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Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Franc-maçonnerie

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Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 2 – de « Fin justifie les moyens » à « Loi divine »p. 54-72).

FRANC-MAÇONNERIE. — Le Grand Orient de France place, en tête de son Annuaire, des Extraits I de sa Constitution, promulguée le 27 avril 1885, où ( nous lisons : « La Franc-Maçonnerie, institution essentiellement philanthropique, philosophique et progressive, a pour objet la recherche de la vérité, i’ctude de la morale et la pratique de la solidarité ; elle travaille à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité. Elle a pour principes la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, la liberté absolue de conscience… Elle se refuse à toute affirmation dogmatique… Elle a pour devise : Liberté, Egalité, Fraternité, La Franc-Maçonnerie a pour devoir d’étendre à tous les membres de l’humanité les liens fraternels qui unissent les francs-maçons sur toute la surface du globe. Elle recouimande à ses adeptes la propagande par l’exemple, la parole et les écrits, sous réserve de l’observation du secret maçonnique. .. »

Si l’on s’en tient à ces vagues formules officielles, on peut délinir ainsi la Franc-Maçonnerie : une association secrète qui a pour but de transformer, selon ses doctrines de a libre-pensée)>, la civilisation humaine.

Un pareil programme est entré, depuis deux siècles, dans la voie des réalisations. La Franc-Maçonnerie moderne, après avoir puissamment contribué à renverser les institutions d’ « ancien régime », et à détruire, dans l’âme de nos contemporains, les idées et les sentiments (]ui constituaient la civilisation chrétienne, a partout travaillé à fonder ! ’ « humanité nouvelle n. Aujourd’hui, elle exerce, dans bien des pays, une sorte de souveraineté morale, et en France, par exemple, est devenu rigom-eusement exact le jugement que portait, dès 1854, l’un des érudits allemands qai possédaient le mieux l’histoire de la secte, le protestant Ed, Eckert : « Aucun homme d’Etat ne connaît son époque, il ignore les causes des événej ments qui s’accomplissent sur le terrain de la plus haute politique, il ne s’explique pas ce qui se fait,., dans toute la vie politique et sociale des peuples, il ne comprend pas même le sens qu’ont aujourd’hui certains mots, bref, il ne voit que des faits dont il n’aura jamais l’intelligence et en présence desquels il ne saura jamais quel parti prendre, s’il n’étudie à fond l’ordre de la Franc-Maçonnerie, et n’en comprend la nature et l’action, i

D’où vient une aussi redoutable puissance ? Dans l’Encyclique £’<51m » /^(i luctuosa (21 novembre 1 8^3), PiB IX, rappelant les condamnations portées par ses prédécesseurs depuis 1738 contre la Franc-Maçonnerie, la qualifiait de « synagogue de Satan », Elle est, en effet, comme la synthèse de toutes les hérésies, l’aboutissement de toutes les révoltes de l’homme contre Dieu, de l’individu contre la société. Elle met en œuvre l’orgueil et les haines de tous ceux qui, ayant cessé de croire en Dieu, n’écoutent plus que leur sens propre et s’imaginent que l’homme, semblable à la bète, peut désormais régler sa vie en répudiant toute préoccupation surnaturelle, d’après les seules exigences de la matière. En d’autres termes, si l’on admet, avec l’Eglise catholique, que Dieu est la source de tout bien et que l’homme, en révolte contre Dieu et livré à ses passions, est, de par sa nature viciée, entraîné au mal, on est en droit de voir, a priori, dans la Franc-Maçonnerie, l’organisation de ces puissances du Mal qui, depuis l’origine

de l’humanité, soutiennent contre les puissances du Bien une lutte qui ne cessera qu’avec le monde.

Cette organisation est d’autant plus forte qu’elle est u secrète », et que ce secret consiste moins encore dans l’obscurité (aujourd’hui bien compromise) de ses agissements, que dans l’ignorance, pour le public et pour le plus grand nombre de ses adeptes, du but où elle tend. Ce but. étant donné l’accord fondamental qui existe entre la Foi et la Raison, entre les lois divines et celles qui assurent la stabilité et la jjrospérité des gouvernements et des sociétés, — ce but ne saurait être que la révolution perpétuelle, l’anarchie.

« Par leurs cDForts à renverser les fondements

de la justice et de l’honnêteté, — déclarait Liio.N XIII dans l’Encyclique Htimanum genus, — les maçons travaillent à faire descendre l’humanité à la condition des bêtes ; ne donner à l’homme d’autre règle de conduite que l’attrait du plaisir, c’est mener le genre humain à l’anéantissement dans l’infamie et l’opprobre. ) Or beaucoup de profanes, et sans doute aussi beaucoup) d’initiés, croient que les loges tendent, selon les termes de la Constitution du Grand-Orient, i au perfectionnement intellectuel et social de l’humanilc ».

Nous allons rechercher ce qu’il en est, en étudiant l’histoire des loges, en analysant leurs doctrines, en exposant leur organisation, en caractérisant leur action, en rappelant les condamnations pontificales dont elles ont été l’objet,

Nous le ferons d’une façon aussi « objective », avec une méthode aussi rigoureuse, que s’il s’agissait de toute autre école philosophique. Nous serons seulement obligés de ne retenir que l’essentiel, et de nous borner même à de simples indications pour tout ce qui ne concerne point la Franc-Maçonnerie française moderne,

I. Difficultés de la documentation. — Le mystère historique ayant pour le public un grand attrait, on a beaucoup écrit sur la Franc-Maçonnerie ; mais, neuf fois sur dix. on l’a fait sans aucun esprit critique, et on n’a ainsi accumulé que du roman :

« Malgré tous ces travaux, — dit fort justement le

consciencieux érudit qu’est M. Gustave Bord, — par suite de la passion des-adversaires, plus on a écrit sur la matière, plus on semble avoir fait l’obscurité sur le sujet traité. » (La Franc-Maçonnerie en France, t. I, p. X.)

Les documents originaux eux-mêmes, d’ailleurs fort rares, sont sujets à caution ; non point qu’il faille considérer a priori comme contraire à la vérité tout ce qui est émané des loges, — car il conviendrait alors de renoncer à écrire leur histoire, — mais les légendes sont ici plus envahissantes et plus tenaces que partout ailleurs. Citons-en un seul exemple : ce n’est qu’en 1910 que le Grand-Orient s’est décidé à supprimer, en tête de son annuaire, les noms des deux premiers Grands-Maîtres, lord Derwextwater et lord Harxolesteh, — le premier n’ayant pu être élu Grand-Maître, vers- 1725, par la Grande-Loge de France, puisque celle-ci n’était pas encore constituée, et le second n’ayant jamais existé (op. cil., p. 120). Citons aussi la fameuse Charte de Cologne, pai- laquelle Frédéric II aurait, en 1786, fondé le Rite écossais. (Voir la critique de ce document apocryphe, et les références qui s’y rapportent, dans La Franc-Maçonnerie démasquée, lO juin 1909, p. 168.)

IL Ij38 origines. — Les origines de la Franc-Maçonnerie surtout sont fertiles en mythes : nous ne voulons pas parler des allégories, comme celle qui consiste à dire qu’Adam a été régulièrement reçu maçon à l’Or.’, du Paradis, par le Père Eternel, mais 97

FRAxNC-MACONNERlE

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seulement lies priUenlions de certains historiens qui, - nis le pi-élexle que la secte « a toujours existé, -mon en acte, du moins en puissance de devenir, vu i|M(lle répond à un besoin primordial de l’esprit liuuiain » (W’iiitu, Le Livre de l’Apprenti, p. il), lui attribuent une existence de plusieurs milliers d’années. Em. Uebold en est le type : dans son Ilisluire, encore si vantée, des Trois Grandes J’-uites, il allirme que la Franc-Maçonnerie est « issue d’une antique et célèbre corporation d’arts et métiers fondée à Home en l’an yiS avant notre ère par le grand législateur Numa Pompilius » (p. 697) ; sa « Liste des Grands-Maîtres 1. commence à l’année 292, par « Albanus, architecte, premier grand inspecteur de la Franc-Maçonnerie dans la Grande-Bretagne », et, jusqu’en iGGo, cette liste ne com[>orte pas moins de dix rois et neufévcques ou arclievè((ues, dont saint Dunstan, archevêque de Cantorbéry (p. 681) ; sa « Notice histori que sur les principaux Congrès et Couvents maçonniques )) commence par celui d’York, en gSG, (p. 0 ; 6).

(>ette façon de présenter les choses est absolument illusoire. Si le « compagnonnage « paraît avoir existé de tous temps parmi les ouvigers constructeurs, et si parfois leurs associations ont adopté des rites, plus ou moins secrets, qui n’ont pas échappé aux ci-usures ecclésiastiques (voir Cl. Jannet, Les l’récur.. iirs de la /"ranc-Marunnerie) ; si, d’autre part, la 1 auc-Maçonnerie moderne a emprunté à l’histoire U- l’architecture certaines légendes et certains sym-I les. il ne s’ensuit nullement qu’elle soit aussi .i.icicnne que l’ai-t de bâtir ! « Il est singulier de rencontrer dans récriture accadienne le triangle A comme signe de la syllabe Rou, qui a le sens de faire, b.*itir. — Si ce n’est qu’une simple coïncidence, elle

: tout au moins frappante, et les maçons enthou

istes pourront y voir un indice de la haute antiquité de leur symbolisme, car les manuscrits chaldcens dont il s’agit remontent à plus de 4-500 ans avant notre èi-e. » (Lii’re de l’Apprenti, p. 13.) Cette façon de M. O. Wirtli de favoriser 1’  « enthousiasme » de ses frères.’, poiu" l’antiquité de leurs illustres origines caractérise bien le prétendu « positivisme » de la secte.

Des textes connus indiquent la différence qui existe entre la Franc-Maçonnerie coustriictive ou o/jér

« //ce, telle qu’elle subsista jusqu’au xiii’siècle, et la

Franc-Maçonnerie spéculative moderne, telle qu’elle fui fondée par la Constitution de 1^23. Les règlements de la première portaient partout, au éhapitre « devoirs envers Dieu et la religion », l’article suivant : « Ton premier devoir comme maçon est que tu sois fidèle à Uieu et à l’Eglise, et que tu te préserves des erreurs et de l’hérésie. » Dans la charte constitutive de la "condc (charte dont nous indiquerons plus loin la -I iicse et le sens complet), on lit tout autre chose :

Devoirs envers Dieu et lu Heligiori. — Le maçon, i’.ir sa profession, est obligé d’obéir à la loi morale, et s’il entend bien l’art, il ne sera ni un athée stupide, ni un libertin irréligieux. Mais quoique, aux anciens temps, les maçons fussent tenus, dans chaque pays, d’être de la religion de ce pays ou de eettenation, quelle qu’elle fut, maintenant on croit plus expédient de ne plus les obliger qu’à la religion dans laquelle tous Us hommes s’accordent, en laissant à chacun ses opinions particulières ; c’est-à-dire que les maçons doivent être des hommes bous et véridiques — (good nieu and true) — ou des hommes d’honneur et de probité, pur quelques dénominations ou convictions qu’ils soient [du reste] distincts. Par là, la maçonnerie devient le centre d’union et le moyen de constituer une véritable amitié entre les gens qui [sans cela] seraient forcément restés dans un pcrpéliiel

éloignemcnt les uns des autres. » Ainsi définie, la maçonnerie cessa d’être chrétienne, pour devenir 1 humanitaire et entraîner ses adeptes aux révolutions ! les plus radicales par les voies obliques de 1’  « adogmatismc », de la « laïcité » et delà « sécularisation » de la vie humaine.

Mais d’où venaient ces principes nouveaux ? Au fond, ils n’avaient rien de nouveau : ils avaient été ceux des « omniscients » du Moyen Age et de toutes

« les sectes recherchant le secret éternel de l’humanité, 

de ces gens qui, ne pouvant comprendre et définir Dieu, las de le chercher en vain, trouvèrent plus commode de magnifier la matière «.Les gnostiques, avec leurs théories sur le panthéisme, la divinité de la raison humaine et l’indépendance de la morale (voir M.vTTER, Histoire du Gnosticisnie) ; les Manichéens, les Albigeois, les Templiers dégénérés, les Protestants, les Déistes anglais (Toland, Bolingbrook, CoUins, Tindall, Wolston), peuvent être considérés comme les ancêtres intellectuels des francsmaçons ; beaucoup d’entre eux fondèrent même des sociétés secrètes analogues aux futures loges. (Voir à ce sujet les références données par N. Deschamps et Cl. Jannet.) Quant aux précurseurs directs, les correspondances maçonniques et les travaux des loges du XVIII* siècle montrent que les plus infiuents furent les alchimistes et les Kabbalistes : citons parmi eux Raymond LuUc (auteur du Grand Art), Thomas Morus (auteur â’C’topia), Tliéoplirasle Paracelse, Socinus (Lclio-Sozzini), Jacob Boehm (panthéiste), Valenlin Andréa (cet abbé d’Adelsberg qui fonda sans le vouloir l’ordre des Rose-Croix, en publiant plusieurs romans qui provoquèrent en Allemagne la fondation de diverses associations), Robert Fludd. François Bacon (auteur de la Nouvelle Atlantide), Pierre Bayle (dont les doctrines furent très répandues en France), Svedberg (dernier théosophe célèl )re, inspirateur des Martinistes et des Balsamistes, anobli sous le nom de Swedenborg), NVillermoz, etc. (Voir G. Bord, La Franc-Maçonnerie en France, )

Avec ces derniers noms, nous entrons dans la période où la Franc-Maçonnerie a déjà reçu son organisation et ses principes modernes, source d’une effroyable puissance de destruction. Parlant des théoriciens des siècles précédents, un savant alchimiste contemporain (car la philosophie et les rites maçonni(|nes modernes sont encore tout imprégnés d’alchimie), M. Oswald Wirth, écrit qu’  « ils ont projeté leur pensée dans l’atmosphère mentale de la planète ». « Ils l’ont imprimée dans la lumière astrale de notre globe terrestre, continue-t-il en s’exprinianl comme Paracelse… Ainsi notre constitution s’est trouvée créée en quelque sorte à l’état de fantôme, d’àme en peine de vivre sur le plan physique, de se réaliser pratiquement et de s’incarner à cet effet. Cette entité spirituelle ne guettait plus que l’occasion de prendre corps. Elle s’offrit en 1717. » (Acacia, n" de novembre 1909, p. 2f)i.)

11 !. La tbéorie de l’origine jijive. — Parmi les explications qu’on a données de l’a’uvre maçon nique, l’une des plus répandues aujourd’hui dans le public consiste à prétendre que la célèbre association ne serait qu’un instrument créé par le judaïsme pour détruire la civilisation chrétienne. Que les Juifs soient heureux des deslrmaions qui s’accomplissent et qu’ils cherchent, qu’ils réussissent même à en tirer profit, c’est incoutestalile ; mais que les loges soient une émanation de leur puissance, c’est histori (iuement indémontré. On a constaté cpi’au xviii’siècle les Juifs maçons furent une infime minorité : on n’eu connaît peut-être pas une douzaine, et cela s’exi)lique par ce fait qu’ils étaient systématique99

FRAXC-MACONA’ERIE

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ment exclus. (On cite à ce sujet, l’exemple de laloge l’Anglaise, n° 20/1, à l’Or.-, de JSordeaus, dont tous les membres volèrent le 3 mai 17^6 la non-admission des Juifs.) Ragon et d’autres écrivains après lui parlent d’un certain Elias Aslimole, antiquaire anglais et juif, qui aurait introduit l’a hermétisme » dans les compagnonnages du xvii* siècle ; or Ashmole était si peu juif qu’il présida la Ligue catholique de Londres et fut inhumé dans une église catholique. D’autres personnages qui jouèrent auxviii" siècle un rôle philosophique assez considérable : Adam Weishaupt, Wolf.Martinez Paschalis(ou mieux Don Martines de Pasqually), Giuseppe Alesandro Balsamo dit Caglioslro, n’étaient pas plus juifs qu’Ashmole. (La Franc-Maçonnerie démasquée, n° di loaoûl 1910, en a donné des preuves certaines ; voir aussi le n’du 10 décembre igo6, art.de M. G. Bord, et le Livre de V Apprenli, p. 30.) Encore au xx’siècle, la pluiiart des loges refusent leur accès aux Juifs ; même en France, les FF.’, s’en délient et les repoussent souvent à cause de leur encombrante audace : dans les loges où ils pénètrent, ils ne tardent pas en effet à se rendre maîtres des charges et de l’inlluence.

Pourtant, ils ont mille moyens d’imposer cette influence — au besoin du dehors, — et nous constaterons (paragr. Xlll) les progrès de leur hégémonie intellectuelle, prélude de la domination universelle qu’ils se croient appelés à exercer un jour. La pénétration croissante de la Kabbale dans les sectes occultes n’a-t-elle pas arraché à un occultiste bien informé M. DoiNEL (voir plus loin paragr. Xlll) ce douloureux cri d’alarme : « L’action juive, l’inliltration juive, la haine juive ! Que de fois, j’ai entendu des francsmaçons gémir de la domination que les Juifs imposent aux loges, aux ateliers philosophiques, aux conseils, aux Grands-Orients, dans tous les pays, à tous les points du triangle, comme ils disent, sur toute l’étendue du vaste monde ! Il ne m’appartient pas dedéuiasquer cette tyrannie au point de vue politique, ni au point de vue linancier. Mais dans la pensée de Satan, la Synagogue a une part immense, prépondérante. Il compte sur les Juifs pour gouverner la maçonnerie, comme il compte siu’la maçonnerie pour détruire l’Eglise de Jésus-Christ… Depuis la Révolution, les Juifs ont envalii les loges. L’envahissement a été prog^ressif. Il est complet. La Kabbale a été reine dans les loges secrètes. L’esprit juif a été roi dans les ateliers sjinboliques. Aux savants, la Kabbale ; aux ignorants, l’esprit juif. La Kald>ale dogmatise et fait de la métaphysique, la métaphysique de Lucifer. L’es[)rit juif dirige l’action. Et dogme juif comme esprit juif, théorie connue réalisation, tout cela est dirigé contre l’Eglise catholique, ap<)stolique et romaine, contre elle et seulement contre elle, et contre son chef visil)le le Pajje, et contre son chef invisible le Christ. Cruciliez-le I Crucifiez-le ! » (Voir Les Infiltrations maçonniques, dans l’IC^lise, par l’abbé Emmanuel Barbie », pp. lai 122.)

