Dictionnaire de Trévoux/1re édition, 1704/Tome 1/001-010

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Fascicules du tome 1

Dictionnaire de Trévoux, 1704
Tome 1, pages 001 à 010

pages 011 à 020


n’empêcha pas que les Abbés, ou Archimandrites, ne fussent fort considérés dans l’Église orientale, où ils ont toujours tenu un rang, & ils y ont même été préférés aux Prêtres.

La dignité d’Abbé n’est pas moins considérable aujourd’hui qu’elle l’a été autrefois. Selon le Droit commun, tout Abbé doit être régulier ou Religieux ; parce qu’il n’est étably que pour être le Chef & le Supérieur des Religieux : mais selon le Droit nouveau, on distingue deux sortes d’Abbés ; sçavoir l’Abbé régulier, & l’Abbé commendataire. Le premier, qui doit être Religieux, & porter l’habit de son Ordre, est véritablement titulaire. Le second est un séculier, qui est au moins tonsuré, & qui par ses Bulles, doit prendre l’ordre de la Prêtrise quand il aura atteint l’âge, quoyque le mot de Commendataire insinue qu’il n’a l’administration de l’Abbaye que pour un temps, il en possede néanmoins les fruits à perpetuité, étant entièrement substitué aux droits des Abbés Réguliers ; en sorte que l’Abbé Commendataire est véritablement Titulaire par ses Bulles, où on luy donne tout pouvoir, tam in spiritualibus quam in temporalibus, c’est-à-dire, tant au spirituel qu’au temporel ; & c’est pour cette raison qu’il est obligé par les mêmes Bulles, de se faire promouvoir dans le temps à l’ordre de Prêtrise. Cependant les Abbés Commendataires ne font aucunes fonctions pour le spirituel, ils n’ont aucune juridiction sur les Moines. Et ainsi ce mot de in spiritualibus, qu’on employe dans les Bulles, est plutôt du style de Rome, qu’une réalité. Les plus sçavans Jurisconsultes de France, & entre autres du Moulin & Loüet, mettent la commande inter titulos Beneficiorum, c’est-à-dire, entre les titres de Bénéfices. Ce sont des titres Canoniques qui donnent aux Commendataires tous les droits attachés à leurs Bénéfices. Mais comme ces provisions en commende sont contraires aux anciens Canons, il n’y a que le Pape seul qui puisse les accorder par une dispense de l’ancien droit. V. le mot de Commande & Commendataire.

Les Abbés Commendataires étant séculiers, n’ont aucune juridiction sur les Moines. Quelques-uns néanmoins prétendent que les Cardinaux, dans les Abbayes qu’ils ont en commande, ont le même pouvoir que les Abbez Réguliers. On donne pour exemple M. le Cardinal de Boüillon, qui en qualité d’Abbé Commendataire de Cluny, avoit le gouvernement spirituel de tout l’Ordre de Cluny, comme s’il en étoit Abbé Régulier. On répond à cela, que M. le Card. de Boüillon ne jouissoit pas de cette juridiction spirituelle en qualité de Cardinal Abbé Commendataire, mais par un bref particulier du Pape. M. le Card. d’Estrées, Abbé Commendataire d’Anchin en Artois, ayant voulu joüir de ce même droit à l’égard des Religieux de cette Abbaye, en fut exclus par un Arrest du grand Conseil daté du 30 Mars 1694.

Il n’y a que les Abbez Réguliers que l’on bénisse, les Commendataires ne l’ont jamais été. Le pouvoir que quelques Abbez ont de donner la tonsure, n’appartient aussi qu’aux Abbez Réguliers, mais ils ne la peuvent donner qu’à leurs Religieux. Le P. Hay Moine Bénédictin dans son Livre intitulé Astrum inextinctum, assure que les Abbez de son Ordre ont une juridiction comme Episcopale, & même comme Papale, potestatem quasi Episcopalem, imò quasi Papalem, sur tous les Religieux, & que c’est par cette raison qu’ils conferent à leurs Moines la Tonsure & les Ordres Mineurs. Il se peut faire qu’en Allemagne les Abbez de l’Ordre de S. Benoît joüissent de ce privilege, mais ils n’en joüissent point aujourd’hui en France, bien que quelques Abbayes prétendent avoir ce droit en vertu de leur exemption.

Abbé de Cour. On entend par-là un jeune Ecclésiastique poli & dans les manières & dans les habits : cela marque du déreglement & quelque chose de profane. Bouh. On y joint une idée de délicatesse, de volupté & de galanterie. On suppose d’ordinaire plus de science du monde dans un Abbé de Cour, que d’étude de la Théologie.

Abbé, se dit aussi de quelques Magistrats ou personnes laïques & séculières. Chez les Génois il y avoit un principal Magistrat qu’on appelloit Abbé du peuple. En France il y a eu plusieurs


Seigneurs, sur tout du temps de Charlemagne, à qui on donnoit le soin & la garde des Abbayes, qu’on appelloit Abbacomites.

Dans les anciens titres on trouve que les Ducs & Comtes ont été appellés Abbez, & les Duchez & Comtez, Abbayes : & plusieurs Seigneurs & Gentilshommes, qui n’étoient aucunement Religieux, ont aussi pris ce nom, comme remarque Ménage après Fauchet & autres.

On appelle aussi Abbé, celui qu’on élit en certaines Confréries & Communautés, particulièrement entre les écoliers & les Garçons Chirurgiens, pour commander aux autres pendant un certain temps. A Milan, dans toutes les Communautés de Marchands & d’Artisans, il y en a de preposez qu’on appelle Abbez. Et c’est de-là apparemment qu’est venu le jeu de l’Abbé, dont la regle est, que quand le premier a fait quelque chose, il faut que tous ceux qui le suivent, fassent de même.

Abbé, se dit proverbialement en ces phrases. On vous attendra comme les Moines font l’Abbé, c’est-à-dire, en mangeant toûjours : en commençant à dîner. On dit encore, pour un Moine on ne laisse pas de faire un Abbé, pour dire, que l’opposition d’un particulier n’empêche pas la délibération d’une compagnie, ou la conclusion d’une affaire. On dit en proverbe Espagnol, Como canta el Abad responde el Monazillo ; & en François, le Moine répond comme l’Abbé chante, pour dire, que les inférieurs tiennent le même langage, ou sont de même avis que les supérieurs. On appelle par raillerie, Abbez de sainte Espérance, ceux qui prennent la qualité d’Abbez sans avoir d’Abbaye, & quelquefois même de Bénéfice.


AbBECHER. v. a. Donner la béchée à un oiseau qui n’a pas encore l’adresse de la prendre lui-même. Escam ingerere. Ce mot vient de à & de bec, c’est-à-dire, Mettre au bec. Nicod.

En Fauconnerie on dit, Abbecher l’oiseau, pour dire, lui donner une partie du pât ordinaire pour le tenir ou pour le mettre en appetit, dans le dessein de le faire voler un peu après.

AbBÉE. s. f. Ouverture par où on laisse couler l’eau d’un ruisseau ou d’une rivière, pour faire moudre un moulin, & qui se peur fermer avec des pales ou lançoirs. Il en est fait mention dans la Coutume de Louis, cap. 10. Ce mot peut venir de baye ouverture.

AbBESSE. C’est le nom qu’on donne à une Religieuse qui est Supérieure d’une Abbaye. Elle a tous les mêmes droits sur ses Religieuses, que les Abbez Reguliers ont sur leurs Moines, parce qu’elles sont revêtües de la même dignité. Leur sexe ne leur permet pas à la vérité de faire les fonctions spirituelles qui sont attachées à la Prêtrise. Mais il y a des Abbesses qui ont droit, ou plûtost un privilege, de commettre des Prêtres pour ces fonctions. Elles ont même une Juridiction comme Episcopale, aussi bien que quelques Abbez Réguliers qui sont exempts de la juridiction de leurs Evêques. V. Exemption.

AbBOI. substantif masc. On disoit autrefois abay. Le cri d’un chien. Ce mot est factice & formé sur le son des chiens qui crient, ou abboyent. L’abboi des chiens fait connoître le lieu où est le gibier. l’abboi des mâtins est leur cri, quand ils sentent le loup, ou quelque chose d’étrange autour de la maison. Au premier abboi que fait le limier, le loup sort de son liteau, Saln.

On dit proverbialement, Tenir quelqu’un en abboi, pour dire le repaître de vaines esperances.

Aboi, se dit aussi de l’extrémité où est réduit le cerf sur ses fins ; car alors on dit, qu’il est aux abbois, qu’il ne peut plus courir, qu’il manque de force & de courage. Ultima cervi deficientis necessitas. On ne s’en sert dans ce sens qu’au pluriel.

Abbois, se dit figurément de l’homme, & signifie l’agonie, ou la dernière extrémité. Il est réduit aux abbois ; c’est-à-dire, il se meurt. Animam agere. Expirare. On dit aussi, qu’une place est aux abbois, lorsqu’elle ne peut plus tenir, & qu’elle est sur le point de se rendre ; qu’un procès est aux abbois, quand il est presque jugé, ou perdu : qu’une fidélité est aux abbois, lorsqu’elle est presque vaincuë, & qu’elle est prête à succomber. Extrema, summa angustia. On y voit tous les jours l’innocence aux abois. Boil.


AbBOYEMENT. s. m. Le cri du chien. Latratus. Les longs & affreux abboyemens des chiens ont troublé mon sommeil.

AbBOYER, ou abbayer. v. n. qui se dit pour exprimer le cri des chiens. Latrare. Les chiens abboyent quand ils sentent des larrons. Il se met quelquefois activement : Ce chien abboye les passans.

Le chien qui de ses cris bat ces rives desertes,
Retint prés d’Abboyer ses trois gueules ouvertes.

dit Sar. sur la descente d’Orphée aux enfers.

Ce mot vient du latin adbaubare. Ménag. ou de boare, Latin qui vient de βοᾷν Grec : ou est un mot factice, qui imite le son que fait le chien en abboyant. Nicod.

Abboyer, se dit figurément des hommes, lorsqu’ils s’attendent à quelque chose, qu’ils la désirent & la poursuivent avec avidité. Inhiare. Cet avare, cet ambitieux, abboye après cette succession, après cette charge. Ce chicaneur abboye toujours après le bien d’autrui.

On le dit encore de ceux qui font crier après eux. Un Avocat demandant à quelqu’un qui lui disoit des injures, pourquoi m’abboye tu ? cet autre répondit, parce que je voi un voleur. Ablanc. Cet homme est si méchant, que tout le monde abboye après lui. Un satyrique abboye après les vices. C’est un medisant qui abboye tout le monde. Ablanc.

Je suis par-tout un fat, comme un chien suit sa proye,
Et ne le sens jamais, qu’aussitôt je n’abboye. Boil.

Je tiens qu’originairement abboyer & abbayer sont deux mots differens, & qu’abboyer s’est dit seulement au propre, du cri des chiens, ou de ce qui lui ressemble : & qu’abbayer s’est dit au second sens figuré, & est composé de bayerou béer, qui signifie, regarder attentivement, ou attendre impatiemment, ce qu’on fait ordinairement avec une bouche béante : mais que par abus l’affinité de ces mots les a fait confondre, & prendre l’un pour l’autre.

On dit proverbialement, Abboyer à la lune ; pour dire, Crier & pester inutilement contre une personne au dessus de soi. On dit aussi, Tout chien qui abboye ne mord pas, pour dire, que ceux qui menacent, souvent ne font pas grand mal.

AbBOYEUR. s. m. Latrator. Qui abboye. Un chien qui est grand abboyeur est importun. On appelle Abboyeurs, une sorte de chiens pour le sanglier qui abboyent devant lui sans l’approcher.

On le dit aussi figurément des hommes qui crient, & qui pressent avec importunité. Voilà bien des abboyeurs. Il a des abboyeurs à ses côtés. Ablanc.

AbBREUVER. v. act. Adaquare. Donner à boire aux chevaux & au bétail. On abbreuve les chevaux deux fois par jour. Anciennement on disoit abbeuvrer, & par transposition de lettres l’on a dit abbreuver. Dans une vieille chartre de l’an 1343, il est parlé de l’éponge dont J. C. fut abbreuvé. L’Auteur de Flandria illustrata rapporte une lettre très-ancienne, où l’on trouve enbuver les chevaux.

Abbreuver, signifie aussi Humecter & imbiber d’eau. Humectare, Imbuere. Il faut abbreuver ces tonneaux, cette cuve, avant que d’y mettre la vendange. Ce drap est abbreuvé d’eau. La terre est abbreuvée par les pluyes. Abbreuver les prés, c’est les arroser, y faire venir de l’eau par le moyen des saignées. Les porositez des corps sont abbreuvées des humeurs cruës, épaisses, froides.

Abbreuver, v. act. Terme de Vernisseur. On dit dans ce sens que la première couche de vernis ne se met que pour abbreuver le bois.

Abbreuver, se joint avec le pronom personnel. En ce cas il signifie, Boire, s’enyvrer. Inebriari. Ce jeune homme s’étoit si bien abbreuvé, qu’il bronchoit à chaque pas.

Abbreuver, signifie figurément, Instruire, prévenir quelqu’un par quelque chose, & l’en remplir. Imbuere. Il l’a abbreuvé de cette opinion. J’en suis abbreuvé depuis ma jeunesse. Tout le monde est abbreuvé de cette nouvelle. Souvenez-vous de ces sources immortelles où vous vous êtes abbreuvés des saintes eaux de la sagesse. Patru.

