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Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Psaumes

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Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 4 – de « Persécutions » à « Zoroastre »p. 243-254).

PSAUMES. — Parmi les livres de l’Ancien Testament, aucun n’a de tout temps nourri la piété des fidèles autant que le Psautier.

Dans l’ancienne Synagogue, si le Pentateuque, la

« Loi » comme on l’appelait tout court, par la prééminence de son origine et de son autorité, occupait

un rang supérieur dans la pensée du peuple juif, les Psaumes n'étaient guère moins en usage dans le culte public et dans la dévotion privée. Par le rôle que le Psautier jouait dans la vie religieuse du peuple, on en vint vite à le regarder comme un autre Pentateuque, et c’est pour cette raison peut-être qu’il a été de bonne heure divisé, comme le Pentateuque, en cinq livres, comme nous le dirons tout à l’heure (Voir S. Epïpiianb dans Aligne, P. G., X, 720 B ; XLIII, a44 D ; F. G. Hihsch dans Jewish Encyclopedia, X, 242).

Dans le Nouveau Testament, le Psautier est, avec Isaïe, le livre le plus fréquemment cité (Psaumes, 55 citations, 45 passages cités ; Isaïe, 5g citations, 41 passages cités), et a joué un rôle considérable dans la propagande chrétienne des premiers siècles ; on en tirait nombre de prophéties accomplies en Jésus-Christ et en son œuvre. En même temps il devenait pour l’Eglise, comme il l’avait été pour la Synagogue, le livre de la prière (Eph., v, 19 ; Col., m, 16 ; I Cor., xiv, 26). Depuis lors il n’a jamais cessé d'être sur les lèvres des fidèles. Rien ne démontre, mieux que ce fait, l’excellence et l’iiuportaace de ces cantiques inspirés. C’est dire aussi l’attention qu’il faut apporter aux questions relatives aux Psaumes dans l’apologétique catholique. Nous allons développer les points principaux suivants :
I. Dates et auteurs :

1. Formation du Psautier.

2. Valeur des titres.

3. Psaumes de David.

4. Psaumes machabéens.
II. Doctrine :

1. Dieu :

A] Personnalité et transcendance ; anthropomorphismes ; B] Attributs ; justice et bonté.

2. L’homme :

A] Individualisme des Psaumes ; B] Nature et valeur de l’homme ; C] Ses destinées ; le problème du mal et la vie future. 475 PSAUMES 478

3. Le Messie :

A] Universalisme de la religion ;

B] Eschatologie sociale ;

C] La personne du Messie.

III. Morale :

1. Idées dominantes :

A] Culte et religion ;

B] Vertus individuelles ;

C] Vertus sociales ;

2. Objection : Psaumes imprécatoires.

IV. Bibliograhie.

I. Dates et auteurs

Dans la discussion de la date des Psaumes, il est recommandable de commencer par l’examen du livre tel qu’il se présente à nous, et de remonter le courant de l’histoire.

i. Formation du Psautier. — Dans le texte hébreu, le Psautier est divisé en cinq livres, ainsi partagés (numérotation de l’hébreu) :

ie’, Ps., i-xli ; a « Ps., xlii-lxxii ; 3* Ps., lxxiiilxxxix ; 4’, Ps., xc-evi ; 5’, Ps., cvii-cl.

Cette division n’est pas marquée dans la Bible grecque ni dans la Vulgate latine, ni approuvée par tous (voir la préface de S. Jérômb à sa version d’après l’hébreu, dans Migne, P. L., XXVIII, 1 1 a3) ; mais elle est clairement indiquée dans le texte lui-même par une doxologie qui clôt chaque livre et le sépare du suivant (la doxologie manque à la fin du Ve livre, mais là elle n’aurait aucun but). Voici par exemple celle du premier livre : Béni soit lahvé le Dieu d’Israël, d’éternité en éternité ! Amen.’Amen.’Les autres ont des variantes entre lesquelles il importe de relever seulement celle du IV" livre : Béni soit lahvé, le Dieu d’Israël, d’éternité en éternité ! Et que tout le peuple dise : Amen ! Alléluia !

Ces doxologiesse lisent déjà dans la très ancienne version grecque, dite des Septante, qui probablement a été faite vers la On du ni « siècle avant J.-C. La division en cinq livres doit par là même être plus ancienne. Mais nous pouvons remonter plus haut.

L’auteur du livre des Chroniques ou Paralipomènes, qui vivait vers £oo av. J.-C (Pblt, Histoire de l’A. T., 6’éd. II, p. 304 jVigouroux, Diction, de la Bible, IV, a140)cite au premier livre, xvi, 36, le derdernier verset du Ps. evi avec la doxologie, qui le suit et marque la Un du IV livre.

Cela montre que la division en 5 livres était alors un fait accompli. Il est fort possible qu’elle soit l’œuvre de Néhémie, dont on nous dit qu’il « fonda une bibliothèque et y recueillit les récits concernant les rois, les écrits des prophètes et de David et les lettres des rois de Perse » (II Mac h., ii, 13). Les

« écrits de David » ne sont autre chose que nos

Psaumes.

Ce recueil avait d’ailleurs derrière lui déjà une longue histoire. Car il provient de la réunion de trois collections indépendantes, qui certainement ont existé longtemps séparément. En effet, on remarque un étrange phénomène à l’égard du nom de Dieu. Tandis que dans le premier livre il est appelé constamment du nom, pour ainsi dire, personnel, de lahvé, dans le II* et le III « livre (plus exactement Ps., xuilxxxiii ) on l’invoque par l’appellalif Elohim, nom qui désigne plutôt la nature. Le nom de lahvé revient dans les deux derniers livres 2. Or il est bien

1. Nom citons toujours d’après la traduction Crampon, sauf quelque légère retouche. La numérotation de l’hébreu, suivie dans cette version, est (on la sait) supérieure d’une unité à celle de la Vulgate depuis le Ps. x jusqu’uu Ps. cxi. vi inclusivement.

2. On y compte seulement 7 fois Elohim, dont six dans le Ps. cviit, composé de deux morceaux de Psaumes élohistiqoes, Ps. ltii, 8-12 ; lx, 7-14.

certain que le nom Elohim dans les Psaumes xliilxxxiii n’est pas primitif, mais a été substitué systématiquement à lahvé. La comparaison de Ps., s.iv avec lui et de Ps., xl, t4-18avecLxx le démontre ; la grammaire dans Ps., lix, 6 ; lxxx, 5. 8. ao ; le style dans Ps., xliii, 4 ; xlv, 8 ; xlviii, 15 ; l, 7 l’exigent. Les livres IIe et IIIe ont donc formé un recueil, disons un Psautier, distinct, en usage à une certaine époque (probablement au temps des Perses) et dans un certain milieu, qui lui infligea ledit traitement. Les autres Psautiers partiels (livres I « ’et lV « -Ve), en partie contemporains, en partie plus anciens, échappèrent à ce traitement ; les raisons historiques de cette diversité nous sont inconnues.

A leur tour, ces psautiers partiels, l’élohistique et le ae jahvistique (liv. IV. V), se composent eux-mêmes de collections plus petites, à savoir : les livres IIe et IIIe d’une collection de Psaumes des lils de Coré (Ps. xlii-xlix), d’une d’Asaph (l. lxxiiilxxxiii) et d’une petite collection davidique (li-lxxii), peut-être rassemblée par les soins d’Ezechias (comparez II Parai., xxix, a")-30 avec /Vov., xxv, 1), indépendante de la grande collection de Psaumes de David, qui forme le premier livre (i-xli). Les livres IV » et Ve sont formés par la réunion de plusieurs collections moindres bien distinctes : d’abord les Psaumes du royaume de Dieu (xcu-c), puis une longue série de Psaumes, dits Hallel ou alléluiatiques, parce qu’ils portent le titre devlléluiah(cr-cvn ; cxi-cxvm ; cxxxv s ; cxlv-c.l), dans laquelle sont insérés des Psaumes davidiques (cvm-cx. cxxxviii-cxlv), les Psaumes graduels (cxx-cxxxiv), et le plus long de tout le Psautier, Ps., exix.

Toutes ces petites collections ont eu sans doute pour quelque temps leur existence propre, avant d’être incorporées dans des recueils plus considérables. Cette longue évolution a dû exiger des siècles pour s’accomplir, et nous oblige à reporter à une époque reculée le premier noyau des Psaumes.

On voit déjà par là combien est improbable l’opinion, aujourd’hui en vogue chez les Protestants, d’après laquelle la plupart des Psaumes, ou même la presque totalité, ne remonte pas plus haut que le retour de l’exil (v « siècle avant J.-C.) et un grand nombre ont été composés à l’époque des Machabées (11e siècle av. J.-C). Cette opinion se rattache aune autre sur le sujet des Psaumes, que nous réfuterons plus bas (u, 1 A). Ici une remarque suffit : qu’on regarde les Ps. comme des poésies individuelles ou comme des chants publics, rien ne s’oppose à ce que beaucoup aient été composés sous le règne de David et même avant.

Soient les Psaumes individuel ». Nous avons dans la Bible de très anciens spécimens de poésie lyrique individuelle : Ce »., IV’, 43 a..Vomb., xxiii, 7-10 ; I Sam., ii, 1-10 ; II Sam., 1, l’.)-27. D ins la littérature égyptienne et babylonienne, les exemples de pareille antiquité abondent ; et l’on sait que ce ne sont pas les rationalistes qui sont portés à minimiser l’influence des littératures étrangères, notamment de la babylonienne, sur l’hébraïque. K plus forte raison encore on doit supposer l’existence, à ces époques reculées, de chants publics ou liturgiques. Le culte national s’est formé au berceau même du peuple hébreu ; et les actes de ce culte public sont accompagnés, même chez les peuples les plus primitifs, de chants religieux, si simples soient-ils. Or nous avons dans le Psautierprécisément de pareils chants, d’une simplicité extrême, par exemple xxix ; i.vir, 8 ss. ; c ; cxiil ; r.xvn ; Cxxxvi ; cxi.vin ; ci.. Je ne dis pas qua ce soient là les Psaumes les plus anciens ; car ils appai t’ennent presque tous à la collection la plus récente (les collections dont nous avons parlé plus haut sont bien, comme ensemble, disposées selon l’ordre des temps) ; mais ils ont pu con-’server de très anciens éléments. PSAUMES

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Pour préciser davantage il faut interroger la tradition historique, et d’abord celle qui est consignée dans les titres mêmes des Psaumes…

a. Valeur des titres- — Chaque Psaume est généralement précédé d’un titre ou inscription, qui donne des renseignements sur l’origine et l’usage de la pièce Dans ces titres on remarque souvent des variantes entre le texte hébreu actuel et les anciennes versions, et même entre les différents manuscrits du texte. Si nous prenons pour point de départ le texte officiel, dit masorétique, nous trouverons que juste les deux, tiers des Psaumes (100) sont précédés de noms de personne. Les plus fréquents sont : David (73 Pss.) ; Asaph (la Pss.) ; Fils de Coré (10 Pss.) ; nous avons déjà suffisamment indiqué plus haut leur répartition dans le Psautier. Les autres n’ont qu’un Psaume (Moïsb, Héman, IUtan) ou deux (Salomun). Si on tient compte des variantes des versions anciennes et des manuscrits hébreux, il faut enlever à David quatre Psaumes ; de sorte qu’on peut dire que par l’unanimité des témoins du texte 61j Psaumes sont attribués au roi poète. Comme la principale, presque la seule question, quand il s’agit des auteurs des Psaumes, est cette attribution à David, nous allons la traiter avec quelque ampleur. D’abord une considération générale sur la valeur des titres. Ils contiennent souvent Jes indications de nature esthétique (musicale, poétique), qui n’étaient plus comprises par les traducteurs grecs duni" siècle avant J.-C.(lesLxx). C’est dire que cestilres doivent remonter à une très haute antiquité. C’est donc bien avec raison que la Commission Biblique, dans son Décret de ie’mai 1910, les regarde comme témoins au moins d’une vieille tradition judaïque (Rép. 11), et nie qu’on puisse, sans graves raisons, en mettre en doute l’authenticité (Rép. m).