Si donc l’origine juive de la Franc-.Maçonncrie moderne ne nous paraît pas, comme on va le voir, historiquement démontrée, il faut tout de même avouer qu’aujourd’hui, la puissance juive tend à asservir à ses lins la puissance maçonnique, comme si elle en était la créatrice et comme si la « conjonction » de ces deux puissances était l’aboutissement normal des antiques prétentions et des haines séculaires du peuple déicide.

IV. La fondation de la maçonnerie moderne.

A la lin du xvii’siècle, la maçonnerie co//^ « /r/ ?/ie

anglaise se plaça, selon une coutume probablement ancienne, sous la protection du roi. Glillaumk III

d’Orange (initié vers 169^) présida ainsi, à Hampton Court, plusieurs assemblées de loges. Sur son ordre, en 1O94, celles-ci rédigèrent leurs « anciens devoirs et statuts », publiés plus tard par Krauss et traduits par Daruty. De ce document capital, — l’un des seuls qui nous renseignent sur l’organisation de la Franc-Maçonnerie opérative, — il résulte ciue les

« frères ji de la corporation comprenaientdes a maîtres

», des « compagnons » et des « apprentis » ; qu’il y avait à l’entrée une « initiation » ; qu’il fallait a garder lidèlement le secret » vis-à-vis des profanes et que les maçons anglais votaient par tête pour tout ce qui concernait leur profession. (Voir G. Bonn, La Franc-Maç. en France, p. 48 et suiv. et Teder, Revue liirani, mai et juillet 1908.) Retenons ces statuts qui. modiliés et augmentés, servirent de base à ceux delà maçonnerie siiéculative.

Celle-ci était déjà en gestation, grâce à une double iniluence, poiilique et jJnlosopluquc.

a) De même qu’en Allemagne, lors des élections d’enii)ereursou lorsdes guerres de religion, de même qu’en France, lorsque Louis XI voulut conquérir les Flandres, les partis avaient recherché l’appui des gildes ou cori)orations, seuls groupements populaires riches et puissants, de même en Angleterre, lorsque s’engagea la lutte entre les Stuarts et le Parlement, ])uis entre les Stuarts et la Maison d’Orange ou celle de Hanovre, les partis politiciuescherchèient, à 1 aide des jreomasony, à provocjuer ou à simuler des manifestations nationales. De Jacques I" à Charles III, les Stuarts usèrent de ces moyens. Chose plus grave, plus pernicieuse, ils introduisirent l’organisation maçonnique dans les régiments pour en faire des partis politiques. Dans les loges militaires, conm :e celles îles régiments écossais et irlandaisqui débarquèrent en France en 1689, la hiérarchie maçonnique, établie par le ote de tous les « frères », 1 reni])orlait sur la hiérarchie des grades ; les cadres militaires n’étaient plus que les agents d’exécution des cadres maçonniques, pouvoir directeur. Cet « égalitarisme » engendrait déjà une philosophie qui devait faciliter la fusion des maçonneries spéculatives jacobile et orangiste, fusion que hâta, sans l’accomplir encore, la défaite des Stuarts.

/) Nous avons vu que Jean Valentin Andréa, abbé d’AoEESBERG (1586-1654), avait fondé malgré lui l’Ordre des Rote-Croix. Christian Rose-Croix, héros de ses romans Fania l’^raternilatis et Iléfornuition unifcrseUedii monde entier, était eenséavoir retrouvé un secret pouvant faire le bonheur de l’humanité, et avoir fondé un collège secret (ou loge) ayant pour but la bienfaisance, rintcinationalisme, l’établissement de la vraie morale et de la vraie religion. Ces billevesées (où l’on retrouve d’ailleurs l’écho des doctrines hétérodoxes dont nous avons parlé), furent |)rises au sérieux par des théoriciens dont se moqua Andréa, mais qui n’en fondèrent pas moins, sur le modèle de ses collèges secrets, en Allemagne et en Angleterre, de réelles loges de Rose-Croix. En 1650, elles étaient solidement organisées à Londres ; leur principal chef était Elias Ashmole (161’ ; -1692), le « Mcrcurioj)hile anglais ><, fondateur d’une société ayant pour but de bâtir le temple de Salomon, temple idéal des sciences, imité de ceux qu’a aient imaginés MovuA(l’topia)eliicon(La Aouvelle Atlantide). Cette nouvelle société, qu’Ashmole obtint de réunir dans le local des Francs-Maçons, devait fournir à la maçonnerie la légende symbolique du r<-m|de de Salomon et sans doute avissi la légende alchimique d’IIirnm. De plus, c’est sous son iniluence ipie les secrets du uu-ticr de constructeur fournirent la légende des secrets de la maçonnerie siu’culative, et que furent imaginées les cérémonies initiatiques des ditïéloi

FRANC MAÇONNERIE

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rents grades (apprenti, compagnon, mailrc, iC^Ci 65a’?). Le grade de Clievalicr du Temple donna l’idée d’inventer la légende des Templiers. La politique s’en mêlant, le grand maître maçon assassinépnl être indiiréremment Hirani ou Jacques 1" ; le lemide à construire, celui de Salomon ou la restauration des Sluarts.

L’.lrl Huyal était créé, art consistant soil dans l’étude suprême de la nature, soit dans le rétablissement de la dynastie déchue.

A mesure que s’opéraient l’assimilation et la compénétration des deux francs-maçonneries, les éléments professionnels en étaient peu à peu éliminés ; il n’en restait plus que des débris lorsque le docteur DiiSA-GULiEHs (i(>S’i-i’)ili), protestant émigré à la suite de la Révocation de l’Edit de Nantes, vint proposer à Georges II de faire de la Maçonnerie une association soustraite à l’influence desStuarts (vaincus en 1715) : ainsi fut fondée à Londres, le 24 juin 1717, avec les membres des quatre dernières loges professionnelles et un groupe de maçons « acceptés » (c’est-à-dire 1 admis dans les loges quoique étrangers à la corporation), cette Grande Loge qui est la mère de la I Maçonnerie exclusivement spéculative.

La Grande Loge fut, en elfet, livrée de suite aux entreprises d’une société de théoriciens, dont beaucoup membres de la « Royal Society >i, qui élaljorèrent la nouvelle Constitution promulguée en 1728. Nous en avons indiqué le caractère adogmatique et humanitaire. Cette « constitution d’Anderson >> (du nom de son rédacteur, James A^r)BBSo^) fut, dans la suite, complétée, traduite en français et publiée en 1745, par le frère La Tierce (voir les textes dans l’histoire de G. Bord, p. 70-92). Elle est importante non seulement au point de vue des doctrines qu’elle renferme, mais encore au jioint de vue de l’organisation des loges, qu’elle explique d’une façon très détaillée. Ses auteurs ont bien soin de présenter la nouvelle franc-maçonnerie spéculative comme lia continuation des anciennes corporations ouvrières’dont ils conservent la terminologie professionnelle et certains règlements ; cela leur permettra de sauvegarder la protection immémoriale des souverains ; mais, en fait, il y eut non pas loyale continuation, mais insidieuse sid)stitution. Il ne s’agit plus que des intérêts de l’Ordre, de la discipline occulte des initiés, du triomphe de théories philosophiques et sociales, panthéistes et naturalistes, qui ne tiennent aucun compte des religions et des nationalités existantes, ou plutôt qui tendent à leur destruction. Le pouvoir occulte était fondé, avec ces principes révolutionnaires et cette organisation égalilaire qui en constituent tout le « secret », et en font depuis deux siècles, au sein des sociétés modernes, la plus redoutable conjuration antisociale qu’on puisse imaginer. En.

glelerre, la Conslitution d’Anderson amena une rapide extension de la maçonnerie. En 1721, (le 24 juin), 12 loges seulement avaient particijié à l’élection du grand-maître, duc de Montagu ; en 1726, 49 loges déjà étaient représentées à la Grande Loge. Du reste les grands personnages qui lui prêtèrent leur nom donnèrent du lustre à la Maçonnerie, et s’y [ aflilier équivalut à une sorte de « brevet de respec-I I tabilité ». Son indifférence en matière de religion souleva bien de légitimes suspicions, mais les Freeniasons eurent l’habileté d’atricher une scrupuleuse orthodoxie anglicane. Tout le monde cependant ne fut pas rassuré : pour cette cause, et en raison de rivalités d’influences, il se produisit >ine série de scissions qui aboutirent, en 1751, à la fondation de deux Grandes Loges. Ce « grand schisme » fut consommé en 1753. Les partisans de la Grande Loge la plus récente, prétendant revenir aux anciennes tra ditions et croyances corporatives, s’intitulèrent Jneiciit iVasoiis, et ad<qitèrtnt un rituel rcnjpli de formules pieuses et tic citations bildiques. Pour ne pas perdre toute leur clientèle, les jVoc/cin iVasons firent alors des concessions : et de réactions en réactions, on aboutit, en 1813, à la fusion des deux Grandes Loges anglaises sous le nom de Grande Loge Unie d’Angleterre. Sur 8972 loges et 220.000 maçons anglais, celle-ci compte, en 1910, 2800 loges et 152.coo membres, accusés très volontiers de « bigoterie » par les maçons français.

En France, l’évolution maçonnique fut, en éfi’et, bien différente.

V. La Franc-Maçonnerie française au xviir siècle, jusqu’à la constitution du Grand- Orient. — Les événements que nous venons de raconter avaient consacre, en Angleterre, le triomphe de la politique orangiste. Mais la maçonnerie jacobile n’était pas morte. Elle fonctionnait toujours sur le continent, surtout en France, refuge desStuarts. Presque toutes nos loges régimentaires eurent pour origine et pour modèles les loges des régiments écossais et irlandais, d’où le nom qu’elles conservèrent à’écossaises, bien que le régime vraiment écossais (fondé en 1786) n’ait été établi en France qu’en 1771. Avant cette date, la plupart des loges françaises étaient des loges jacobites.

L’introduction de la maçonnerie en France est du reste un problème fort compliqué. Nous avons indiqué plus haut (paragr. I) l’erreur maintenue jusqu’en 1910 par l’Annuaire du Grand- Orient, au sujet des deux premiers Grands-Maîtres. Le premier d’entre eux, Charles Radclvi-fe, lord Dehwent-WATER (1698-1746), — était un descendant des Stuarts et des Bourbons. Il passa sa jeunesse à la cour de Jacques 11 (à Saint-Germain) et de Jacques III (à Rome). En 1715, il prit une part héroïque à la malheureuse bataille de Preston : après la défaite des Stuarts, son père, James, eut la tête tranchée ; lui-même, condamné à mort, put s’évader de Newgate et gagner la France. Inilié par son ami Andrew Michæl Ramsay (1686-1748) (héritier et éditeur des papiers de Fénelon, mort d’ailleurs en bon catholique à Saint-Germain en Laye après avoir été l’introducteur en France des Jiaals grades écossais et de la légende des Templiers), Radclyll’e fut, en 172O, selon une tradition invérifiable, le fondateur de la loge Saint-Thomas (du nom de saint Thomas de Car.torbéry, le saint vénéré de l’Angleterre des Stuarts). A côté de grands seigneurs anglais, ofBciers des gardes écossaises de Jacques II, cette loge comptait des Choiseul et des Montmorency… Sous la maîtrise de Radelyffe, puis sous celle de Charles Edouard Stuart, (fils de Jacques III), élu grand-maître de la Fr.-.M.’. écossaise en 1745, les loges se multiplièrent (sans qu’on pût du reste donner de chiffres). Notons qu’après une tentative de débarquement en Angleterre (1745), Radelyffe mourut sur l’échafaud en déclarant : i( Je meurs en vrai, obéissant, et humble fils de l’Eglise catholique et apostolique. » Il aurait ajouté à l’adresse de son fils : « Apprenez à mourir pour vos rois » (Voltaire, Précis du règne de Louis XV, in-12, 1786, p. 276).

Les progrès, en France, de la franc-maçonnerie jacoliite, par conséquent antianglaise, avaient naturellement porté ombrage àlaGrandeLogede Londres, qui envoya sur le continent plusieurs propagandistes, parmi lesquels le Grand-Maître Jacques Douglas, comte DE MoRTON (1702-1768). Mais avant le voyage de ce dernier en Bretagne et sur les bords de la Loire (1744->746), s’étaient déjà organisées chez nous des loges étrangères àla politique stuartiste, et d’un 103

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caractère philosoplii([iie peu accusé. « Jusqu’à Tinstallation du G.-. O.". en ly^S, dit très bien Gustave Bord, l’organisation maçonnique française fut une véritable foire, où chacun, dans sa loge, faisait ce qui lui plaisait, ne retenant de la réglementation anglaise que les cérémonies initiatiques dont il ne comprenait pas le symbolisme et les réunions gaies, suivies de banquets souvent tumultueux. » (Histoire…. p. 152.) Les maitres des loges étaient des tenanciers de cabarets ; leurs initiés étaient d’ordinaire des gens de peu, des bourgeois et de petits commerçants ; on y inventait, pour s’amuser, de nouveaux grades et de miriûqnes cérémonies ; parfois, elles étaient accouplées à des loges de Fendeurs et de Félicilaires… Leur nombre, sans doute considérable, est impossible à évaluer : DARCTY.leplus érudit des historiens maçons, en signale (avant i^^i) 2^ à Paris et 199 en province ; Gustave Bord (p. 155 et suiv.) a dresse une liste de ib ! i loges parisiennes et déterminé 822 loges provinciales et 21 loges de régiment. La plupart avaient des noms de saints. Leurs deux premiers Grands-Maitres français furent deux jouisseurs achevés : le duc d’Antin (1788-1 y^S) et Louis de BoiRBON-Coxoii, comte DE Clermoxt, prince du sang (i-^.3-i- ; -i).

D’après La Tierce, le duc d’Antin (dont l’immense fortune provenait des spéculations de Law) aurait prononcé en 17^0 un discours où se trouvent ces passages caractéristiques : « Le monde entier n’est qu’une grande république dont chaque nation est une famille et chaque particulier un enfant… L’ordre exige de chacun de vous de contribuer par sa protection, par sa libéralité, ou par son travail, à un vaste ouvrage auquel nulle académie ne saurait sulHre. Tous les G.-. M.’, en Allemagne, en Angleterre, en Italie et ailleurs, exhortent tous les savants et tous les artisans de la confraternité de s’unir pour fournir les matériaux d’un dictionnaire universel des arts libéraux et des sciences utiles… »

Le comte de Clermont (petit-Qls de madame de Blonlespan), prince scandaleusement galant bien que f destiné d’abord à l’état ecclésiastique — (Il jouissait j à 24 ans, en i^SS, des revenus de six abbayes), — fut nommé G.-. M.-, (le Il déc. 1748) par les vénérables de seize loges ])arisiennes qui composaient alors la Grande Loge de Paris, dite Grande Loge de France. Cette élection, pour laquelle il avait été en concurrence avec le prince de Conti et le maréchal de Saxe, fut ratifiée par les loges provinciales. Après avoir pris part à diverses cam|)agnes (il commandait à Crevelt), il se ruina avec mademoiselle Le Duc (voir les Tliéâtres libertins du xviii= s., de d’Aimeras et d’Estrées, elle Comte de Clermont, de J. Cousin) ; il mourut à Versailles (le 16 juin 1771) : c’est à son lit de mort que s’étaient réunis les princes du sang pour prolester contre le Parlement Maupeou.

Il est malaisé de déterminer le rôle exact joué i>ar

1.1 G.-. L.-. de France sous le gouvernement du comte

(1 ; Clermont, les registres de ses délibérations (1748

! 772) faisant aujourd’hui partie de la bibliothèque

secrète du président du Conseil des rites du G.-. O.-.