Abreuvé, ée. part. pass. Imbutus.

Sitôt que du Nectar la troupe est abreuvée. Boil.

AbBREUVOIR. s. m. Lieu où on abbreuve les chevaux. Aquarium. Mener les chevaux à l’abbreuvoir. Il se dit plus précisément d’un glacis le plus souvent pavé de grais, & bordé de pierres, qui conduit à un bassin, ou à une rivière, pour abbreuver les chevaux. Dav. Il se dit aussi de l’endroit d’un ruisseau où les oiseaux vont boire. On prend des oiseaux à l’abbreuvoir, en y mettant grand nombre de petits gluaux. La vraie heure de tendre à l’abreuvoir est depuis deux heures du matin jusqu’au soir, demi-heure devant le soleil couché ; mais le meilleur tems c’est sur les dix heures jusqu’à onze, & depuis deux heures jusqu’à trois ; & enfin, une heure & demie devant le coucher du soleil, que les oiseaux viennent en foule à l’abbreuvoir. Chomel.

Abbreuvoir, en tèrmes de Maçonnerie, se dit des intèrvalles que les Maçons laissent entre les joints des pièrres, pour y faire entrer du mortier. En ce sens l’on se sèrt plus souvent du mot godet. Bima.. Les Anglois se servent du mot abbreuvoir dans ce même sens.

On dit provèrbialement d’une plaie large & sanglante, que c’est un abbreuvoir à mouches. Il lui a porté un coup à la tête, & lui a fait un grand abbreuvoir à mouches. Ablanc. On dit aussi qu’un bon cheval va bien tout seul à l’abbreuvoir, quand on se léve de table pour prendre soi-même à boire au buffet. Ces phrases sont du stile burlesque.

ABC.

A. B. C. on prononce abécé, s. m. Rudimentum. Alphabet de la Langue Françoise. C’est aussi un petit livre qui sert à apprendre à lire aux enfans. Cet enfant est encore à l’abécé.

Abécé, signifie aussi le commencement d’une science, ou d’une affaire ; le principe d’un art. Prima Elementa. Quand on pense avoir pénétré les secrets de la nature, on se trouve encore à l’abécé. Renvoyer quelqu’un à l’abécé, c’est le traiter d’ignorant. C’est dans le même sens qu’on appelloit l’Empereur Justin αναλφάβεθη. Ce mot est composé des trois premières Lettres de l’alphabet François, comme le Grèc, qui lui répond, des deux premières. Alpha & Beta. Les Espagnols l’appellent Cartilla ; les Italiens Abaco, & les Anglois Abacus, qui vient du Grec άβακος.

ABÉCÉDAIRE. s. m. Qui est encore l’abécé. Elementarius. S. Jérôme & S. Fulgence, 3. Mythol. CX, disent Abecedarius, a, um. On se moque d’un vieillard abécédaire, qui est encore à l’abécé, qui ne sait rien. On a donné le titre d’Abécédaire à un livre de Pièrre d’Alva sur la Conception de la Vièrge en vingt-un volumes, dont la prémière lettre A contient trois gros vol. in-fol. imprimez à Madrid en 1648. Il est intitulé, Abecedarium Marianum.

ABD.

ABDICATION, s. f. Démission, acte de renonciation à une Charge, à une Magistrature. Abdicatio. Il faut remarquer que l’abdication diffère de la résignation, en ce que l’abdication se fait purement & simplement, au lieu que la résignation se fait en faveur d’une tièrce pèrsonne.

On dit, L’abdication d’un fils rebelle & désobéïssant. Dans le Droit Civil l’abdication est opposée à l’adoption. L’abdication n’étoit différente de l’exhérédation que dans cette circonstance : c’est que le fils abdiqué étoit exclus de la famille & de la succession paternelle, par un acte public pendant la vie du père ; au lieu que l’exhérédation n’avoit d’exécution qu’en vèrtu de son testament. Les causes de l’abdication étoient les mêmes que celles de l’exhérédation. Harris, dans son Dictionnaire Anglois des Arts, dit qu’on trouve qu’abdication s’est dit encore d’un homme libre qui renonce à sa condition pour se faire esclave, ou d’un Citoyen Romain qui renonce à cette qualité & aux priviléges qui y étoient attachez.

On dit aussi au Palais, faire une abdication de biens, quand on en fait un abandonnement entier.

ABDIQUER, v. act. Renoncer à une Magistrature, à une Charge, s’en dépoüiller, l’abandonner. Abdicare. Dioclétien & Charles-Quint ont abdiqué l’Empire. Il se dit aussi absolument ; ce Prince a été forcé d’abdiquer.

On dit en Droit, Abdiquer un fils, pour dire, l’abandonner, le chasser de sa maison, ne le reconnoître plus pour fils. C’est l’exhéréder, & le priver de tous les avantages attachez à sa qualité de fils. Est quasi negare filium.

Abdiqué, ée, participe passif & adjectif. Abdicatus.

ABDOMEN, s. m. Terme de Médecine, qui sign. la partie extérieure du bas-ventre, depuis les cuisses en remontant jusqu’au diaphragme. Il se dit quelquefois, mais improprement, des parties contenues dans le bas-ventre. Les Grecs l’appellent επιγάστριον & les Arabes mirach.

ABDUCTEUR. adj. m. Abductor.C’est une épithète que les Médecins donnent au quatrième muscle des yeux, qui les fait mouvoir en dehors, & regarder de côté pour marque de mépris & de dédain : c’est pourquoi on l’appelle aussi orgueilleux, & indignabundus, ou dédaigneux, fastidiosus. On le dit aussi des muscles du pouce, & d’autres parties du corps qui se peuvent mouvoir en dehors.


Ce mot vient du Latin abduco, qui signifie Emmener.

ABE.

ABEILLE. s. f. Insecte volant, grosse mouche qui a un aiguillon fort piquant, & qui fait le miel & la cire. Apis. Swammerdam en fait la description, aussi-bien que des bourdons appellés fuci. A l’égard des abeilles qui font le miel, qu’il appelle, apes operariæ, il dit qu’on ne peut découvrir si elles sont mâles ou femelles ; mais dans le roi & les bourdons, les parties qui servent à la génération, sont très-perceptibles. Jean de Horn, fameux Anatomiste, a fait voir les œufs des abeilles dans la femelle, que l’on nomme ordinairement le roi. Elles ont un tissu dont elles sont enveloppées, qui est ourdi de même que celui des vers à soie. Swammerdam montre aussi des rayons de miel où l’on voit les appartemens du roi & des autres abeilles. On découvre sensiblement dans les abeilles les poumons composez de deux petites vessies. Leur gouvernement ne consiste que dans un amour mutuel, sans qu’elles aient la moindre supériorité les unes sur les autres. Les abeilles servent d’aliment aux hirondelles, qui ont l’adresse de les prendre en volant. C’est pourquoi lorsqu’il va pleuvoir, & qu’il y a peu de ces petits animaux dans l’air, les hirondelles descendent vers la terre pour y chercher leur aliment : d’où est venue l’erreur de croire qu’elles prédisent la pluye. Il y a aussi des mouches d’eau, qui portent les aiguillons dans la bouche, aussi-bien que tous les autres insectes aquatiques. Aldrovandus les décrit sous le nom d’abeilles amphibies ; & Jonston les appelle abeilles sauvages. Il y a une espèce d’abeilles sauvages qu’on trouve dans les jardins & dans les bois. Swammerdam en fait voir de six sortes. Il y en a qui ont des cornes fort longues ; d’autres dont le corps est velu. Mouffet les appelle abeilles solitaires dont le nid est fait de gravier, de sable & d’argile. Il fait voir aussi sept sortes de guêpes. Il y en a aussi de bâtardes, qu’on appelle pseudophecæ. Hoefflnagel en a dépeint de 24. sortes, entre lesquelles il y a une mouche à trois queues, en latin vespa. Il y en a une que Goedart appelle gloutonne & dévorante, que quelques-uns nomment muscalupus, parce qu’elle dévore sa proye avec les dents.

Le roi des abeilles est femelle, & jette environ six mille œufs par an. Il est deux fois plus gros que les autres abeilles. Il a les ailes courtes, les jambes droites, & marche plus gravement que les autres. Il a une marque au front. Pline dit que le roi des abeilles n’a point d’aiguillon. Quelques-uns prétendent qu’on remarque dans la république des abeilles une régularité & une subordination admirables ; qu’on y voit une distribution bien réglée des emplois ; un ordre, & un concert aussi parfait qu’entre des esprits qui conspirent à l’exécution d’un même dessein. Ce que Virgile dit que les piqûres des abeilles leur coûtent la vie, parce qu’elles laissent leur aiguillon dans la plaie, Animas in vulnere ponunt, n’est point véritable, & les Naturalistes n’en demeurent pas d’accord. C’est le seul insecte né pour l’utilité de l’homme, à ce que dit Pline, Liv. ii. En quoi il se trompe, car il devoit du moins ajoûter le ver à soie. Il raconte plusieurs merveilles des abeilles, aussi bien que Mathiole, touchant leur œconomie. Il raconte plusieurs merveilles des abeilles, aussi bien que Machiole, touchant leur œconomie, qui sont telles, que le Philosophe Aristomache employa 60. ans en leur contemplation. Quelques-uns croyent qu’on peut faire des abeilles par art. Lorsqu’on tuë un bœuf en Été, & qu’on l’enferme dans une chambre basse bien close, pour le laisser pourrir dans son cuir, ils prétendent qu’au bout de 45. jours il en sort une infinité d’abeilles. Les principaux des Anciens qui ont parlé des abeilles, sont Aristote, Hyginus, Virgile, Celse, Marc Varron, &c.

Abeille, est l’une des douze constellations australes, qui ont été observées par les Modernes depuis les grandes navigations. Ozan. Elle est composée de quatre étoiles de la cinquième grandeur.

Abeille, se dit quelquefois figurément de ceux qui parlent, ou qui écrivent élégamment. Xénophon a été appelé la Muse & l’abeille Athénienne, à cause de la douceur de son stile. M. Scud.

ABEsTIR. v. act. Hebetem, stupidum reddere. Rendre un homme stupide & semblable à une bête par de mauvais traitemens. Son


fils est tout abêti. Nabuchodonosor fut abêti par un juste jugement de Dieu. Les yvrognes s’abêtissent par l’excès du vin. Les afflictions, la solitude abêtissent les gens. Ce verbe est quelquefois neutre. Hebescere. On dit, Cet enfant abétit tous les jours.

Abesti, ie. part. & adj. Hebes.

ABH.

AB HOC ET AB HAC. Mots empruntés du Latin. On s’en sert en style familier, pour dire, Confusément, sans ordre, sans raison, à tort & à travers. Temerè, inconsideratè, inconsultè. Discourir ab hoc & ab hac.

ABHORRER. v. act. Avoir en horreur, détester ; avoir de l’éloignement & de l’aversion pour une personne. Abhorrere. C’est un mélancolique qui abhorre le mariage. Un tyran est un monstre que tout le monde abhorre. Tout animal abhorre la mort. Un Chrétien doit abhorrer le blasphème. On dit aussi, S’abhorrer soi-même dans l’agitation & dans les remords d’un crime.

 Objet infortuné des veangeances célestes,

Je m’abhorre encor plus que tu ne me détestes.
Racin.

ABI.

ABJECTION, s. f. Condition servile qui fait tomber une personne dans le mépris. Abjectio. La fortune a réduit ce Gentilhomme dans une grande abjection. Quelques-uns ont écrit abjection d’esprit, pour dire, Abattement d’esprit. Le mérite des premiers Chrétiens, des premiers Religieux, a été de vivre dans l’abjection, dans l’humilité, dans le mépris du monde. Ce mot vieillit ; on ne s’en sert guères que dans des livres de dévotion.

ABJET, ette, adj. Méprisable. Abjectus, contemptus. Il se dit surtout de la naissance & de la profession. Une naissance abjecte, un métier abject, un homme abject. On le dit aussi de l’esprit, du courage. C’est un esprit vil & abject, une ame basse & abjecte, qui n’a aucune élévation, qui ne pense à rien de grand. Le commencement des autres arts est bas & abject, mais celui du parasite est illustre, & commence par l’amitié. D’Ablanc. Par les exemples qu’on vient de citer, on peut remarquer que le terme abject marche rarement seul, & sans être accompagné d’une autre épithète qui lui sert de commentaire & d’explication. On le trouve seul dans Vaugelas :La gloire qui s’acquiert sur des ennemis abjects perd bientôt son lustre. Ce mot vient d’abjectio, qui signifie, Jetter par mépris abandonner une chose comme inutile.

ABIME, ABIMER. Voyez Abyme}}, Abysmer.

AB-INTESTAT. Terme de Jurisprudence, qui se dit de celui qui hérite de droit d’un homme qui n’a point fait de testament, & qui avoit pourtant le pouvoir de tester. Intestato. On ne dit point d’un mineur qu’il est mort ab-intestat ; mais on dit d’un fils qu’il est héritier de son Père ab-intestat. Il y a eu un temps où l’on privoit de sépulture ceux qui étoient décédés ab-intestat :ce qui donna lieu à un Arrêt du 19. Mars 1409. portant défenses à l’Evêque d’Amiens d’empêcher, comme il faisoit, la sépulture des décédés ab-intestat.

ABJURATION, s. f. Renonciation solemnelle à une erreur, à une Hérésie. Erroris confessio ac detestatio. C’est aussi l’acte en forme, par lequel on justifie que l’on a abjuré. Son abjuration est signée de l’Évêque.