L’examen intrinsèque en confirme la valeur. Les noms d’auteur (pour nous restreindre à notre sujet) n’y sont pas jetés là au hasard. Les Psaumes qui portent le nom de David ont leur physionomie propre, comme ceux des lils de Coré ou d’Asaph ont la leur. La très grande majorité des Psaumes davidiques expriment les sentiments, à la fois tendres et forts, de recours à Dieu dans la douleur, de prière, de confiance au milieu des danger&, de reconnaissance pour la délivrance ; le sentiment de la nature y apparaît rarement (Ps., vin. xix. xxix) ; rare aussi est l’enseignement de la morale (Ps., xiv — lui. xxxvii. lvhi). Or, voici qui est bien remarquable : dans le gros bloc des Psaumes iii-xli le nom de David disparait tout d’un coup auPs. xxxiii ; et du même coup disparaissent aussi toutes les particularités des Psaumes davidiques ; nous y trouvons au contraire le sujet et le style des hymnes de la grande collection anonyme (civ ss.). Même remarque pour Ps., lxvi.lxvi. au milieu delà secondecollectiondavidique, Li-Lxxu. Au contraire, lorsque dans la masse des hymnes anonymes ou hallel, nous voyons reparaître sporadiquement le nom de David (cix. cxxxviii.clxv), nous retrouen même temps le sujet et l’allureordinaire des Psaumes davidiques. Bref, le nom de David n’est pas mis là au petit bonheur ; il tient sans doute par quelque lien bien réel à l’origine même des Psaumes qui le portent. De quelle nature est ce lien ? Voilà au fond la vraie, la grande question.

Ne serait-ce pas que le nom mis en tête des Psaumes a été inscrit par l’auteur lui-même ? — Beaucoup de critiques, surtout catholiques, l’ont pensé ; voirCoRNBLY, Historica et critica Introductio in V. T. libros, i ». éd. (1897), vol. II, ae. p. 84-87. Dans ce cas, le titre serait lui aussi inspiré et ferait partie intégrante des saintes Ecritures ; par conséquent nulle erreur n’y serait possible et personne ne pour rait refuser ce témoignage. Mais c’est là une opinion excessive, qu’on ne saurait justifier.

D’abord il n’est, en rigueur, nullement démontré que ce fût l’usage parmi les Hébreux, que le poète plaçât sou nom eu tête de chaque pièce qu’il composait. Telle n’était pus l’opinion de tous les Pères. Saint Jirome nous assure que, de son temps, beaucoup ne croyaient pas que les titres fissent partie des Psaumes (Tractatus in Ps. V, dans Anecdota Maredoslana, vol. III, 2, p. 10, lignée ss.)et que les Syriens (c’est-à-dire l’école d’Autioche ) les avaient rayés du Psautier (ib., p. 421, 5). L’uuteur de la version syriaque (dite Peschillo) ne les a pas même traduits et ils n’ont jamais fait partie de la Bible de l’Eglise syrienne. Diodohe de Tarse enseignait ouvertement qu’ils ont été ajoutés après coup, au temps d’Etdrai, pensuit-i ! (voir la Préface à son commenlaire des Psaumes dans Recherches de science religieuse, t. X [1919], p. 86, ligne 30 ss.). Enfin la Commission Biblique, dans le décret déjà cité (Rep. ni), suppose qu’il peut y avoir de graves raisons contre l’authenticité des titres ; ce qui évidemment ne serait pas le cas, si les titres venaient des auteurs eux-mêmes.

Mais si les titres n’ont pas cette origine au-dessus de toute exception, ils viennent, nous l’avons dit, d’une tradition à la fois très ancienne et très autorisée. Et la tradition sans doute voulait indiquer par une telle attribution que les Ps. avaient été composés par ces personnages illustres. Examinons le cas pour David.

3. Psaumes de David. — Que David ait composé nombre de Psaumes, a priori on doit s’y attendre. Il avait une âme poétique, et l’histoire nous a conservé quelque spécimen de ses compositions profanes (II Sam., 1, 19-37 ; iii, 33, ss.). Il était recherché pour son talent musical (I Sam., xvi, 17 s. a3 ; xviii, 10). Son penchant pour la musique religieuse nous est attesté maintes fois (II Sam., vi, 5- 1 5 ;

I Par., xvi, 4 ss. ; II Par., xxix, a5-30 ; Esdr., iii, 10 ; Neh., xii, a4-36). Chez le plus ancien des prophètes (Amos, vi, 5), il passe pour le type le plus achevé du poète et du musicien ; ailleurs il est appelé par excellence « l’aimable chantre d’Israël » (II Sam., xxm, 1). Il serait bien étonnant que rien ne nous fût resté de son œuvre. D’ailleurs le caractère de David, tel qu’il nous est révélé par l’histoire (I Sam., xviu II Sam.), loin d’y contredire, convient admirablement aux sentiments exprimés dans les Psaumes qui portent son nom : courage héroïque dans les Ps. (ni, 6 ; iv, 8 s. ; xi, 1 ; xxvii, i-3 ; lvii, 5, etc.), comme dans les livres historiques (I Sam., xvii ss.), et dans ceuxci confiance en Dieu sans bornes (1 Sam., xvii, 36 ss. ; 45 s.), continuelle et absolue dépendance de Dieu (I Sam., xxiii, 10 ss. ; xxx, 6 ss. ; II Sam., v, ig-aS ; xvi, 1 1), comme dans les Ps. ; partout tendresse dans l’amitié (Ps., lv, 13 ss. ; I Sam., xviii, t ss. ; II Sajn., 1, 19 ss.) ; douceur et humanité (I Sam., xxiv, 5-16 ; xxvi, 9 ss. ; II Sam., 1, 19 ss. ; xvi, io-13 ; Ps., iv, 3-8 ; vu, 4-6 ; xvii, a-7) ; parfois un chevaleresque mélange de violence et de gentillesse (I Sam., xxv ; Ps. xviii,

17-49) La tradition est donc, en gros, dans le vrai, qui attribue ces Psaumes au roi poète. Cependant on ne peut nier, que plusieurs Psaumes contiennent des données ou des allusions qu’on ne pourrait faire remonter à la personne ou au temps de David. Les objections qu’on fait à cet endroit peuvent se réduire à quatre chefs : 1) on y parle du roi comme d’une personne distincte de l’auteur (Ps., xx. xxi. lxi. lxiii) ; a) on suppose le temple déjà bâti (v. xxiv. xxvn s. lxviii s. ; ci. cxxxvin) ; 3) on décrit avec de sombres couleurs des princes injustes et tyrans qui oppriment le peuple, surtout les gens les plus pieux et plus dévoués à la cause de Dieu (ix. X. xn. xiv. 479

PSAUMES

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xxvii. xxxv. xxxviii. ci) ; 4) la langue est fortement teintée d’aramaïsmes (n. cxxxix).

Ces objections ne sont nullement insolubles, i] On conçoit très Lien qu’un roi ait voulu faire prier prêtres et peuple pour sa personne et qu'à cette liii, étant doué lui-même de talent poétique, il ait composé des cantiques pour les faire chanter aux services religieux. — >.] La maison de Dieu, dont parlent les Psaumes cités, n’est pas nécessairement le temple en pierres bâti par Salomon ; par ce nom, on pouvait aussi entendre la tente ou tabernacle plusieurs fois mentionné dans la vie de David (l Sam., xxi, 7), ou que David lui-même avait érigé sur la colline de Sion (Il 5/tm., vi, 17 ; vii, 2 ss. ; I Par., xv, 1, etc. comp. Ps., cxxxn). De fait, on rencontre dans le même Psaume côte à côte le nom de maison de Dieu et celui de tabernacle (par ex., xxvii, 5. 6). — 3] Les plaintes élevées contre les détenteurs du pouvoir public (de fait, pas toujours de droit) ne cadreraient pas mal soit avec les dernières années du règne de Saûl, soit avec la courte tyrannie d’Absalom. — 41 Enfin les aramaïsmes dans les Ps. davidiques sont très rares et parfois douteux (11, 11). En général la langue de ces pièces est de la meilleure époque. Il ne faut pas d’ailleurs oublier un fait qui a une portée générale : c’est que nous tenons les Psaumes, non directement de leurs auteurs, mais de la Synagogue, qui les a adaptés à l’usage public ; et l’on a lieu de croire que dans cette adaptation ils ont subi mainte retouche de forme et môme de fond ; voir le décret de la Commission Biblique, i cr mai 1910, Rép. vi.

Ces réponses ne suffiront peut-être pas toujours (nous l’avons admis plus haut avec la même Commission) à résoudre pleinement les difficultés ; mais elles suffiront dans la majorité des cas, et nous pouvons conclure de tout ce qu’on vient de dire : « On ne peut prudemment nier que David est le principal auteur des Psaumes ; on ne pourrait soutenir que peu de Psaumes doivent être attribués au roi poète. » Ce sont les termes mêmes de la Commission Pontificale (Décret cité, Rép. iv).