Il est toutefois probable, — tousles historiens maçon niqr.es l’ont affirmé, — qu’elle eut d’étroites relations

avec la G.". L.-. d’Angleterre, ce qui était quasi un

criiKe de lèse-nation, étant donnée notre politique

extérieure d’alors. Cela explique, indépendamment de

l’Eni-yclIque de 1788 (non promulguée en France),

les interdictions prononcées par Louis XV contre

les loges(1787, 1788, 5juln 1744). Cela explique aussi

les scissions qui se produisirent et aboutirent à un

véritable enchevêtrement de mères-loges et de rites

pro^inciaux. Les loges écossaises jacobites eurent

un regain de faveur, surtout dans les régiments. Le

cointe.de Clermont, tout à ses plaisirs, ne s’occu pait guère d’ailleurs de ses fonctions de G.-. M.*., et en laissait l’exercice à d’étranges » substituts », comme le banquier genevois Christophe-Jean Baur, qui fut accusé de faire des grades un honteux tralic, et le danseur Lacorne, vénérable maître de la loge La Trinité. C’est l’époque où, dans ce monde interlope, s’agitaient de fanatiques débauchés comme ce chevalier de Beauchaine, créateur de l’ordre androgyne des Fendeurs et des FenJeuses, et capable de conférer à la fois tous les grades maçonniques poui- un écu de six livres : durant la guerre de Sept Ans, il suivait l’armée d’Allemagne avec une roulotte installée en loge, garnie de rituels, de rubans et de costumes maç.". ; il l’arrêtait sur les routes pour distribuer ses 45 grades. La Grande Loge d’un pareil individu avait jiour insignes protecteurs (d’après les signatures des brevets) le marquis de Seignelay. colonel du régiment de Champagne-infanterie ; l’abbé d’Evry, commandeur (sic) de Cluny ; le comte de Choiseul, colonel des grenadiers de France, vénérable des Enfants de la Gloire ; le président à mortier de Gourguel… La maçonnerie — et la société française avec elle — tombaient ainsi en pourriture. Des luttes intestines et de nombreuses démissions d’honnêtes gens écœurés réduisirent à rien la direction centrale maçonnique : c’était peut-être la fin des loges et la guérison possible du chancre hideux qui rongeait notre infortuné pays. — Malheureusement, ledogmeégalitaire et les principes naturalistes avaient semé trop de germes funestes pour ne point aboutir au triomphe du mal lorsque les éléments révolutionnaires retrouveraient un centre puissant. Seul, le pouvoir royal avait les moyens d’entraver l’entreprise maçonnique : Louis XV céda devant elle, après avoir écrasé les Parlements (les autres souverains l’imitaient du reste). Les maçons étrangers profitèrent decette lamentable abdication nationale : ils s’abattirent sur la France comme une nuée empoisonnée. Xolre société fut imprégnée de cosmopolitisme, et se détruisit elle-même, avec une inconscience qui restera pour Ihisloire une troul)lante énigme. — Le Grand Orient fut fondé avec des tendances qui allaient directement à rencontre aussi bien des idées et des intérêts français, que de la vérité catholique.

Seuls les Papes, pilotes suprêmes et infaillibles de la civilisation, comprirent le danger qui menaçait la France et l’Europe, et le signalèrent dès la première heure : nous parlerons plus loin de leurs clairvoyants an.athèmes, ainsi que des doctrines essentielles de la maçonnerie. De 174a à 1771, ces doctrines s’étaient grossies, comme une mer fangeuse, des extravagances d’une foule de sectes : mais on ne saurait voir qu’un intérêt tout épisodique dans l’histoire du Grand-Urient de ISoulllon (père des rt ?.if/mes jacobites), delà Vieille /lru, (e a.Vi ; re Loge Ecossaise de .Marseille, du chapitre de Clermont, des Ehis Coliens (fondés en 17.J4 par Martines Pasqually et distingués parle fameux grade des lieau.r-Croix). du Conseil des Empereurs d’Orient et d Occident, du Conseil suprême des Princes maçons, de l’Etoile flamboyante (imaginée par le baron suisse T. H. de Tschoudy), des Illuminés d’A-’ignun, des Illuminés ihéosuphes, etc.

VI. Le Grand-Orient et la Révolution. — L’état le plus complet qui ait été dressé des loges existant en France en 1771 comporte près de cinq cents noms : 154 pour Paris, 298 pour les provinces — dont 15 pour Lyon, — 26 pour les régiments. — (Voir G. Bonn, f.a Franc-Maçonnerie en France, p. 3c>6-504.)

Le chilfrc (sans doute fort inférieur à la réalité) des loges maçonniques, et les listes de leurs alliliés, suflisent à indiquer l’importance de cet état-major de la’< philosophie ».

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10 j

Il lui mantiuait pourtant un centre directeur qui fit converger vers le niènie liut toutes les forces rcvolulioMiiniies. C’est ce centre que réalisèrent les fondateurs (lu Crniid-Oiient.

L’iiistoire de ses orii^incs est malaisée à écrire : la plupart des documents qui permettraient de le faire avec exactitude ont disparu des archives elles-mêmes de la rue Cadet. D’après les historiens (Rf.bold, Favri :. Ragon) qui paraissent avoir le mieux utilisé ce qui reste dans ces archives secrètes, voici en quelques mots comment s’enchaînèrent les événements.

Pc violentes dissensions avaient amené, en 1767, la fermeture de la Grande Loi ;e de France. En 1971, une faction de pcrsonnafies « mal famés », prétendant représenter la Grande I.oi ;e qui les Jivait bannis, offrirent la ii’randc-maitrise au duc de Cuaiitres, (Louis-Pliilii>pe-Josci)h. futur duc d’Orléans, puis Pnu.UTK-KGAi.iTii), qui acccjita. Sa nomination ollicicUe (Ut lieu à. la tête de Saint-Jean (27 décemlire 177 i) dans une asscnibléc générale de tous les maîtres de log-es de Paris. Une commission de huit memlires reçut la mission d’élaborer un projet de réorganisation de l’Ordre, et on nomma 22 irrands inspecteurs provinciaux charjïés de visiter toutes les loges du royaume et de maintenir l’exécution des règlements.

Le 5 avril 1772, le duc de Chartres accepta en outre, « pour l’amour de l’art rojal et aOn de concentrer toutes les opérations maçonniques sous une seule autorité « , la grande-maîtrise (( du souverain Conseil des Empereurs d’Orient et d’Occident, sublime mère Loge écossaise ». et celle (( de tous les Conseils, Chapitres et Loges écossaises du Grand-Globe de France » (Texte dans Rebold, p. 53).

Son -Vitesse sérénissime, — représentéepa^son siihsiitiit, le duc de Luxembourg, — s’occupa ^’ailleurs beaucoup plus de ses plaisirs que de ses nouvelles fonctions. Malgré cela, le Grand-Orient (intitulé d’abord.otn’elle Grande Loge.at1011ale de Friture), acciut rapidement sa puissance. L’Assemblée générale (lu 5 mars 1778 adopta les Statuts de l’Ordre lioyat de la Franc-Maroniierie en France : le Grand-Orient se proclamait seul législateur de l’Ordre ; l’inamovibilité des maîtres était remplacée par l’élection. Puis, à la Saint-Jean d’été, le nom d’Ordre Royal fut remplacé par celui d’Ordre maçonnique, et, le 2^.juin 1773, le duc de Luxembourg donna aux 81 membres du G.*. O."., pour célébrer leur installation définitive, une fête somptueuse. Le Grand-Maître fut installé à son tour le 28 octobre, à la Folie Tilon, rue de Montreuil.

Le G.’. O.". fut désormais représenté par l’assemblée de tous les vénérables en exercice ou par les députés des loges. Après diverses pérégrinations, il s’installa dans l’ancien noviciat des Jésuites, rue du Pot-de-fer (faubourg Saint-Germain), le 12 août 1774.

En 1774. on admit les dames aux traaux îles loges, ce qui amena la création de lui ; es d’adoption, rendez-vous de la plus haute aristocratie.

En 1775, l’assemblée du 18 mai ratifia les règlements des i ; randes loges pro’inciates : composées des maîtres ou des députés des loges, celles-ci étaient divisées en 82 généralités ; les capitales de province étaient leurs chefs-lieux (comme Paris celui de toutes les loges de France) ; elles devaient surveiller les loges, leur servir d’intermédiaire pour la correspondance avec le Grand-Orient, et recueillir les cotisations : Il en résultera l’unité dans le gouvernement. — déclarait le G.-. O.-. dans sa circulaire aux loges du 18 mai. — la facilité dans la correspondance, la diminution des frais. la prompte expédition dans les afl’aircs de l’administration. »

Les « corps constituants n maçonniques qui se posaient encore en adversaires du G.-. O.’. recon naissaient peu à peu sa suprématie : c’est ainsi qu’en 177C les trois directoires écossais du système des Templiers établis à Lyon, Bordeaux et Strasbourg, et dénommés « Hégime de la Stricte Observance i>, conclurent avec lui un traité d’union L’Etat du Grand-Orient, journal dont commence alors la jinblication, donne les noms de près de 300 logi s directement airiliées (chiffre qui s’élèvera à 3g5 en 1786). Parmi elles, s’en trouvent de très importantes connue la loge des Xeuf-Sirurs, qui initia Voltaire le 7 avril 1778 et était fréquentée par Hclvétius et Lalande(ses fondateurs). Benjamin Franklin, Pastoret, Champfort, Condorcet, Florian, Garât, l’abbé Delille, Lacéi>ède, etc.

En 1777, une circulaire du 3 octobre ordonna aux loges de ne plus reconnaître quie les trois premiers grades, et synthétisa les principes de l’Ordre par la formule : « Liberté, Egalité et Dévouement. » En 1782, on revint pourtant sur la circulaire égalitaire de 1777, et une conmiission spéciale, après quatre années de travaux, élabora un « rite français » composé de sept grades et divisé en quatre ordres.

Signalons encore les traités d’alliance conclus avec le directoire écossais de Montpellier (1781) et la

« mère loge du rite philosophique ». Signalons aussi

la tenue des Congrès de’Wilhemsbad et de Paris. Le premier (1782), convoqué par le duc Ferdinand de Brunswick (grand-maître du rite templier de la Stri(-te Observance), réunit les représentants de toutes les loges d’Europe, décréta la « réunion de tous les systèmes maçonniques dans les trois premiers grades », et lit prédominer les doctrines de l’illuminismc :

« Oui, — écrivait son fondateur, Weisuaupt, dix ans

avant la Révolution, — il viendra ce temps où les hommes n’auront plus d’autre loi que le livre de la nature ; cette Révolution sera l’ouvrage des sociétés secrètes… Tous les efforts des princes poiu- empêcher nos projets sont pleinement inutiles. Cette étincelle peut longtcnqis encore couver sous la cendre, mais le jour de l’incendie arrivera. » Ainsi s’expliquent les aveux du comte de Viriei ; à son retour de hemsbad : La conspiration qui se trame est si bien ourdie qu’il sera pour ainsi dire impossible à la monarchie et à l’Eglise d’y échapper. » (Voir M. Talmeïr, La F.-..V.-. et la Révolution française^ p. 22 et suiv.)

Le Congrès de Paris, — convoqué le 15 février 1786 sous l’inspiration de la loge Les Philali’tlies, — acheva de concentrer en France les forces révolutionnaires, tout en les « épurant ». Mirareau, Moumer, BonnbviLLR prétendirent, dans des libelles réjiandus à profusion, que les jésuites avaient pénétre dans la maçonnerie : cela servit de prétexte à l’expulsion des personnages trop attachés aux institutions établies, et à leur remplacement par des crocheteurs, des r(")deurs et des « tape-dur », serviles instruments de la secte (voir B.

Hi’Ei., Mémoires, t. V. ehap. ii,

p. 97). En 1789, on fonda, grâce aux subsides du dite d’Orléans, le fameux Cluti de Propagande destiné à

« culbuter tous les gouvernements actuellement établis

» en payant « les voyages des missionnaires qu’on nomme apôtres et les brochures incendiaires » (Papiers du Cardinal de Bernis). 282 villes possédaient alors des loges : il y en avait, selon Barri ; el, (ibid., ehap. xi), 7 à Bordeaux, 5 à Nantes. à Marseille, 10 à Montpellier, 10 à Toulouse. — Les noms des frères et amis » se retrouvèrent au sein des assemlilées et des clubs et dans presque loiites les journées d’émeutes de la Révolution : nommons la loge des Aeuf-Srrurs, où complotent Condorcet, Brissot, Garât, Bailly, Desmoulins, Danton, Chcnier, Rabaut-Saint-Etienne, etc. ; La Candeur, on se rencontrent La Fayette, les Lametli, Laclos, Sillery, ! e 107

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duc d’Aiguillon, le docteur Guillotin ; noiuinons aussi le Chib Breton, — future Société des Amis de la Constitution et Club des Jacobins, — que les francsmaçons de la Constituante organisèrent sur le modèle du Grand-Orient, qui eut dans la France entière des filiales apparentées aux loges, et où se tinrent, en dehors des réunions publiques, des réunions secrètes entre seuls initiés. (Voir le Précis d’Histoire de la Franc-Maçonnerie duM/. Mm..M., Acacia de mai 1908, p. 336.)

Ajoutons que les idées subversives répandues en France l’étaient aussi dans le reste de l’Europe : en Allemagne, notamment, FaiiDiinic II, adepte enthousiaste de r « éclaircissement » (AufkUirung) ou Libre-Pensée philosophique, protégeait la Franc-.Vlaçonnerie ; Lessixg, le principal représentant de cet i< éclaircissement » dans la littérature allemande, appartenait aux loges, ainsi que Goetiib, Herdkh, AViEL.N’D, NicoLAi, etc.

Ces simples faits suffisent déjà à justifier le titre du dernier ouvrage de M. G. Bonn, « La Conspiration révolutionnaire de Il SO », et à expliquer l’étrange consensus, l’artificiel « truquage » que nous avons nous-mênie signalé dans Les doléances rét’olutionnaires des culiiers de 1189 (Tirage à part d’un article de la Bei’ue des Questions Historiques du 15 juillet 191 o). Et pourtant, il se trouve encore des historiens

— maçonniques ou non — pour nier la part prépondérante que prit la Franc-Maçonnerie dans l’explosion de 1789 ! Le M.". Hiram, par exemple, traite de « légende » la doctrine des écrivains qui soutiennent que la Fr.-. M.-. « a fait la Révolution », et rejette sur les… jésuites la responsabilité de la Terreur ! « Elle (la Fr.’. M.".) l’a simplement préparée (la Révolution), concède-t-il, et encore pas volontairement, sans prévoir le cours que suivraient les événements it. (Acacia, mai 1908, p. 335 et suiv.) M. V. Vogt traite de ridicule le « bilan maçonnique » pour 178g. et déclare sans ambages : « Ne nous laissons pas berner plus longtemps : la Franc-Maçonnerie, tant mondiale que française, n’a préparé aucune ruine, et de sa vie elle n’a précipité ni avancé aucune chute. » (La grande duperie du siècle, Paris, Bertout, igoij, p. XIV. Voir aussi A. d’AlmiSras, Les romans de l’Histoire, Cagliostro, Paris, 1904, p. 7^, 93 et sui’.) Il y a là une illusion, un malentendu, qui tiennent à deux causes principales : l’état du personnel des loges au xviii" siècle, et leur sommeil » à l’époque révolutionnaire.

Avant 1789, les états des loges ressemblent à des annuaires de la haute noblesse. Depuis 17^3, les Grands-Maîtres étaient des princes du sang. Le pieux Louis XVI et ses frères étaient eux-mêmes maçons protecteurs : « Versailles devint une vaste loge, écrit à ce sujet G. Bord : on coudoyail le maçon aussi bien dans l’Œil-de-Bœuf qu’à l’ollice et au corps de garde. Hauts dignitaires de l’armée et de la magistrature, maisons du roi et des princes, maison de la reine, gardes du corps, chambre du roi… tout ce monde… avait prêté serment à la fois entre les mains du vénérable de sa L.’. et à la personne du roi. » (/-a F.-. M.-. en France, I, p. xxiv.) Le clergé lui-même était gangrené : la loge des Neuf-Sœurs par exein[)le, présidée par La Lande (de l’Académie Royale des Sciences), avait pour surveillants (outre de Meslay, président de la Chambre des Comptes), l’abbé de Rouzeau, de la Société Royale de Biscaye ; pour orateur, l’abbé Remy, avocat au Parlement ; pour garde des sceaux, de Barrctt, directeur des études de l’Ecole Royale Militaire) ; pour archiviste, le clianolne Robin ; pour architecte, le marquis d’Ouarville) ; pour hospitalier, l’abbé Ilumbert ; pour aiiniùnier, l’abbé Matagrin ; pour inspecteur, l’abbé Genay, avocat au Parlement ;

pour député au Grand-Orient, le marquis de Lort ; parmi ses i(54 membres, on remarque vingt personnages titrés (comme les princes de Salm-Salni et de Rohan), et 1 1 abbés. (Voir L. Amiable, Une Loge Maçonnique d’avant IIH’.I.’)

La lettre qu’écrivait Marie-Antoinette à la princesse de Lamballe le 7 novembre 1781 indique l’état d’esprit des initiés et des profanes : « J’ai lu avec intérêt ce qui s’est fait dans les loges maçonniques que vous avez présidées au commencement de l’année et dont vous m’avez tant amusée ; je vois qu’on n’y fait pas que de jolies chansons, et qu’on y fait aussi du bien. » Candeur inouïe, confirmée par l’adresse qu’envoya le 31 mars 1782, à tous les ateliers de France, la loge La Candeur (présidée par le due de Chartres) : on y réclamait des souscriptions pour offrir au roi un vaisseau de 110, canons qui serait appelé Le Franc-Maçon : a Grâce au zèle de tous les frères pour la propagation de l’Ordre, — disait l’appel, — il y a peul-élre un million de maçons en France. « (Cité par Pkllisson, Les loges maçonniques de l’Angouinois, p. 5.)

Que conclure de cet engouement ? Mais exactement le contraire de ce qu’en a conclu M. d’Alniéras ! En faisant la conquête de l’aristocratie française, la Fr.-. M.", a détruit l’armature politique et sociale de l’ancien régime et privé la monarchie de ses appuis naturels : lorsque éclatera la Révolution, l’écroulement s’opérera de lui-même et les « illuminés » qui avaient eu la naïveté, la sottise de livrer leur âme aux doctrines de mort, monteront de leurs propres mains les bois de justice qui les tueront. Le machiavélisme infernal qui amena ainsi leur expiation n’empcche nullement d’aflirmer avec l’orateur du Couvent de 190J : « Des loges sortent et le mouvement formidable qui a fait la Révolution, et les bases d’une république égalitaire et fraternelle. » (Discours de clôture, reproduit dans La Franc-Maçonnerie démasquée, 25 mai 1910, p. 158.)