ABJURER, v. act. Renoncer solemnellement à quelque mauvaise doctrine, à des maximes erronées. Errorem damnare, detestari. Cet homme a abjuré les erreurs de Socin. On dit simplement & absolument, il a abjuré ; pour dire, il a changé de Religion, il s’est converti. On a dit autrefois, abjurer sa Patrie ; pour dire, Quitter la Province pour n’y plus retourner, comme font les bannis & les proscrits. Abnegare Voyez Abjuration.

L’usage de ce terme n’est pas restreint aux matières de Religion. Il sert à exprimer qu’on renonce pour toûjours à certaines choses, & qu’on les abandonne. Il a abjuré la Poësie. Scar. Elle a abjuré tout sentiment de pudeur & de vertu. Pasc. Abjuré, ée. part. pass. & adj. Damnatus, abjectus, repudiatus.

ABL.

ABLAB, s. m. Arbrisseau de la hauteur d’un sep de vigne, dont les rameaux s’étendent de même. Il croît en Egypte, & subsiste un siècle, également verd en hyver & en été. Ses feuilles ressemblent à celles de nos fèves de Turquie, & ses fleurs qu’il porte deux fois l’an, au printemps, & en automne, sont presque pareilles. Cette plante produit des fèves qui servent de reméde contre la toux & contre la rétention d’urine. Les Égyptiens s’en nourrissent.

ABLAIS, s. m. Terme de Pratique en quelques Provinces. Dépouille de bleds. La Coûtume d’Amiens défend d’enlever les fruits, & ablais, quand ils sont saisis, sans donner caution au Seigneur de ses droits.

ABLATIF, s. m. Terme de Grammaire. Sixième cas de la déclinaison du nom & du participe, qui exprime un rapport de séparation, de division, ou de privation. Ablativus Casus, auferendi casus. On dit aussi ablatif absolu, quand il est sans régime. On l’a nommé autrefois ablatif égaré. On dit populairement ablativo tout en un tas ; c’est-à-dire, tout ensemble, avec confusion. Le mot d’ablatif Latin a été fait ab auferendo. Priscien l’appelle aussi comparatif, parce qu’il ne sert pas moins à comparer qu’à ôter, parmi les Latins. Les Grammairiens prétendent que les Grecs n’ont point d’ablatif.

ABLE, ou ABLETTE, s. m. Petit poisson plat & mince, qui a le dos verd & le ventre blanc. Alburnus. Il se trouve dans les riviéres. Il semble que ce mot vient d’albus, & qu’on dit able, pour albe, à cause de sa blancheur, par une simple transposition de lettres assez ordinaire dans les Langues.

ABLERET, Terme de pêche. C’est une espèce de filet carré attaché au bout d’une perche, avec lequel on pêche les ables, ou autres petits poissons : ce qui est permis par plusieurs Coûtumes. On l’appelle en quelques païs trable-etiquette, ou simplement Carré..

ABLOQUIEZ, adj. plur. Terme de Coutume. Celle d’Amiens défend aux Tenanciers de démolir aucuns édifices abloquiés & solivés, dans l’heritage qu’ils tiennent en roture, sans le consentement de leur Seigneur. Ces mots viennent apparemment de amovere à loco & à solo.

ABLUTION, s. f. Ablutio. Qui n’est en usage en François que pour signifier cette goutte de vin & d’eau qu’on prend après la Communion, pour consommer plus facilement la Sainte Hostie, ou qui sert à laver les doigts du Prêtre qui a consacré, ou dans quelque autre cérémonie ecclésiastique. Faire l’ablution. De là vient qu’on appelle aussi ablution, le vin que l’on mettoit dans un calice pour le donner aux enfans, à qui l’on administroit autrefois la Communion sous la seule espéce liquide. On voit cette coutume dans quelques Rituels voisins du douzième siècle. La ressemblance de cette action avec l’ablution que prennent les Prêtres à la Messe, lui a fait donner le même nom.

Ablution, se dit aussi chez les Religieux qui portent des habits blancs, de l’action de les blanchir & de les nettoyer. Lotio, lotura. Il y a des écriteaux qu’on met dans les cloîtres pour marquer les jours d’ablution.

Ablution. Les Médecins & les Chirurgiens appellent ablution, une préparation du médicament dans quelque liqueur, pour le purger de ses immondices, ou de quelque mauvaise qualité.

ABN.

ABNÉGATION, s. f. Terme de dévotion. Renonciation à ses passions, à ses plaisirs, à ses intérêts. Abnegatio. L’abnégation de soi-même est nécessaire pour la perfection Chrétienne. Il n’est guère en usage que dans cette phrase, & pour signifier un renoncement de soi-même, & un détachement de tout ce qui n’a point de rapport à Dieu. L’abnégation & la haine de soi-même recommandées dans l’Evangile, ne sont pas une haine absolue de nous-mêmes, mais de notre corruption. Fenel. La pauvreté religieuse renferme une abnégation & un renoncement sincère à tout ce qui n’est point Dieu, & qui ne peut contribuer ni à sa gloire ni à son service. Ab. d. l. Tr. Vivre dans une sincère abnégation. Id. Ce terme vient du Latin abnegare, qui signifie désavouer, ne vouloir point reconnoître une chose comme sienne.



ABO.

ABOI, Voyez Abboi.

ABOILAGE, s. m. Vieux mot qui se trouve encore dans quelques Coutumes, & qui signifie un droit du Seigneur sur les abeilles qui se trouvent dans les forêts de leurs Châtellenies. Il a été formé d’aboilles, qu’on disoit autrefois pour abeilles. Ménag.

ABOLIR, v. act. Mettre quelque chose hors d’usage, l’abroger, l’annuller. Abolere, abrogare, refigere. Le Magistrat a aboli cette méchante coutume. Le Roi a aboli une telle Loi, une telle procédure ; il a entièrement aboli les duels. Il signifie encore, Détruire, anéantir. Le temps a aboli les plus beaux Monumens de l’antiquité. Il n’y a que le Roi qui puisse abolir un crime ; c’est-à-dire, absoudre le coupable, & l’exempter du châtiment. On dit aussi abolir, ou effacer la mémoire & le souvenir des choses passées. Oblitterare memoriam. Abolir, ou bannir la superstition. Superstitionem tollere. Abolir ou révoquer les impôts. Le temps qui consume tout, abolit tous les jours les noms & les titres qui sont gravés sur ces magnifiques monumens. Bouh. Ce mot vient du Latin abolere, ita extinguere & delere, ut ne oleat quidem.

Abolir, se dit aussi avec les pronoms personnels. Les Mandats Apostoliques se sont abolis par un non usage. Il ne faut pas souffrir que les bonnes coutumes s’abolissent.

Aboli, ie, part. pass. & adj. Abolitus, abrogatus. Loi abolie, Crime aboli.

ABOLISSEMENT, s. m. Abrogation, extinction. Abolitio legis. L’abolissement, ou l’abrogation des Loix se fait par l’établissement des nouvelles. L’abolissement des coutumes arrive par le temps, & par le non usage. L’abolissement des cérémonies Judaiques a été l’effet de la Prédication de l’Évangile.

ABOLITION, s. f. Terme de Chancellerie. Abolitio criminis. Lettres de pardon du Prince, par lesquelles il abolit entièrement un crime qui n’est pas remissible par les Ordonnances, sans même qu’on soit tenu d’en expliquer les circonstances, & de les rendre conformes aux informations, ainsi qu’il est requis aux Lettres de grace, qui ne s’accordent que pour les cas remissibles. Absolutoriæ litteræ. Les Lettres d’abolition doivent contenir cette clause : En quelque sorte & manière que le cas puisse être arrivé. Celui qui obtient l’abolition de son crime se met au nombre des innocens, & reprend son premier rang, Liv. III. ff. de accusat. De Roch. Quoique la parole d’un Roi soit un fondement inébranlable ? néanmoins en matière de crime de Lèze-Majesté, il faut toujours faire entériner les Lettres d’abolition au Parlement. Matthieu, en la vie de Henri IV. Liv. V. De Roch. L’amnistie est une abolition générale de tout ce qui s’est commis durant la Guerre Civile. Un vrai acte de contrition emporte l’abolition de tous les péchés : en ce cas il signifie Absolution.

Abolition, signifie aussi la destruction d’une Loi, d’une Coutume. On a eu bien de la peine à faire une entière abolition des superstitions Payennes. L’entière abolition de l’Ordre des Templiers.

ABOMINABLE. adj. m. & f. Horrible, détestable, exécrable. Abominandus, detestandus. Le repas d’Atrée & de Thyeste fut un repas abominable. Néron étoit un monstre abominable, L’hérésie d’Arius étoit abominable. Le parricide est un crime abominable. Il se dit par exagération de tout ce qui est très-mauvais. Une phrase abominable, une musique abominable.

ABOMINABLEMENT. adv. Exécrablement, horriblement. Abominandum, detestandum in modum. Il en a usé avec lui abominablement ; c’est-à-dire, d’une manière détestable : & par exagération, il écrit abominablement.

ABOMINATION. s. f. Horreur, exécration. Abominanda, detestanda res. L’Eglise a cette opinion en abomination. Le Seigneur a en abomination les sanguinaires. Saen. Ce scélérat est en abomination à tous les gens de bien. Ce mot signifie aussi la chose, ou la personne même abominable. Ce brigand commet tous les jours mille abominations. Il est l’abomination de tous les gens de bien.

ABOMINER. v. a. Vieux mot qui n’est plus en usage. Avoir en horreur. Abominari, execrari.

Ces mots viennent d’abominari, comme qui diroit, ab omine rejicere, rejicere tamquam malum, Rejeter une chose comme si elle étoit de mauvais augure.

ABONDAMMENT. adv. En abondance. Abundanter, abundè, copiosè, cumulatè. Cette source donne de l’eau abondamment. Ce champ me fournit abondamment dequoy vivre.


Le Parasite ne seme ni ne moissonne, & trouve tout abondamment.

ABONDANCE, s. f. Foison, grande quantité, affluence de plusieurs choses en un même lieu. Abundantia, copia. La commodité des rivières amène l’abondance à Paris. Le luxe, les plaisirs, enfans de l’abondance. Cail. On se lasse des plaisirs, & l’abondance engendre le dégoût. Ablanc. L’abondance n’est pas toujours la marque de la perfection des Langues. Bouh. Tu épouseras une femme gentille, qui fera venir l’abondance chez toi. Mol. Il étoit dans une heureuse abondance de toutes choses. Patr. Il fit un fonds dans les années d’abondance, pour passer celles de stérilité. Gomb. Il a abondance de bien, ou des biens en abondance. L’Auteur du Dictionnaire Œconomique rapporte plusieurs manières, ou secrets de faire une grande abondance de bled, de crème, de pèches, de poires, &c. On dit aussi, abondance de droit. Dieu verse sur nous ses graces en abondance. Une année d’abondance.

On appelle la corne de la chèvre Amalthée, la corne d’abondance. Copiæ cornu. En Sculpture & en Peinture, c’est une figure de corne d’où il sort des fruits. L’Architecture de ce Palais est ornée par-tout de cornes d’abondance. A l’égard des Médailles on observe qu’elle se donne à toutes les Divinités, aux Génies, aux Héros, pour marquer les richesses & l’abondance, procurées par la bonté des Dieux, & par la valeur des Héros. Quelquefois l’on en met deux pour marquer une abondance extraordinaire.

L’abondance est quelquefois représentée sur les Médailles, sous la forme d’une Divinité. Elle tient à la main des épics, & elle a à ses pieds un pavot entre des épics sortant d’un boisseau.

On dit proverbialement, De l’abondance du cœur la bouche parle ; pour dire, qu’on ne peut retenir certaines choses, & qu’on est pressé de s’en expliquer.

ABONDANT, ante. adj. Qui a abondance, Abundans, affluens, circumfluens. Un jardin abondant en fruits. La langue Grecque est fort abondante en mots & en phrases. Cette maison est abondante en biens. Ce Prédicateur est abondant en paroles & en comparaisons. La Perse étoit alors paisible & abondante en toutes choses. Vaug.

Abondant, signifie encore, grand & ample. Une pluye abondante. Une abondante nourriture. La profusion des louanges est aujourd’huy si abondante, qu’il est surprenant que tant de gens en soient si avides. Port-R.

d’Abondant. adv. En outre. Insuper, prætereà. Il lui a dit cela d’abondant. Ce mot vieillit, & ne se dit guère qu’au Palais. Vaug.

ABONDER. v. n. Avoir beaucoup de quelque chose. Abundare, affluere, circumfluere. Ce pays abonde en froment, en vin, en fourrages. Cet homme abonde en richesses, en esprit. Toutes sortes de délices abondent en ce lieu. Voit. L’eau abonde en cet étang. Cette famille abonde en honnêtes gens.

On dit figurément, qu’Un homme abonde en son sens ; pour dire, qu’il est attaché avec opiniâtreté à ses opinions, & qu’il ne veut jamais s’en rapporter au sentiment des autres. Pertinax. On parleroit mal en disant, Abonder en son sentiment, quoyque sens & sentiment soient icy la même chose. Vaug.

Il abonde en malice, en mauvais raisonnemens. L’Écriture dit que la grace abondera où le péché a abondé. On dit proverbialement, Ce qui abonde ne vitie pas.

Ces mots viennent du Latin abundare, qui vient de unda, & qui se dit en premier lieu des rivières quand elles sont grosses, & ensuite par rapport de toutes les choses qui sont en grande quantité.

