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Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Halley (Légende de la comète de)

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Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 2 – de « Fin justifie les moyens » à « Loi divine »p. 225-227).

HALLEY (LÉGENDE DE LA COMÈTE DE).

— l’arnii les apparitions de la comète de llalley, celle de 1^56 fut l’une des plus brillantes ; elle est aussi, de|iuis plus d’un siècle, une des plus célèbres. Cette célébrité lui est venue de la légende, si chère aux vult ; arisateurs, d’après laquelle le pape Camxte III aurait lancé contre l’astre perturbateur les foudres du Vatican dans le but de détourner delà chrétienté, alors menacée par les Turcs, les calamités dont le brillant météore était l’avant-coureur.

Paruii ceux qui, les premiers, ont i)rotesté énergiquement contre cette fable, se trouvait le célèbre mathématicien Paul HiFUNi, de Modène, dans ses Hi/le.’isioni criticlie sopia il Saggio filosofico intoino aile prohabilità del Conte l.a Place (iSai) » l’illustre astronome Faye répéta cette protestation en 1858 dans la lievue contemporaine (voir Cosmos, XIII, |858, p. 6’17). En 1859, dans la Collection des précis lti ! itoriques, le P. Dklsaulx, S. J., démontra de nouveau la futilité de la légende. Dans le Month (février 1907) le P. Gérard, S. J., traite le même sujet ; en octobre 1909, le P. TumioN, S. J., dans un article sur la comète de Halley (Revue des questions scientifiques, 3* série, t. XVI, pp. 670-696), consacre à la légende tout un chapitre richement documenté. En outre, l’auteur de ces lignes publia le résultat de ses recherches critiques dans les publications de la Specola Vaticuna (Calixte III et la Comète de llalley, Iloma,

Nous en donnons le résumé.

I Faits historiques. — Le 29 mai 1453, les Turcs s’emparèrent de Constantinople. Le 30 septembre de la même année, le Pape Nicolas V, par une lettre solennelle, avait déjà fait appel aux rois chrétiens pour les engager à entreprendie la croisade. Son successeur Calixte III (i ^55-58) envoyaaussitôt pour la même cause ses légats dans les différents pays. Sa voix n’ayant pas trouvé d’écho auprès des hommes, Calixte eut recours à Dieu. Le 29Juini/|56, unebulle solennelle fut promulguée, dans laquelle le Pape ordonnait des prières publiques afin d’obtenir de Dieu un prorapt secours contree péril imminent. Le ! i juillet, premier dimanche du mois, on fit les premières ])rocessions à Rome. Le même jour, les Turcs assiégèrent Belgrade. Le 14 juillet, les Chrétiens, sous les ordres de saint Jean Capistran et de Ilunyade, remportèrent une petite victoire dans un combat naval sur le Danube. Le 22 suivit la brillante victoire sur les Turcs à Belgrade.

Dans le même intervalle apparut lacoraète de llalley. Les ChinoisPaperçurent dès le27 mai. En Italie, on la découvrit au commencement de juin. Les observations précieuses du Florentin Paolo Tosc. elli

vont du 8 juin au 8 juillet. Dans la seconde moitié du mois dejuin, la comète se trouvait le plus rapprochée de la terre et restait visible avec tout son éclat pendant plus de trois heures après le coucher du soleil. Il est bien évident qu’elle occupait alors l’attention de tout Rome. D’après les chroniqueurs, elle étaitextraordinairement grande, terrible, embrassant de sa queue deux signes zodiacaux ou Go degrés.

L’astre était encore visible dans les premiers jours de juillet, donc au commencement du siège de Bel grade par les Turcs. En adoptant les éléments de l’orbite calculés par M. Celoria, on trouve que, le 22 juillet, le noyau de la comète se coucha plus de deux heures après le coucher du soleil. Néanmoins des documents contemporains, européens et chinois, il résulte avec certitude qu’à cette date l’astre avait cessé d’être visibledepuis plusieursjours. Aussi dans les récits nombreux, et parfois très détailles, de ceux qui prirent part à la iKitaille de Belgrade, on ne trouve aucune allusion à la comète.