Les loges, par leurs doctrines égalitaires. librespenseuses — et finalement anarchiques, — avaient donc enfanté la Révolution ; et si la Révolution, par le jeu de ses propres lois, sacrifia ensuite ceux qui l’avaient préparée, il n’y a rien là que de très naturel. L’histoire de l’époqvie révolutionnaire est pleine du reste de ces surprises tragiques, et si l’on admettait l’innocence de ceux qui ont alors versé leur sang ou souffert la spoliation et l’exil, il faudrait admettre que le grand drame n’eut point d’acteurs, puisqu’ils furent à tour de r61e marqués pour la guillotine.

Il est vrai que les documents établissant la participation directe des loges à telle ou telle journée révolutionnaire sont fort rares. Mais, en admettant que cette rareténe provienne point d’habiles suppressions, ou du soin que mirent alors les maçons à ne laisser aucune trace écrite de leurs agissements (on a vu tout à l’heure ce ([uc dit le M.’. Hiram des séances secrètes du Club des Jacobins, séances dont il ne subsiste aucun acte), il n’y a pas lieu de s’étonner du

« sommeil » des loges : ce sommeil n’était qu’apparent, 

puisque les sociétés populaires, clubs, comités révolutionnaires, en occupaient le personnel et en faisaient vivre les doctrines ; il était nonmoinsindifférent, puisque le « grand œuvre » était accompli et que la France « régénérée » était comme un immonse M atelier ».

Nous trouvons exprimée la même pensée dans l’adresse que les francs-maçons de Draguignan envoyèrent à la Constituante en juillet 1790 : « Notre morale, — disaient-ils aux représentants du juniple,

— est conforme à votre législation et les règles de notre architecture à l’édifice constitutionnel que vous bâtissez. » Ils ajoutaient : « Dans notre vaste 109

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républiipie de frères, un cri, un sijine, peuvent nous faire entendre il’un pôle à l’aiiri’e, et nos liaisons devenir les conducteurs de celle électricilé civique qui doit établir dans la machine du monde un équilil )re de Bonheur. » (Arch. Nat., C, 128, n" 898. — Nous avons public ce texte dans la Re^ue des Questions Historiques, octobre 1910.)

On sait que Louis Blanc attache une grrande importance, dans les événements de 1789, à « la mine que creusaient alors sous le trône, sous les autels, des révolutionnaires (les francs-maçons) bien autrement profonds et agissants que les Encyclopédistes ». (Les HtOlulionnnires mystiques, p. 87 et suiv.) On sait aussi qu’il est facile d’extraire des auteurs de Méninires — Barruel, Bertrand de Molleville, Marmon-Icl, etc, — des citations concernant la participation de la maçonnerie aux événements de la Révolution. (Pour les massacres de septembre, par exemple, voir Bauruf.l. Mémoires, t. V, chap. xii.) Mais nous préférons laisser ici de côté ces témoignages plus ou moins discutables.

Quoi qu’il en soit, à partir de 1792, leGrand-Oricnt,

— tout au moins dans ses manifestations officielles,

— ( agit avec beaucoup de discernement », et tâcha, à l’exemple de Sieyès, de traverser « ces temps difiieilcs sans être par trop inquiété « (Rebold, p. 82). Il y réussitdu reste, car aucune loi, aucune mesure d’ordre général ne furent prises contre l’Ordre. En 1792, il constitua encore deux loges : le Point parfait à Paris (j septembre) et la Bonne amitir, à Marmande (20 décembre). En 1798, le13 mai, il se réunissait en assemblée générale pour déclarer vacante la grande-maîtrise en raison de la lettre dedémission que Philippe-Egalité avait fait insérer dans le Journal de Paris du 22 février : « Je m’étaisattaclié à laFranc-Maçonnerie qui offrait une sorte d’image de l’égalité, — y déclarait le prince sans-culotte en termes fort caractéristiques, — comme.je m’étaisattaclié au Parlement qui oll’rait une sorte d’image de la liberté ; j’ai depuis quitté le fantôme pour la réalité. » Le 5 janvier précédent, il avait déjà écrit au secrétaire de la grande-MiMitrise :

« Comme je ne connais pas la manière dont

leGrand-Orient estcomposé, et que d’ailleurs je pense qu’il ne doit y avoir aucun mystère, ni aucune assemblée secrète dans une république, surtout au commencement de son établissement, je ne veux plus me mêler en rien du Grand-Orient, ni des assemblées des francs-maçons. » (Texte dans Rebold, p. 82.) — Si Philippe-Egalité reniait ainsi un Ordre qu’il n’avait d’ailleurs jamais servi avec beaucoup d’enthousiasme, c’était sans nul doute pour présenter moins de prise aux attaques, dans la lutte féroce des factions. — On se garda bien de lui donner un successeur, et le Gr.’. Or.’, resta en sommeil durant plusieurs années.

Sommeil léger du reste, et qui n’exclut point certaines manifestations d’activité. Dés 1798, RœTTiEns DE Mo.NTALEAU, — emprisonné durant quelque temps comme suspect, — groupa les représentants d’une dizaine de loges ; en 1798, il reçut le titre de Grand-Vénérahle et s’employa à grouper en un seul faisceau toutes les forces maçonniques : ses elTorls aboutirent, le 28 mai 1799, a)i « concordat » qui unit enfin le Grand-Orient et l’ancienne Grande Loge de France, encore représentée par de vieilles loges qui se considéraient comme seules légitimes. La Révolution ayant d’autre part détruit la plupart des rites qui pullulaient avant 178g. le Grand-Orient se trouva investi dune autorité incontestée. — Mais avec le XIX"" siècle, avec Bonaparte, une ère nouvelle s’ouvrait pour lui.

VU. La maçonnerie impériale. — On sait que la Franc-Maçonnerie se rallia sans scrupule à tous les

régimes qui se succédèrent deptiis le Consulat : la Contre-Eglise s’attache, en effet, beaucoup moins aux formes de gouvernement qu’aux principes qui en dirigent l’action, et semblable au personnage racinien qui avoue sa criminelle hypocrisie :

J’embrasse mon rival, mais c’est pour l’étouffer,

elle flatte volontiers les souverains, à condition qu’ils favorisent son œuvre destructrice.

Bo.VAPARTE, « fils de laRévolution », sauveur même de son œuvre en face de la « restauration » menaçante, avait naturellement droit à ses sympathies ; c’est du reste dans ses régiments victorieux que s’étaient conservées ou reconstituées la plupart des loges encore en activité. Des 1801, lors d’une fêle qui réunit (le 10 avril) plus de 500 maçons au Grand-Orient, celui-ci encensa donc « l’idole du jour ». (Rebold, p. 89.) Sur la recommandation des FF.-.Masséna, Kellermann et Cambaeérès, le Premier Consul accueillit favorablement ces avances ; devenu empereur, il autorisa son frère Joseph (roi de Naples, puis d’Espagne) à prendre la grande-maîtrise de l’Ordre (1804-181^), avec Cambacérès et Muuat pour adjoints. « Ce fut l’époque la plus brillante de la Maçonnerie, écrivit Bazot, alors secrétaire du Gr. O.". : près de douze cents loges existaient dans l’empire français ; à Paris, dans les départements, dans les colonies, dans les pays réunis, dans les armées, les plus hauts fonctionnaires publics, les maréchaux, les généraux, une foule d’ofiiciers de tous grades, les magistrats, les savants, les artistes, le commerce, l’industrie, presque toute la France, dans ses notabilités, fraternisait maçonniquementavcc les maçons simples citoyens ; c’était comme une initiation générale. » Bazot ajoute : « Elle se laissa faire sujette du despotisme pour devenir souveraine. » (Code des francs-maçons, -p- 183.) Tacite avait déjà dit : omnia serviliter pro dominatione…

Pour se faire une idée de l’éclat des réunions du Grand-Orient impérial, il suffit de lire le récit de la fête splendide qu’il donna le 27 décembre 180D, en son hôtel de la rue du Vieux-Colombier (ancienne maison des Dames de la Miséricorde). Afin de célébrer les victoires de Napoléon, étaient accourus Cambacérès (archichancelier), Fouché (ministre delà police), Reynier (ministre de la justice), Lacépède ; des sénateurs (Davoust, Chaptal), et des tribuns. L’empereur fut loué, adoré « en des termes tellement exagérés qu’il les aurait blâmés sans aucun doute s’ils fussent parvenus à ses oreilles » (Rebold, p. 107).

A l’extérieur, la maçonnerie travailla puissamment à réaliser le programme d’ « émancipation des peuples » tracé par la Révolution. En Hollande, le roi Loiis devint grand-maître du Grand-Orient de Hollande (ancienne Grande Loge de^ Provinces i’nics). En Allemagne, en Italie, en Espagne, les loges militaires (78 en 181 4), répandirent et implantèrent partout leurs doctrines : elles initiaient les habitants que séduisaient ces doctrines et laissaient une loge secrète dans chacune de leurs garnisons, contribuant ainsi bien plus que leur « Robespierre à cheval » aux transformations politiques du xix* siècle. — A Rome en particulier, les ofliciers français fondèrent ivne loge militaire et une loge civile, dont le Vén.-.M.-. futlegénéral Rapp, préfet de la ville, prédécesseur de ce maire Nathan dont le pape Pie X dut, en septembre 1910, stigmatiser l’odieuse insolence.

La maçonnerie d’adoption fut également fiorissanle, grâce aux encouragements que donna l’impératrice Joséphine à ses « fêtes de bienfaisance ».

VIII. La maçonneria sous la Restauration et la Monarchie de Juillet. — De 181 5 à 1830, le 111

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! 12

pouvoir royal — dcnaturé et impuissant — ne prit aucune n : esiire eflîeace contre les entreprises des loges.

A la < luite de l’Empire, Jcsepli Boncparte, Mi’ral et Camliacérès furent révoqués de leurs fonctions ; les principaux chefs de la maçonnerie firent volteface, jurant « de défendre les lis cl de mourir pour lé maintien de la famille des Bourlions ». (Rcbold, p. 123.) Le retour de Tilc d’Elbe et Waterloo occasionnèrent deux nouvelles volte-face, qu’on essaya ensuite de voiler en mutilant les procès-verl’aux du Gr.-. O.-.

Le marécLal Kellermann, duc de Valmy. resté administrateur général (1814-1815), fut bientôt remplacé par le comte de Bournonville et le marquis de Lauriston (Lieutcnants-(îrands-Maîtres de 18)5 à 1821). Le maréclial Macdonald, duc de Tarente, devint à son tour Lieutenant-Grand-Maîlre, de 1821 à 1828 avec le marquis de Lauriston, puis seul de 1828 à 1833.E11 181g, on avaitprojeté d’a]ipeler à lagrandemaitrisele duc deBerry, héritier présomptif du trône, qui fut assassiné en 1820.

Louis XVIII — tout comme le comte d’Artois et le 1 duc de Berry (initié en Angleterre) — était ou avait

! été franc-maçon. Comme si le voltairianisme n’avait

pas été la cause des malheursdela France et comme si le gallicanisme n’était pas destiné, plus que jamais, à faire le jeu des ennemis de la religion nationale, le roi ménagea les loges et subit leur influence, espérant peut-être y trouver un apj.ui 1 Tandis que tous les trônes européens (sauf celui de Prusse, dont I la secte voulait la prédominance en Allemagne), étaient r<ilijet d’une conjuration que condamnaient Pie VII et Lf.oy XII, et que le cardinal Consalvi dénonçait en ces termes au prince de Mctternich : L’n jour, les plus vieilles monarchies, abandonnées de leurs défenseurs, se trouveront à la merci de quelques intrigants de bas étage, auxquels personne ne daigne accorder un regard d’attention préventive » (voir à ce sujet les Mémoires de Metternich), l’esprit de Louis XVIII restait donc fermé aux terribles leçons des catastrophes. Il acceptait une constitution parlementaire, — b sortie, selon le mot de Thiers, des entrailles mêmes de la Révolution française » —, quiparalysait sa volonté et « pernietlaità la F.-. M.-. de prendre son essor ordinaire » (expressions de Bazot, secrétaire du Gr.-. 0.). Il se laissait imposer comme ministres Talleyrand et Fouché, puis Decazes, futur « Souverain-Grand-Commandeur » du rite écossais. Ildissolvait, coninHulIra-royalistc, laCMiambre introuvable, composée ( ! e|)atiiotcs indépendants, aussi dé^oués à la monarchie qu’adversaires de la centralisation et de l’omnipotence ministérielle. Jouissant ainsi de ses coudées franches, la Mac.-. épurée devint (surtout à partir de 1821) le foyer de l’opposition « libérale), et jeta dans le pays — sous le nom deCharbonnerie et deHaute-Vente — des germes d’anarchieplus dangereux que jamais. — Chah-LKS X crut à son tour de bonne politique de ménager les loges et laissa, en 1829, la société Jide-ioi, le ciel t’aidera, formée par le F.". Guizot, organiser le voyage triomphal de La Faj-etle. — Les Bourbons étaient [icrdus.

Les journées de Juillet, — queles historiens maç.’. reconnaissent sans diflicullé avoir été l’oeuvre des loges « agitées en 1829 et en 1830 d’un frémissement général >- (J/ist. du Gr.’. Or.-, par JorvusT, p. ^21),

— furent accueillies avec enthousiasme par les frères et amis. Le 16 octobre 1830, à l’Hôtel de Ville de Paris, le Grand-Orient cl le Suiircme-Conseil offrirent une fête au F.’, général La Fayette, sous la présidence du F.*, duc de ("hoiseul pair de France, cl du F.-, comte Alexandre Delaborde, men]bre de la

Chambre des députés. On y fit des vœux pour la prospérité du roi tles barricades et de sa famille. On offrit même la grande-maîtrise au duc d’Orléans, (ils aîné du nouveau roi et petil-lils de l’ancien grandmaître Philippe-Egalité. Mais Louis-Philippe s’opjiosa à l’acceptation, et commença bientôt une lutte opiniâtre contre les forces révolutionnaires à qui il devait la couronne.

Malheureusement, malgré sa dextérité politique et l’éloquence de ses ministres, le chef de la nou elle dynastie était impuissant à établir sa quasi-h’^itimité. D’une part, les hommes de Juillet, de Dujont de l’Eure et de Thiers jusqu’à Guizot et à Villcn ; ain, étaient imbus de préjugés antireligieux puisés dans les loges : déliants à l’égard du catholicisme, ils Il aintinrent, par exemple, le monopole derenseignemcnt, contrairement aux promesses de la Charte, comme l’une des citadelles de la Révolution, et l’Univt rsilé continua à élever les nouvelles générations dans les principes rationalistes et naturalistes qui sont l’essence même de la maçonnerie. D’autre part, ce n’étaient point d’anodines mesures, analogues à cette lettre du préfet de police de 1835 qui dénonça le rédacteur de la Jfeiiie 3/açriririifjue comme républicain, qui étaient de nature à empêcher les loges d’élaborer la « république universelle 1). LeGr.’. Or.’, en futquittepour suspendre leF.-. Peigné et blâmer les auteurs de jiublications maçonniques, en particulier Ragon et Clavel. Il est vrai que beaucoup de maçons, désireux de jouir des faveurs gouvernementales et d’arrêter à leur prolit la révolution bourgeoise qu’ils avaient conduite, devinrent alors c conservateurs » (tout comme les républicains radicaux de 1910). Mais les éléments avancés », — qui entenilaicnt réaliser l’égalité de fait et se réunissaient secrètement dans leurs veilles de Carhonari pour préparer les voies au socialisme, — devaient fatalement rendre vains les solennels discours d’un Guizot, et les vaines interdictions du Grand-Orient qu’effrayaient les tendances démocratiques des congrès provinciaux de la Rochelle (18/|5), Rochefortet Strasbourg (1846), Saintcs et Toulouse (18C7).

La monarchie constitutionnelle était d’ores et déjà condamnée à mort.

IX. La ir.açcrnerie sons la seconde Eépublique et le second Empire. — En 18^5, !e maréchal Si ult, ministre de la guerre, avait défendu aux militaires de s’affilier aux loges, et le duc Decazes, acconqiagné d’une commission spéciale du Grand-Orient, avait en vain pressé le duc de Dalmatie de révoquer cette interdiction. L’irritation contre Louis-Philipius’exalta aussitôt dans les sociétés secrètes, dont les comités directeurs décidèrent une nouvelle révolution. Cette révolution, dont le plan fut combiné au Congrès de Strasbourg (1847), t’cvait d’ailleurs bouleverser toute l’Europe centrale : on sait que dans l’espace de moins de quinze jours (du 18 au 30mars 18^8) d’effroyables commotions se produisirent des Pyrénées à la Vistulc, àBerlin et à Milan (le 18), à Parme (le 20), à Venise (le 22), à Naples.â Rome, à Florence. La République universelle, rêvée par Mazzini et la Jeune Europe, étaiten travail…

Prématuiéc, elle avorta, sauf en France.

Notre l’ays a"i ait été représenté (d’aprèsEekcrl)au Congres maçonnique de Strasbourg par Lamartine, Crémieux, Cavaignac, Caussidicre, Lcdru-Rcdlin, L. Blanc, Proudhon, Marast, Marie, Vaulabille, Félix Pyat, personnages qu’on retrouvera tous au pouvoir sous la Seconde République. De même, lis hanqncis réfoiriiisles de février 18/18, qui donnèrent le signal de la Révolution, furent présidés par linq vénérables parisiens : Vitet, de Morny, Berger, L. de 113

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Mallcvillc. Dinergicr de Uauranne et OdiUin llairot. A inine liil-il appelé à la piésidenee du nouveau luiuistore, quc ce dernier ordonna aux troupes de cesser le eonibal et se rallia à la lU’piililique [iroclaniée par le chef du (fouvernenient provisoire.