Pour répondre aux difficultés éventuelles et en.éme temps sauvegarder l’autorité des titres, on pourrait supposer, comme des critiques le pensent, que le titre de Darid était porté d’abord par tout un gros recueil de Psaumes, et qu’ensuite on l'étendit à chacune des pièces qui en ont été entrait » * peur faire partie des collection » partielles actuellement englobées dans notre Psautier. Le nom préposé au recueil n’impliquerait pas que toutes les pièces soient du même auteur. — On peut admettre ceci, a condition cpie :  ! ] le recueil uit porté le nom Je Datid parée 1 1 1 *î I nvnit été réuni pnr lui, et deson autorité approuvé at mis en circulation ; 2*] les Psaumes de ce 1 raueil aient été composés, quoique pas tous absolument, au moins pour la plupart, par David lr.i-me.ma. Ainsi précisée, cette hypothèse o’a rien qui contredise, soit aux faits bien établis de l’histoire, soit an décretde la Commission Biblique.

4- Psaumes machabéens. — Nous avons parlé de la limite supérieure pour la date des Ps. ; disons encore quelques mots sur la limite inférieure, ce qui revient à la question célèbre des Ps. mechahéens. Y a-t-il dans notre Psautier des pièces composées après l’insurrection des Machabée ? (167 a. J.-C.)? Oui et en très grand nombre, répondent des critiques protestants. Oui, mais en très petit nombre, pensent d’autres critiques, et parmi eux des catholiques. Comme ayant plus de change d'être machabéens, sont admis unanimement les Ps. BUT. i.xxiv. lxxix. 1. xxxiii. La Commission Pontificale (décret cite, Rép. vu), en donnant tort aux premiers, permet implicitement la seconde opinion. On peut la tenir pour libre aux catholiques. Cependant la presque totalité des nôtres s’est prononcée contre l’existence

de Psaumes machabéens. Et c’est (croyons-nous, sans vouloir pourtant être trop tranchant) la meilleure attitude. Car, d’une part, aucun des arguments produits pour l’affirmative, même pour les quatre Ps. tout à l’heure indiqués, n’est décisif, aucune des prétendues allusions aux faits de l'époque mæhahéenne n’est évidente. D’autre part, les présomptions sont contraires à une si basse époque. A celles que nous avons déjà présentées, tirées de l'évolution du Psautier, ajoutons : 1) La langue et le style des Psaumes dits mæhabéens sont bien supérieurs à ce qu’on attendrait à pareille époque. 2) Les lxx, qui pourtant ont ajouté tant de noms aux titres, n’ont songé à aucun auteurde l'âge machabéen ; fait invraisemblable, si les Ps. étaient de composition si récente.

II. — Doctrinb

Le Psautier, nous l’avons vu, est le fleuve où se déversèrent les flots de foi et de piété qui jaillirent du coeur ému des poètes hébreux au cours de plusieurs siècles. On devine combien le contenu des Psaumes doit être riche et varié. Mais on ne doit pas s’attendre à y trouver, soit des expositions systématiques, soit des vues uniformes. Dans ces conditions, il ne reste qu'à relever les traits les plus saillants et plus dignes d’attirer l’attention de l’apologiste.

1 T)iwTi. — Puisque le Psautier est un recueil de poésies religieuses, rien d'étonnant qu’il soit plein de Dieu : pas un Psaume, même purement moral (tel lviii) ou simplement national (par ex. cxxix), qui ne le mentionne ou ne l’invoque. Nulle part, dans l’Ancien Testament, la théologie proprement dite (traité dt Dieu) n’est plus développée, nen par des considérations abstraites, du moins d’ordinaire, mais pratiquement, par l'épanchement de la foi dans la prière. Chaque poète, chaque Psaume, chaque moment psychologique neus présente un de ces aspeets infinis par lesquels Dieu s’est révélé à nous sans jamais s'épuiser. Voici les principaux :

A) Personnalité et transcendance. Anthrof omorphismes. — D’abord Dieu est pour le Psalmiste une réalité vivante, qu’il sent, qu’il touche pour ainsi dire, partout. Les endroits ne manquent pas où il s’adresse à la raison pour en démontrer l’existence ou les attributs par le monde brsé ; ainsi Ps., vin ; xix, 2-5 ; xciv, 8-10 ; civ ; xom ; lxxxix, 6-15 ; cxxxix. Mais d’ordinaire il la suppose dans l'épanchement irrésistible de sa conviction. Renier Dieu, pour lui, est une folie (xiv ; lui, 1 ; xch. 7).

Dieu, pour le Psalmiste, n’est pasune abstraction. Il Le voit agir dans la nature physique (xvin, 8-1 G ; xxix ; xcii, 5 ss ; lxv, 6-1 4 ; r.iv, etc.), il Le perçoit tlans la société humaine (ix ; vii, 7-12 ; xiv ; xxv, 8-9 ; lxxxii), il le sent toujours près de lui (xvi, cxxi). Dieu revêt, au youx du Psalmiste, une personnalité si conerète, il est peint de traits si matériels qu’ils peuvent choquer nos idées et nos goûts plus raffinés. Non seulement les membres du corps humain et les actions de la vie matériellesont attribués à Dieu ; non seulement II est un « vaillant guerrier » (xxiv, 8), il se réveille « comme un homme endormi, comme un guerrier subjugué par le vin » (lxxviii, 65). Il est encore un rocher(xvin. 3, 47 ; lxxiii, a6 ; i.xxxix, 27 ; xxviii, etc.), « un bouclier pour tous ceux qui se confient en Lui » (xvm, 31 ; comparer xxviii, 7 ; xxxiii, 20 ; lxxxiv, to, etc.) et, pour tout dire en un mot, David l’invoque :

Mon bouclier, la eone de mon salut, ma citadelle ! (xvm, 3).

Pour expliquer ces rudes expressions, surtout celle de rocher, qui est bien synonyme de Dieu, pas 481

PSAUMES

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n’est besoin, comme d’aucuns voudraient, de les faire remonter à une époque où les Israélites, encore adonnés à un grossier naturisme, auraient reconnu leur Dieu dans les puissances de la matière, surtout dans la masse imposante et majestueuse des montagnes. L’imagination ardente des Orientaux et la puissance du langage métaphorique chez eux, surtout à des époques primitives, suffisent à nous expliquer ces locutions si hardies. Ne lisons-nous pas dans ces mêmes Psaumes, aux anlhropomorphismes si marqués, des lignes d’une profondeur sublime sur la transcendance de Dieu ? Tel ce Ps., xviii, qui nous décrit Dieu en courroux :

La fumée montait de ses narines,

un feu dévorant sortait de sa bouche,

de lui jaillissaient des charbons ardents (9).

Un peu plus loin, le poète s'écrie :

Alors le lit des eaux apparut, les fondements de la terre furent découverts & ta menace, Iahvé, au souille impétueux de tes

[narines… car tu sauves le peuple qu’on opprime et tu abaisses les regards hautains… Les voies de Dieu sont parfaites la parole de Iahvé est épurée (16.28.31).

Le même Psaume lxxviii, qui compare Dieu à un homme ivre et endormi (v. 65), dans un même verset (35) l’appelle Rocher et Dieu Très-Haut (voir aussi v, 56) ; plus bas II est le Saint d’Israël (40, dont la dignité incomparable ne peut tolérer le voisinage d’aucune idole, d’aucune superstition (58).

D’ailleurs il serait facile de recueillir, presque à toutes les pages du Psautier, les expressions les plus belles et les plus variées sur la sublime grandeur de Dieu. Il est éternel et immuable (xc, i, a ; en, a538) ; « sa grandeur est insondable » (cxlv, 3), nous dit-on en termes exprès ; nul n’est comparable à Lui (xl, 6), on voudrait publier et proclamer ses merveilles, mais elles surpassent tout récit (xl, 6). De fait, Il est auteur de prodiges (lxxvii, 15 ; lxxxvi, 10 ; cv, 5 etc.), tels que nul autre n’en peut opérer (lxxii, 18 ; cxxxvi, 4). Sa science n’est pas moins merveilleuse que sa puissance : » elle est au-dessus de ma portée (avoue le Psalmiste), elle est trop élevée pour que je puisse y atteindre » (cxxxix, 6). Aucun livre sacré d’aucune nation (fait justement remarquer un théologien anglican) n’a su, autant que le Psautier, résoudre ce problème fondamental de toute religion, comment sauvegarder en même temps l’Infinité et la Personnalité deDieu (W. T. Davison, dans Die t. of the Bible, IV, 15 ; a).

Attributs. — Parmi les attributs de Dieu, nous n’en relèverons que deux, les plus fréquemment célébrés dans les Ps., et aussi les plus intéressants pour l’apologiste : la bonté et la/ustice.

Juste lui-même dans toutes ses œuvres (cxlv, 17), Lui dont le trône a pour base la justice et l'équité (lxxxix, 15 ; xcvii, a), Dieu exige de tout homme la pratique de la justice (xi, 7 ; xxxvu. a8 etc.). Un des principaux effets de cette justice de Dieu est de rendre à chacun selon ses œuvres (lxii, 13) ; pas un crime sans son châtiment, pas une vertu sans sa récompense (lviii, ia). Cette idée d’une parfaite mesure dans la rétribution par Dieu est tellement natuturelle, dans l’esprit du Psalmiste, qu’elle parait parfois aller contre les faits les plus évidents de l’expérience, et nous donnera plus bas une difficulté i résoudre. Ici, nous n’avons qu'à remarquer encore comment cette même justice fait de Dieu, dans le Psautier comme chez les prophètes, l’avocat des orphelins et des veuves, le défenseur des pauvres et des faibles de toute sorte (x, 14- 18 ; xii, 6 ; lxvhi, 6 ;

Tome IV.

lxxxii, 3 ss. ; cxlvi, 7-9). Ainsi justice et bonté se donnent la main ; elles s’embrassent (lxxxv, 11).

La bonté de Dieu I cet attribut si touchant et dont nous sentons si fort le besoin ! Il paraît si propre à l’Evangile, et au contraire une justice quelque peu farouche s'étale si souvent dans l’Ancien Testament, que nous avons de la peine à nous imaginer à quel point le Psautier est plein de bonté et de tendresse. Quoi de plus touchant, par exemple, que ces vers :

Iahvé est miséricordieux et compatissant, lent à la colère et riche en bonté. Ce n’est pas pour toujours qu’il nous réprimande, Il ne garde pas à jamais sa colère. Il ne nous traite pas selon nos péchés, Il ne nous châtie pas selon nos iniquités. Car autantles cieux sont élevésau-dessus de la terre. autant sa bonté est grande envers ceux qui le crai [gnent. Comme un père a compassion de ses enfants, Iahvé a compassion de tous ceux qui le craignent ; car II sait de quoi nous sommes formés, Il se souvient que nous sommes poussière(cni, 8-14). Sa colère dure un instant, Mais sa grâce toute la vie (xxxv, 6).

Et quoi de plus hardi que cette prière, digne vraiment d'être adressée à une Bonté infinie : « A cause de ton nom, Iahvé, tu pardonneras mon iniquité, car elle est grande » (xxv, 1 1). Et encore, que de larmes n’a pas arrachées, mais aussi que de douleurs n’a pas consolées le Psaume pénitentiel par excellence, le Miserere 1 (li). Par là encore, aucun livrede l’Ancien Testament ne se rapproche du Christianisme autant que le Psautier.