ABONNEMENT, ou ABOURNEMENT, ABONNAGE, ou ABOURNAGE. s. m. Traité ou convention, par lequel on abonne, c’est-à-dire, on vend ou on rachete à un prix certain une redevance incertaine. Clientelaris juris venditio, vel redemptio. Ce mot vient de ce qu’on met de certaines bornes & limites aux droits incertains qu’on pourroit prétendre. Paq. On disoit même autrefois bonnes pour bornes, ou limites. C’est pourquoi on disoit, Abonner un héritage ; pour dire, y mettre des bornes. Ménag. Il est abonné à tant par an pour tous droits Seigneuriaux. Ce Marchand est abonné à cent écus par an avec le Douanier, pour les droits d’entrée de toutes ses marchandises. Il se dit avec le pronom personnel : Je m’abonnai, je suis abonné. Par plusieurs Coutumes les roussins de service sont abonnés à un écu.

Abonner ou abourner. v. a. Terme de Palais. Estimer & réduire à une certaine somme d’argent un droit qu’on recevoit ou qu’on payoit en espèces, & dont le prix étoit incertain. Clientelaria jura vendere, vel redimere.

Abonner, signifie aussi, Aliéner, changer : c’est quand un vassal aliène ses rentes, ou change son hommage en quelque autre devoir. Abalienare, commutare. Voyez les Coutumes d’Anjou & du Maine. L’ancienne Coûtume de Tours portoit aliéner, au lieu d’abonner, qui est en la nouvelle.

Abonne’, e’e, part. Venditus, vel redemptus. Champart abonné ou abourné. Les Coutumes font aussi souvent mention d’hommes & de femmes serfs abonnés, de quête abonnée, d’aides abonnées ; c’est-à-dire, fixées.

On dit aussi, Des Meûniers abonnés au Seigneur, pour avoir permission de chasser, & de chercher les mounées dans sa Seigneurie.

On dit aussi, Taille abonnée en la Coutume de Nevers, & abournée en la Coutume de Troyes.

ABONNIR. v. act. & pron. Rendre meilleur, ou devenir meilleur. Rem meliorem facere, meliorem fieri. Les Cabaretiers trouvent moyen d’Abonnir leur vin par des drogues qu’ils y mêlent. On le dit aussi avec le pronom personnel. Cet homme s’abonnit tous les jours depuis qu’il hante les gens de bien. Les fruits s’abonnissent en mûrissant. Ce mot se tire du Latin bonus, bon. Il n’est en usage que dans la conversation.

Abonnir, terme de Potier, qui signifie Faire sécher le carreau, & le mettre en état de rebattre. Siccare, durare.

ABORD. subst. m. Entrée, accès, approche. Aditus. Les abords de cette place sont dangereux. Toutes les côtes d’Angleterre & de Hollande sont de difficile abord. Lecommerce fleurit d’ordinaire dans les ports qui sont de facile abord. Ce mot est composé de à & de bord, signifiant rivage.

Abord, se dit aussi de l’accès qu’on donne aux personnes qui ont à faire à nous. Le premier abord de cette femme est froid, & dédaigneux. Ce Prince a l’abord doux & gracieux. Sa bonté inspiroit de la confiance à ceux ausquels l’impression de ses grandeurs pouvoit faire appréhender son abord. Le P. Gail. Ce Juge est rebarbatif, il a l’abord brusque & désagréable. Il se dit aussi de la présence, de la vûe. Son abord importun me fait fuir. Préparez-vous à soutenir avec fermeté l’abord de votre Père. Mol.

Abord, se dit de l’affluence des personnes, ou des marchandises qui arrivent en un même lieu. Appulsus. Constantinople est une ville d’un grand abord. Il y a un grand abord de Pelerins à Rome pendant l’année du Jubilé. Il y a un grand abord de joueurs, de beau monde dans une telle maison. L’abord des Marchands étrangers se fait en la maison des Consuls établie dans les échelles d’Orient.

Abord, signifie encore, Arrivée. A notre abord dans l’Isle nous fûmes attaqués. Ablanc. Son abord dans le Royaume allarma tout le monde.

Abord, se dit aussi d’une attaque d’ennemis, soit par mer, soit par terre. L’abord des François est à craindre, on ne peut soutenir leur premier abord. L’abord fut rude quand on eut accroché le vaisseau. Impetus, assultus.

d’Abord, tout d’abord, de prime abord, à la première vûe, sont des phrases adverbiales. Primo aspectu, prima fronte. Du commencement. Principio, initio. Aux tables de Perse on sert d’abord le fruit & les confitures. Tout d’abord a une signification plus forte. Quoique je n’eusse point vu cet homme il y a long-temps, je le reconnus tout d’abord. Cette nouvelle me surprit d’abord. Au premier abord ils se regarderent fièrement.

d’Abord, incontinent. Aussitôt. Statim.

ABORDABLE. a. m. & f. Accessible, Ad quem facilis est aditus. Cette côte n’est pas abordable à cause des écueils. Cet homme est si glorieux, qu’il est abordable à peu de personnes.

ABORDAGE, s. m. Terme de marine, qui se dit lorsque deux vaisseaux se heurtent, ou s’accrochent pour se combattre. Appulsus. Aller à l’abordage, se dit de l’action d’un vaisseau qui en a joint un autre pour l’enlever. Faire l’abordage en belle ou debout au corps ; c’est-à-dire, l’éperon dans le flanc. L’abordage de franc étable, est celui qui se fait par le devant, & en droiture, pour s’enferrer par les éperons. L’abordage de bout au corps, c’est mettre l’éperon dans le flanc.

Abordage, se dit aussi du choc de deux vaisseaux du même parti, soit lorsqu’ils vont en flotte, soit lorsqu’ils sont en même mouillage ; ce qui arrive par la violence des flots ou des vents qui les portent, & qui les font dériver les uns sur les autres.

ABORDER, v. n. Arriver en quelque lieu, spécialement par mer ; prendre terre. Navem, classem ad portum appellere. J’aborde, j’abordai, je suis abordé. Les Marchands abordent de tous côtés à la foire de Beaucaire le 21. de Juillet. On ne convient pas qu’Enée soit abordé en Italie. Il n’est pas sûr d’aborder à cette côte, parce que la mer se retirant, les vaisseaux y demeurent à sec. Ablanc. Il ne put aborder à cause que la rive étoit escarpée. Id. Ils aborderent en des pays inconnus. Vaug. Il signifie, Arriver en foule. Les présens abordent chez moi de toutes parts. Ablanc. Il signifie encore, Entrer, parvenir. Nous ne pûmes aborder de la place, parce que toutes les avenues étoient gardées. Il fut impossible d’aborder jusqu’à l’autel à cause de la foule du Peuple.

Aborder, signifie aussi, Venir à bord d’un vaisseau. On a contraint ce vaisseau ennemi de mettre pavillon bas, & d’aborder. Accedere. On dit de deux vaisseaux qui s’approchant en droiture, s’enferrent par leurs éperons, qu’ils s’abordent de franc étable. On dit, Aborder au port, sur les rivières : mais en termes de marine, quand on veut dire gagner le rivage, on ne dit pas aborder, mais mouiller, toucher, rendre le bord.

Aborder, v. act. signifie, attaquer l’ennemi hardiment, tant par mer, que par terre. Aggredi, invadere. Les vaisseaux dans les batailles tâchent toujours d’empêcher qu’on ne les aborde. Ce bataillon aborda les ennemis avec une contenance ferme.

On dit aussi, Qu’on n’oseroit, ou qu’on ne peut aborder un lieu, à cause de la situation, ou de quelque autre obstacle qui le rend inaccessible, soit des voleurs, ou des bêtes farouches. Quand ce dogue est lâché, on n’oseroit aborder de la basse-cour.

Aborder, signifie aussi, Approcher quelqu’un pour lui parler. Adire aliquem, congredi cum aliquo. Ce Ministre est si honnête qu’on l’aborde facilement. Il l’aborda avec ce compliment : Les Grands doivent soulager le respect & la timidité de ceux qui n’osent les aborder. M. Esp.

Aborder la remise. Terme de Fauconnerie, qui se dit lorsque la perdrix poussée par l’oiseau a gagné quelque buisson : alors on aborde la remise sous le vent, afin que les chiens sentent mieux la perdrix cachée dans le buisson.

Aborde’, e’e, part. & adj. Appulsus.

ABORNER. v. a. Ce mot se trouve dans le Roman de la Rose, pour dire, Abhorrer : il vient d’abhorrere. Borel.

ABORTIF, ive, adj. Qui est venu avant terme, ou qui ne peut pas acquérir la perfection, ni la maturité. Abortivus. Il ne se dit guère que des plantes qui ont des fruits abortifs. On le dit pourtant d’un Enfant en cette phrase de l’Ecriture : Il vaudroit mieux être abortif. Et on s’en sert aussi souvent en Médecine. Ce mot vient du Latin aboriri, qui signifie, Venir avant le tems.

ABOUCHEMENT, s. m. Entretien de bouche, de vive voix, conférence. Collocutio. L’abouchement des Grands Princes a été souvent nuisible à leurs Etats. On a plutôt terminé une affaire par un abouchement d’une demie heure, qu’en trois mois de négociation par lettres.

Abouchement, Terme d’Anatomie. La rencontre & l’union de deux vaisseaux, des veines & des artères. Venarum, arteriarum concursus.

ABOUCHER, v. act. Aborder quelqu’un, lui parler tête à tête, conférer avec lui bouche à bouche. Colloqui. On ne peut aboucher cet homme là, tant il a d’affaires. Il signifie aussi, Faire conférer une personne avec un autre. Je les ai abouchés, & ils ont terminé leurs affaires. On le dit plus volontiers avec le pronom personnel. Il faut que ces chefs de Party s’abouchent ensemble. Les Rois de France & d’Espagne se


sont abouchés pour la Paix des Pyrenées en 1659.

Aboucher, se dit aussi dans les Arts, des tuyaux qui entrent l’un dans l’autre, qui se touchent, qui se communiquent. Tubum cum tubo jungere. On le dit particulièrement en Médecine des veines & des artères, & autres vaisseaux qui ont de la communication, dont les orifices se touchent.

ABOUEMENT, ou plutôt BOUEMENT, s. m. Terme de Menuiserie. On appelle assemblage d’abouement, celui où la plus grande partie de la pièce est quarrée, & la moindre partie à onglet.

ABOUGRI, ou plutôt RABOUGRI. Terme dont on se sert dans les forêts, pour signifier des bois de mauvaise venue, dont le tronc est court, raboteux, plein de nœuds, & qui ne poussent guère de branches. Arbor retorrida, perusta, scabra. Le bois abougri n’est point propre pour les ouvrages, & est sujet au recepage.

ABOUQUEMENT. s. m. En fait de salines, c’est une addition de nouveau sel sur un meulon, ou monceau de vieux sel, qu’on appelle vache. Recentis salis ad veteris cumulum accessio. L’Ordonnance défend l’abouquement, si ce n’est en présence des Officiers Royaux.

ABOUQUER. v. a. Faire un abouquement de nouveau sel sur du vieux sel. Veteri sali recentem addere.

ABOUTE’. adj. Terme de Blason, qui se dit de quatre hermines dont les bouts se répondent & se joignent en croix. Vellera velleribus in crucem obversa.

ABOUTIR, v. n. Finir, tendre, se rendre, terminer à un certain endroit, en toucher un bout. Terminari. Cette maison aboutit au grand chemin. Tous les rayons d’un cercle aboutissent à son centre. Cette Pyramide aboutit en pointe. Vaug.

Aboutir, se dit figurément en Morale, de la fin que les choses peuvent avoir. Spectare, pertinere. Ce procès a abouti enfin à une transaction. On ne sait où aboutiront tous ces grands desseins. Cette grande recherche n’aboutira à rien. Ce long compliment n’a abouti qu’à me demander de l’argent à prêter. Les murmures alloient aboutir à une sédition. Vaug.

Aboutir, se dit aussi en Médecine, d’une plaie qui vient à suppuration. Suppurare. On met des emplâtres, des cataplasmes, pour faire aboutir des bubons, des abcès, des froncles, des tumeurs.

Aboutir, en termes de Plombier, signifie, Revêtir de tables minces de plomb blanchi, une corniche, un ornement, ou toute autre saillie d’Architecture & de Sculpture de bois. Plumbeas lamellas operi sculpto superaddere. On se sert pour cela de coins, & autres outils ; mais ensorte que l’épaisseur du métal n’empêche pas que le profil ne se conserve. Quelques-uns disent amboutir.

ABOUTISSANT, ante. adj. Qui touche par un bout. Terminatus. Cette pièce de pré est aboutissante à la rivière par un bout, & par l’autre à la varenne.

On dit au substantif, Ce champ a la forêt & deux grands chemins pour ses tenans & aboutissans ; ce sont les bouts, & les côtés par où il tient à d’autres.

On dit au Palais, Donner une déclaration d’héritage par tenans & aboutissans, quand on désigne les bornes & les limites de tous les côtés : ce qu’on appelle autrement les bouts & joûtes. Fines laterum & capitum agri. Une saisie réelle des biens roturiers doit contenir tous les tenans & aboutissans.

On dit figurément, Sçavoir tous les tenans & aboutissans d’une affaire, d’une entreprise ; pour dire, En connoître parfaitement le secret, en savoir le fort & le foible, toutes les circonstances & les dépendances. Singula causæ capita, ordo rei & series.