Le 10 mars 1 848, le Suprême-Conseil du rile écossais alla féliciter le gouvernement provisoire, et Lamartine, dans sa réponse, allirma être « convaincu » que les « sublimes explosions » de 178g et de 18/|8 étaient émanées « du fond des loges n. Le 24 mars, ce fut au tour de la députation du Grand-Orient à être reçue par les FF.-. Crémieux, Garniir-Pagès et Pagnerre, membres et secrétaire général du gouvernement provisoire, tous trois reié/ » s pour ta cirroiistaiire de leurs iusii ; iics iiiaroiuiiques (Mouiteur du 27 mars 1848). « Les franos-ma(, ~ons, — prononça le Lieutenanl-Cirand-Maître Bertrand, — ont porté de toultemps sur leurs bannières cestrois mots : Lilicrté, Ei^ulité, Fraternité : en les retrouvant sur Icdrapeau de la France, ils saluent le triomphe de leurs principes et s’aiiplaudissent de pouvoir, dire que la patrie tout entière a reçu par vous la eojisécration maçonnique. .. Quarante mille frères maçons, répartis dans plus de cinq cents ateliers… vous promettent ici leur concours pourachever l’œuvre de régénération si glorieusement commencée…" — « La République est dans la maçonnerie, répondit Crémieux..’. Sur toute la surface qu’éclaire le soleil, la franc-maçonnerie tend une main fraternelle à la franc-maçonnerie : c’est un signaleonnu de tous les peuples. Eh bien ! la Réiniblique fera ce que fait la maçonnerie. » (Relold,

p. 2l.’^.)

Il Considérant que les nouveaux principes qui régissent aujourd’hui la France doivent amener une régénération maçonnique » (arrêté du 24 mars 1848), le Grand-Orient élabora alors une « revision constitutionnelle », qui futsoumiseen 1849a lasanction des représentants de toutes les loges : c’est de cette éjîoqiie que date le Convent annuel. Désormais, le

« Sénat maç.’. » put exercer un contrôle permanent

sur les actes del’administration centrale, et l’Ordre, centralisé, acquit toute sa puissance.

Cependant, la réaction conservatrice qui suivit les journées de mai et de juin montra bientôt aux sociétés secrètes que, même en France, la République (l)our être favorable à leurs desseins) était prématurée, et qu’une dictature dont elles aideraient l’établissement restait la meilleure forme de la Révolution. Dès que l’ancien carbonaro Louis-Napolkon-BoxAP- ^UTE fut allé s’asseoir, à la Législative, sur les bancs de gauche et se fût abstenu, le 30 septembre 1848, de voter pour l’expédition romaine, il devint le candidat oflicieux des loges. Le Deux Décembre, les chefs républicains restèrent immobiles, et le mois suivant le Grand-Orient acceptait le Prince Lucien Muhat comme Grand-Maitre (1852-1861). C’est ce cousin de l’empereur qui acheta l’hôtel de la rue Cadet. Son autoritarisme le força à démissionner en 1861, il avait du reste vote au Sénat pour lemaintien du pouvoir temiiorel du Pape, et la Franc-Maçonnerie ne pouvait lui pardonner ce crime. Le prince Jérôme Napoléon — personnage qui avait voté contre le pouvoir temporel et dont le cœur était aussi corrompu que l’esprit — accepta alors la candidature à la grande-maitrise ; mais Napoléon III s’y opposa et, le Il janvier 1862, ce souverain par la grâce de Dieu et la volonté nationale » nomma de son autorité suprême le maréchal Macnan (Dtvrn-GiF. B, 1862, p. 10).

Quoique nouveau dans la maçonnerie — il dut recevoir les 33 grades en un seul jour — le maréchal manifesta bientôt un grand zèle : après avoir essayé en vain d’unir de force au Grand-Orient le Suprême Conseil du rite écossais, il se fit le promoteur d’une revision constitutionnelle qui restitua au Convint la pléniliule du pouvoir législatif ; il Aoulul aussi obtenir pour la maçonnerie la « reconnaissance d’utilité publique », et c’est ce singulier épisode que M. Kugène Makiikaii a raconté (pour y avoir joué le j)rincipal rôle) dans la Jlevuc des Jleux Mondes (15 mars njot). Comme il est fort signiiicalif, nous allons le résumer en quelques mots.

Le Grand-Orient devait encore 500 ou 600.000 fiancs sur les i.Soo.ooo qu’avait coûté l’immeuble de la rue Cadet (acheté par le prince Murât). Magnan s’adressa au Crédit Foncier, ipii refusa l’argent, étant donné que le Grand-Orient n’était pas investi de la personnalité civile ; la « société civile », précédemment formée, n’était qu’un préte-nom fictif. C’est afin de lui donner la qualité légale qui lui manquait que le maréchal s’iM’orça de lui faire octroyer la reconnaissance d’utilité publique. Le ministre de l’Intérieiu(Persigny) s’enipressa de favoriser cette requête, car il y voyait vm moyen de confisquer la Fr.’. M.’, en lui donnant un caractère oITiciel, un moyen aussi de faire ressortir le « mauvais esprit » de la Société de Saint-Vincent de Paul qui venait justement de refuser les mêmes présents d’Artaxerxès… Mais il fallait obtenir l’assentiment du Conseil d’Etat ; or, quoique très « gouvernemental », le Conseil d’Etat du second Empire était aussi fort indépendant et comptait plusieurs membres profondément religieux. Le rapporteur choisi fut M. Marbeau, simple maître des requêtes (on espérait sans doute voiler ainsi la gravité de l’afTaire). Le conseiller d’Etat Alfred Blanche(run des33 membres duConseildu Gr.-. Or.".) intervint pour accorder avec la loi un iirojct de décret qui exceptait les Loges de la mesure demandée, et <i ignorant » tous les articles de la constitution maçonnique, sauf quatre ! En outre, Magnan fit passer au rapporteur une note rassurante, disant entre autres choses qu’il se proposait de nettoyer les écuries d’  « Ogias » (sic) et qu’aucune réunion n’aurait lieu sans qu’il ffit porté des toasts à l’Empereur, à l’Impératrice et au prince impérial. M. Marbeau n’en conclut pas moins au refus de la demande : Il La Franc-.Maçonnerie, observa-t-il, n’est pas sans doute une société secrète, mais c’est une société à secrets. Or l’Etat ne peut reconnaître que ce qu’il connaît. » Les Conseillers (maçons) ïhuillier cl Boinvilliers déclarèrent alors que le gouvernement

« savait » ce qu’il faisait, cpie l’Ordre n’était nullement

une institution révolutionnaire, qu’il ne s’occupait plus depuis longtemps de politique ni de religion, et que ses statuts, du reste, le lui interdisaient, qu’il n’était qu’une association de bienfaisance et de camaraderie. Finalement, << en section >, le rapporteur fut seul à voter contre le projet. Mais 1’  « assemblée générale » réservait une surprise. M. Baroche avait signifié à M. Marbeau qu’  « il fallait » que le décret fût adopté ; malgré cela, le rapporteur fit ressortirl’impossibilité où le gouvernement serait d exercer son action et son contrôle sur une associatio71 qui garderait « cette organisation voilée, hiérarchisée, à cloisons étanches, qui a précisément pour but de la soustraire à tout contrôle réel, à toute action autre que celle de ses chefs secrets ». Le président Baroche annonça alors que la délibération serait remise à une autre séance, et, au bout de quelques semaines, le projet de décret disparut de l’ordre du jour… sans doute à la demande du maréchal lui-même, car les francs-maçons, qu’il n’avait consultés d’aucune façon, manifestaient une vive opposition à cette tentative d’embrigadement.

Magnan racheta ses torts en obtenant de Napoléon III le rétablissement de l’élection du Grar.d115

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Maître. Il démissionna en 1864, fut réélu comme son propre successeur, mourut l’année suivante et fut remplacé par le général Mellinet, qui mena vijroureusement ses troupes à l’assaut de la civilisation chrétienne (1865-1870).

On sait à quoi aboutit la politique extérieure de Napoléon 111 : destruction du pouvoir temporel, unification de l’Italie et de l’Allemagne.

Sa politique intérieure ne fut pas moins désastreuse pour la France et triomphante pour la Franc-Maçonnerie. Il essaya bien de briser, en l’asservissant, l’étreinte de ses détestables alliés ; mais, moins encore que Napoléon I", ce rêveur humanitaire ne possédait les qualités requises pour cela. A partir de r « Empire libéral », surtout, les loges profltcrent de l’inertie — et souvent de la complicité du gouvernement — pour exercer une propagande démocratique et libre-penseuse, qui est à la troisième Républi()ue ce que l’teuvre des « sociétés de pensée » et des

« philosophes » du xviii" siècle est à la grande Révolution.

Pendant les dernières années du second Empire, reconnaît le M.-. Hiram, l’agitation qui régnait dans les esprits passa dans la maçonnerie, dont toutes les loges des trois Ob.’. furent acquises à l’opinion républicaine. Pendant des années, les loges furent le seul lieu de réunion, la Franc-Maçonnerie la seule possibilité d’association dont on disposât. » (Acacia de juin 1908, p. 406.)

En dehors de nombreux ouvrages philosophiques, (comme la Morale indépendante, de E.-. Massol). et de violentes feuilles de combat qui propagèrent les idées antireligieuses dans la jeunesse des écoles et dans les ateliers, la principale machine de guerre qui fut montée contre le catholicisme — et qui fonctionne encore — fut la Ligue de l’Enseignement. Après des ouvrages comme ceux de M. de Satnt-ALBiN (paru dès 1868) et de M. Georges Goyau (Patriotisme et Humanitarisme, Paris, Perrin, 1902), le caractère maçonnique de cette institution n’est plus à préciser : or elle eut, en 1866, l’appui odiciel du ministre de l’instruction publique, M. A. Duruy, de son secrétaire général, M. Ch. Robert, et d’une masse de fonctionnaires… sans doute abusés.

La République a radicale » était virtuellement fondée.

X. La maçonnerie et la troisième République. I — « La maçonnerie est la République à couvert, comme la République est la maçonnerie à découvert. » Cette parole du F.". Gadacd au Couvent de 189/ » {Compte rendu, p. 889) résume bien le rôle des loges depuis quarante ans : pour ne pas admettre leur prépondérance, il faut tout ignorerdu gouvernement actuel, car la plupart des actes importants de ce gouvernement sont déterminés par l’influence maçonnique. A bien des égards, la « souveraineté nationale », représentée par le Parlement, n’est qu’une illusion : ce n’est point la volonté du peuple qui amène nos parlementaires à voter telle ou telle loi (pas plus que ce n’était la volonté de la France qui dirigeait les Constituants ou les Conventionnels), c’est celle du « pouvoir occulte ». La preuve en a été faite maintes fois à l’aide de documents irréfutables, car il n’y a plus guère de « secrets » pour ceux qui veulent étudier l’action maçonnique ; elle a clé administrée en particulier à la Cliambre même, par M. le député L. Prache, dans son lumineux Rapport sur lu Pétition contre la Franc-Maçonnerie (Paris, imp. Hardy, igoS). — Bornons-nous ici à de brèves indications. , On connaît l’attitude de la F.-. M.’, en face du cri( minci niouvcnicnt « communard ». Le 26 avril 1871, I à l’Assemblée du Chàtelet, après avoir élu comme orateur le F.’. Floquel, l’un des chefs les jdus connus

du parti radical, elle prit cette grotesque résolution : Ayant épuisé tous les moyens de conciliation avec le gouvernement de Versailles, la F.-. M.’, est résolue à planter ses bannières sur les reuiparts de Paris ; et si une seule balle les touchait, les F.’. M.-, marcheraient d’un même élan contre l’ennemi commun. » L’assemblée, comptant bientôt plus de 10.000 FF.-, revêtus de leurs insignes, alla alors processionnellement à l’Hôtel de Ville saluer le pouvoir insurrectionnel, et Vorateur Thirifocque s’écria « que la Commune était la plus grande révolution qu’il eût été donné au monde de contempler, qu’elle était le nouveau temple de Salomon que les Fr.-. M.", avaient le devoir de défendre ». Le M. Lefrançais, membre I de la Commune, répondit « qu’il s’était depuis longtemps assuré que le but de l’association était le même ijue celui de la Commune, la régénération sociale ». Puis, une délégation de la Commune reconduisit la députation Jusqu’au temple de la rue Cadet.

Le 5 mai, la « fédération des francs-maçons et des compagnons de Paris » adressait un manifeste aux

« enfants de la veuve » du monde entier, défenseurs

de la « patrie universelle ». he Journal Officiel de la Com ;)îH ; ie annonçaiten même temps que les Fr.’. M. avaient établi, dans chaque arrondissement, une délégation, un service ollicieux », chargé de renseigner l’administration et de « faire exécuter strictement les décrets de la Commune », — rôle analogue à celui des clubs de jacobins et des comités de surveillance de l’époque conventionnelle… EnOn, le 22 mai, alors que l’armée de Versailles était déjà entrée dans Paris, un groupe nombreux de F.’. M.", lançait une proclamation commençant ainsi : « Francsmaçons de tous les rites et de tous les grades, la Commune, défenseur de vos principes sacrés, vous appelle autour d’elle… »

De pareilles manifestations sont à retenir : elles montrent qu’au fondladoctrine maçonnique est conforme à celles de 1’  « Internationale » et de l’anarchisme. Elles montrent aussi qu’en 18^1 la F.’. M.’. était disposée à entraver par tous lesmoyens l’œuvre de restauration nationale et monarchique que la France avait donnée à accomplir à l’Assemblée de Bordeaux et de Versailles. Laisser cette Asscmltlée placer sur le trône un prince — Henri V — qui devait renouer les traditions chrétiennes et vraiment « sociales » de ses ancêtres, c’était frapper à mort la Révolution.

Selon l’expression de M. O. Wirth, « la cause de la F.’. M.’, fut [donc] identifiée avec celle de la République » (Le IJi’re de l’apprenti, ji. jS). Dans leur tâche ardue, les loges eurent des complices à l’étranger et à la tête de notre gouvernement. A l’étranger, le chancelier de Bismarck, pour l’excellente raison

« que la République, et à défaut de la République

l’Empire, était le régime sous lequel la France parviencb-ait le moinsàse relever ; que la France monarchiquement constituée serait un danger pour l’empire d’.Mlcmagne » (voir les débats du procès d’Arnim), Bisuiarck encourageait sous main les malufuvres antiroyalistes. En France, des patriotes trop sujets à caution, comme le Génois Gambctta, accueillaient volontiers cesencouragemenls, et le chef du pouvoir exécutif, Adolphe Thiers, entendait à la fois relever le pays vaincu et sauver la Révolution en péril. U aurait pu redire les paroles prononcées par lui le 17 janvier 1848, àlaChandjre des députés : < Je suis du parti de la Révolution, tant en France qu’en Europe. Je souhaite que le gouvernement de la Révolution reste dans les mains des hommes modérés, mais quand le gouvernement passera dans les mains d’Iioiumes moins modérés que moi et mes amis, dans les mains des hommes ardents, je n’aban117

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donnerai pas ma cause pour cela, je serai toujours du parti de la Révolution. » — « Il n’y a pas d’ennemis à gauolie », déclarent aujourd’hui les bourgeois radicaux…

Les « hommes ardents » l’emportèrent en 1877, après une carapag : ne électorale où toutes les forces de la Révolution cosmopolite (en particulier la presse libérale et les loges d’Allemagne), soutinrent contre le maréchal de Mac-Mahon les 363 députés de la gauche. Ces derniers avaient été du reste les candidats de la F.-. M.-. « Nous les avons connus pour la plupart — rapporte la Chaîne d’Union de 1876, — comme des francs-maçons les plus actifs et des plus dévoués à notre institution, pratiquant et enseignant non sans talent, les généreux, les salutaires, les progressifs et les humanitaires principes de la F.. M.-. » (Voir le Mutide maçonnique. Ae mai S-j(>.)

Désormais, selon la parole de Mgr GouthesofLARD, nous n’étions plus en République mais en Franc-Maçonnerie, c’est-à-dire que la majorité parlementaire — composée de francs-maçons (voir Dkschamps, Les Sociétés secrètes et la Société, t. II, p. 446-45- ; , et t. III, p. 4"6-420) — se mettait au service des loges, et entreprenait une œuvre de destruction sociale et d’anarchie morale dont le premier articleétait la guerre au catholicisme, hypocritement appelé » cléricalisme ». « Quand vous dites cléricalisme, — disait Jules Simon au Sénat, le 8 décembre 1879, — c’est catholicisme qu’ils (vos amis) entendent, et c’est catholicisme aussiquenous entendons. Les catholiques feront sur ce mot les élections prochaines. Ils diront aux masses : choisissez entre la Religion et la République. » (Journ. Ojf., 27 déc. 1879, annexes, n" 20 ; Dalloz, ! 880-4-2a.) « La Maçonnerie, explicpiera plus tard le F.’. Emile Combes, doit succéder aux religions usées dans l’apostolat de la morale. » (C. R. destrav. du Gr.-.O.’. du Il mai au 30 juin 1897, p. 5.)