II. La légende. — La légende d’après laquelle Calixte III aurait ordonné des prières publiques pour conjurer la comète et les Turcs, se trouve pour la première fois, autant qu’on peut le contrôler, dans /.’Exposition du système du monde, par L.place (Ht. IV, c. IV, p. 283, éd. 1829). Cette même expression, très probablement empruntée à Laplace, revient dans le poème de Daru, intitulé L’Astronomie :

Au pied de ses autels, qu’il ne saurait défendre, Calixte, l’œil en pleurs, le front couvert de cendre Conjure la comète, objet de tant d’effroi…

Mais celui qui a contribué le plus à propager la légende a été sans doute Aiiago (Des comètes en générnl, etc. Ajinuaire du Bureau des longitudes pour l’an 183’?, p. 2^/1) ; c’est lui qui a inventé rexcomniunication de la comète : « Lorsqu’en 145C, onvil paraître l’éclatante eomèle…, le Pape Calixte en fut si effrayé qu’il ordonna pour un certain temps des prières jiubliques, dans lesquelles, au milieu de chaque jour, on excommuniait à la fois la comète et les Turcs ; et afin que per sonne ne manquât à ce devoir, il établit l’usage, qui depuis s’est conservé, de sonner à midi les cloches de l’église. » Le traité d’Arago sur les comètes fut, bientôt après son apparition, traduit en presque toutes les langues de l’Europe ; et nous nous croyons en droit de prétendre que les écrivains postérieurs se sont tous basés sur l’autorité d’Arago. Le vice-amiral S.MYTn (Cycle of celeslial abjects. Ed. 18^4. P- 23 1) parle d’un « spécial protest and excommunication exorcising equally tlie Dcvil, llie Turks and the Coniet ». B.iBiNET fait lancer un timide anathèiue sur la comète et sur les ennemis de la chrétienté. Dans la bataille de Belgrade, il met les Frères Mineurs, sans armes, le crucifix à la main aux premiers rangs, invoquant l’exorcisme du pape contre la comète et détournant sur l’ennemi la colère céleste, dont personne ne doutait alors qu’elle ne fut une manifestation

« (les comètes du dix-neuvième siècle. lievue des

Deux Mondes, 23’année, t. IV (1853), 83 1). Suivant d’autres, ordre fut donné de faire sonner toutes les cloches en Europe pour chasser la comète et désarmer le présage ; et dans les litanies de tous les saints fut insérée la supplication : u Du diable, delà comète et du Turc, délivrez-nous, Seigneur ! … »

III. L’origine de la légende. — Exisle-t-il un document papal de l’année 14ô6, dans lequel, d’une manière quelconque, il soit fait mention de la comète ? Pour trancher cette question du plus haut intérêt, nous avons examiné, avec le secours aimable de M. Ranuzzi, secrétaire des Archives du Vatican, les

« Itegesti » de Calixte 111. Ces Kegesti sont conserves 439

HALLEY (COMETE DE)

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dans les registres authentiques de leurs temps, ils sont divisés en trois séries : la série du Irt/icrtH, celle du Latran et celle des suppliques. Dans la première, les Regesti àeCa.W’s.ie III occupent les volumes in-folio n<" 436-467 ; dans la seconde, les n" 498-534 ; dans la troisième, les volumes 472-502. Le résultat de cet examen fut complètement négatif : pas ux mot SUR LA COMÈTE. La pièce la plus importante de la collection, à notre point de vue, est la huile authentique du 29 juin 1456, conservée sous le titre : De Bulla orationis contra Infidèles pro sicturia populi clirisliani. Comme cette pièce a été publiée déjà par Raynald, la lecture ne m’a rien appris de neuf ; cependant elle enleva jusqu’aux derniers doutes sur l’identité du texte de Raynald avec celui des actes authentiques. Le Pape commence par rappeler comment, avec le secours de Dieu, il a fait tout ce qui lui était possible pour organiser lacroisade par terre et par mer. Mais puisque sans le secours divin tous ces efforts resteraient stériles, il faut l’implorer avec humilité et confiance. Après avoir cité plusieurs exemples tirés des Saintes Ecritures, le Pontife ordonne les prières publiques et exercices de dévotion suivants :

I" Tous les prêtres, à chaque messe qu’ils célèbrent, doivent réciter la prière contre les païens c’est-à-dire : Dieu tout-puissant et éternel, qui avez dans vos mains la puissance de tous et tous les droits des royaumes, venez au secours des chrétiens, afin que les peuples païens, qu’anime leur férocité, soient confondus par la puissance de votre droite. »

2" Dans toutes les églises, entre none et vêpres, on sonnera trois fois parjour une ou plusieurs cloches, comme cela se fait d’habitude le soir pour la salutation angélique, et alors chacun récitera trois fois l’oraison dominicale et la salutation angélique.