ABOUTISSEMENT, s. m. Terme de couture. C’est une pièce d’étoffe que l’on coud avec une autre qui n’est pas assez longue pour aller jusqu’où l’on veut. Productio. Cette pièce est trop courte, il y faut mettre un aboutissement pour l’allonger.

ABOUTS, au lieu de BOUTS. s. m. Terme de Charpenterie, qui se dit des extrémités de toutes les pièces de Charpenterie & de Menuiserie mises en œuvre. C’est dans l’assemblage de la Charpenterie, la partie du bout d’une pièce de bois, depuis une entaille, ou une mortoise. Materiaræ structuræ extrema. Les Couvreurs disent aussi, On remanie about.

Tous ces mots viennent de bout.

ABOYER, Voyez Abboyer.

ABR.

ABRACADABRA. Terme Barbare, qui se trouve dans les Lettres de Voiture. C’étoit une inscription qui servoit de caractère pour guérir plusieurs maladies, & chasser les Démons. L’auteur de ce caractère superstitieux vivoit sous l’Empereur Adrien. Il reconnoissoit pour Dieu souverain Abracax, ou Abraxas, duquel dépendoient plusieurs autres Dieux, & sept Anges qui présidoient aux sept cieux. Il leur attribuoit 365. vertus, autant que de jours en l’an, & débitoit d’autres pareilles rêveries. On trouve chez les curieux plusieurs pierreries, sur lesquelles est inscrit ce nom Abracax. C’étoient les Gnostiques, les Basilidiens, & les Carpocratiens qui faisoient graver ces pierres, qui avoient des figures fort singulières, & qui représentoient quelquefois des Anubis, des têtes de lions, de dragons, &c, sur quoy Macarius & Chiflet ont fait des traitez. Gassendi, & Du Gange en font aussi mention,

Le mot qu’on a écrit ici, Abracax, doit être écrit en caractères Grecs, ΑΒῬΑΞΑΣ, parce qu’outre que ceux qui l’ont autrefois inventé parloient la Langue Grecque, on n’y trouvera pas le nombre de 365. Si on l’écrit en Latin, cette faute, qui est dans la plûpart des livres, vient de ce que la Lettre Grecque Sigma a la figure du C. Latin dans les anciennes inscriptions. Si donc on veut l’exprimer en latin il faut écrire Abrasax, & en lettres Grecques courantes, ou ordinaires, ἀβρασαξ.

ABREGE’, s. m. Sommaire, épitome, racourci ; discours dans lequel on réduit en peu de paroles ce qui est ailleurs plus ample & plus étendu. Epitome. Abrégé de l’Histoire Romaine. Mézerai a fait l’abrégé de sa grande Histoire en trois volumes in quarto.

On dit aussi, Un abrégé des merveilles du monde, quand on veut bien louer une chose, ou une personne qui a toutes sortes de perfections, & où on trouve tout ce qu’on peut voir de beau ailleurs. Orbis miraculum. Les Anglois disent que Londres est l’épitome, ou l’abrégé du monde. L’homme est appellé microcosme ; pour dire qu’il est un abrégé des merveilles de l’Univers. L’amour est la plénitude & l’abrégé de toute la Loi. Port-R. Voici l’abregé de toute la sagesse, & de toute la folie. Ablanc.

Abrégé, signifie aussi abréviation, retranchement de quelques lettres dans un mot, pour écrire plus promptement, & en moins d’espace. Compendium scribendi. Il est malaisé de déchifrer les abrégez qui sont dans les bulles, & les signatures de la Cour de Rome. Pelis.

Abrégé, en termes d’Organiste, se dit d’une certaine réduction des touches du clavier de l’orgue, qui a été inventée, afin que chaque touche qui n’a que deux pieds de long se rapporte à chaque soupape des sommiers, qui sont longs de 4. 5. ou 6. pieds ; ce qui se fait par plusieurs barreaux, pointes & chevilles : d’où vient qu’une marche du clavier fait souvent parler un tuyau fort éloigné. En examinant une orgue, on connoît que les abrégés sont bien faits, lorsque le clavier n’est point tardif à donner le vent aux tuyaux, lorsqu’il se ferme aisément, & qu’il n’est pas besoin d’enfoncer beaucoup les touches.

En Abrégé, adv. Sommairement, en peu de paroles. Summatim. Pour profiter de la lecture, il faut recueillir en abrégé ce qu’on trouve de plus curieux dans les Livres. Contez-nous la chose en abrégé, sans tant de circuits & de détours.

ABREGEMENT, s. m. Accourcissement. Contractio. Ce mot a été renouvellé, parce qu’il est très-commode. Le P. Bouhours le condamne pourtant dans cette phrase : Ceux qui ont voulu introduire l’usage des tables, semblent avoir été trompés par l’abrègement des paroles & du papier. Port-R.

ABREGER, v. act. Rendre en moins de paroles, ou renfermer dans un plus petit espace ; racourcir, resserrer ce qui est trop diffus. Con-


trahere. Abréger son discours, dire succinctement. On a abrégé le temps de son exil. Cette traverse abrége le chemin. Viæ compendium. Les jours de l’homme ont été abrégés, & réduits à 120. ans depuis le Deluge. Les excès abrégent la vie. Ablanc. Ce mot vient de abbreviare. Nicod.

Abrege’, e’e, part. & adj. Racourci, le plus court. Contractus. Chemin abrégé pour aller à la gloire.

Pour abréger, Façon de parler adverbiale ; pour dire, enfin, pour conclusion. Quid multa, ne longum sit. On dit aussi, Abrégez, quand un Supérieur est ennuyé d’un discours trop prolixe qu’on lui fait. Contrahe. On le dit aussi en un calcul de jettons quand il y a trop de jettons sur une même ligne.

ABRENONCIO. Mot Latin, qui signifie, Renoncer. Le peuple s’en sert en François, lorsqu’un homme nie de mauvaise foi quelque dette, ou autre chose qu’on lui demande. Un tel avoit promis de payer cent écus, mais quand on les lui a demandés, il est allé à abrenoncio. Ce mot est tiré des exorcismes qui se font en baptisant, ou en faisant l’eau bénite, où l’on dit souvent, abrenoncio.

ABREVIATEUR, s. m. Celui qui abrége un livre. Qui epitome conficit. Mr de Sponde Evêque de Pamiers est l’abréviateur de Baronius. Mr Bernier a rendu un grand service au Public ; il est l’abréviateur de Gassendi. Les abréviateurs sont cause qu’on se peut passer des originaux. Il faut du bon goût & de l’intelligence pour être un excellent abréviateur.

Abréviateur, se dit encor de deux sortes d’Officiers de la Chancellerie Romaine. Les Abreviateurs, qu’on appelle de parco majori, sont des Prelats à qui le Régent de la Chancellerie distribue les Supliques, & qui ont des Substituts pour dresser la minute des Bulles. Et les Abréviateurs de parco minori ont le soin de dresser les dispenses de mariage.

ABRÉVIATION, s. f. Écriture en abrégé, qui se fait avec des marques & des caractères qui suppléent les Lettres qu’on retranche, & qu’il faut deviner, quand on veut écrire plusieurs choses en peu d’espace, ou avec diligence. Scribendi compendium. Les signatures de la Cour de Rome sont pleines d’abréviations. L’écriture Gothique étoit incommode à cause de ses abréviations. Tous ces mots viennent du Latin brevis, qui vient du Grec Βραχὺϛ.

ABREUVER, ABREUVOIR, Voyez Abbreuver, Abbreuvoir.

ABRI. s. m. Lieu à couvert du soleil, du vent & du froid, où l’air est moins agité. Locus ab aeris injuria defensus. Ces espaliers sont à l’abri du mauvais vent. Ce lieu est à l’abri du soleil. On se met à l’abri quand il pleut. Ce mot vient de apricus, quoy qu’il signifie tout le contraire. Ménage veut qu’il vienne d’opericus, inusité, qu’on a fait d’operio, je couvre.

On le dit fort souvent en terme de Marine. Moüillage, ou encrage à couvert du vent. Cette rade est à l’abri des vens du nord. Ces montagnes mettent ce port, ce mouillage, à l’abri. C’est un bon abri.

Abri, se dit figurément en Morale. Perfugium tutum à &c. L’étude des cas de conscience n’est point un art de s’aveugler, pour pécher à l’abri des Loix. La Plac. On s’en sert particulièrement pour exprimer un lieu de refuge & de sureté contre les inconstances du sort, & contre les revers. La solitude est un bon abri contre les coups de la fortune. Il est entré au service du premier Ministre, c’est un bon abri contre ses ennemis. Il est à l’abri de la persécution. Son amitié me doit servir d’abri & de consolation dans mes disgraces. Sa vertu s’est maintenue sans tache à l’abri de son peu de mérite. Vill.

A l’abri d’une longue & sure indifférence,
Je jouis d’une paix plus douce qu’on ne pense. Des Houl.

Si dans la pauvreté l’on est à l’abri des inquiétudes des richesses, l’on n’y est pas exemt des soins rongeans de la misère. S. Evr. Boileau parle de certains Abbés dont tout le métier,

Est d’aller à l’abri d’une perruque blonde,
De leurs froides douceurs fatiguer le beau monde,

On dit aussi adverbialement, se mettre à l’abri de


l’orage. Etre à l’abri des coups. Ce criminel ayant eu avis qu’on le vouloit prendre, s’est mis à l’abri, & s’est sauvé en quelque asyle. On dit aussi d’un prisonnier, qu’on l’a mis à l’abri, qu’on s’en est assuré.

ABRIER. v. act. Vieux mot qui signifioit, Protéger, défendre. Defendere. Mézerai l’a employé. Les Jardiniers s’en servent, pour dire Mettre une couche, une fleur à l’abri du vent.

ABRICOT. s. m. Prunum, ou Malum armeniacum. Fruit participant de la pêche & de la prune. Il est doux & agréable au goût. Il est un peu rouge & jaune en mûrissant, & pour cela on l’a appelé à Rome Chrysomèle, comme qui diroit, Pomme d’or. Il mûrit en Juin avant les autres fruits, & pour cela on a appelé chez les Médecins ces fruits, Mala præcoqua ; c’est-à-dire, hâtifs. Il y a trois sortes d’abricots. Les abricots ordinaires, qui ne mûrissent qu’à la mi-Juillet ; les abricots hâtifs, qui se mangent dès le commencement du même mois ; & ceux qu’on nomme le petit abricot, qui vient à la mi-Juillet. Chomel. Ménage fait dériver ce mot de mala præcoqua, ou præcocia ; d’autres du grec αϐριν qui signifie Mou & délicat, ou du latin aperitium, parce qu’il s’ouvre facilement. Mais Mathiole dit que les abricots retiennent le nom que les Grecs leur ont donné, qui les appellent Bericocia. On dit que les abricots en Perse sont un poison, & même qu’ils sont si dangereux en Piémont, qu’un seul a quelquefois donné la fièvre : & néanmoins la Framboisière soutient qu’ils valent mieux que les pêches ; car ils ne se corrompent ni ne s’aigrissent dans le ventricule ou l’estomac : & d’habiles gens prétendent que les abricots ne sont pas plus pernicieux en Piémont qu’en France, & qu’ils ne sont fiévreux que lorsqu’ils sont verds, de même que la plûpart des autres fruits. Il y a une espèce d’abricot qui est tout blanc dehors & dedans, qui s’ouvre net, & qui est de bon goût. Il y en a un autre qui est jaune, & plus rouge que les autres, lequel est le mâle, dont le noyau tient à la chair, dont le goût est exquis, musqué & extraordinaire ; son amande est douce comme celle de l’amandier.

ABRICOTE’. s. m. Dragée faite d’un petit morceau du fruit de l’abricot entouré de sucre. Prunum armeniacum saccharo conditum.

ABRICOTIER, s. m. Arbre qui porte des abricots. Prunus armeniaca. Ses feuilles sont semblables à celles du tremble, un peu pointues par le bout, dentelées en leur circonférence, & sortent quatre à quatre, ou cinq à cinq. Il jette des fleurs blanches comme le cerisier, d’où sort le fruit en forme de pêche, ayant au dedans un os, dans lequel il y a un noyau, tantôt doux, & tantôt amer.

ABROGATION, s. f. Action par laquelle on annulle, ou on change une loi ; on supprime une coutume. Abrogatio. L’abrogation de la Pragmatique Sanction s’est faite par le Concordat entre François I. & Léon X. en 1525.

ABROGER, v. act. Casser, annuller, mettre hors d’usage. Abrogare. Il ne se dit guère que des Loix & Coutumes. Les anciennes Ordonnances sont abrogées par les nouvelles. Les coutumes s'abrogent par un usage contraire pendant un long espace de temps. Ce Prince entreprit d’abroger les Priviléges de la nation.

Abrogé, ée, part. pass. & adj. Abrogatus. Les Loix abrogées n’ont plus de force.

ABROTONE. s. f. Abrotonum. Herbe, ou plante fibreuse & odoriférante. Elle ne peut supporter le froid, & vient mieux dans une terre maigre & sèche. Il y en a de deux sortes, mâle & femelle. Elle est toujours verdoyante, selon Théophraste.

ABRUTIR. v. act. Rendre bête, stupide. Stupidum acbruti similem facere. Le vin l’a tellement abruti, qu’il est insupportable. On le dit aussi avec le pronom personel. Les esprits foibles s’abrutissent dans la solitude. Vaug.

ABRUTISSEMENT, s. m. Stupidité grossière. État de celui qui vit en bête. Stupor. Quand un vieux pécheur est tombé dans l’abrutissement, il ne s’en peut retirer sans une spéciale grace de Dieu.