C’est bien, en elTet, une religion, que représente

« la grande communauté des libres-penseurs pratiquants

» (F.". Hdbbahd, dise, de clùlure du Couvent de 1901, p. 6) ; et comme les questions politiques et sociales sont virtuellement des questions morales et religieuses, la dictature de la Contre-Eglise aboutit logiquement à tous les fléaux qui menacent aujourd’hui la civilisation : antimilitarisme (entendu dans le sens de destruction des vertus militaires et de désarmement de la patrie), socialisme, internationalisme, anarchisme. Des hommes comme Cyvoct, Sébastien Faure et Charles Malato sont Fr.-. M.’, et discourent dans les loges ; et lorsqu’il fut question, au Couvent de 1902, de les exclure, on décida qu’a il ne faudrait pas enlever à l’Association maçonnique cette force dont elle jouit dans le pays ». (C. R., p. 169.) — Quant au mouvement de conservatisme bourgeois qui semble se dessiner aujourd’hui dans certaines sphères maçonniques, il est destiné à échouer, tout comme celui de la Monarchie de Juillet : la fêle du « Triomphe de la République 1, qui se termina, en novembre 1899, par une écœurante saturnale, montra bien ce qu’ont d’illusoire les efforts intéressés des prétendus « modérés ». — Ajoutons que les partis « avancés » sont portés à être d’autant plus audacieux que se réalise peu à peu l’article 2 de la Constitution du Grand-Orient : « Elle(la F.-. M.-.)a pour devoir d’étendre à tous les mcudires de l’humanité lesliens fraternels qui unissent les francs-maçons siu : toute la surface du globe. »

XI. La diSusion actuelle de la franc-maçonnerie : l’internationalisme maçonnique. — Les nombreuses pulilications maçonniques (compte rendu des Couvents, annuaires, Reue maçonnique men suelle. Acacia), ou antimaçonniques (comme les si précieuses publications documentaires de VAssocialion antimaçonnique de France), permettent aujourd’hui de dresser avec une suffisante exactitude le tableau des « puissances » maç.". et de leur personnel.

En France, il subsiste deux puissances maç. principales : la Grande loge et le Grand-Orient.

La Grande Zo^e rfe /France appartient à la Fr.’.M.*. écossaise, régie par les Grandes Constitutions dellSû et réformée par le Convent universel des Suprêmes Conseils réunis à Lausanne en septembre 1870. Il y eut scission en 1880 : un certain nombre de loges écossaises s’étant insurgées contre l’autorité du Suprême Conseil de France, constituèrent « la Grande-Loge symbolique de France » en prenant pour devise : le Maçon libre dans la Loge libre. En 1894, le Suprême Conseil consentit à accorder l’autonomie administrative aux scissionnaires, qui formèrent la Grande Loge de France et parvinrent à fédérer toutes les loges écossaises ; elle fut proclamée définitivement autonome et souveraine en igo4. Le Suprême Conseil (présidé parle Très Puissant Souverain — grand commandeur — grand-maitre, assisté de huit autres très illustres dignitaires, renouvelés par cooptation tous les neuf ans) est une sorte de grand collège des rites, chargé de conserver le dogme maçonnique : il administre, avec l’aide du Conseil central, les ateliers allant du 4’au 33’degré ; il affecte de conserver la croyance au Grand Architecte de l’Univers (supprimée en 1877 par le Convent du Grand-Orient), ce qui lui permet d’entretenir des relations avec les puissances maç.-. étrangères, restées spiritualistes. La Grande Loge de France délègue le pouvoir législatif à l’Assemblée annuelle des députés des loges, et le pouvoir executif à un Conseil fédéral de 27 membres présidé par le grand-maître (M. G. Mescreur). L’Obédience, dont la caractéristique est de rester Udèle aux traditions symboliques de la Mac.’, universelle, compte I15 loges (40 à Paris, 23 au siège central, rue Rochechouart n » 42), et 6.700 membres. (Annuaire de la Maçonnerie l’niyersetle, Berne, impr. Biichler, 1910. p. 212-219. — Les chiffres qui suivront sont tirés du même Annuaire.)

Les ateliers du Grand-Orient (qui se sont accrus de 133 depuis 1901), sont beaucoup plus nombreux ; on en jugera par ce tableau :

Orients Paris

Loges

81

12

271

27 22 30

443

Chapitres

4


4>

7

l 65

Conseils 2

.4 5 3 2

26

Totaux

87 la

326

32

Banlieue Paris

Départements…. Algérie et Tunisie. Colonies

Pays étrangers… Totaux

38 534

Les chapitres sont des groupements de maçons initiés aux grades supérieurs, allant du 3* degré (maître) au 18’(Rose-Croi.r). Les Conseils philosophiques ou aréopages sont composés de maçons allant du 18* degré au 30" (Chevalier Kadosch).

Le Grand-Orient est, en principe, une association démocratique, puisque le vote égalitaire est à la base de tout ; mais, en fait, la liberté individuelle n’y conserve guère plus de place que dans le club des Jacobins. Tout y est subordonné aune autorité souveraine, aune administration centralisée, et aussi à des rites très stricts qui règlent en loge la pensée et l’activité de chaque F.’. Au Convent de 1900. le F.’. Blatin observait que le Gr.-. Or.-. constituait une trinité directrice composée : i*)d’un comité directeur.

119

FRANC-MACONNERIE

120

le Conseil <le l’Ordre, qui préside à l’orienlation et à la direolifin de la maçonnerie ; ii°) d’un Grand Collège des liite.’i, qui préside au culte des traditions, au maintien des doctrines ; 3°) d’une Conr de Cassation, pouvoir jvuliciaire qui remplace les ateliers des juges inquisiteurs ». Le Conseil de l’Ordre, composé de 33 membres, a un bureau de 6 membres et se]) ! commissions permanentes : selon le mot du sénateur Dbsmons, son ancien président, il sert « d’intermédiaire entre les loges du Grand-Orient et le pouvoir civil j>. C’est donc lui qui imprime à la politique gouvernementale cette direction spéciale qui rend de plus en plus vraies les paroles prononcées par le F.-. LuciPiA, le l décembre iSgft, à la loge de la Fraternité des Peuples : « On dit partout maintenant que nous ne sommes pas en Républicpie, que nous sommes en Franc-Maçonnerie ; le mot est de l’éA’êque GoutheSouUiril. Eli bien I Il aurait raison, cet évêque, si Franc-Maçonnerie et République n’étaientpas précisément la même chose. » (Bull, du Gr.-. Or.-., 1895, p. /167.)

Combien de membres représentent les 684 loges françaises’^jjLes annuaires ne donnant pas de cliillVes, il faut s’en tenir à de vagues appréciations comme celle de la Lumière maçonnique, où on lit(février 1910) que « la loge latine se réduit à 40 membres ». Cela ferait 26.5O0 maçons, sans compter les maçonnisés. Les loges étrangères sont beaucoup plus peuplées (76 à 80 membres dans la loge anglo-saxonne, 130 dans la loge germanique) ; mais chez nous le groupe est d’autant plus virulent qu’il est plus concentré :

« Il n’y a guère que nous, maçons latins, qui nous

soyons manifestés jusqu’ici comme un facteur indiscutable du progrès humanitaire, — dit la f.umi’ere marunnirjue (même numéro). — Nous avons modifié quelquc cliose dans le monde, et ce n’est pas iiiii, puisque nous ne sommes pas encore sortis de l’ère des tâtonnements du début. « 

A l’étranger, la maçonnerie manifeste, en effet, des tendances bien dirt’éi’cntes : elle s’est adaptée aux milieux dans lesipiels elle s’est développée, et, dans tel pays protestant ou monarchique, elle paraît être restée avissi « déiste », qu’elle l’élait chez nous au XVIII’siècle, et aussi royaliste qu elle était impérialiste sous l’Empire. La haine antireligieuse ne [uédomine que dans les i.300 loges des » a.ys latins et catholiques, loges qui subissent du reste d’une façon plus ou moins étroite riniluenec du flrand-Orient français : telles les loges de la maçonnerie italienne,

« plus que toute autre sœur de la maçonnerie française » (O. Wiirni, I.e f.ifre de l’Apprenti, p. 9ri) ; telles

aussi celles de la maçonnerie espagnole « qui se distingue par son activité » (il/id.. p. 97). — Chez les autres nations, les diverses puissanccs maçonnitiues,

— il y a de par le monde 107 Grands-Orients ou Grandes Loges, — reslent autonomes au point de vue de leurs doctrines comme de leur action, et présentent entre elles presque autant de dill’crences qu’il en existe entre les sectes protestantes.

En Allemagne, les 54.200 maçons (divisés en 13 puissances) ont rompu avec notre Grand Orient lors de la suppression du « Grand Arcliilecle ». La Grande-Mère Lope Nationale aux Trois Globes (lô.SSg membres) et la Grande Lo^e Nationale des Francs-Maçons d’Allemai^ne (13.844 membres) n’accordent l’initiation qu’aux [irofanes chrétiens. Leurs travaux consistent soit dans l’étiule (h^ l’histoire maçonnique, soit dans celle de la philosophie maçonnique, telle qu’elle a été exposée au xviiie siècle ]iar Lessing, HkkdivM, FicuTE, etc. La haute bourgeoisie libérale, qui fréipienle les ateliers, favorise toutefois le mouvement populaire qui s’est dessiné contre l’autocratie prussienne : « L’empereui-Guillaume II nestiias Fr.’.

M.-, comme le fut son éminent grand-père, le F.-. Guillaume I", — lit-on dans le I/erold berlinois du 29 nov. 1908. Pour la Maçonnerie, cela vaut mieux, car ce qu’elle devient maintenant, elle le devient par sa propre force : mais nous souhaitons à l’empereur de trouver toujours autour de lui des hommes ne craignant pas de lui dire ce qui est nécessaire, avec la franchise et fraternité maçonniques, des hommes pouvant ne pas être des niMres, pourvu qu’ils soient pénétrés de notre esprit. » — Remarquons que les deux Grandes Loges citées tout à l’heure ont pour protecteur le prince de Prusse, Frédéric-Léopokl…

Les trois Grandes Loges d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande avaient pour » patron » ou « grand protecteur » S. M. Edouard Vil. — Le prince royal, duc de Connaught, étailGraud-Maitredela’ïro/jf/e Lo^e l’nie d’Angleterre. Georges V sendile marcher sur ces traces. D’illustres personnages figurent parmi les grands officiers. En principe, il faut attester qu’on croit en Dieu pour cire initié. « Dans les loges anglaises,

— écrit dédaigneusement le M.’. Hiram (Acacia de juin 1908, p. 4’7)> — on dit une sorte de messe maçonnique, on prononce par cœur des phrases catéchistiques, … après quoi on va s’asseoir à une table brillamment et plantureusement servie. » Leurs 220.000 adeptes y discutent aussi « des questions politiques, philosophiques et sociales », et r « on y pratique en grand l’éducation mutuelle ».

Dans les 14-459 ateliers des Etats-Unis, les pratiques sont plus opposées encore à celles des loges j latines : « Les maçons américains, — écrit le F.-. O. Virtli dans le I.it’re de l’Apprenti, p. 98, — sont des piétisles fervents et professent pour la Rible une vénération quelque peu superstitieuse. » Ajoutons que dans ce pays « démocratique », on a la manie des hauts grades, et qu’on recherche beaucoup le 32 degré (Prince du Royal Secret). I En 1902, au Congrès maçonnique international de Genève (voir le compte rendu de.M. Paul NorunissoN dans le Correspondant du 25 mai 1903), à la question du programme : « En dehors de tonte obédience et de tous rites, sur quelles bases un rapprochement entre les différentes puissances maçonni ques est-il possible ? », le rai>porlcur, F.’. Jacob (grand-maître adjoint de VAlpinu) constata de suite fpie « la maçonnerie universelle manquait de cohésion et d’unité ». Tandis que les délégués du Grand-Orient entendaient repousser » tout fanatisme i, c’est-à-dire toute croyance religieuse, le délégué de l’Australie alliinuiil que la Franc-Maçonnerie n’aurait une base solide que si elle s’appuyait « sur le roc de la croyance en un Dieu grand et éternel qui nous a révélé tout le devoir de l’homme ». Tandis que les uns allirniaient que le patriotisme devait cire l’une des « vertus cardinales » du maçon, les autres vou-j laient qu’on se ralliât sur le terrain unique de r « amour de l’humanité ». On reconnut que les obédiences maçonniques (dont 33 seulement sur 292 avaient répondu à l’apîicl du Congrès) donnaient vis-à-vis les unes des autres r « exemple de l’intolérance », et linalement il apparut qu’elles comprenaiint deux catégories : celles qui veulent avant tout déchristianiser le monde (France, Italie, Espagne, Portugal, Suisse, Luxembourg, Belgique, Hollande. Hongrie, Egypte, Amér ; que latine…), etcellesqui manirestent un certain lra<litionalisine religieux et social (Angleterre, Prusse, Pays Scandinaves, Américpie du Noril en partie…).

Des divergences d’attitudes et de doctrines entre lesobediences maçonniques, faut-il conclure à l’inexistence de la « conjuration internationale » anticlirélicnnc dont on parle si souvent ? Nous ne le pensons pas, car quelles que soient les attaches que conserve 121

FHAXC-MACONA’EUIE

122

la maçonnerie avec les gouvernements étalilis et les croyances traditionnelles, elle nourrit partout, dans ses tenues secrètes et éjîalitaircs, le germe de toutes les ilestruetions, puisqu’elle représente partout, — au moins en puissance — l’esprit d’indépendance individnelle et de révolte en face des principes d’autorité. Au point de vue religieux, il importe peu qu’elle parle encore du u Grand Arcliitecte », puisque, au nom de la « liberté » et de la « raison », chacun peut interpréter à sa guise ce k concept social », et puisqu’en vertu même delà » Constitution de l’jïS », charte fondamentale de la Maçonnerie moderne, a il sulTit » que ses adeptes « soient des hommes bons et loyaux, gens d’honneur et de probité ». Au point de vue politiipie, elle a toujours tendu à la réalisation d’un

« grand œuvre » ainsi détini dans la plus ancienne

de ses Histoires (publiée à Francfort en 1852) ; a Le monde entier n’est qu’une grande républiiiue, dont chaque nation est une famille et chaque particulier un enfant. » Le « programme maçonnique universel » est poursuivi avec plus d’ensemble i^ue jamais, grâce à la création des Congrès maçonniques internationaux (Paris, 1889 ; Anvers, iSg^ ; la Haye, 18ç)G ; Paris, 1900 ; Genève, 1902 ; Bruxelles, lyo^). et du Bureau international des Relations maçonniques (11J02). En 1908, le Ueprésentanl de ce bureau, Ed. (Ju.RTiKR- La-Tente (ancien grand-maitre de V.tljjtna), adressait aux diverses obédiences un rapport où il disait : « Nous avons constaté, i>ar une élude sérieuse de la maçonnerie, de son histoire dans chaque pays, de ses rituels et de ses usages, comme de ses travaux et de ses œuvres, qu’il y a entre tous les Grands-Orients et Grandes Loges, nés de la Grande Loge d’..ngleterre en 1717, une similitude de principes, de symboles, de coutumes et d’esprit, qui démontre que toutes les associations maçonniques régulières sont parties de la même origine, poursuivent en somme les r, iémes buts, et possèdent les mêmes aspirations. Il y a dans toute l’activité maçonnique, où qu’elle soit organisée, un fonds commun d’idées, une ressemblance de formes qui prouvent son origine identique et témoignent quêtons les adhérents sont de la même famille. » Or, ces idées et ces aspirations communes sont « avant tout celles de la Franc-Maçonnerie française » (Acacia de nov. njor). p. 278).

Les loges sont donc puissantes par leur unité d’esprit. Elles le sont aussi par le nombre, comme on en jugera par le tableau suivant :

TABLEAU U.VIVERSEL DES LOŒS MAÇOXXIQCES

(d’après r.J//n « a/re de 1910)

PAYS

Nombre

de

Lo ; res

Loges [anglaises

Loges

aile fm-.ndes

Grande-Bretagne | 2. 800

Irlande’460

Ecosse 712

Totaux. … 2.972

.llemagne

I Luxembourg’Suède

1 Norvège’Danemark

Hongrie

ToTALX

Nombre

de .Membres

102.000 18.000 bo. 000

.’,

.890

2 ! ,

14

12

7’5

01 1

54.200 50

I 2. 896 3.>’37 4.ôio 5. 182

Loges latines

Frauce, G.-.0.-.&G.-.L.-.

Belgique

Hollande

Suisse

Italie

I Espagne

Portugal

Grèce

Roumanie

Totaux….

Totaux pour l’Europe.

Loges / Amérique du Nord… améri- J.Amérique Centrale… eaines ( Amérique du Sud ….

Total pour l’Amérique

Australie

Divers

ToT^VL Gli.NÉRAL,..

5’, 8 21

101 34

327

79 148

J’.281’36.700

700

4.600

3.646

15.ooo

3. 169

3.887

4.9^0

260

71.902

ô.SOô 872.626

1.27.5.980

8.206

87.894

1.744.878

80.724

A ce tableau, — qui ne concerne que les maçons en activité, — il convient d’ajouter environ un million de maçons « en sommeil >>, qui ne font plus partie d’une loge, tout en restant membres de l’Association maçonnique. — Nous ne parlons pas des 600 à 800

« Fraternités » ou m Friendly Societies », qui sont

souvent comprises, surtout en Amérique, sous la désignation de maçonnerie, et dont les adeptes s’élèvent à 6 ou 7 millions.

XII. Philosophie et symbolisme maçonniques. — Une dorlrine qui a pour base la liberté de conscience la [ilus absolue, c’est-à-dire l’autonomie complète de la raison individuelle, a nécessairement varié à l’iiiGni selon les époques et les personnes ; de fait, aucune des aberrations de l’esprit humain ne lui est restée étrangère, et aujourd’hui encore des revues comme l’Acacia prônent les théories « alchimistes » les plus extravagantes (voir en particulier les n°’de mai et juin 1908, art. sur Hermétisme et l’ra n c-Ma çon nerie).