2. L’homme. — A) Individualisme dans les Psaumes. — Avant d'étudier l’homme et ses destinées d’après le Psalmiste, une question préalable est à résoudre : Quel est le sujet qui parle dans les Psaumes, lorsqu’on y lit : moi, mon âme, mes douleurs, etc.? — D’après l’opinion la plus répandue et au sens obvie, c’est l’auteur des Psaumes, l’individu. Mais d’après une autre conception, qui a eu jadis de nombreux adhérents, le poète ferait parler le peuple, il exprimerait les sentiments de toute la nation juive. On entrevoit l’importance de la question : quelle différence d’interprétation et d’appréciation, selon que tel mot, telle phrase sort de la bouche d’un individu ou d’un peuple 1 D’ailleurs un peu de lumière sur ce sujet peut nous être utile à d’autres points de vue.

Que le moi parlant, dans beaucoup de Psaumes du moins, soit tout le peuple d’Israël, c'était l’avis des Pères de l'école d’Antioche (voir par ex. Diodore dbTarsb, dans Recherches de science religieuse, 1919, p. 84, lignes a4-30), et de plusieurs rabbins du moyen âge. Mais c’est surtout en Allemagne vers la un du siècle dernier, que cette opinion a gagné du terrain. Elle est actuellement envoie de décadence.

Sans doute dans plusieurs Psaumes, par une sorte de personnification, c’est tout le peuple qui parle comme un seul homme ; par exemple :

Ils m’ont cruellement opprimé dès ma jeunesse — qu’Israël le dise —

ils m’ont cruellement opprimé dès ma jeunesse, mais ils n’ont pas prévalu contre moi (cxxix, 1, 2).

Dans d’autres Ps., le moi alterne avec le nous, qui est évidemment la voix de toute la nation ; voir par ex., xliv, 1-9. Mais ce sont là des cas relativement rares, et d’ailleursdans ceux-là même, le texte donne toujours des indices assez clairs de personnification, comme on peut le voir aux exemples cités. Mais étendre cet usage à tous, ou presque tous, les Psaumes, serait une exagération injustifiée, et exigerait des tours de force d’exégèse, par ex. là où le

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moi parlant se distingue lui-même du peuple, ou des connationaux, et s’oppose à eux en quelque façon (xxn, a3 ; lxvi, i(i ; exi, i ; cxxii, 8, etc.). Ce serait aussi méconnaître l’origine et l'évolution de la poésie religieuse chez les Hébreux.

On nous dit que le Psautier est le livre de prières aux services du temple après l’exil. Soit. Mais que de fois une prière, composée par un individu pour y épancher ses sentiments personnels, a élé adoptée par toute une communauté comme prière publique ! Chacun peut se l’approprier dans des circonstances analogues à celles qui l’ont fait jaillir du cœur de L’auteur.

Un fait est toutefois à retenir de la théorie ici combattue : c’est que, dans la religion des anciens Hébreux, l’individu avait vis-à-vis de la communauté un rôle beaucoup moindre que chez nous : la religion, le culte surtout, était avant tout national, public. Nous y reviendrons bientôt. Mais cela ne nous empêche pas d’entendre dans les Psaumes les individus nous exposer leurs peines, nous communiquer leurs sentiments, nous dire ce qu’ils pensent. Lorsqu’ils nous parlent d’eux-mêmes, c’est doned’un homme que nous l’entendrons, non d’une Eglise.

B) Nature et valeur de l’homme. — Sur la place qui revient à l’homme dans la création et sur l’excellence de la nature humaine, on ne peut enpeude mots dire de plus grandes choses que dans les vers Lieu connus (le Psalmiste parle à Dieu) :

QuVst-ce que l’homme pour que tu en prennes soin ?

Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu,

Tu l’as couronné de gloire et d’honneur.

Tu lui as donné l’empire sur les œuvres de tes mains,

Tuas mis toute la création à ses pieds… (vin, 5-7).

Ces idées reposent sans doute sur Gen., i, 26 ss., où l’homme est dit créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, et où le domaine sur toute la nature lui est octroyé. Quelle dignité incomparable ! Mais aussi, qu’il est petit, ce roi de la création, vis-à-vis du Créateur ! Le Psalmistes'étonnequeDieu s’abaisse à penser à lui. Ici encore, d’un trait magistral, est résolu on ne peut mieux le problème de concilier la dignité de l’homme avec sa dépendance vis-à-vis de Dieu.

L’anthropologie des Psaumes n’a rien de spécialement remarquable. Dans l’homme on reconnaît le corps matériel et l'àme, ou, comme les poètes hébreux aiment à s’exprimer, la chair et l’esprit. Mais l’esprit pour eux n’est proprement que le principe dévie ; le siège et comme l’organe de l’activité intellectuelle est le cœur (le h) ; comme les reins le sont des sentiments ou affections ; l'âme (nephesch) est souvent synonyme de passion, d’appétit. Mais il est un trait spécial aux Psaumes, bien digne d’attention : cette partie plus noble de l’homme, que nous appelons âme, est appelée souvent (vu, G ; xvi, 9 ; xxx, 13 ; lvii, 9 ; cviii, 2 ; hors des Psaumes seulement clans le passage poétique Gen., xlix, G) la gloire, l’honneur de rbomme(Amïo(/, étymologiquement : ce qui pèse, ce qui importe, fui est substantiel).

Mais L’enthousiasme pour la grandeur de l’homme ne ferme pas les yeux du Psalmiste sur les misères de la vie d’ici-bas. Il les connaît et s’en plaint à Dieu sur un ton de profonde tristesse, mêlée d’humble résignation (xc ; xxxix ; en ; xxxi, 10 s.). Il reconnaît cependant que tous ces maux, y compris la mort, sont le juste châtiment du péché (xc, 7-0 ; xxxi, 1 1). Impossible de ne pas entendre ici comme l'écho de Gen., 111, où est racontée la chute originelle. Le pieux poète s’avoue pécheur, né et conçu dans le péché (li, 7). Ailleurs, il est vrai, il proleste

être pur et innocent et prétend être traité en conséquence (xvn, 3.15 ; xviii, ao ss. ; xxvi, 1. s., etc.).Mais cette innocence n’est que relative. Ces protestations ont été soulevées à l’occasion de calomnies ou de persécutions de la part d’adversaires. C’est le crime précis qui lui est imputé, que lePsalmiste rejette avec indignation (vu,.{ ; xvii, 3 s., etc.) ; c’est qu’il trouve ses souffrances hors de proportion avec l’ordinaire mesure de justice dont on use envers la faiblesse humaine. Tels étaient bien aussi la situation et les sentiments de l’héroïque Job (Job, vi, 2 s. ; ix, 2 s., 20 s. ; x, 2-7).

C) Destinée de l’homme : la vie future. — Quedeviendra l’homme après la mort ? Question très grave, qui a pris, dans la religion catholique surtout, une importance capitale. Il est d’un haut intérêt de savoir ce qu’en disent les Psaumes, ce livre de prières de l’Eglise. Distinguons d’abord deux questions bien distinctes : immortalité de l'àme, et condition ou état de l'àme dans l’autre vie. En d’autres ternies : est-ce que l'àme survit au corps ? (i re question) ; et si oui, quel est son sort dans l’autre vie ? (2e question).

A la première question, tous les livres de la Bible donnent une réponse affirmative, même les plus anciens. Jacob, par ex., qui croit que son iils Joseph a été dévoré par une bête, se souhaite néanmoins la mort « pour descendre vers son lils au séjour des morts (au scheôl) » (Ge/i., xxxvii, 35).

Les Psalmisles, qui parlent si souvent du scheôl, le séjour des morts, et de ses habitants, les ombres, les rephaïm (lxxxviii, 1 1), ne pensent pas autrement ; on n’a pas à s’y arrêter. Voir à l’article âme, dans le Dictionnaire de la Bible de Vigouroux, I, col. 462-468. Sur la 2e question : de quelle sorte est cette survie des âmes ? on constate, précisément dans le Psautier, différents points de vue, ou pour mieux dire, un progrès, une évolution à travers les âges, quoiqu’on ne puisse pas toujours fixer sûrement la date relative des Psaumes qui en traitent. Dans les plus anciens, tels que lesPs. davidiques.nous voyonstous les morts indistinctement descendre au scheôl et y mener une vie obscure et inerte, vraiment à peine une ombre de vie. Là les rephaïm, ces êtres insaisissables, ne peuvent célébrer les louanges de Dieu (vi, G ; xxx, 10 ; lxxxviii, Il ss. ; cxv, 17 ss.), et Dieu ne se soucie plus d’eux (lxxxviii, G). Ces phrases sont à expliquer par le milieu historique dans lequel elles ont été écrites. La religion, le culte, disions-nous plus haut, était alors, avant tout, chose de la communauté ; c’est ce culte public, collectif, que le l’salmiste a surtout en vue. Or ce culte est impossible dans l’autre vie, où la société a cessé etl’individu seul demeure. C’est pourquoi Dieu ne peut plus attendre aucun honneur des rephaïm.

D’ailleurs, comme la vie d’outre-tombe n’est plus sujette aux variations, aux vicissitudes d’ici-bas, plus de Providence pour les habitants du scheôl, plus de soin de la part de Dieu ; car ceci suppose un avenir ehangeable. C’est ce que signilielaphrasc : « Dieu n’en a plus le souvenir : ils sont soustraits à sa main » (lxxxviii, 6). Cette doctrine est susceptible de précisions, que lui apportera le progrès de la révélation.

Pourtant, jusqu’ici, aucune distinction de bons et de méchants dans l’autre vie, aucune place privilégiée pour les justes. Comment donc la verluaurat-elle sa récompense, le crime son châtiment ? Comment sera sauve la justice divine qui gouverne le monde ? Les l’salmistes se sont posé plusieurs fois la question, et c’est dans la réponse qu’ils donnent qu’on peut le mieux suivre les étapes de la révélation.

Le Ps. xxxvii nous reporte à l'état le plus primitif ; sa réponse est d’une simplicité étonnante : 485

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No t’irrite pas au sujet des méchants,

Ne t in ligne pas & propos de ceux qui font le uni !.

Car, comme l’herbe, ils « eronl vite coupés,

Comme la verdure du gazon ils se dessécheront.(1.2)

Encore un peu de temps el le méchant n’est plus…

Mais les doux (les justes résignés) posséderont la terre

Ils goûteront les délices d’une paix profonde (10. 11).

Voilà la solution. Le bonheur Je » méchants icibas ne dure que très peu ; bien vite la mort ou autre accident y mettra lin. Au contraire, les justes, après une courte épreuve, jouiront d’un bonheur intarissable. C’est exactement le point de vue des amis de Job (voir par ex. Job, viii, 11-22 ; xv, ao-35 ; xviii, 5-ai ; xx, 4-a9).