3’Dans toutes les villes, chaque premier dimanche <’u mois, on fera célébrer des processions solennelles, auxquelles assisteronttousles lîdèleset tousles clercs tant séculiers que réguliers.

4° A l’occasion de ces processions solennelles, on fera un sermon au peuple, dans lequel l’orateur sacré s’appliquera d’abord à confirmer la foi, et à exhorter les fidèles à la patience dans ces sortes de tribulations ; en outre il exhortera les fidèles à la pénitence… enfin après leur avoir rappelé la férocité des Turcs, et tant de maux qu’ils ont infiigés aux chréliens et tâchent tojijours de leur infliger, [il les pressera] d’offrir à Dieu leurs prières et leurs supplications contre eux.

Dans cette bulle, nous le répétons, pas un mot sur la comète.

Faute de données officielles, il faut s’en tenir aux historiens de l’époque.

Vient en premier lieu saint Antonin, archevêque de Florence de 1446à 1459. Dans son ouvrage, Clironicorum liliri très, on trouve l’énumération exacte de toutes les mesures prises par le Souverain Pontife ; on y trouve un chapitre intitulé De conietis, unde causenlur et quid signifîcent, où la comète de 14ô6 est mentionnée ; des prières ou des processions contre la comète, rien. Dans les œuvres et lettres d’AE.NEAS Sylvius (plus tard Pie II) les prières publiques ordonnées par Calixte ne sont pas mentionnées ; par contre, l’auteur pai’le dans ses lettres assez longuement des elTets de la comète, qu’il considère

— post factum, il est vrai — comme un présage delà défaite des Turcs. Nicolas de Fara, biographe de saint Jean Capistran et témoin oculaire de ses faits et gestes, nous raconte que le saint, qui prêchait la croisade en Hongrie, lorsque la comète apparut, conçut bon espoir et excita ses auditeurs au courage et à la confiance, étant donné que, d’après une révélation

du Christ, il savait que ces deux comètes’annonçaient une très grande victoire sur les Turcs. Suivant deux autres compagnons du saint, il aurait eu en célébrant la messe cette révélation delà victoire prochaine sur les Turcs.

Parmi les nombreuses chroniques italiennes du temps, celle de Bologne est la seule qui fasse mention et de la comète et des prières publiques, mais sans les mettre en relations mutuelles. Stephaxus lNFESSiTRA, dans ses Diaria rerum romanarum suorum temporum, nous raconte qu’en juillet 1456 il apparut une comète à large queue, et qu’après elle Rome fut affligée d’une grande disette et peste et guerre et meurtres, et que pour cela des processions furent ordonnées à Rome, afin d’obtenir de Dieu la délivrance de ces fléaux actiii-ls. Que Rome, durant cette année et l’année suivante fut affligée par la peste, cela se trouve aussi dans d’autres chroniques ; le fait que des processions eurent lieu pour conjurer ce Iléau n’a rien d’extraordinaire. Quant aux chroniques des autres pays, il y en a quelques-unes qui font mention de la comète et des prières publiques, mais en des endroits différents qui n’ont entreeux aucun rapport. L’auteur des Annales de Flandre, Jacobus Meyer Baliola.ncs parle même avec indignation de l’aveuglement des autorités ecclésiastiques et séculières en Flandre, qui ne se souciaient guère de la comète et des autres

« signes manifestes de la colère divine ».