Pourtant, si l’on s’en lient à son côté négatif, — et somme toute cette doctrine destructive qui tend à la Révolution intégrale n’en a guère d’autre, — on peut la délinir ainsi : une doctrine de libre-examen qui rejette tout surnaturel et prétend trouver dans la seule a raison i> humaine, dégagée des liens de la tradition, la règle de la vie. Comme la « raison humaine » n’existe pas, sinon dans chaque individu, c’est aux individus qu’il faut en demander l’expression ; et comme les u raisons » individuelles varient à l’inlini, c’est llnalement la majorité du groupement égalilaire qui fournira l’y. et 1’^ de toute assertion.

« La Franc-Maçonnerie, — lit-on dans le caractéristique

discours de clôture du couvent de igog, — la Franc-Maçonnerie reçoit donc sa pensée et son inspiration de tous les groupes sociaux sélectionnés… C’est sur cette vie vécue que nous travaillons, que nous établissons la morale. » (Reprod. dans la F.-. .M.-, démasquée, 25 mai 19 10, p. 109.)

La maçonnerie, c’est donc la démocratie — au sens complet du mot — appliquée à tout, à commencer par la philosophie ; c’est, en conséquence, la négation même des principes essentiels de la civilisation ; c’est une barbarie dont l’histoire — à l’époque du club des Jacobins — a déjà vu une fois lépouvautable réalisation.

Nous avons dit plus haut que le « spiritualisme » de certaines obédiences était illusoire. Les loges les 123

FRANC-MACONNERIE

124

plus « chréliennes » professent en effet hautement qu’elles réinidicnt tout dogme ; et si elles laissent au Cln’ist la gloire d’avoir été le « premier héraut » des principes humanitaires qu’elles préconisent, elles ne voient rien que d’humain dans le Christ et sa doctrine. Le Grand Arcliitecte lui-même n’est plus guère pour elles qu’un mot : chaque maçon peut 1’  « interpréter » à sa guise et ne voir, par exemple, dans ce concept, que l’idéal du vrai, du bien, et du beau, ou que l’idéal de la civilisation, du « progrès » à réaliser maçonniquement dans le monde. C’est là le sens de cette « religion dans laquelle tous les hommes s’accordent », dont parle la Constitution de l’jaS, c’est-à-dire de cette religion de l’IJumaiiilé dont la maçonnerie était dès lors appelée à devenir le « centre d’union ». La même Constitution recommandait, il est vrai, au V.-. désireux d’  « entendre l’art royal », de n’être « ni unatliéestupidc, ni un libertin irréligieux » ; mais il faut interpréter ainsi le sens de ces mots : la maçonnerie devant transformer insensiblenu-nt (et par là plus sûrement) le système social ; l’athéisme plat et provoquant de ses membres ne ferait que heurter sottement les idées traditionnelles du milieu où ils vivent et compromettrait ainsi l’œuvre maçonnique. — L’histoire tout entière de la maçonnerie justifie, comme on l’a vii, cette interprétation. (Pour les tendances athéistes des maçonneries étrangères, voir "Whitbuead, Freenuisons-Clironicle, 1878, I, 196 ; Robert Fischer, Erlauterung der Freiinuiirer Kalechismen, m, question 18 ; Allgem. llaitdbucli der Freintuurerei’^, 1, 106 et suiv.)

Religion de l’humanité, centre d’union de tous les émancipés qui travaillent, par-dessus les pairies et les races, à un « progrès » dont l’accomplissement complet serait celui de la devise anarchique : Ni Dieu, ni maître », — et c’est précisément là, remarquons-le, ce qui la condamne à rinq)uissance finale et à la ruine, car d’une part il est aussi impossible d’établir aucun ordre social sur le « sens individuel » que de construire un monument sur les flots agités de l’Océan, d’autre part (à moins que ce ne soit la fin des temps), l’anarchie ne saurait être le terme de l’humanité, — la Franc-Maçonnerie a pourtant quelque chose de fixe, de traditionnel, de « social » (c’est-à-dire de supérieur aux individus) : son symbolisme. Et il convient d’autant plus d’en préciser la portée qu’il a donné lieu, même chez les F.-. M.., à de profondes méprises.

Les symboles maçonniques (rites ou cérémonies, emblèmes, signes, etc.) sont empruntés à la Bible, au christianisme, aux « mystères » de l’antiquité et aux anciennes corporations constructives ; mais il n’y a là qu’un emprunt matériel et artificiel : en conclure que la maçonnerie « spéculative » moderne remonte à la plus haute antiquité serait aussi absurde que de prendre le Premier Consul pour le successeur des consuls romains. Au fond, le symbolisme en question n’est maçonnique que comme moyen d’enseignement, comme système d’allégories destiné à illustrer et à inculquerles principes et les aspirations de la maçonnerie moderne.

Ainsi, tous les rites maçonniques possèdent trois grades, — apprenti, compagnon^ maître, — qui correspondent soit aux trois étapes des Mystères ou Initiations de l’antiquité, soit aux trois voies » de l’ascétisme chrétien (voies purgative, illuminative et unitive). Parmi les syud)oles cpii les accompagnent, citons la Bible, l’étoile flamboyante (Etoile de Bethléem), l’échelle Ihéologiquc et les trois k vertus théologales », leSaintdu Saint, le Tctragramme (Jahvcli). Or voici ce que signifient les grades.

Par l’n initiation », rû/j^ ;  ;e « (/, s’affranchissanl des servitudes et des aveuglements du monde « profane »

reçoit la vraie a lumière », et accède ainsi à la liberté, à la dignité, et à la grandeur. — C’est « une sorte de décrassement intellectuel et moral », dit O. Wirth. (Liyre de l’apprenti, p. io5.)

Le maçon va devenir « un penseur et un sage » (il’id.).

Par le « passage » entre les deux colonnes (Boaz et Jakin) et par l’étude assidue des sciences et des arts libéraux », le compagnon prépare sa « divinisation », son accomplissement maçonnique dans l’Humanité pure… Il reçoit comme « récompense » naturelle la supériorité sur tous les profanes, ainsi que la sérénité île l’état parfait (symbolisée par la pierre cubique).

Par l’ « élévation » ou transfiguration, le maître se divinise complètement. Après la mort mystique qui le dépouille des préjugés et des vices du monde profane, il renaît à une vie nouvelle toute maçonnique. Dans le combat contre les puissances ennemies (superstition, fanatisme, despotisme), il sera prêt à tout sacrifier, même sa position et sa vie. La « planche à tracer » symbolise la tâche du maçon parfait, qui consiste à construire l’édifice maçonnique social de l’avenir, embrassant toute l’évolution de l’humanité.

Nous nous bornerons à ces quelques indications, car nous ne pourrions même pas énumérer ici les multiples symboles qui représentent le combat de la lumière contre les ténèbres, l’adogniatisme, le cosmopolitisme et l’occultisme maçonniques. Retenons-en seulement le caractère commun : ils ne sont rien en eux-mêmes, sinon un moyen d’arracher l’initié à la civilisation qui l’enserre de mille liens, et de l’amener à ne penser et à ne vouloir que par lui-même.

« Vous ne saurez en maçonnerie que ce que

vous aurez trouvé vous-même. » (i/i/p de l’Apprenti, 1>. 3.) Ce mot résume toute la philosophie initiatique de la maçonnerie : elle n’imjKjse aucune croyance, aucun système doctrinal ; elle achemine seulement les initiés vers le progrès indéfini de l’idéal maçonnique.

Ambiguë à l’extrême, elle s’accomniode du reste à toutes les interprétations, à toutes les contingences sociales, à tous les états d’esprit (sauf à celui du catholique, du croyant, rebelle a priori à ses suggestions). Elle possède enfin une force d’attraction considérable, puisqu’elle satisfait les esprits à tendances mystiques par le charme du mystère, puisqu’elle flatte l’orgueil humain en lui promettant la quintescence de la sagesse de tous les âges et de tous les peuples, puis(]u’ellc fixe les âmes détachées de Dieu, mais altérées de certitude, en leur montrant la maçonnerie comme la religion universelle de l’avenir, religion naturelle dont toutes les religions passées et présentes ne seraient que des phases « historiques » ou passagères ; puisqu’enfin elle déguise aux yeux de tous, sous les |)lus glorieuses apparences, les desseins les plus dévastateurs.

Une seule autorité, vraiment, pouvait, dés l’origine, dévoiler une pareille « conjuration », et reste assez forte pour défendre contre elle la civilisation chrétienne : celle du Représentant de Dieu sur la terre.

XIll. Les « infiltrations » maçonniques et les nouvelles formes de la maçonnerie. —.vaut de parler des condamnations pontificales portées contre la maçonnerie proprement dite, il nous ])arait indispensable de dire quelques mots au moins des courants

« éo-.s^(n’<Ha//.’ ; (e.’i, occultistes, kal>balistcs, tliéosopliiques, 

etc., qui semblent bien se rattacher à la conjuration antichrétienne, et qui, d’ores et dcjà, ])a. raissent plus dangereux que le Grand- Orient lui-même ; car tandis que celui-ci exerce surtout une 125

FRAXC-MACONNERIE

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influence politique et gouvernementale, ils s’insinuent dans les esprits à la faveur des pires équivoques, et s’il inlillrent » dans l’Kglise pour la désagréger. Il est, malheureusement, très dillicile d’explorer un terrain miné sous nos pas, comme l’était au xviii’siècle le terrain politique (et l’on sait combien de luttes il y eut alors !).

On sait qu’au cours du xix’^ siècle la Ilaule-Venie semble avoir pris la succession de ï’illuminisme dans la direction générale des sectes secrètes. Ses papiers, embrassant la période qui va de 1820 à 1846, sont tombés entre les mains du pape Léon XII et fui-ent publics par Crétixeau-Joly (L’Eglise romaine et la Résolution). Or, on lit dans les Instructions secrètes de NuBius (pseudonyme désignant le principal personnage de la Haute- Vente), des phrases comme celles-ci : < Quele clergé marche sous votre étendard en croyant toujours marcher sous la bannière des chefs apostoliques ; tendez vos lilets… au fond des sacristies, des séminaires et des couvents, n (Lettre n Volpe, 3 avril 18^/|.) Un autre membre de la HauteVeiite, expliquant comment tant de prêtres et de laïcs catholiques se laissaient séduire par l’égalitarisme et l’humanitarisme maçonniques, écrivait : u Us se persuadent que le christianisme est une doctrine essentiellement démocratique. » (Emm. Barbier, Les Infiltrations, pp. 5 et 6.)

Depuis, de multiples efforts ont été accomplis pour redonner à la maçonnerie l’influence philosophique, conforme à l’esprit de ses rites et de ses symboles, que ses impurs politiciens avaient déviée, et pour attaquer indirectement, par une sorte de mouvement tournant, les principes constitutifs de l’Eglise. Vers 1885. le Docteur Papls (M. ENCAUssE)reconstitu. T le niartinisme dont les premières loges fonctionnèrent à Montmartre en 1889 (voir les revues L’Initiation, Le Voile d Lsis et Iliram). Vers 1888, fut également restaurée la secte des Gnostiques devenue en 1898 l’Eglise gnostique ; en 1906, le patriarche Fabre des Essarts ayant formé une association cultuelle sous le nom d’Eglise gnostique de France, cette Eglise se partagea en deux branches, ayant chacune sa revue (Le Itéyeil gnostique et l, a Gnose). — Ce sont surtout ces groupements qui constituèrent r, J//ia/ice spiritualiste : ils recherchent le « même ésotérisme » qui est caché au fond de tous les cultes, et ils étudient le spiritisme, l’hypnotisme et la magie ; ils veulent cxpliiiuer le monde en écartant le dogme de la création et ils aboutissent au « panthéisme émanatiste i>, qui est la divinisation de l’homme. Leur princijjal sj’stème est 1’  « occultisme ->, qui prétend se rattacher à r « ésotérisme » des philosophes antiques (alexandrins et grecs), àl’  « hermétisme » duraoyen âge, aux doctrines des Templiers et des chevaliers Rose-Croix, ancêtres des Francs-Maçons ; leur « pontife » est M. Albert Jounet qui revendique le titre de chef incontesté des catholiques modernistes et qui, sous le nom d’Harmonie messianique, veut ériger « une synthèse qui, dressée entre l’Eglise et le monde nouveau, incorporerait les vérités modernes aux vérités chrétiennes, mais rejetterait les erreurs de l’Eglise et les modernes erreurs ».

A ces écoles, il convient d’ajouter la Kabbale et la Théosophie. — La Kabbale, qui forme un groupement très considérable et atteste aussi le progrès de l’influence des Juifs dans le monde intellectuel, prétend se fonder strictement sur la tradition hébraïque ; son chef est le marquis de Saint-Yves d’Alveydrk. — La Théosophie, sans se réclamer ouvertement de la tradition universelle (comme la Gnose), ni de l’interprétation de l’Ecriture (comme la Kabbale), est une révélation intérieure de la science et de la vie divine, obtenue par les secrets de la contemplation

qu’elle emprunte au… brahmanisme et au bouddhisme. Au reste, ses doctrines n’ont rien d’original et sont, dans leur ensemble, identiques aux précédentes :

« Quelle est la religion future de l’humanité ? (demandait

au Congrès spiritualiste de 1908 M. Blecii, président de la Société tliéosopliiquc de France). Elle dilfère de toutes celles qui l’ont précédée ; ce n’est plus une fui ejtclusiye et séparatiste, mais une reconnaissance que les mêmes vérités se trouvent dans toutes les religions, qu’il n’existe qu’une seule vraie religion, la Divine sagesse, et que chaque religion, prise à part, n’est vraie que dans la mesure où elle incorpore les principaux enseignements de cette divine sagesse. » En d’autres termes, les théosophes veulent absorber le catholicisme dans une religion purement humanitaire (l’homme devant trouver en lui-même les enseignements dit’ins), et M. Blech remarquait que le modernisme condamné par Pie X était déjà l’n une des formes » de la théosophie. — Voir Léonce de Graxd.maison, Théosophes et Théosophie. Le lotus bleu (collection Science et Religion).

Faut-il rattacher cette soi-disant « renaissance spiritualiste » à l’action ou aux idées maçonniques ? Incontestablement, et les preuves en abondent. M. J. DoiNEL, restaurateur de la Gnose, était membre du Conseil de l’Ordre du Grand-Orient. (Cf. /.n Gnose, mars 1910, p. 184. — M. J. Doinel s’est d’ailleurs converti depuis au catholicisme.) Le Congrès spiritualiste de 1908, en fédérant toutes les sectes occultes, n’a pas caché son but : la restauration de la Franc-Maçonnerie déchue de son véritable esprit par suite de ses entraînements politiques. Le secrétaire général, M. V. Blanchard, exprima l’espoir de voir tous les rites de la maçonnerie française venir renforcer « l’armée des chevaliers de l’idéalisme chrétien i> ( !), et il termina ainsi son discours d’ouverture :

« C’est alors qu’ils [ceux que tourmente

le problème de l’Ilyperphysique] prépareront consciemment V Avènement sur la terre de la Véritable Fraternité et du Règne du SaintEsprJ ou de la Science alliée à la Fui, de la Raison unie à l’Intuition. .. » Après ce discours, on lit dans le compte rendu ce titre des travaux de la seconde partie du Congrès : « Consent maçonnique des rites spiritualistes.

! > De fait, trente et unepuissances maçonniques

étaient représentées au Congrès, dii à l’initiative des loges marlinistes : on y blâma « les ig^norances et les fautes de la maçonnerie française ii, et on y mit en lumière les moyens dehàter 1’  « évolution » que deux mois auparavant le M.’. Hiram avait préconisée dans l’Acacia (mars 1908) : il faut, avait-il dit (dans son jargon spécial) n dépoliticiser >. la Fr.-. M.-, et faire revivre son symbolisme traditionnel. En avril 1910, La Gnose émit des idées analogues au sujet de r Cl orthodoxie maçonnique », et montra dans le symbolisme m.*. « la forme sensible d’une synthèse philosophique d’ordre transcendant ou abstrait ». Ainsi sera réalisée, selon les expressions du M.’. Hiram, une a nouvelle forme de la lutte contre l’Eglise », conséquence de « laréaction ritualiste, symboliste, … religieuse au sens social du mot, ([ui commence dans la maçonnerie française ».

Ces brèves indications (confirmées par les théories qu’exjiose le Fr.". Osvvald Wirth dans son Livre de l’Apprenti) suffisent à montrer quels périls résultent du changement de front et de méthode des sectes occultes, périls d’autant plus grands que certains catholiques n’y voient qu’un retour possible à leurs croyances, et paraissent faciliter de toute leur transcendante naïveté le succès de la nouvelle stratégie.

XIV. Les condamnations pontificales. — Depuis 127

FRANC-MACONNERIE

128

moins tle deux siècles, neuf Papes ont directement analliématisé la FrancMaçoiuieiie.

En 1788, le 4 mai, Clémknt XII s’expi-inie ainsi dans l’ÈncycIiiiue lu eininenti : « Sous les dehors alTeeiés d’une probilé natuielle qu’on exige et dont on se contente, [les francs-maçons]… ont établi certaines lois, certiiins statuts qui les lient les uns aux autres… Mais comme le crime se découvre lui-même, … ces assemblées sont devenues si suspectes aux lidèles que tout homme de bien regarde aujourd’hui comme un signe peu équivoque de i)ervcrsion le fait d’y être affilié. » Le Souverain Pontife frappait en conséquence d’excommunication majeure ces « ennemis de la sûreté [lubliquc », déjà proscrits par les princes.