ABS.

ABSCE’S, Voyez ABCE’S

ABSCONSER. v. neut. Se cacher. Abscondere, Abdere se. Vieux mot qui n’est plus en usage. On dit encore en Picardie, Esconsement du soleil. Occasus solis. Nicod.

On trouve en Latin barbare absconsa, absconse ; pour signifier, une lanterne sourde, dont la lumière se cache, absconditur.

ABSENCE, s. f. Retraite, éloignement, soit du lieu, soit de la personne. Absentia. Les amants supportent avec douleur l’absence de leur maîtresse. Les maris vont chercher de l’amour conjugal dans l’absence. Ch. d’H. Les souvenirs dans l’absence sont plus vifs en amour, qu’en amitié. M. Scud. Les courtes absences redoublent l’amour. M. Scud. Le portrait de la personne aimée adoucit les ennuis de l’absence. Felib. Les longues absences éteignent l’amour, mais une courte absence le ranime. St Evr.

Je veux finir mes jours dans l’amour d’Uranie.
L’absence ni le temps ne me sauroient guérir. Voit.

L’ingrat de mon départ consolé par avance,
Daignera-t-il compter les jours de mon absence  ? Racin.

On travaillera à cette affaire tant en présence, qu’absence : phrase de Pratique, dont on se sert contre ceux qui ne comparoissent point aux jours d’assignation. Pour marquer en devise les douleurs de l’absence, on a peint une tulipe sous les rayons du soleil, ou sous un soleil caché d’épaisses nuées, ou au soleil couchant, avec ce mot Espagnol : Sinsus rayos, mis desmayos. Sans ses rayons je tombe en défaillance.

Absence d’esprit, signifie Distraction, quand on songe à une autre chose qu’à celle dont on parle. Mentis aberratio, avocatio. On s’en sert aussi pour exprimer, ou pour excuser une faute, ou une bévûe, ou dans la conduite, ou dans la conversation. On l’attribue à un défaut d’application. Cet homme a des absences d’esprit que ses amis ont de la peine à justifier.

ABSENT, ente. adj. & subst. Qui est éloigné, Absens. Les Absens pour la République sont réputés présens. Mépriser les dangers absens. Ablanc. Tant qu’un amant est absent, il est où il aime, & non pas où il vit. M. Scud. Les absens malheureux sont en peu de temps effacés du souvenir du monde. M. Esp.

On dit proverbialement, Que les os sont pour les absens, lorsqu’on dîne sans eux, lorsqu’on ne leur laisse que les restes des autres.

ABSENTER. v. n. qui ne se dit qu’avec le pronom personnel. Se retirer, s’éloigner de la présence des autres. Abesse. Ce Prince s’est absenté de la Cour. Il s’absente de ses amis avec peine.


Ou sois long-temps absent, ou ne t’absentes point :
Une courte absence est à craindre :
Souvent l’amour s’en sert pour nous mieux enflammer. Corn.

s’Absenter, signifie encore, S’enfuir, se cacher, se mettre à couvert. Abire, evadere, discedere, aufugere, proripere se, abdere se. En ce sens il marque une cause fâcheuse de s’éloigner. Il s’est absenté de la ville, à cause qu’on avoit décrété contre lui. Ce Marchand s’est absenté, a fait banqueroute.

ABSE’S ou ABCE’S. s. m. Tumeur contre nature, qui tend à corruption. Amas d’humeurs, ou de sang, qui se forme dans une partie interne du corps. abcessus, vomica. Le peuple l’appelle apostume ; Cet homme est mort d’un absès qu’il avoit dans le ventre. Un absès qui perce ou suppure en dehors est capable de guérison. Voyez Tumeur & Aposthème.

ABSIDES. s. f. Terme d’Astronomie. Ce sont deux points de l’orbite d’une planète, dont le plus haut est nommé apogée, & le plus bas périgée, ou le plus près de la terre. Apsides. Le diamètre qui les joint, s’appelle la ligne des absides, qui passe par le centre de l’orbite de la planète, & par le centre du monde. L’excentricité se prend dans la ligne des absides.

Ce mot vient du grec ἀψὶς, qui signifie une arcade, une voute, & quelquefois un cercle ou un hemisphère.

Dans les vieux titres on a appelé absides, la partie interieure de l’Eglise où est le maître autel, qui avoit ordinairement une voute particuliere & separée.

ABSINTE. Voyez Absynthe.

ABSOLUMENT, adv. Souverainement, avec une autorité absolue. Summo jure. Il commande absolument dans la Province. Il signifie impérieusement & décisivement. Superbè. Cet homme parle absolument, & en maître. Ce mot vient du Latin absolvere, en tant qu’il signifie achever, parce que celui qui commande absolument, veut que la chose s’exécute sans trouver d’opposition.

Il signifie quelquefois, Tout-à-fait, entièrement, sans réserve, & sans restriction. Prorsus, omninò. Il le nie absolument.

Il signifie encore, Nécessairement, de nécessité absolue. Il faut partir absolument, & sans repliquer. On dit vouloir absolument, pour dire,


Vouloir déterminément, & à quelque prix que ce soit. Je n’en ferai absolument rien, & toutes vos remontrances ne m’y feront point consentir. La nature ne se laisse pas conduire au hazard, & n’est pas absolument ennemie de l’art & des règles. Boil.

On dit aussi en Grammaire, qu’un mot se dit absolument, quand il est sans régime. Par exemple. Il faut prier sans cesse : le verbe prier est mis là absolument, parce qu’il ne regit rien.

Absolument, se dit d’une chose dont on parle en général, & sans entrer dans le détail. Universè, ou absolutè. Cet ouvrage a quelques défauts, mais il est bon absolument parlant.

ABSOLUTION, s. f. Jugement juridique, par lequel l’accuse est absous & déclaré innocent. Absolutio. Il a obtenu un arrêt d’absolution en matiere criminelle. On dit aussi, Absolution d’une demande civile, quand on en est déchargé.

J’entens que l’usurpation
De mon cœur, qu’avez à present,
N’empêche l’absolution ;
Car je vous en fais un present. S. Gel.

L’absolution des censures est la troisième partie d’une signature de la Cour de Rome, qui porte absolution des censures qui pourroient empêcher l’effet de la grace accordée. On appelle aussi, en Chancellerie Apostolique, une absolution à sævis, une grace accordée par une signature particulière à celui qui a assisté à quelque jugement de mort, ou qui a commis quelque cas qui le rend irrégulier, & incapable de posséder aucuns Bénéfices.

Absolution, terme d’Eglise, Acte ou cérémonie par laquelle le Prêtre remet les péchez au Pénitent. Il faut dire absolution sacramentelle, plutôt que sacramentale. Menage. Les Luthériens ont retenu l’absolution sacramentale. Boss.

Le P. Amelote de l’Oratoire, au liv. 9. ch. 3. de son Abrégé de Théologie, dit en parlant du Sacrement de la Pénitence : La principale force du Sacrement, ce qui en est comme l’ame, & où réside principalement l’influence & la vertu de Jesus-Christ jugé pour nous, c’est dans le Sacrement d’absolution que le Prêtre prononce par ces paroles : Je t’absous de tes péchez.

Les Theologiens ont formé plusieurs difficultez sur l’absolution Sacramentelle. Le P. Seguenot de l’Oratoire qui a senti ces difficultés, en parle dans ses Remarques sur le livre de la S. Virginité de Saint Augustin : Qui diroit que l’absolution n’est autre chose qu’un acte judiciaire, par lequel le Prêtre declare, non simplement, mais avec autorité, & de la part de Jesus-Christ, que les péchez sont remis, & en prononce l’arrêt juridiquement, celui-là n’avanceroit rien à mon avis, ni contre le Concile de Trente, qui semble même avoir donné lieu à cette interprétation, lorsqu’il s’est expliqué sur cela plus nettement, ni contre les anciens Théologiens, je dis même Scholastiques, que la plûpart des nouveaux ont quitté en cette matière, comme on les quitte maintenant eux-mêmes. Dieu veuille qu’ils nous le pardonnent, comme on leur a pardonné, toute cette Remarque a été censurée par les Theologiens de la Faculté de Paris. Voyez le mot de Contrition.

Le Jésuite Dandini traite fort mal les Grecs sur la manière dont ils donnent l’absolution aux pénitens. Un homme, dit-il, au chap. 7. de son voyage du Mont Liban, s’étant confessé d’un péché commun & ordinaire fut renvoyé par le Confesseur, qui refusa de l’absoudre, à moins qu’il n’appellât sept autres Prêtres. Ceux-ci ayant été attirez par quelque argent firent étendre à terre le pénitent, comme s’il eût été mort, & ils lui donnèrent enfin l’absolution, en récitant de certaines prières. Ils ont accoutumé de demander de l’argent pour l’absolution, & de la refuser quand on ne leur en donne point. Car ils prétendent qu’il leur est dû quatre ou cinq écus & davantage pour les péchez communs & ordinaires. La pénitence qu’ils donnent pour les gros péchez, c’est de défendre la Communion pour quatre ou cinq ans. Peut-être font-ils cela par mépris, & par l’aversion qu’ils ont pour l’Eglise Latine, qui l’ordonne tous les ans.

Mr Simon, dans ses Remarques sur le voyage du Mont Liban, imprimé à Paris, justifie la pratique des Grecs dans le Sacrement de Pénitence. Si les Grecs, dit-il, diffèrent de donner l’absolu-


tion aux pénitens, ils suivent en cela l’usage de leur Eglise, qui est très-ancien : ils ont leurs livres Pénitentiaux qui les règlent, & ce n’est point leur caprice qui leur fait imposer une pénitence plutôt qu’une autre : mais ils suivent les Canons, & ils appellent faire le Canon, ce que nous appellons ordinairement faire la Pénitence. Ils éloignent souvent leurs Pénitens de la Communion pour un an, pour deux ans, & même pour davantage, suivant en cela les anciens Canons.

On ne doit pas aussi traiter les Grecs d’ignorans & de superstitieux, parce qu’un Confesseur refuse de donner l’absolution à un pécheur, s’il n’a auparavant fait venir sept Prêtres qui donnent tous ensemble l’absolution. Cette façon paroît étrange à ceux qui ne consultent que l’usage présent : mais si l’on remonte jusqu’aux anciens temps, on trouvera que cela s’observoit même dans Rome. Le Pape Corneille assembla les Prêtres & les Evêques qui étoient alors dans Rome pour délibérer de la Pénitence qu’on devoit donner à quelques Schismatiques qui rentroient dans l’Eglise. Il n’est donc pas surprenant qu’un Papas ou Prêtre Grec, délibère avec plusieurs de ses Confrères touchant la Pénitence qu’il doit donner à un homme, qui étant engagé au service d’un Latin, étoit tous les jours dans des occasions prochaines de pécher contre les cérémonies de sa Religion.

On ne doit point aussi tourner en ridicules les Prêtres Grecs, sous prétexte qu’ils font coucher par terre le pénitent, & qu’en cet état ils récitent sur lui des prières en forme d’absolution ; car les Grecs se confessent d’ordinaire assis. Ils se contentent de se prosterner deux fois, à sçavoir, au commencement, quand ils demandent la bénédiction du Prêtre, qui invoque sur eux la grace du S. Esprit, & à la fin quand ce même Prêtre prie Dieu qu’ils puissent accomplir la pénitence qu’il leur impose.

Absolution ad cautelam, C’est une maxime que l’excommunié par sentence demeure en état d’excommunication, nonobstant son appel : ainsi pour éviter les inconveniens qui pourroient arriver, l’on demande au Juge l’absolution que les Docteurs appellent ad cautelam, laquelle n’a d’effet que pendant l’appel, & ne se doit accorder qu’avec beaucoup de circonspection. Cette absolution ne se donne qu’après que le condamné affirme par serment qu’il exécutera le jugement qui sera rendu. Voyez Eveillon, Traité des excommunications. Quelques-uns croyent que l’absolution ad cautelam ne se donne que par provision à celui qui a été excommunié, dans la crainte qu’il ne meure subitement, ou par quelque accident, avant qu’il ait pû se faire absoudre. Mais ce n’est point par cette raison ; car elle se donne moins en faveur de celui qui a été excommunié, qu’en faveur de ceux, qui par une conscience timorée feroient scrupule de fréquenter l’excommunié : or cette absolution leur sert de précaution, pour les assurer qu’ils ne participent point à l’excommunication. Bouchel.

Absolution, en termes de Bréviaire, est une courte prière que dit celui qui officie à chaque nocturne des Matines avant les bénédictions & les leçons. On appelle absolutions, les encensemens & aspèrsions d’eau benite qu’on fait sur les corps des Princes & des Prélats qu’on enterre avec grande cérémonie.

ABSOLU, ue. adj. Souverain, indépendant. Cujus potestas summa. Prince absolu. Summus rerum Dominus. Commandement absolu. Il a obtenu cela d’autorité absolue.

Il signifie aussi, Sans réserve, sans restriction. Les Ambassadeurs ont quelquefois un plein pouvoir, un pouvoir absolu. On dit qu’un homme est absolu, impérieux, pour faire entendre qu’il veut être obéi, qu’il ne peut souffrir qu’on lui résiste, qu’il veut fortement ce qu’il ordonne. Imperiosus. On dit encore, Parler d’un ton absolu ; pour dire, parler d’un ton impérieux, commander avec hauteur. Une conduite ouverte & familière gagne mieux les cœurs, qu’une autorité sèche & absoluë.

