, Supplein. , q. 29-33, Traités De sacramentis. ou De pæniientia), et les recueils liturgiques (Martène, Goar, Denzinger, Maltzew), voir en particulier : de Sainte-Beuve, De sacramento Unctionis Extreinæ (iQSù), dans Migne, Cursus theol.., t. XXIV, p. ii-31. — Chardon, Histoire des sacrements : Extrême-Onction, 17^5, dans Migne, ibid., t. XX, p. 749-782. — Heimbucher, Die heilige Œlung, Ralisbonne, 1888.

— Schmitz (I.), De effectibus sacram. E.rtremae Unctionis, Fribourg en B., 1898. — G. Jacquemier, L’Extrême-Onction chez les Grecs (Echos d’Orient, avril-mai 1899). — Boudinhon, Im théologie de l’Extrême-Oncfion {Revue Cathol. des Eglises, juillet 1900). — Kern, De sacramento Extremæ Unctionis, RatisbonnCjigo-. — Parmi les protestants : E. Picard, art. Onction (dans VEncyclop. de Lichtenberger, t. X (1888), p. i-ii). — F.kattenbusch. art. Œlung, dans Real. Enc. de Herzog’, t. XIV (igo^), p. 304311. — F. W. Puller, The Jnointing of the sick in Scripture and Tradition, Londres, 1904.

J. DE GUIBERT.