— Ce texte indique que d’ores et déjà l’opinion publique ne jugeait pas la Fr.-. M.-, avec autant d’indulgence qu on l’a prétendu : notons que des mesures de répression furent prises contre elle par les magistrats protestants de Hollande en i-j’iô ; par ceux de Hambourg, de Suède et de Genève en 1788 ; par ceux de Ziirich en 17^10 et de Berne en 17^3. Il en l’ut de même en Espagne, en Portugal et en Italie à la suile de la Bulle de Clément XII ; en France, le Parlement de Paris refusa de l’enregistrer, ainsi que celle de Benoît XIV, si bien qu’elles ne fiu’ent point

« légalement promulguées » chez nous au x vin’siècle.

L’Encyclique Proiidas, de Be.oit XIV, est du 18 mai lyôi. Elle reproduit celle de Clément XII, et condanme à nouveau le naturalisme, le caractère secret, le serment et les tendances révolutionnaires de la secte.

Clémisnt XIII et Pis VI (Bulle Insciutahile diinnae aaptcntiae, 177^). fulminèrent contre le philosol )hisme, puis contre les destructions révolutionnaii’es, mais sans parler nommément de la Franc-AIaçonnerie.

Pu : VII, dans la bulle Ecclesiam a Jesii Chrisio (13 septembre 1821), dénonce les sociétés secrètes comme la cause des bouleversements de l’Europe ; il stigmatise l’hypocrisie des Carhoiiari, qui vont jusqu’à feindre le plus grand zèle pour l’Eglise du Clirisl. — Dans sa bulle d’excommunication contre Napoléon, il avait déjà accusé les sectes, conjurées contre le siège de Pierre, d’avoir inspiré la conduite de son ravisseur.

Liiox XII, le 13 mars 1826 (i)ulle Qito gratiora), après avoir reproduit les trois bulles de ses prédécesseurs, signale les ravages de la F.-. M.-, dans les centres d’éludés, où elle introduit des maîtres de perdition ; il supplie les princes de frapper des conspirateurs qui ne sont pas moins ennemis de leur puissant c que de l’Eglise ; et il recommande à tous les lidèles de fuir des hommes qui sont 1. les ténèbres de la lumière » et « la lumière des ténèbres ».

Par l’Encyclique Trai/iti hiiinilitdii nostrae(i ! t mai 1829), PiK VHI, — qui ne régna que dix-huit mois,

— signala le même péril que Léon XII : Par les maîtres qu’ils introduisent dans les Ij’cées et collèges, ils forment une jeunesse à laquelle s’appliquent les paroles de saint Léon : le me/isunge eut leur régie, Satan leur Dieu, la turpitude leurs sacrifices. »

GitiÎGoiRGXVl, — eneycli<pie.l/ ; Vrtr ; los, 1 5 août 1882,

— revient à son tour sur ce sujet, compare les sociétés secrètes à « un cloaque » dans lequel « sont entassées et amalgamées les souillures de tout ce qu’il y a eu de sacrilège, d’infâme, de blasphématoire, dans les hérésies et les sectes les plus scélérates n.

Piiî IX condamna cinq fois la Franc-Maçonnerie (eucycli(pie (Jui plurihus du 9 novembre 1846 ; allocutions aux évêques Siuifulari quidam, du g décembre 1854, et Muxima //uidem lælitia, du ij juin 1862 ; bref Ex epistula à Mgr Darboy. du 26 octobre 1865 ; encyclique Etsi multa luctuosn. du 21 novembre 1878).

On lit dans le second de ces documents : « Us imaginent un droit que rien ne limite, et qu’ils attrijjuent à l’Etat, qui serait, d’après eux, la source et l’origine de tous les droits. » Le bref Ex epistola, écrit, on le sait, à l’occasion des obsèques du lUiuéchalMagnan, contient le fameux passage : « Ces sectes coalisées forment la synagogue de Satan. » u Elles ont enlin ce à quoi elles aspirent, constate la dernière encyclique. .. En possession de la force et de l’autorité, elles tournent audacieusement leurs efforts à réduire l’Eglise de Dieu à la plus dure servitude. Elles voudraient, si c’était possible, la faire disparaître de l’univers. »

Tous les actes de Léon XIII tendent à combattre

« le poison mortel qui circule dans les veines de la

société humaine > (encyclique Quud ApostoUci, du 28 décembre 18 ; 8.) Celle de ses encycliques qui vise le plus directement la Franc-Maçonnerie est celle du 20 avril 188 : 1 (Ilumanum genus) : « Les dogmes principaux de la maçonnerie, dit ce texte, sont si manifestement contraires à la raison que leur perversité ne peut pas aller plus loin… Les maçons veulent constituer une société sans Dieu, tandis que les païens étaient si l>ien convaincus de la nécessité de rendre un culte à la divinité, que, d’après eux, il était plus facile de bâtir une ville dans les airs que de la constituer sans temple et sans culte… Ils travaillent à faire descendre l’humanité à la condition des bêtes. »

Sous le même Pape, et un mois après l’encyclique que nous venons de citer, un décret du St-Ollice (18 mai 188’() rappela que les catholiques devaient s’écarter non seulement des sectes maçonniques, mais encore de toutes celles qui exigent de leurs adeptes un secret qu’ils ne peuvent révéler à personne ou une obéissance absolue à des chefs occultes. II n’existe, en effet, d’après le droit natm-el et le droit divin révélé, que deux sociétés indépendantes et parfaites : l’Eglise et l’Etat ; or une société secrète, f/uelle qu’elle soit, par le fait même de son secret, devient indépendante de l’Eglise et de l’Etat, qui n’ont aucun moyen de contrôle relativement à son but, son organisation, son action ; elle est donc illégitime. C’est en application de ces principes qu’un décret plus récent du St-Oirice(20 juin 18yO a interdit aux catholiipies de faire partie de trois sociétés américaines (Old Felto^’s, Sons of Tempérance et Knights of Pytliias) qui sont ostensiblement des sociétés de bienfaisance et de secours mutuels, mais <iui exigent de leurs membres le serment du secret et l’obéissance sans conditions. — Précédemment (le 21 septembre 1850) une déclaration de la Sacrée-Pénilencerie a^ait ainsi lixé l’extension des Bulles ponlilicales portées contre les sociétés de ce genre : a Les associations qui professent ne rien comploter contre la Religion ou l’Etat, et néanmoins forment une société occidte confirmée par le serment, sont comprises dans ces Bulles. »

Terminons par ces mots de la première encyclique (E sujtremu (i/)os/o/((^i<s)quePiK X adressa au monde, le 4 octobre 1908 : « Qui ignore la maladie si profonde qui, en ce moment plus que par le passé, travaille la société humaine, et qui en s’aggi-avant la ronge jusqu’aux os ?… Telle est la perversion des esprits qu’il y a lieu de craindre que ce ne soit comme l’avant-goût et le couunencenu’nl des maux annoncés pour la lin des temps, et que le fils de perdition dont parle l’Apùtre ne soit déjà sur la terre. »

BiBLiocHAruiB. — Pour être sullîsammcnl complète, labibliographie de la Franc-Maçonnerie exigerait un volume ; nous devons donc nous borner ici à de simples indications. Le nom des auteurs francsmaçons sera i)récédé du signe.’. 12J

FRAiNC-MACONNERIE

130

a) Bibliographie générale

Liste alphabétique des ouvrages anonymes indiqués dans la (S Bibliographie de la Franc-.Maconnerie

« de Kloss, et dans la « Bibliographie maçonnique

» de Taute, Mûnchen, Theodor Ackenuann, 1898. (Bibl. Nat.. Q 2648. Ce recueil fort précieux indique une foule d’annuaires de loges françaises, de calendriers, catéchismes, codes, a livres d’architecture », a livresd’or », « planches à tracer », et’planches » tracées maçonniques.)

.Iltgemeines Handbuch der Freimaurerei. Trois éditions très différentes : ’1822-1828, 3 vol., ^ 18531 8 ; 8, 4 vol. ; 3 1900. 2 vol.

(Cette encj’clopédie est reconnue, même par les jilus savants maçons anglais, comme la meilleure qui existe.)

A. G. Mackey et Ch. T. Me. Clcnachan, An Encrclopædia of Freeinasonry. Dernière édition : 1908. (Encyclopédie de langue anglaise la plus estimée, quoique de rédaction surannée.)

L’Association maçonnique allemande prépare une Bibliographie, qui contiendra tous les écrits maçonniques antérieurs à 1700 et tous les écrits maçonniques allemands postérieurs à 1760. En septembre 1908. le recueil comprenait déjà 30. 000 titres d’ouvrages, avec notices bibliographiques.

A. C. Stevens, Cxclopedia of Fraternities, New-York, - 1907. (Détails surôoo sociétés de r.mérique du Nord plus ou moins semblables à la F.-. M.".)

b) Histoires générales de la F.’. M.-.

Histoire des Francs-Maçons, contenant les obli-’gâtions et statuts de la Très Vénérable confraternité de la Maçonnerie…, Francfort, Verrentrapp, 1742 et - 1745. (Important au point de vue de l’ori ! ginedes idées humanitaires.)’Ed. Em. Eckert, La Franc-Maçonnerie dans sa véritable orga/iisa(ion, Liège, 1854 (Bibl. Nat., H 6809). (Nombreux documents sur la maç.’. allemande.) I N. Deschamps et Cl. Jannet, Les Sociétés secrètes’et la Société, ou Philosophie de l’histoire contempo-’raine, impr. Seguin, Avignon, * 1883, 3 vol. (Le t. III est un vol. de notes et documents. MM.

  • L. d’Estampes et C.l. Jannet ont fait un abrégé de

cet ouvrage important, sous le titre : La Franc-Maconnerie et la Bévolution. ibid., 1884.).’.Findel, Jlist. de la F.-. M.-. ;.. Ragon, Orthodontie Maçonnique (Leipzig, 1863) ;.. Rebold, Histoire des Grandes Loges de France (Paris, CoUignon, 1864) ; .-. Daruty, Recherches sur le rite écossais ancien et accepté :.’. Jouaust, Histoire du Grand-Orient, sont des a auteurs sacrés », sujets à caution pour

; l’historien. Comme ils ont eu à leur disposition

des archives secrètes, leurs ouvrages sont pourtant remplis d’utiles indications.

R. F. Gould, Historr of Freeniasonrr, London, 3 vol., 1883-1887. (.-Vbrégé et complété en 1903. — > Très estimé.)

AV. Begeniann, Vorgeschichte und Anfange der Freimaurerei, 1909 (1" vol.). — (Important pour l’hisl. des origines de la F.’. M.-.)

Herm. Griiber, La Franc-Maçonnerie et la Révolution universelle, Regensburg, 1901. (Bibl. Nat., K 3346. — Le Père Griiber est, en la matière, un’des meilleurs historiens allemands.)

G. Bord, La Franc-Maçonnerie en France, t. I, Paris, Nouv. Libr. Nation., 1908. (Le mieux documenté des récents ouvrages français sur les origines de la F.-. M.-.)

Copin-Albancelli, Le Pouvoir occulte contre la France. La Coniuration juive contre le monde chrétien, Paris, à la Renaissance française, 1909.

Tome H.

c) Doctrines maçonniques

Outre l’ouvrage cité de G. Bord et la plupart des ouvrages du paragr. précédent :

Henri Delassus, Le l’rublème de l’heure présente, 2 vol. in-8° de x-O^S et 709 p. Société Saint-Augustin, Desclée, de Brouwer, Lille, 190Ô, 1906 et 1910.

.-. H. Seedorf, La Morale et l’Art maçonniques (neuf conférences à des F.-. M.-., en allemand, Goettingen, F. Wunder, 1899. Bibl. Nat., H 6406).

.-. O. Wirth, Le Livre de l’Apprenti, Paris, 42, rue Rocheehouart, igo8. (M. Wirth, qui prépare le Livre du Compagnon et le L^ivre du.Maître, est l’un des a hermétistes » contemporains les plus instruits.)

Sur le point spécial de l’occultisme au xviii’siècle, voir H d’Alméras, Cagliostro, Paris, Soc. fr. d’impr. et de libr., 1904, — et.’. Papus, Martines de Pasqually. — Voir aussi la curieuse brochure illustrée de M. Louis Brunet, Eurêka, Paris, Libr. antisém., 45, rue Vivienne, 1906.

Pour les transformations contemporaines de l’esprit et des méthodes maçonniques, voir l’étude de l’abbé Emmanuel Barbier : Les Infiltrations maçonniques dans /’£' » /ise (Société Saint-.ugustin, Desclée, de Brouwer et C", éditeurs, Lille, 1910, in-8° de xi-254 p-) d) Histoire du Grand-Orient de France

Les publications que le Gr.-. Or.-, adresse aux loges pour leur rendre compte des « travaux de la Fédération » sont soustraites depuis 1896 au dépôt légal ; mais on les trouve aux archives de l’Association antim. de France (42, rue de Grenelle). La Biblioth. Nat. possède les collections suivantes : Bulletin du Gr.-. O ; -.-., H58 qusqu’en iij()) ; Bulletin hebd. des travaux de la Mac.., H 106 ; Bulletin maçonnique, UÔ94 Eugène Marbeau, Le Grand-Orient de France devant le Conseil d’Etat (Revue des Deux Mondes, 15 mars 1908).

L. Prache, L.a Pétition contre la Franc-Maçonnerie, à la 1 1’Commission despétitions delà Chambre des députés ; motifs et conclusions de la Commission, Paris. Hardy, 1905. (On n’a rien écrit de plus précis, ni de plus démonstratif sur l’action politique actuelle de la Fr.-. M.-.)

Jean Bidegain, Une Conspiration sous la Troisième République, la vérité sur l’Affaire des liches, Paris, la Renaissance franc., 1910. (L’auteur ayant assisté, comme secrétaire, à toutes les séances secrètes du Conseil de l’Ordre durant quatre années, a une compétence exceptionnelle.)

Paul Nourrisson, L.e Congrès maçonnique international de 1902 (Correspondant, 25 mai ujoS).

(Voir aussi les histoires générales de laFr.-. M..)

e) Monographies de luges

D. Murray Lyon. Historr ofthe Lndge of Edinburgh n’1-, 1901. (Ouvrage très estimé sur l’ancienne maçonnerie écossaise. — W. J. Chetwode Crawley a fait un livre analogue sur la Maçonnerie irlandaise : Cæmentaria Hibernica, 3 vol., 1895-1900.)

J.Lane,.Masonic Records, 1717-1886-1887. (Listes monographiques de loges.)

Cari. Brôcker, Les Loges maçonniques d’.Hlemagne de 1131 à 1893, Berlin. Mitler, 1894. (Courtes monogr. de 500 loges environ. — Pour les loges françaises du xviii’siècle, M. G. Bord (op. cit., p. 356-504) adresséun tableau analogue.)

Jules Pellisson, Les Loges maçonniques de l’.ingoumois, de la Saintoni ;e et de l’Aunis, la Rochelle, Texier, 1894 (Bibl. Nat., LK, 24163). (L’auteur a composé cette brochure à l’aide de feuillets détaches, reste d’archives dispersées.)

Louis Amiable, Une Loge maçonnique d’avant 1589, la R.. L.. des Neuf-Sœurs, Paris, Alcan, 1897.

Jules Thomas (abbé), Les Origines d’une loge maçonnique de Dijon, Dijon, J.-B. Mercier, 1907 Bibl. Nat., LK7, 36644, in-16 de 69 p.).

Gouillon, Une Loge de Paris, Le Progrès. (Extraits dans La Franc-maçonnerie démasquée du 10 mars 1907, p. 78-80.)

.. d. Kiensin, La Loge de Capoue (Acacia, octobre 1908. p. 197-210).

La Franc-Maconnerie en Anjou, dans L’Anjuu historique de nov.-déc. 1908.

. Ch, Bernardin, Précis historique du Gr… Or… de France, 1°" vol. de Notes pour servir à l’Hist. de la Fr.”. Mag… à Nancy.

f) Annuaires, revues et journaux

Annuaire de la Maçonnerie universelle, Berne, hupr. Büchler, 1910, 4° année. prix 3franes. (Cet annuaire, publié par.. Ed. Quartier-La-Tente, au nom du Bureau international de Relations maçonniques, est le plus complet qui existe. Nous y avons puisé nos statistiques. ll renferme les noms de 22.447 loges régulières, avec leur numéro, leur siège, leur date de fondation, leurs adresses ; il indique aussi l’état-major des 107 puissances mag. — P. 39-47, il donne la liste des 113 journaux et revues du monde mae.-., dont 3 pour l’Angleterre, 21 pour l’Allemagne, 64 pour l’Amérique.)

Annuaire du Grand-Orient de France (faisant suite en 1910 à la 136° année du Calendrier), Paris, seerct. du Gr.°. Or. :. (N’est pas dans le commerce Donne les noms et adresses des vénérables et correspondants, les jours de tenue, les dates de fondation, mais non le nombre des affiliés. Il peut être complété en partie à l’aide des 36.000 noms du repertoire maçonnique de l’Assoc. antim.)

La Franc-Maconnerie en Belgique, histoire, organisation, état-major, édité par la maison de Faction catholique, 5g, rue Antoine-Dans aert, Bruxelles.

.. L’.Hcacia, revue mensuelle d’études mag… Paris, 61, rue de Chaleur.

☞ ses précieuse pour la documentation.)

. La Lunuère maçonnique, revue mensuelle de la Maçonnerie universelle, 61, rue de Chaleur.

La Franc-Maçonnerie démasquée, organe bimensuel de Pdesoe. anlim. de France, Paris, 42, rue de Grenelle, (Ne public que des travaux rigoureuse est documentés.)

La Revue antimaçonnique, 66, rue Bonaparte fondée en 1910 par M. 1 commandant Cuignet),

Gustave GAUTHEROT.