On appelle, Jeudi absolu, le Jeudi saint ; & dans les vieux titres, Absolutionis dies.

On entend par Ablatif absolu, une locution détachée & indépendante, qui ne régit rien, & qui n’est régie de rien. Dictio ab alia minimè pendens. C’est à l’imitation des Latins : Deleto exercitu : L’armée ayant été taillée en pièces. Tout bien considéré, en matière de Religion, le plus sûr est de s’en tenir aux décisions de l’Eglise. Port-R.

ABSOLUTOIRE, adj. Qui porte absolution. Absolutorius. Il a une sentence absolutoire.

ABSORBANS. Terme de Médecine. Medicamina ad absumendum nata. Ce sont des médicamens qui ont une puissante vertu pour consumer l’humeur amollie, & attenuée sans la dissoudre. On s’en sert ordinairement pour les tumeurs, après avoir employé les emoliens & les attenuatifs. Ces médicamens sont le vinaigre, l’eau marine, la saumure, &c. S. Evr.

ABSORBER, v. act. Engloutir, dissiper, consumer, emporter. Absumere. Les eaux absorbent presque toute la lumière qu’elles reçoivent du soleil. Roh. Il est peu en usage au propre, si ce n’est en parlant des animaux voraces : mais il se dit au figuré, & il emporte d’ordinaire un mauvais sens. Les droits de la Femme ont absorbé tous les biens du Mari. Le frais d’un scellé absorbent les plus clairs deniers de cette succession. Ce goinfre a absorbé tout son patrimoine. La voix est absorbée dans les voûtes. Ablanc. c’est-à-dire, qu’elle s’y perd. La question de l’infaillibilité de l’Eglise absorbe toutes les autres controverses. Claude. Ce mot vient du Latin absorbeo, signifiant le même.

ABSOUDRE, v. act. Décharger d’une accusation, de la peine d’un crime. Remettre un crime commis. J’absous, tu absout, nous absolvons, vous absolvez, ils absolvent. Imparf. j’absolvois. Fut. j’absoudrai. Subj. que j’absolve. Part. act. absolvant. Part. passif, absous. Absolvere. Absoudre un Pénitent, lui remettre ses péchés dans le Tribunal de la Confession. Dans le doute il est plus expédient d’absoudre un criminel, que de condamner un innocent. Court. On l’a absous à pur & à plein. On dit aussi dans le discours familier, en parlant d’un défunt, que Dieu absolve, c’est-à-dire, à qui Dieu fasse misericorde.

Absous, oute. adj. Affranchi, ou déchargé de crime. Absolutus.

Absous, se dit aussi en matière civile. Un défendeur conclut toujours à être renvoyé quitte & absous de la demande qu’on lui a faite.

ABSOUTE, s. f. Absolution publique & solemnelle qui se donne au Peuple. Dies absolutionis. L’Evêque en fait la cérémonie le Jeudi Saint, ou le Mercredi au soir dans les Cathédrales. L’absoute se fait aussi par les Curez dans les Paroisses le jour de Pâques.

ABSTEME, s. m. Terme dogmatique. Qui ne boit point de vin. Abstemius. On s’en sert en Théologie, pour parler de ceux qui dans la Communion ne peuvent point boire de vin, à cause de l’aversion naturelle qu’ils ont pour cette liqueur. Mr de Meaux s’est servi de l’éxemple des abstêmes, pour défendre le retranchement de la Coupe.

ABSTENIR, v. n. Qui ne se dit qu’avec le pronom personnel. Se défendre l’usage, se contenir à l’égard de quelque chose, se priver de quelque plaisir. Abstinere, temperare. Conjuguez, je m’abstiens ; je m’abstenois ; je m’abstins ; je me suis abstenu ; je m’abstiendrai ; je m’abstiendrois, &c. Ils sentent, à chaque péché qu’ils commettent, un avertissement intérieur de s’en abstenir. Pasc. Il faut se garder, & s’abstenir de se mettre en colère. Ils disoient qu’Auguste s’étoit abstenu de la qualité de Dictateur. Ablanc. Il faut s’abstenir du vin pendant la fièvre. Les Chrétiens ne s’abstenoient de viande pendant leurs jeûnes, que pour mortifier les sens. Du Pin. Les Juifs étoient obligés de s’abstenir de leurs femmes pendant certains temps. Il ne se peut abstenir de jouer, de parler. Il faut s’abstenir de manger des choses défendues par la Loi.

Abstenir, se dit aussi en matière de récusation de Juges ; & quand la Cour la trouve bien fondée, elle dit pour adoucir l’expression, que le Juge s’abstiendra, c’est-à-dire, de rapporter le proces, ou d’y opiner.

ABSTINENCE, s. f. Vertu morale par laquelle on s’abstient de certaineschoses, en vertu d’un précepte moral, ou d’une institution cerémonielle. Abstinentia. C’est une espèce de la tempérance, & elle se confond quelquefois avec la sobriété. Le grand jeûne, dit S. Augustin, est l’abstinence des vices. Les Athlètes, pour se rendre plus robustes, vivoient dans une abstinence générale de tous les plaisirs. Dac. L’Eglise a enjoint aux Ecclésiastiques l’abstinence des femmes : elle a marqué aussi certains jours de jeûne, & d’abstinence. Il se dit aussi de la simple modération dans l’usage des alimens. On


fait des abstinences par un pur régime de vivre, comme de vin, de salines, &c. La diète & l’abstinence sont nécessaires, pour rétablir l’estomac affoibli par la débauche.

Abstinence, signifie quelquefois une simple privation de manger de la chair. Abstinentia carnium. L’abstinence des viandes assaisonnée de dévotion, & accompagnée de la prière, est un des moyens les plus efficaces pour avancer notre sanctification. Boss. L’Eglise ordonne simplement l’abstinence le jour de Saint Marc, & non pas le jeûne. Les Mercredis sont des jours d’abstinence, chez plusieurs Religieux. Les dévots font aussi des abstinences, & des macérations volontaires.

ABSTINENT, ente, adj. Tempérant à l’égard du boire & du manger. Sobrius. Les Peuples du Midi sont plus abstinens que ceux du Septentrion.

ABSTERGER, v. act. Terme de Médecine & de Chirurgie. Purger, nettoyer une plaie. Abstergo.

Abstersif, ive, adj. Qui purge & nettoye. Smegmaticus, smecticus. Médicament, purgation abstersive. Smegma.

ABSTRACT, acte. Terme de Philosophie. Il est un peu barbare en François. Ce qu’on détache par la pensée de toute autre chose, afin d’en avoir une connoissance simple, & par lui-même. Species abstracta per mentem. La quantité est un terme abstract, quand on la considère en elle-même, & sans être attachée à un corps, quoiqu’elle ne puisse subsister naturellement sans lui, ni lui sans elle. La blancheur est un terme abstract, quand on la considère détachée d’un sujet. De la connoissance des abstracts on parvient à celle des concrets, qui est le terme opposé.

ABSTRACTION, s. f. C’est une action de l’esprit, par laquelle on considère quelque partie d’un tout, sans faire attention aux autres : ou un détachement qui se fait par la pensée de tous les accidens ou circonstances qui peuvent accompagner un Être, pour le considérer mieux en lui-même. L’abstraction est l’action ou l’éxercice d’une faculté, ou puissance propre & particulière à l’esprit de l’homme, & qui distingue entièrement & essentiellement son ame de celle des bêtes ; faculté qui consiste en ce que l’homme peut, en élevant ses idées au-dessus des Êtres particuliers, en faire des représentations générales du tout de la même espèce, auquel tous les Philosophes donnent le nom d’universel. Actio animi speciem aliquam abstrahentis. On considère par abstraction, lorsque dans un mobile on considère le mouvement, sans faire attention au corps mû. Ce sont les Mathématiciens qui, qui considérant la quantité sans matière, supposent dans leur empire d’abstraction des indivisibles sans parties : mais il n’est pas permis aux Physiciens de faire ces sortes d’abstractions, ni de sortir des bornes de la matière. Bern. Pour bien juger d’un homme, il faut faire abstraction de tout ce qui nous peut préoccuper, ou pour, ou contre lui.

ABSTRAIRE. v. act. faire une abstraction, un détachement de toutes les qualités d’une chose, pour ne considérer que son essence.. Abstrahere. J’abstrais, tu abstrais, il abstrait ; nous abstrayons, vous abstrayez, ils abstraient. Quand on raisonne en Algèbre, on abstrait la quantité, le nombre de toutes sortes de matières & de sujets. Il y a plusieurs temps de ce verbe qui ne sont point usités, comme l’imparfait, le prétérit indéfini, &c.

Abstrait, aite, part. & adj. se dit figurément en Morale d’un esprit qui ne s’applique à rien, qui n’entre point dans la conversation ; qui se sépare & s’éloigne des choses sensibles par le moyen de l’esprit : d’un homme qui détache ses regards de tous les objets qui l’environnent, pour ne s’attacher qu’à la contemplation de celui qu’il a dans la pensée. Abstractus. Cet homme est abstrait, dédaigneux, & semble toujours rire en lui-même de ceux qu’il croit ne le valoir pas. La Bruy. On dit qu’Un homme est abstrait, quand il ne répond pas à celui qui lui parle, parce qu’il songe à autre chose.

On dit encore des raisonnemens abstraits, pour exprimer qu’ils sont trop subtils. Argumenta tenui filo diducta. Ces idées sont abstraites, & ne tombent point sous l’imagination. Malb. C’est une Philosophie abstraite & chimérique. Port-R. pour dire, une Philosophie trop dégagée des choses sensibles, trop métaphysique & trop difficile à pénétrer. On ne doit pas confondre la définition d’une idée abstraite & arbitraire, avec la définition des choses qui éxistent réellement. Le Cl.

ABSTRUS, use. adj. qui est caché & inconnu au commun du monde, qui demande une extrême application pour être entendu. Abstrusus. L’Algèbre, les Sections Coniques, sont des Sciences, des matières fort abstruses, où peu de personnes peuvent pénétrer.


ABSURDE, adj. masc. & fém. Terme de Philosophie. Ce qui choque le sens commun, qui est impertinent, incroyable, impossible. Absurdus. Proposition absurde. Quand on suppose une chose absurde, on en tire mille conséquences absurdes. Il prouve une chose absurde, par une chose plus absurde.

ABSURDEMENT. adv. d’une manière absurde. Absurdè. C’est conclure absurdement, que de dire, &c.

ABSURDITE’, s. f. Qui contient quelque chose d’absurde. Absurdè dictum aut factum. Il s’ensuivroit de grandes absurdités d’une telle supposition. La plus grande des absurdités est la contradiction. Quelle foi peut-on ajoûter à des gens qui proposent sérieusement d’aussi grandes absurdités ? Le Gend.

ABSUS. s. m. Herbe qui croit en Egypte, à la hauteur de quelques doigts. Ses feuilles ressemblent à celles du triolet ; & ses fleurs blanches, & d’un jaune pâle, produisent une semence noire, renfermée dans de petites cellules.

ABSYNTHE, ou ABSINTE. s. m. & f. Absinthium, selon Malherbe ; & selon Vaugelas, toujours masculin. On le fait plus ordinairement féminin. L’Académie Fr. le fait féminin. Ménage veut qu’on écrive apsynthe par un p, sans doute à cause de l’étymologie. C’est une plante médécinale. Il y en a de quatre sortes : Le santonique, le marin, le vulgaire ou grand Pontique, & le petit. L’absynthe commune a une tige fort branchuë, des feuilles blanches et fort découpées, comme l’artemisia ; ses fleurs dorées & petites. Sa graine est ronde, & disposee comme une grappe de raisin. Sa racine est fort esparpillée. Cette absynthe vulgaire est plus en usage dans la Médecine. Plusieurs croyent que c’est la barbotine, qu’on appelle semen sanctum ; mais Mathiole dit que c’est une plante bien différente. Quelques-uns prétendent que l’absynthe est l’auronne femelle. Il y a une seconde espece d’absynthe qu’on appelle petite aluyne, qui est semblable à la petite auronne étant toute encassée de petite graine fort amere, qu’on appelle en Latin absinthium marinum, ou Scriphium. L’absynthe santonique est la troisieme espèce, qui est semblable à l’alcine, mais qui est moins chargée de graine que l’autre. On fait du vin d’absinthe, & de l’eau d’absinthe. L’absinthe est une herbe odiférante, très-amère, astringente & corroborative : c’est pourquoy l’on s’en sert pour fortifier les viscères affoiblis. Outre son amertume, la nitrosité dont elle participe, fait qu’elle purge la matiére bilieuse contenuë au ventricule & au foye. Elle tuë les vers même en l’appliquant exterieurement. L’absinthe attenuë, & déterge. Elle est apéritive & provoque les urines & les suëurs, & tout cela avec quelque astriction. On ne se sert que des feuilles, & des sommites de cette plante. Vin d’Absinthe, vinum absynthites.

Absynthe, figurément, signifie Douleur, amertume, déplaisir. Dolor animi. Mais je ne voudrois pas hasarder à l’employer au plurier comme Malherbe, qui a dit, adoucir toutes nos absinthes.

Ce mot vient d’α, particule privative en Grec, & πίνθιον ; c’est-à-dire, impotabile, non potable ; parce que c’est une plante si amère, qu’on a de la peine à boire une liqueur dans laquelle elle aura trempé. D’autres le font venir d’ἅψισθον, indelectabile, à cause de l’amertume qui rend cette plante désagréable. Cette étymologie paroît plus juste, & justifie en même temps l’orthographe d’absinthe sans y.