Il y a du vrai dans cette doctrine ; il arrive maintes fois, surtout dans une société bien réglée ou aux inii’iirs antiques, que le méchant n’a pas de succès et que Dieuse l’ait sentir par des punitions exemplaires. Le Tsalmiste, d’ailleurs, se reporte à sa propre expérience :

J’ai été jeune, me voilà vieux ;

et je n’ai point vu le juste abandonné.

ni sa postérité mendiant son pain (ixxvii, 25).

Nous n’avons aucune raison pour refuser d’ajouter foi à cette expérience.

Mais l’expérience n’était pas toujours si belle. Tournons la page et nous trouverons, au Ps. xxxix, l’auteur sacré qui soupire sous le poids de la souffrance, chagriné à la vue de la prospérité des méchants. Il se tait sur cet étrange état des choses, pour ne pas offenser Dieu et scandaliser le prochain ; il se résigne, il veut êtrelidèleà Dieu quand même ; sur l’au-delà il ne compte pas, il demande seulement un peu de répit en cette vie si courte ! Dévouement vraiment digne de notre admiration 1 C’est le sentiment de Job (voir, par ex., vi. vu. x).

Au Ps. xlix, assurément d’un autre auteur (titre

« Fils deCoré »), la question est plus nettement posée

et un éclat de lumière, une vraie révélation (v. 5), découvre une solution nouvelle, bien supérieure aux précédentes. Aussi le poème s’ouvre-t-ilpar une solennelle invitation atout le monded’entendre lagrande nouvelle. La voilà : les impies, les mauvaisjouisseurs, jamais ne pourront racheter leur àme du scheôl ; ils y resteront à tout jamais :

Leur ombre se consumera au scheôl sans autre

[demeure. Mais Dieu rachètera mon âme de la puissancedu scheôl, car il uie prendra avec lui (15-16).

L’opposition bien marquée avec le sort des impies qu : précède et le sens technique du mot prendre (luquli) employé déjà à propos de la translation d’Hénoch et d’Élie (Gen., v, il ; II Reg., 11, 10 ; comparez I Sam., x^ iii, a), montrent à l’évidence quedans les derniers mots il s’agit d’une vie de bonheur après la mort, vraie vie menée auprès de Dieu, loin de cette région désolée qu’est le scheôl. Voilà ce qu’espère pour lui-même le pieux poète ; voilà ce qu’il fait espérer à tout homme qui, comme lui, aura marché dans les voies de Dieu. Ici donc nous avons, à n’en pas douter, nettement affirmée la croyance au bonheur réservé aux justes dans l’autre vie. La formule est encore vague, imprécise ; mais le principe est posé, la justice souverainede Dieu est brillamment revendiquée, les destinées de l’homme s’éclairent d’un jour splendide.

Pareille conclusion, mais plus détaillée, dans le Ps., lxxiii (d’Asaph), où la mise en scène de la question est aussi plus poignante.

« J’étais sur le point de fléchir

dit le Psalmisle

mon pied a presque glissé. Car je m’indignais contre les impies, en voyant le bonheur des méchants (2 s.).

Le scandale estait comble, le pieux poète va presque succomber à La tentation ; car il ne comprend rien à ce mystère (<6). La dillicullé demeure, tant qu’il n’entre pas dans le secret de Dieu et ne prend pas garde au sort linal des méchants (17) Ils disparaissent ; plus de bonheur pour eux après la mort :

Mais je serai à jamais avec toi : Tu m’as saisi la main droite,

par Ion conseil tu me condu’ras, et tu me recevras ensuite dans la gloire (23 ss.).

Le deux derniers mots du texte (kabod et laqah) montrent bien qu’il s’agit ici de la vie d’outretombe’. Aussi le bonheur d’être toujours avec Dieu est-il le plus grand bien de l’homme (a5-a8) ; c’est là la récompense de la vertu, et la pensée de ce grand bien soulage les douleurs de la vie.

A la même espérance d’un éternel bonheur auprès de Dieu, s’élève aussi lePs., xvi (de David celui-là), mais par une voie plus directe ; en considérant non l’imparfaite justice de ce monde, mais la dignité même de la faveur dont Dieu entoure ses dévots.

Iahvé est la part de mon héritage et de ma coupe… oui, un splendide héritage m’est échu (5.6).

Un tel héritage ne pourrait être passager, restreint à la courte existence d’ici-bas ; éternel dans son objet, il doit être éternel dans sa possession ; ce lien sacré qui unit l’élu à Dieu est de soi indissoluble. Aussi le poète s’écrie-t-il :

Tu ne livreras pas mon àme au séjour des morts, Tu ne permettras pas que celui qui t’aime voie la

[corruption. Tu me feras connaître les sentiers de la vie ; il y a plénitude de joie devant ta face, des délices éternelles dans ta droite (10).

c’est-à-dire : à rester toujours près de Toi, en ta présence. L’expressiondébordeicil’espérance ; ou mieux, la pensée dépasse l’étroit horizon d’une àme humaine. Il ne restera pas à jamais proie de la corruption du sépulcre : voilà ce que pouvait raisonnablement espérer David, ce qu il obtiendra dans la résurrection de la chair. Mais le vœu de ne pas voir la corruption aura son plein effet, en toute rigueur de termes, dans le Fils de David par excellence, dans le Messie. Les deux princes des Apôtres l’ont bien fait ressortir(^cf., 11, aa-3a ; xiii, 35 ss.).

Nous passons ainsi au messianisme dans les Psaumes. Mais il ne sera pas inutile de souligner encore ici l’extrême importance de deux principes, dont tout le Psautier est pénétré : la foi dans la Providence, et la conviction que le vrai bonheur de l’homme, icibas, n’est pas dans la jouissance des biens matériels, mais dans l’union avec Dieu.

3. Le Messie. — Prise dans toute son ampleur, la doctrine du messianisme comprend trois aspects ou trois étapes : l’universalité de la religion d’Israël, l’eschatologie sociale, et la personnalité du Messie. La première considère le but principal de l’activité messianique, la seconde décrit les actes qui préparent et ouvrent l’en ; messianique, la troisième enfin considère l’organe ou le ministre du salut messianique.

Esquissons brièvement les deux premiers points, tels qu’il s se présentent à nous dans les Psaumes, pour nous arrêter davantage sut la personne du Messie.

A) Univtrsalisme. — Les prophètes d’Israël n’avaient

1. Voir plus haut sou » B) et C). I-e mot kabod (= j Il ids substance, magnificence) est bien ici l’opposé de rtphalm (= ombres flou- - : gne les habitants de scheôl. 487

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cessé d’affirmer qu’un temps viendrait où tous les peuples de la terre reconnaîtraient dans le Dieu d’Israël le seul vrai Dieu. Ce serait là le grand, le véritable triomphe d’Israël sur toutes les nations ; et là devait être le meilleur des promesses faites par Dieu à son peuple. Les Psaumes, qui sont 1 epanchement lyrique de l’esprit prophétique, ont gardé des traces profondes de cet enseignement. Nous l’y rencontrons par groupes.

Ps., lxv-i xvm. Ce Dieu, qui par des prodiges fait le salut du peuple élu (lit, 6), est aussi l’espoir des extrémités de li terre et des mers lointaines (6| ; les habitants des pays lointains révèrent ses prodiges, il remplit d’allégresse l’Orient et l’Occident (9). Le Ps. suivant invite tous les peuples de la terre à chanter les louanges du Dieu d’Israël, à le remercier pour les bienfaits dont il a comblé son peuple. C’est que le bonheur d’Israël est le salut de toute la terre. C’est pourquoi, au Ps. lxvii, Israël invite Dieu à le bénir

afin que l’on connaisse sur la terre ta voie et parmi toutes les nations ton salut (3)

et conclut par la prière :

Que Dieu nous bénisse et que toutes les extrémités de la terre Le révèrent ! (8),

c’est-à-dire Lui rendent le culte qui Lui est dû ; c’est la force du mot hébreu.

Au Ps., lxviii on prédit et on précise en même temps :

A ton sanctuaire qui s’élève au-dessus de Jérusalem les rois t’offriront des présents… les grands viendront de l’Egypte, l’Ethiopie s’empressera détendre les mains vers Dieu

(30.32).

Plus clairement, cet universalisme est marqué dans plusieurs hymnes, où l’on voit Dieu, lahvé, reconnu roi de la terre et où on Lui applaudit avec enthousiasme. Tel le Ps., xlvii :

Vous tous, peuples, battez des mains, célébrez Dieu par des cris d’allégresse. Car Dieu est roi de toute la terre… Dieu règne sur les nations,

il siège sur son trône saint ( 2.ÎN.

Tel surtout le groupe des Pss., xcm-c, qu’on dirait composés pour le jour idéal où Dieu monterait sur son trône pour inaugurer ce règne universel, qui doit durer à jamais, et recevoir les hommages de tous les peuples. C’est le jour de lahvé.

B) Dans cette conception idéale, nous avons déjà un trait de V eschatologie sociale, qui revêt presque toujours les couleurs de l’apocalyptique. Ce jour de lahvé, qui doit ouvrir l’ère définitive des derniers temps, jour si souvent décrit par les prophètes, et avec de si sombres couleurs, s’ouvre par un jugement universel.

Que les cieux se réjouissent et que la terre soit dans devant lahvé, car il vient, [l’allégresse..

car il vient pour juger la terre ; il jugera le monde avec justice, et les peuples dans sa fidélité.

(XOVI, il. 13 ; voir xcviii, 9.)

La mise en scène de ce jugement est détaillée au Ps. suivant (xcvii, 2 6). Mais il y a loin d’ici aux terribles tableaux des prophètes nu des apocalypses. Le psaume reste toujours l’hymne liturgique par leqnel un peuple pieux, le cœur au large et le front déridé, rend ses hommages au Très-Haut.

C) La personne du Messie. — Les Psaumes, comme en général les prophéties qui ont trait directement à la personne même du Messie, sont de trois sortes.