Platina. — Nous voici parvenus au seul écrivain du temps de Calixte qui, dans l’histoire de la comète, introduit le pape. L’humaniste Platina, né à Piadena (d’où son nom) en 1421, vint à Rome en 1462 probablement comme membre de la suite du cardinal Francesco Gonzaga. En 1471, il reçut du Souverain Pontife Sixte IV l’ordre d’écrire son Histoire des Papes, qu’il acheva vers la lin de 14/4 ou au commencement de 14/5. Etant nommé ensuite bibliothécaire au Vatican, il remplit cette fonction jusqu’à sa mort (1481) A propos de son œuvre principale, ]’ilæ Pontificum, Grf.gorovius s’exprime ainsi : « Platina écrivit avec facilité et élégance. Mais son d’uvre, sans fondement historique solide, sans pénétration n’est qu’un manuel agréable où la biographie classique a servi d’exemple. » M Pastor relève que la véracité de Platina n’est pas toujours au-dessus de tout soupçon. On sait que la vie de Paul II est une véritable caricature biographique ; et ce n’est pas la seule fois que Platina prend à la légère la vérité historique. Cependant cet écrivain étant contemporain de Calixte 111. son récit ne manque pas d’autorité ; il vaut donc la peine de donner intégralement le texte, qui se rapporte à notre sujet. L’authenticité en est pleinement garantie, car le magnifique manuscrit de son œuvre, qu’il remit personnellement au Pape Sixte IV, est parfaitement conservé. Le voici :

Apparente deinde per aliquos dics comela crinito etrubeo ; eum mathematici ingenteni iieslem, charitatera annonae, magnam aliquam cladem futurani dicerent : ad averlendam iram Dei Calixtus aliquot dierum snp|)licationes decrevit : ut si quid hominibus immineret, totum id in Thurcos clirisliani nominisliostcs oonvcrteret. Mandavit practerea ulassiduo rogatu Ueus llecteretur in meridie ca)npanis signimi dari fidclibus onmibus : ut orationibus eos iuvarent qui contra Thurcos continuo dimicabant. »

En voici la traduction littérale :

Une comète chevelue et rubiconde apparaissant pendant quelques jours, comme les mathématiciens

t. Le fait que la comète, après avoir été visible le mutin, se montra de nouveau le soir, explique 1 erreur li quelques auteurs qui parlent de deux comètes diverses. 441

HÉRÉSIE

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prédirent une terrible peste, une disette, quelque grande calaniilc, Calixte, pour détourner la colère de Dieu, ordonna des processions à certains jours, afin que, si les hommes étaient menacés de quelque mal, Dieu le tournât uniquement contre les Turcs, ces ennemis du nom chrétien. Il ordonna en outre pour fléchir Dieu i)ar des prières assidues, de donner à midi un signal avec les cloches à tous les Udèles, alin que par leurs oraisons ils vinssenten aide à ceux qui combattaient sans trêve les Turcs. »

Observons qu’au quinzième siècle les noms : astronome, astrologue, mathématicien, avaient à peu près la même signification. Comme l’astronomie et l’astrolo "ie supposent des connaissances assez étendues en matliéiualiques, le nom commun de mathématicien n’a rien d’étonnant. Par un heureux hasard, il nous reste le jugement astronomique d’un de ces mathématiciens, dont parle Platina. C’est une lettre astrologique dcPiETuoBoxo AvooARio, professeurà l’Université de Kerrare et très adonne à l’astrologie jidiciairc. Ce document porte la date du i-) juin 1406 ; il fut trouvé par M. Celoria parmi les manuscrits de Toscanelli, qui l’avait co[iié de sa propre main. Mais ce qui nous frappe dans ce jugement astrologique, c’est que les Turcs auront à craindre de la part des Chrétiens : « quia apparel e.x parte orienlis.signilicat ipiod rex Thurcarum Umcbitde inimicis. »

Nous avons traduit supplicationes par processions : c’était le terme classique pour indiipier les processions accompagnées de prières publi([ues. C’est à tort qjie plusieurs traduisent ce mot par supplications tout court ou par litanies, au sens que nous avons l’habitude de donner à ce mot.

Nous aions commencé par admettre sans aucune réserve le récit de Platina comnæ vrai en toutes ses parties. C’est le témoignage d’un conteiuporain ; de plus, le récit ne contient rien d’intrinsèquement invraisemblable. Ce ne fut qu’après une étude plus approfondie des circonstances du temps et après une comparaison faite entre le texte du récit et les documents de même date, que la conviction s’imposa qu’il y a quelque chose d’inadmissible.