Il y en a qui, visant l’homme en général, se vérifient plus pleinement que jamais dans Celui en qui la nature humaine a atteint sa plus haute perfection, en Jésus-Christ ; visant l’homme juste, ces Psaumes s’appliquent à plus forte raison au Juste par excellence. Tel ce Psaume vin (voir ci-dessus, 2, B) que S. Paul a si heureusement interprété delà dignité et de la souveraineté du Christ (Héb., ii, 6-8 ; I Cor.,

xv, 27) et que Jésus lui-même applique à un fait de sa vie (Matt., xxi, 16 et parallèles). Telle aussi cette phrase proverbiale : « La pierre rejetée par ceux qui bâtissaient est devenue la pierre angulaire » (Ps., cxvm, 23), expliquée plusieurs fois du Christ persécuté par les juifs (Afr., xxi, 42 ; Act., i, 11 ; lPet., ii, 4-7). Tel enfin ce passage du Ps. xci, Il s. : « Il (Dieu) ordonnera pour toi à ses anges de te garder. Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte contre la pierre », dont le tentateur se prévalut pour voir si Jésus était le Fils de Dieu (Mat., iv, 6 ; Luc., iv, 10 s.). La légitimité de telles applications relève d’un procédé très logique, qui consiste à conclure du général au particulier, du moins au plus ; elle était d’ailleurs généralement reconnue des Juifs au 1 er siècle de notre ère’.

Plus souvent (c’est la seconde sorte), ce qui est dit d’abord d’un personnage de l’Ancien Testament, s’entend aussi du Christ, dont l’autre était la Cgure ou le symbole. C’est ce qu’on appelle prophéties typiques, ou passages messianiques au sens typique. Ainsi les paroles de David : « C’est pourquoi je te louerai parmi les nations, lahvé ; je chanterai à la gloire de ton nom » (Ps., xviii, 50), S. Paul les voit accomplies dans le Christ, qui convertit les païens à la foi dans le vrai Dieu (Rom., xv, 8 s.). C’est que David élait la figure ou le type du roi messianique : nulle figure n’est plus clairement et plus fréquemment enseignée ou supposée. De même Ps., xl, 7-y, dans Heb., x, 5-io ; xli, 10, dans Jean, xni, 18 ; Ps., lxix, 5 clans Jean, xv, 25 ; même Ps., xix, 10 dans Jean, , 7 et 7 ?ont., xv, 3 ; encore, 21dans./eara, xix, 28 ; ce sont tous des Psaumes qui portent au titre le nom de David. En conséquence, ce qui, Ps., lxix, 26 et cix, 8 est dit contre les adversaires du roi prophète, S. Pierre (Act., 1, 20) l’applique à la un malheureuse du traître qui vendit Jésus.

Il est aisé de voir la légitimité de ce procédé, qui repose sur la nature même, provisoire et figurative, de l’ancienne économie. La preuve a été développée dans ce même Dictionnaire à l’article Juif (tome II, col. >648-1651), auquel nous n’avons qu’à renvoyer. L’exégèse catholique, dans l’antiquité et au moyen âge, a fait un très large usage de ce principe. D’après plusieurs Pères, presque tous les Psaumes parleraient du Christ. C’est une exagération, qu’on doit d’autant plus volontiers pardonner à ces Pères, qu’ils parlaient en orateurs pour nourrir la piété des fidèles ; voir S. Hilairb, In Ps., Prolog., n. 5 (P. L., IX, 235). Mais le principe porte en lui-même la bonne règle pour éviter toute erreur. Tout ce qui ne se dit pas de David, ou d’un autre, en tant que figure du Christine saurait être appliqué au Christ sans danger (Voir S. Hilaire, 1. c.).

Plus que ces deux sortes de Psaumes messianiques (qu’on comprend souvent sous un seul nom de messianiques au sens spirituel, ou même U piqué), la troisième classe rendra des services solides et durables à l’apologétique : c’est la classe des Ps. messianiques au sens littéral, ou. purement messianiques. Ils ne sont pas bien nombreux ; mais, par contre, ils sont riches d’idées et de scènes grandioses. On peut ainsi les grouper par ordre logique (non chronologique) :

La promesse : Ps. lxxxix,

L’intronisation : Ps. xi.v,

L’empire pacifique : Ps. lxxii, Les ennemis et les luttes : Ps. 11. ex, Les souffrances : Ps. xxii,

La résurrection : Ps. xvi.

1. Voir la l’ « et la 5’règle herméneutique de Hillel (flor. 30 av. C. — 10 ap. J.C.) dans Javish Eucyclopedia, XII (1907), p. 32-33. '.89

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Parlons brièvement do /^..lxxxix, qu’on peut placer en tête comme/)ro/oj » iie au messianisme des Ps. Dans sa partie centrale (vv. ao-38) il ne fait que mettre en vers coulants le message envoyé par Dieu à David par le moyen du prophète Nathan, tel qu’il se lit dans H Sam., vii, 8-13 et I Par., xii, 7-15.

Celte magnifique charte de la royauté davidique se compose de deux articles ouéléments : l’un absolu, essentiel ; l’autre conditionnel, accessoire. Premier article :

Il (David) m’invoquera : « Tu es mon père,

mon Dieu et le rocher de mon salut. »

Et moi je ferai de lui le premier-né

le plus élevé des rois de la terre.

Je lui conservera ! ma honte à jamais,

et mon alliance avec lui sera indissoluble.

J’établirai sa postérité pour une durée éternelle

et son trône aura les jours des cieux (27-30).

Voilà ce à quoi Dieu s’oblige en tout cas, et voilà ce qui s’est accompli en Jésus-Christ, d’après ces paroles de l’Ange à la Vierge Mère : « Vous enfanterez un Fils et vous lui donnerez le nom de Jésus. Il sera grand, on l’appellera le Fils du Très-haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n’aura point de fin. » (Luc, 1, 3a ss.) C’est l’éternité du royaume spirituel, religieux.

L’autre article, ou élément, promet aussi la prospérité du royaume matériel, terrestre ; mais à la condition que les descendants de David seront fidèles de leur côté à leurs devoirs envers Dieu :

Si *es fils abandonnent la loi,

et ne marchent pas selon mes ordonnances ; ’ils violent mes préceptes

et n’observant pas mes commandements ;

je punirai de la verge leurs transgressions

et par des coups leurs iniquités (vv. 31-33).

L’histoire nous dit que la condition n’a pas été remplie par tous les fils de David. Ce royaume terrestre a eu une lin. C’était l’enveloppe extérieure, caduque, de la promesse divine. La chute de cette enveloppe n’a fait que donner plus d’éclat à la substance intérieure de l’élément essentiel.

Le Ps. xlv est assez ordinairement considéré aujourd’hui par les exégètes catholiques’, comme nn épithalaræ composé pour les noces d’un roi davidique (Salomon, disent la plupart) avec une princesse (la fille de Pharaon, dans le cas ; voir III Rois, iii, 1) ; ce serait alors un chant messianique au sens typique déjà expliqué. On ne saurait rejeter cette interprétation à base historique, pour la raison que le texte original a pu subir çà et là quelques retouches ; il est même probable qu’au v. 8 à la place de « Dieu, ton Dieu » on lisait d’abord

« Iahvéton Dieu » (voir Crampon). Tel qu’il est, tel

qu’il se présente déjà dans la version des lxx, ce beau chant est purement messianique et célèbre les noces mystiques duMessie avec l’Eglise qu’il a associée à sa gloire. A tout le moins, texte et versions témoignent que l’interprétation messianique de ce Ps. est aussi ancienne que tous nos documents ; elle est tenue par la très grande majorité des catholiques. Le royal époux y est appelé Dieu ( 7), on exalte sa beauté, sa grâce (3), sa vaillance (4-6), sa justice tempérée de douceur (5-7 s.) ; on le félicite de sa noble épouse, de ses princes, de son peuple, ou plutôt des nombreux peuples, qui seront fiers d’être ses sujets

1 Ce psaume est regardé comme messianique au sens typique par Bossuet, Dom Calmet, Jansenius de Gand, Le Hir, Patrizi, et plus près de nous par le Card. Meignan, Crampon, Higgins, Perez-Gonzalo, Hoylau.

(10-18). Nous pouvonsbien y voir le chant de l’intronisation idéale du Christ.

Même divergence d’opinion pourl’inlerprétation de Ps. lxxii, si ce n’est que l’explication historicoprophetique ou typicomessianique rallie un plus grand nombre de catholiques. Sans doute, ce qu’on souhaite ou ce qu’on prédit ici (v. 8-1 1) au roi, dépasse l’horizon d’un roi palestinien ou même de tout roi de la terre ; c’est une raison pour dire que le psaume se rapporte directement au Messie. Ce qu’il importe surtout de remarquer dans cet hymne sublime, c’est qu’on nous présente la douce figure d’un roi tout appliqué à faire le bonheur de son peuple, et surtout à relever le sort des pauvres, des faibles, des malheureux (vv. a-4 ; ia-15). N’est-ce pas là la marque donnée par Jésus lui-même de sa mission ? Voir Mail., xi, a-6 ; Lue., iv, 17-21 ; VII, 18-35.

Cet empire pacifique et bienfaisantn’ira pas toutefois sans opposition acharnée. C’estcette opposition que mettent en scène les deux Psaumes Il et ex. On dirait volontiers deux chants jumeaux. Dans tous les deux, le Messie (ainsi formellement appelé, 11, 2) vient d’être établi par lahvé lui-même sur son trône, sur la sainte montagne de Sion (11, 6 ; ex, 2) ; de nombreux ennemis, rois et nations, se rebellent contre cette royauté du Christ (11, 1-2 ; ex, 1. 5 ss.) ; le Christ-Roi, soutenu par une force divine, s’avance contre eux et les écrase sans peine (11, 9 ; ex, 5 ss.) ; son empire s’établit ainsi définitivement sur toutes les nations du inonde (11, 8 ; ex, 6).

La dignité royale du Christ est ainsi mise en relief dans les deux Psaumes. Le triomphe est présenté sous des images guerrières, qui paraissent jurer avec la douceur de l’Agneau de Dieu ; mais elles relèvent de la rude main qui les a tracées. Ce n’est pas à tort que la tradition attribue ces deux Psaumes à David, qui « était homme de guerre et a versé le sang » (I Par., xxviii, 3). Mais chacun des deux a un trait spécial.

Dans 11, c’est la filiation divine :

lahvé m’a dit : Tu es mon Fils, je t’ai engendré aujourd’hui (7).

Ces mots sont-ils à prendre dans un sens strict, propre, qui importe la génération naturelle ; ou dans le sens métaphorique, auquel sufTilVadoption’ ! Sans doute, le verbe engendrer (héb. yalad) indique ailleurs (Deut., xxxii, 18) l’adoption du peuple hébreu comme fils de lahvé (comparez Osée, xi, 1), ou même la formation des montagnes dans l’œuvre de la création (Ps., xc, 2). Chaque roi descendant de David, Dieu a bien voulu (nous l’avons vu) l’appeler

« Mon fils ». Mais jamais à aucun individu, en

dehors du Messie dans ce Ps., Dieu n’a dit : « Je t’ai engendré. » On a prétendu que c’est là une formule officielle, par laquelle les rois de l’ancien Orient, à leur avènement, voulaient faire reconnaître leur origine divine, se faire croire dieux eux-mêmes.

« La génération divine, est (dit-on) une métaphore

pour désigner le couronnement. Mais on ne cite aucun appui solide à cette théorie extraordinaire » (P. LAGHANOR.dans Rev. Bill., 1900, p. l-2).Ku contraire, les bas-reliefs des temples égyptiens (par ex. dans la chambre dite de la nativité, au temple de Louqsor) montrent encore à nos yeux de quelle façon crue, matérielle, on concevait cette filiation divine dès la conception du futur roi’. Il faut donc prendre ici la génération au sens propre, naturel.

1. Voir surtout A. Moret, Du caractère de la royauté pharaonique (Paris 1902), p. 39.48-52. Tables dans A. Gayet, Le temple de Lousor (Mémoires de ! mission arch. française au Caire, XV), |>. 99-10Î, pi. LXII, 491

PSAUMES

492

Génération éternelle du Verbe (pour parler le langage de la théologie chrétienne, basée sur une révélation postérieure), ou génération temporelle ? — Le mot aujourd’hui (en hebr. hayyém signifie aussi tel jour : Job, i, 6 ; I Sam., i, 4 ss., etc.), l’autorité de S. Paul (Ad., xiii, 33)et l’usage de l’Eglise, qui chante ce Ps. à Noël, nous invitent à y voir la génération temporelle du Christ. Mais on ne peut exiger, de ces vieux textes, des précisions, que seule la suite de la révélation a pu autoriser. Il reste qu’ici la personne du Messie dépasse inliniment, par son origine, tout ce qui est humain.

La génération éternelle du Messie serait clairement affirmée dan » Ps., ex, 3, si on était sûr que la version des lxx ('i De mon sein avant l’aurore, je t’ai engendré », dirait Dieu au Seigneur, le Messie) répond au texte original. Ma19 le texte masorétique et toutes las autres versions y sont contraires ; d’autres difficultés philologiques s’y opposent, et il est remarquable que ce verset n’est jiunais cité dans lo Nouveau Testament, pas même dans Héb., v, 5-6, où le contexte suggérait et exigeait presque la leçon des lxx ; l’Apôtre cite à la place ii, 7. Pour ces raisons, l’apologiste prudent s’abstiendra de se prévaloir de ce texte pour prouver la divinité du Messie.

Le Ps. ex, de son côté, ajoute au portrait du Messie un trait de première importance : la dignité sacerdotale.

Le Seigneur l’a juré, il ne s’en repentira point ;

Tu es prêtre pour toujours

à la manière de Melcbisédec (4).

La formule ne manque pas de solennité. Impossible de la faire tomber sur un roi de la dynastie asmonéenne, comme on l’a voulu, ou sur un descendant de David, à part le Messie, qui aurait réuni dans sa personne les privilèges de David et de Lévi, du roi et du prêtre, précisément comme Melchisédec. Le Pb.cz et son jumeau le Ps. n sont purement messianiques et excluent toute autre interprétation. Tous deux sont cités expressément dans le N. T. à témoigner en faveur de la divine mission de Jésus (Mat., xxii, 4 1 -45 ; Marc, xii, 35-3^ ; tue, xx, l-kh ', Act., ii, 34 s. ; iv, 25 s. ; xiii, 33 ; Hébr., i, 13 ; v, 5 s., etc.).

La personne du Messie est ainsi dessinée dans tous ses traits les plus saillants ; son activité de même. Il ne reste plus à parler que de deux faits, qui, dans l'œuvre de Jésus-Christ, jouent un rôle immense : de sa passion et de sa résurrection.

David étant le type du Messie, tous ces Psaumes davidiques (nous avons dit qu’ils sont la grande majorité) qui furent dictés sous le coup de la souffrance, pourraient se prendre (au sens typique) comme prédictions des souffrances du Christ. Mais il en est un qu’on regarde à bon droit comme le Psaume de la Passion par excellence : c’est le Ps.xxn. Jésus lui-même, sur la croix, s’est appliqué le premier verset (Mot., xxvii, C> ; Marc, xv, 3.4). L’Evangéliste (Jean, xix, a/|) fait expressément remarquer comment le v. 2<) s’est accompli dans la passion du Sauveur. Enfin certains détails sont si frappants et pourtant si identiques dans lo Psaume et l’Evangile, (comparez 8 s. avec Mat., xxvii, 5g-£3 ; 17 s. avec Marc, xv, 24, Jean, xix, 2/1), qu’on doit conclure : Voilà bien ici la prédiction et là l’accomplissement.

Le v. 17 a donné lif u à une célèbre controverse critiqueOn sait que, là on la Vulgate lif : « Ils ont percé xm » mains etmes pied a », I hébreu nia-oi ri.'que dit ; « Comme

un lion me » maïs. 1 ic. » Graphiquement la différence

( —t minime : Kaaru. kaari. l’fsllftfruons d’abord la question de lecture et celle du sens Puiir la lecture, s’il est un fait avéré, c’est <jii « les plus anciens et pins nombreux témoins du texte (ux, Syriaque [uila, S. Jérôme,

les Midrocliim ra biiiiques, rte boni manuscrits hébreux ;

voir (JirssisuRU, Introduction tothe massoretico-critical édition, London 1897, p. 968 ss.) ont lu un verbe à la 3* personne du pluriel, c.-à-d. kaaru. L’autre leçon (avec yod) ne figure que dans Symmaque (ii J siècle après J.-C.), le Targum (v s.) et le texte ordinaire de la Masore (x* s.). Le poids penche décidément an faveur de kaaru.

Le sens de ce mot n’a pas la même évidence. Mais l’autorité des lxx, comme témoins de l’exégèse juive avant l'ère chrétienne, a ici une valeur exceptionnelle : leur version ( « ils ont percé » ou « creusé ») est celle aussi qui cadre le mieux avec le contexte, malgré une petite anomalie d’orthographe. Ajoutons que, parmi ceux quiadoptent lu leçon yod à la fin, plusieurs, tels que le Targum et une note de la Masore elle-même (voir Ginsburg, 1. c. p. 970), y voient une forme verbule et non un nom ( « comme un lion »). Critique et exégèse sontdonc décidément pour la leçon de la Vulgate =lxx.

D’ailleurs le Juste soutirant du Ps. xxu est très semblable au Serviteur de lahvé chez Isaïe, xi.11. xlix-i.iu. C’est une figura si idéale, qu’on doit dans les deux cas y reconnaître le Messie soutirant. Où trouvai' dans l’histoire d Israël une autre personne qui en vérifie la description ? Dans le Ps., on ne souligne pas, comme dans Isaïe, que le Juste souffre pour les péchés des autres. Muis deux idées fécondes sont propres au Ps. : 1° La passion de ce Juste aboutit, par la délivrance (on ne dit pas de quelle sorte), à un sacrifice d’action de grâce, autrement dit à un sacrifice eucharistique (23-27). N’avons-nous pas le droit d’y voir une image de cet auguste Sacrement, de cette Eucharistie, qui est « un perpétuel souvenir de la Passion » du Christ ? — 2" Dernier ell’et de cette passion et de ce sacrifice, c’est que tous les peuples se convertiront au culte du vrai Dieu, du Dieu d’Israël (£8-32).

Autre prédiction qui s’accomplit dans l'œuvre de Jésus. Nous venons de parler de la délivrance. Elle fait encore lesujet du Ps. xvi, dont lesvv. 9, 10 sont cités par les princes des Apôtres comme preuve de la résurrection de Jésus-Christ. Nous avons déjà fait remarquer plus haut (11, 2, C) avec combien de raison. Il ne nous reste qu'à conclure : très riche est la moisson qu’offre le Psautier à l’apologiste pour démontrer par la prophétie la divine mission de Jésus-Christ.

III. — MuttALE

I. Idées dominantes. — A) Religion et culte. — Sur la morale des Psaumes, on peut tout dire en un mot : c’est la morale même des prophètes, c’est-à-dire la plus haute expression de la morale dans l’A. T. La Loi, dont l’observance l’ait les devoirs extérieurs de l’homme et conduira les Juifs à un formalisme sec et vide, est très en honneur comme œuvre de Dieu, comme parole de Dieu, dans les Ps., xix, Sss. | cxix. xxxvii, 31 ; mais elleest rarementrappelée ; évidemment, ce n’est pas là-dessus qu’insistent lea Psalmistes. On trouve même, Ps., ii, une cha fond contre le formalisme religieux, qui, content d’immoler à Dieu des victimes, négligeait les devoir6 de justice, de chasteté, de charité envers le prochain (<omp. « *3., i, 16-17 ; LVnI i M lcn -< vi, 6-8 ; Os., vi, 6 ; Jer., vii, 21-27, eU ')- Ailleurs, plus discrètement, on fait entendre la supériorité des vertus morales sur les pratiques extérieures de la religion (Ps., xi., 7-y ; li, 18 ; lxix, 32 ; iv, 6 ; xxvn 4- ss.). Le péché, dont tant de Psaumes inspirent une si grande horreur (v, 5-i 1 ; vii, 4-6 ; XI j xii ; xiv, eto.), n’est pas la pure infraction d’une loi pénalo ou rituelle ; c’est un attentat aux bases mêmes de la morale (xi, 3 ; lxxxii, 5). « Qui est digne d’entrer dans le Sanctuaire ? » demandent plusieurs Psaumes (xv. xxiv. xxvi. ci). Et la réponse est toujours :

« l’homme au cœur pur, aux mains (œuvres) innocentes, qui ne fait pas de tort à son prochain, qui ne

ment pas » etc. ; c’est leportrait de l’homme honnête. On ne se contente pas même des œuvres ; c’est au cœur, au tréfonds de la conscience, qu’on pénètre

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PSAUMES


pour le sanetiner (it, ">. v, 10. xvii, 3. xxvi, 2. ii, Il etc.). La religion est bien à la base de toute morale (cxi, 10) ; maise’est, on l’a vii, la religion de l’esprit.

B) Vertus individuelles. — Il tient à la nature religieuse >lu livre lui-même, que dans les Ps., parmi les vertus individuelles, tiennent une placeéminente un courage héroïque, fondé sur une inébranlable confiance en Dieu (111, G s. iv. 6-9. xviii, 29-37, xxui. XX vu. xxxiii, 16-30. xlvi. xci. cxlvi) et une profonde /uim/71fé vis-à-vis du Très- Haut (vm. xi ; xxxvi, 12. xi. îx, 7 s. ; i.n ; i.xxv, 5-6 ; ci,."1-7 ; cxxxi. cxliv, 3). Nous avons déjà prévenu une objection tirée de quelque apparence de vauterie (ci-dessus II, aJ3).