Et tout d’abord il est bien certain que les sonneries de midi n’ont pas le moindre rapport avec l’apparition de la comète. La bulle authentique nous en fournit la preuve irrécusable ; elle est conlirmée par le témoignage de tous les auteurs contemporains. Mais les processions doiil parle Platina sont-elles les nicmes que celles dont parle la bulle du’J9 juin ? En cas d’affirmative, Platina a eu tort de nous proposer cette mesure comme inspirée par la crainte de la comète. Au cas contraire, il nous semble bien étrange qu’en même temps — puisque labulle fut proclamée le 29 juin, apparente per aliquot dies cometa, et que les premières processions furent tenues le 4 juillet, pendant qu’elle était encore visible à l’œil nu — rfeiix séries de processions aient été décrétées, les unes pour détourner vers les Turcs les dangers présages par l’apparition de la comète, les autres pour obtenir le secours de Dieu dans le combat contre ces mêmes Turcs. En outre, on a à expliipier dans cette supposition :

Pourquoi Platina ne dit pas un mot des processions dont parle la bulle, bien que celles-ci, à raison de leur solcnnitéextraordinaire et dugrand concours du peuple aient dû laisseruneimpression ineffaçable dans la mémoire des contemporains ;

Pourquoi saint Antonin passe sous silence dans ses Chronica ces autres processions contre la comète, bien qu’il fasse mention de la comète et qu’il donne rénumération couqilète des prières et processions [irescrites par la bulle ;

Pourquoi de même tous les autres contemporains

qui mentionnent ou la comète ou les processions prescrites, ou toutes les deux, gardent le silence sur les prières à propos de la comète.

Ajoutons que d’une part nous n’avons pas dedonnées ollicielles sur ces processions contre la comète et que d’autre part le sens obvie du récit de Platina ne permet pasd’attribuer lesdeux mesures — sonneries des cloches et i)rocessions — à des motifs différents ; et nous aurons le droit de conclure <[ue Platina a considéré à tort la bulle comme publiée sous l’influence de la peur causée par la comète. Une telle méprise n’aurait rien d’inexplicable. L’apparition de la comète coïncidant avec la publication de la bulle, on peut croire que plusieurspersonnespeuattentives aient cru à une certaine connexion entre l’une et l’autre, et la supposition que plusieurs de ceux qui prirent part aux processions, sous l’impression de la peur, aient conjuré le Tout-Puissant de les prései’ver de la peste, de la famine ou d’autres calamités, n’a rien d’invraisemblable. Le souvenir de ces circonstances se sera présenté à l’esprit de Platina lorsqu’il écrivit son récit. Une telle hypothèse ne saurait être taxée de calomnie à l’égard d’un écrivain qui est loin de peser scrupuleusement chaque parole sur la balance de la critique, parce qu’il ne veut pas, comme le dit Gregorovius, diminuer l’intérêt de sa narration.

La plupart des historiens, depuis Platina jusqu’à Laplace, se contentent de citer avec plus ou moins d’exactitude le texte de Platina, sans se donner la peine de contrôler le récit par l’examen des documents contemporains. Nommons Calvisius (1605),

SpONUANUS (164 1), LuBIENIKTSKl(l666). Fabre (1^26),

dans sa continuation de l’Histoire ecclésiastique de Fleury, nous en offre une paraphrase plus ample. Bruvs (1^33), dans son Histoire des Papes, emprunte son récit à l’histoire de Fleurj- ; il ajoute malicieusement que le Pape prolita en habile homme de la superstition et de la crédulité des peuples. L’œuvre de Fleury étant très répandue en France, il est bien probable que Laplace et Arago ont puisé à celle source. C’est aussi l’opinion du P. Delsaulx : « Les savants qui ont complaisamment attribué à Calixte III une bulle d’excommunication et l’injonction de prières comminatoires contre la comète, auront sans doute exagéré, par mégarde ou avec intention, et interprété à leur façon ce que Fleury raconte au sujet de l’apparition de la comète en 1456 dans son Histoire ecclésiastique. .. Peu au courant des choses ecclésiastiques et des termes canoniques et liturgiques… ils en auront conclu à un exorcisme, car le terme conjurer, employé par Laplace, ne peut pas avoir d’autre signification, et à « ne excommunication lancée contre les Turcs et la comète dans des prii/res publiques. »

Amsterdam, fêle de l’Epiplianie, 1911.

J. Steix, s. J.