G) Vei tus sociales. — On pourrait résumer les devoirs sociaux, tels que nous les présente le Psautier, en deux mots : franchise et générosité ? ce sont les deux traits qui distinguent le caractère chevaleresque. Que de t’ois et avec quelle force les Ps. flétrissent le mensonge, la duplicité, la fraude (v, 7 ; xii, 3 s. ; xv.xxiv, 4 ; xxviii, 3 ; xxxiv, ’ ; xxxvi, 2-5 ; xxxviu, 13 ; l, 19 ss. ; LU. lv, io-15 ; lvii, 5-7 : lviii. lix. un, <j m ; lxiv. ci, 5 ; cxx. cxl) et l’oppression des faillies, des petits (ix.x. xii, 6 ; xxxvii, 14 s. ; xli. lmv. lxxxii. xciv. cxlvii, 3). Là encore, c’est l’écho de la prédication des prophètes (voir, par ex., /.>-., 1, 17-24 ; Jer., vii, 6 ; xxii, 3 ; Ez., xxii, 7 ; Zach., vu, 10 ; Mal., lii, 5)le >>t l’avaul-goùt de la prédication de Jé-uis. A tous égards, on peut dire que le Psautier é ait vraiment une digne préparation à cette < adoration en esprit et vérité » qui est caractéristique de lEvangile (Jean, iv, 20), à cette loi d’ainoui’qui en est comme l’essence.

II. Objection : Psaumes imprécatoires. — Mais on l’ait une grave objection à ce que nous venons de dire : l’esprit de vengeance que respirent plusieurs Psaumes, les terribles imprécations lancées contre les ennemis. On connaît les longues litanies de maux souhaités dansPs. lxix. cix. xxxv, 3-8 ; lviii, 7-10 ; lxxxiii, 10-18. Et ces courtes phrases

Le juste aéra dans la joie à la vus de In vengeance ; il baignera ses pieds dans le sang des méchants

[(lviii, 11)

Fille do Babylone, vouée a la ruine,

heureux celui qui te rendra

le ma] que tu nous as fait.

Heureux, celui qui saisira tes petits enfants

et les brisera contre la pierre ! (cixxvi, 8 ss.)

ne trahissent-elles pas une cruauté détestable ? Pourrait-ce être là des sentiments inspirés par Dieu ? Ou plutôt ne devrait-on pasdire à ces auteurs ce que Jésus répondit aux « tils du tonnerre » qui voulaient invoquer le feu du ciel sur les Samaritains : « Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes » (l.uc, x, 55) ? Sans doute, ces expressions peuvent choquer des âmes chrétiennes, imprégnées de la douceur de l’Evangile. Il ne faut pas oublier que le doux Jésus, au moment même de promulguer la loi d’amour et du pardon, a souligné la distance qui sépare la nouvelle Loi de l’ancienne : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi’. Et moi je vous dis : Aimez vos ennemis, etc. » (Mat., v, 43). Pourtant, il serait injuste d’exagérer cette distance, et avant de taxer

t. Sur ce » paroles « Tu haïras ton ennemi », remarquons : 1’qu’elles ne sont pas dan » la lettre, mais plutôt dans l’esprit de la Loi mosaïque ; 2° que le mot haïr , en hébreu est beaucoup moins hostile qu’en français : souvent il est simplement l’opposé de préférer^ favoriser ; on peut le traduire par négliger, laitier de CÔU.

d’immoraux les passages ci-dessus cités, il faut les placer dans leur milieu et accorder les circonstances atténuantes. D’abord, dans l’exclamation du Ps., o.xxxvi, quia le plus scandalisé, il ne faudrait voir autre chose qu’une façon poétique d’exprimer ce qui se passait ordinairement à la prise d’une ville ennemie. Les cruautés barbares, les scènes féroces qui s’étalent sur les monuments assyriens à pareille occasion, sont trop connues pour que nous insistions. Dans la poésie brûlante et imagée des Orientaux, mainte expression qui nous choque (telle que Ps., lviii, i i) n’a rien que d’innocent.

Autre caractère de ces imprécations, qu’il faut toujours avoir présent. Presque toutes sont d< s prières adressées à Dieu. Or n’est-ce pas déjà un mérite que de laisser à Dieu la vengeance, sans l’exer cer soi-même ? Lisons le chapitre I Sam., xxiv. Cesl très émouvant. David aurait pu, d’un coup, tuer Saiil, qui en voulait à sa vie, et se délivrer ainsi de toute persécution et de tout danger. Il se contenta de lui couper le bord du manteau, et encore s’en repent il tout de suite. Et pourtant, cet homme ^i clément, si respectueux du roi, aussitôt après, crie à son persécuteur : « Que lahvé soit juge entre moi et toi, et que lahvé nie venge de toi ; mais je ne porterai point la main sur toi » (n. 13). Et une autre fc is, après un fait tout pareil : « Si c’est lahvé qui t’excite contre moi (dit David), qu’il agrée le parfum d’une offrande ; mais si ce sont des hommes, qu’ils soient maudits devant lahvé » (xxvi, kj). C’est bien le même homme et le même esprit qui débute ainsi dans le Ps. xxxv :

« lahvé, combats ceux qui me combattent : 

fais la guérie a ceux qui me font la guerre ! Tire la lance et barre le passage à mes persécuteurs » etc.

Et peu après :

Ils me rendent le mal pour le bien…

et moi lorsqu’ils étaient malades, je revêtais un abc,

J’affligeai mon a me par le jeûne… (12 s).

Et ailleurs :

En retour de mon affliction ils me combattent, et moi, je ne fais que prier (cix, ï).

Voilà bien un cœur accessible aux plus doux sentiments ! En s’interdisant à lui-même de se venger, il pourra d’autant mieux recommander à Dieu d’exercer la justice contre ses injustes agresseurs.

C’est donc bien dans des sentiments de justice, plutôt que de vengeance, que ces imprécations ont été proférées ; justice d’autant plus nécessaire que le crime était plus grave, et que les mœurs dans une société mal organisée réclamaient un châtiment exemplaire. De semblables imprécations se lisent dans Jérémie, dont le noble caractère ne saurait faire le moindre doute (Jer., xi. 20 ; XVU, iH ; xx, iiss.).

Un autre sentiment encore plus noble se fait jour çà et là dans le contexte même de ces anathèmes.

Châtie-les, Dieu ! Qu’ils échouent dans 1cm s desseins ; k cause de leurs crimes sans nombre, précipite-les ; Car ils sont en révolte coistke toi (v, H). Ne Hois-je pa.-, lahvé, haïr ceux qui te haïssent, avoir en horreur ceux qui s’élèvent contre I

[(CXXXIX.

Couvre leurs faces d’ignominie,

afin qu’ils cherchent ton nom, lahvé (lxxxiii, 17-19. [Voir aussi lu ; lxiv, 8 Ainsi, à la justice, se mêle souvent le zèle religieux, soit pour l’honneur de Dieu, soit pour I. version des méchants. On se persuadera facilement de la réalité de ces deux louables sentiments dans 495

PURGATOIRE

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les psaumes nationaux (par ex., lxxix.lxxxiii etc.), où l’on a en vue, non les adversaires d’un particulier, mais les ennemis du peuple élu. Car le nationalisme n’esl-il pas déjà une forme de l’altruisme ? Et le sort de la religion elle-même ne dépendait-il pas du sort du peuple hébreu ? Dans la conception ancienne, l’ennemi du peuple de Iahvé était bien l’ennemi de Iahvé lui-même.

L’inspiration, d’ailleurs, loin d’être inconciliable avec ces malédictions, leur confère deux caractères particuliers, qui leur enlèvent ce qu’elles paraissent avoir de haineux.

D’abord, ces hommes inspirés par Dieu, en prononçant ces imprécations, se faisaient l’organe de la justice de Dieu, déclaraient ses jugements ou ses menaces. Puis, les menaces passant en faits, les malédictions se traduisaient en prédictions, telles que les ont considérées ordinairement les Pères de l’Eglise et S. Pierre lui-même (Act., , 20). L’usage public de ces psaumes imprécatoires, loin d’êlreimmoral, devait plutôt maintenir dans le peuple l’horreur pour le crime. Ces terribles malédictions contre les méchants devaient faire sur l’esprit des auditeurs une impression analogue à ces malédictions, non moins terribles et plus nombreuses encore, prononcées dans le Pentaieuque contre les transgresseurs de la Loi (Lév., xxvi, 14-4"j ; Veut., xxviii, 15-68).

C’est bien dans cet esprit de justice, de zèle, d’horreur pour le crime, que même des lèvres chrétiennes peuvent encore réciter ces Psaumes, sans contrevenir aux recommandations de leur divin Maître, gardant pour le péché toute la rigueur de l’ancienne Loi et nourrissant pour le pécheur toute la douceur de la nouvelle.

Bibliographie. — La plupart des questions ici traitées se trouvent développéesdans les Manuels d’Introduction spéciale à l’Ancien Testament, dans les Dictionnaires de laBible(art. Psaumes) etdansles Commentaires des Psaumes. Parmi ces derniers signalons Bossuet (Dissertatio de Psalmis), Calmet, Patrizi (Cent Psaumes, Paris, 1890), Lesêtre (Sainte Bible de Lelhielleux), Petit (Sainte Bible, Arras). De môme dans les suivants :

Ouvrages généraux (Les auteurs non catholiques sont marqués d’un*) : Card. Meignan, David roi, psalmis te, prophète. Paris, 1893. — Vigouroux (F.), Les livres saints et la critique rationaliste, vol. V, sec. 2. — Thein (J.), The Bible and rationalism. Part. II (S. Louis, 1901). — *Pinfold (J. T.), Songs of the Jewish Church. Lond., igi 3.

— *Sharpe, Sludent’s Handbook to the Psalms. Lond., 1894.

Etudes spéciales : sur I, d : Goossens (E.), Die Frage nach Makkab. Psalmen. Munster, 1 g 1 4 ; — sur IF (Doctrine) : J.Konig, Die Théologie der Psalmen. (Frib. enB., 18Ô7) ; sur If, 2 : *Balla E., Das Ich der Psalmen’, Gottingue.igi 2. — Atzberger(L.), Die Christ. Eschatologie… im A. u. N. Test. (Frib. en B., 1890), p. 40-58 ; — Durand (A.), La rétribution de la vie future dans les Psaumes (Etudes, lvxi, p.3283’|8 ; — sur II, 3 : Schilling, Vatic’niia Messiana, vol. IL — Caillard (V.), Jésus-Christ et les prophéties messianiques d’Israël, p. i.’i-ioo (Paris, iy"">).

— Corluy, Spicilegium dogmatico-biblicum, vol. II. — *Gindraux (J.), Les espérances messianiques d’Israël (Lausanne, 1900), II, p. 9-1. r >o. — Maas (A. J.), Christ in type and prophecy, 2 vol. Xew-York, 18g3. — Lagrange (J. M.), Notes sur le messianisme dansles Psaumes(Rev. Bibl., 1900, p. 3g ss. ; 188 ss.).

A. Vaccari, S. J.