ABU.

ABUNA, ou ABOUNA. s. m. qui signifie pere. Terme arabe qui se trouve dans les Relations. C’est un nom de dignité qu’on donne aux Religieux. On pretend que les Abyssins le donnent aussi à leur Patriarche, qui leur est envoyé par celui d’Alexandrie.

ABUS, s. m. Dérèglement, ce qui se fait contre la nature & le bon ordre. Abusus. Il y avoit des abus dans tous les ordres de l’état, qui ont été réformés par Louïs le Grand. Les Conciles, les Ordonnances, tendent à réformer les abus contre la Discipline & la Police. C’est le Grand Constantin, qui, en introduisant les richesses dans l’Eglise, y a introduit en même-temps les abus, & le relâchement de la Discipline. Port-R. Ce Ministre a réformé les abus des Finances ; ce Président les abus de la Justice.

Abus, signifie aussi, Mauvais usage d’une chose. On commet bien de l’abus dans la distribution des aumônes. Les abus qu’on fait de l’Ecriture ne naissent pas de la lecture innocente du Peuple. Gomber.

Abus, signifie aussi, Erreur, tromperie. Error. Si vous croyez que cela soit, c’est un abus. Les Mahométans vivent dans l’abus ; ils suivent les abus de leur faux prophète. En Arithmétique, quand la preuve ne se trouve pas bonne, on connoît qu’il y a de l’abus dans le calcul.

Appel comme d’abus. In abusu dicendi juris ad Regium superius Tribunal provocatio. C’est un appel qu’on interjette au Parlement, des sentences des Juges ecclésiastiques, quand ils entreprennent sur la Puissance séculière ; quand ils jugent des choses qui ne sont point de leur juridiction, ou quand ils jugent contre les saints Canons & la Discipline de l’Eglise. Les appels comme d’abus ont été introduits, autant pour s’opposer aux entreprises de la Juridiction ecclésiastique sur la Juridiction temporelle, que pour mettre ordre aux attentats de la Cour de Rome sur les libertés de l’Eglise Gallicane. Il est certain en effet que l’entreprise des Evêques alla si loin, qu’ils se rendirent les maîtres de toutes les affaires civiles sous des prétextes de piété, & qu’ils dépouillèrent presqu’entièrement la Juridiction séculière. On ne peut point déterminer tous les cas où l’on peut appeler comme d’abus, parce qu’on ne peut pas limiter toutes les contraventions dont les Ecclésiastiques sont capables pour relever leur autorité. Bouchel. L’abus ne se couvre point par quelque sentence, par quelque possession, ou prescription que ce soit. Quand l’Official juge du possessoire des dixmes inféodées, du possessoire des Bénéfices, il y a abus. On appelle comme d’abus, des unions des bénéfices, des Rescrits de Cour de Rome, des fulminations des Bulles d’excommunication, quand elles sont contre les loix de l’Eglise reçues en France. Alors la Cour prononce qu’il y a abus. Quelquefois l’on convertit l’appel comme d’abus en appel comme de grief. L’appel comme d’abus a commencé d’être en usage du temps de Philippe de Valois, lorsque Pierre de Cugières, son Avocat-Général, se plaignit des entreprises que faisoient les Ecclésiastiques sur les personnes & la Justice séculières. Au lieu d’appeler des usurpations, des entreprises du Juge épiscopal, on se servit du terme d’abus, comme le moins dur, pour exprimer qu’il abusoit de son autorité. Pour se venger de Pierre de Cugnières, les Chanoines de Notre-Dame firent mettre au côté du chœur un petit marmot, que par dérision ils appelèrent Pierre de Cugnet. Le Clergé étoit alors si redoutable, que les laïques n’eurent pas tout d’un coup la hardiesse de reprendre leurs droits. Enfin, François Premier, par son ordonnance de 1539, sapa les fondemens de la Jurisdiction ecclésiastique ; & le remède des appels comme d’abus a été si fréquemment mis en usage, que la puissance royale se trouve rétablie dans tout son lustre, & remise en possession de toute son autorité. Févret, Avocat de Dijon, a fait un fort beau volume de l’appel comme d’abus.

ABUSER. V. n. Faire un mauvais usage de quelque chose. Abuti. Il ne faut pas abuser des sacremens ; abuser de la bonté de Dieu. Il n’y a rien de si saint, dont la malice des hommes ne puisse abuser. Port-R. Alexandre tua Clitus qui avoit abusé de sa patience. Vaug. Que seroit-ce que justice & piété, que des noms vains dont on abuse, si après cette vie il n’y a plus rien à espérer ? Gomber.

Il conçoit le néant des objets qui l’abusent :
Il gémit sous sa chaîne, & n’ose la briser. Breb.

Quand l’amour est ardent, aisément il s’abuse.
Il croit ce qu’il souhaite & prend tout pour excuse. Corn.

Ce Magistrat abuse de sa charge, de son pouvoir, de son Autorité, quand il en use pour ses intérêts particuliers.


Abuser, signifie encore, Interpréter mal la pensée de quelqu’un, & y donner un mauvais sens. Vous abusez de quelques paroles ambiguës qui sont dans ses lettres. Pasc.

Abuser, v. a. Signifie aussi, tromper, séduire. Fallere, decipere. Les faux prophètes, les charlatans, abusent les peuples. Notre amour propre nous abuse, nous fait suivre nos passions, qui nous abusent, qui nous trompent. J’ai pris cet auteur pour un autre, je me suis abusé en le citant.

Abuser, signifie plus particulièrement, Suborner une femme, corrompre, séduire une fille, lui arracher les dernières faveurs, Vitiare, comprimere. Il faut être bien malhonnête homme pour abuser de la femme de son ami, pour abuser de la fille de son hôte. Etoit-il juste d’emprunter mon nom & ma ressemblance, pour abuser de ma maîtresse. Ablanc. On s’en sert aussi dans un cas encore plus odieux. On dit que Néron avoit abusé plusieurs fois de Britannicus. Ablanc.

Abusé, ée. part. Falsus, deceptus.

ABUSEUR. s. m. Qui abuse, qui séduit, qui trompe, trompeur. Deceptor, veterator. Mahomet a été un grand abuseur de peuples.

ABUSIF, ive. adj. Où il y a de l’abus. Abusivus, Errori obnoxius. Une union de Bénéfice sans cause véritable & importante est abusive. Un jugement d’Official contre un Laique, & pour cause profane, est abusif. En termes de Grammaire, prendre un mot dans un sens abusif, c’est le placer mal ; c’est en faire une mauvaise application ; c’est le prendre improprement.

ABUSIVEMENT. adv. d’une manière abusive. Abusivè, per abusum. La Cour, en infirmant les sentences des juges de l’Eglise, prononce :Mal, nullement, & abusivement jugé. Il y a plusieurs mots de la langue qu’on prend quelquefois abusivement, qu’on dit improprement.

ABUTILLON, s. m. Plante. Son tronc est rond, un peu dur, haut de deux ou trois coudées. Ses feuilles sont larges, rondes & assez semblables à celles de la courge. Ses fleurs sont de couleur jaune ; son fruit est rond, & noir. Il y a quelques modernes qui se servent de la graine de cette plante contre la gravelle. De M.

ABY.

ABYsME, s. m. Gouffre profond où on se perd, d’où on ne peut sortir. Gurges, vorago. Il y a d’horribles abimes dans ces montagnes, dans ces mers. L’Océan étoit jaloux de voir sonder ses abysmes. Ablanc. Ce mot vient du Grec ἄβυσσος, qui signifie la même chose.

Abîme, se dit figurément en Morale des choses immenses, & infinies, où l’esprit humain se perd quand il raisonne. La Physique est un abyme ; on ne peut pénétrer dans les secrets de la Nature. Les jugemens de Dieu, les mystères de la Religion, sont des abimes dont on ne peut sonder la profondeur. Il a été précipité du faîte de la gloire dans l’abime du néant. Ablanc. Le passé est un abime qui engloutit toutes choses, & l’avenir est un autre abime impénétrable. Nicol.

Il signifie encore, un fond immense, une abondance extraordinaire. Par son imprudence il s’est plongé dans un abime de malheurs. Cet homme est un abime de science. Le cœur d’un avare est un abime que les torrens & les fleuves ne sauroient remplir. S. Evr. Nous avons besoin de profonds efforts, pour nous retirer de l’abime de misère où le péché nous a plongez. Port-R.

Abîme, se dit absolument des enfers. La rébellion des Anges les fit précipiter dans l’abime. Qui pourra mesurer la profondeur de l’&abime ? On dit aussi, C’est un abime de maux, de souffrances, de malheurs.

Abîme, se dit aussi de ces dépenses excessives, dont on ne peut juger avec certitude. On ne peut certainement régler la dépense de la Marine, c’est un abime. La dépense de cette maison est excessive, c’est un abime, On dit en proverbe, qu’un abime attire l’autre, quand d’un mal on tombe en un plus grand.

Abîme, Terme de Blason. C’est le centre, ou le milieu de l’Ecu, ensorte que la pièce qu’on y met ne touche & ne charge aucune autre pièce. Scuti centrum, scuti pars media, ou partium aliquot scuti medium. Ainsi on dit d’un petit Ecu qui est au milieu d’un grand, qu’il est mis en abime. Et tout autant de fois qu’on commence par toute autre figure que par celle du milieu, on dit que celle qui est au milieu est en abime, comme si on vouloit dire, que les autres grandes pièces étant relevées en relief, celle-là paroît petite, & comme cachée & abîmée. Il porte trois besans d’or, avec une fleur de lis en abime. Ainsi ce terme ne signifie pas simplement le milieu de l’écu : car il est relatif, & suppose d’autres pièces, au milieu desquelles une plus petite est abîmée.

Abîme, est aussi un vaisseau fait en prisme triangulaire renversé, qui sert aux Chandeliers à fondre leur suif, & à faire leur chandelle, en y trempant plusieurs fois leur mèche.

ABYsMER. v. act. Jetter dans un abîme, y tomber, se perdre, se noyer, In gurgitem demergere. Les Ouragans abîment les vaisseaux. Ce terrein s’est abimé, il y avoit dessous une carrière. Il est quelquefois neutre : Cette ville abimera un jour à cause des abominations qui s’y commettent. Alors il signifie, Périr, tomber dans un abime.

Abimer, se dit figurément en Morale, pour dire, Perdre, ruiner entièrement. Evertere, pessumdare. Les gros intérêts ont abîmé ce marchand. Ce chicaneur a abîmé sa partie, il l’a ruinée de fond en comble. Il a abîmé cet homme-là. Il se dit plus ordinairement avec le pronom personnel, & plus au figuré qu’au propre. En ce cas il marque un grand excès. C’est un voluptueux qui s’abîme dans les plaisirs. Acad. Fr. C’est-à-dire, qui y est entiérement occupé, & qui s’y abandonne sans aucune réserve. On dit, il est abîmé dans la douleur. Port-R. parce qu’il en est tout rempli & tout pénétré. C’est un contemplatif qui s’abîme, parce qu’il s’y applique profondément. Il signifie encore se jetter dans quelque embarras fâcheux, s’engager dans une affaire malheureuse. On dit aussi s’abîmer devant Dieu ; pour dire, s’humilier profondément, reconnoître son néant devant lui, Deprimere se, minuere. On dit en matière de dispute & de raisonnement, Ce Docteur a été abîmé par son adversaire, qui l’a réduit à ne rien répondre. On dit encore, C’est un homme abîmé, pour dire, C’est un homme perdu de crédit, de réputation.

Abîme’, e’e, part. Demersus. Il y a eu plusieurs villes abîmées par les tremblements de terre. Un joüeur abîmé, est celui qui a perdu tout son fonds, qui est sans ressource. Bonis eversus.

ABYSSINS, ou plutôt Abassins ou Hhabassins, comme prononcent les Arabes, sont des peuples de l’Ethiopie, qui est aujourd’huy nommée Abassie. Ils sont gouvernés par un Evêque, ou Métropolitain, que leur envoye le Patriarche Cophte d’Alexandrie, qui reside au Caire, desorte qu’ils suivent en toutes choses la Religion des Cophtes, à la réserve de quelques cérémonies qui leur sont particulières. Le Canon 42. du Concile de Nicée, dans la Collection Arabe & Ethiopienne, dit en termes formels, qu’il est défendu aux Abyssins de se faire un Métropolitain de leurs Sçavans ou Docteurs, à leur façon & selon leur bon plaisir, parce que leur Métropolitain dépend du Patriarche d’Alexandrie, auquel il appartient de leur donner un Catholique, ou Métropolitain. Le P. Vanslebe qui a rapporté le Canon dans son histoire de l’Eglise d’Alexandrie, chap. 9. a remarqué en même temps qu’en 1670. Les Abyssins comptoient cent seize Métropolitains, qu’ils ont reçus des Patriarches d’Alexandrie, depuis Frumentius leur premier Evêque, qui leur fut envoyé par S. Athanase.

Ces Peuples ont témoigné en plusieurs rencontres de vouloir se réunir avec l’Eglise Romaine. David, qui prend la qualité d’Empereur de la grande & haute Ethiopie, & de quelques autres Royaumes, écrivit à Clément VII une lettre pleine de soumission ; mais il est constant que les Ethiopiens, ou Abyssins, n’ont eu recours à Rome & aux Portugais, que lorsque leurs affaires ont été en désordre, comme on le voit dans les Histoires des Portugais. Jean Bermudes fut fait Patriarche d’Ethiopie, & consacré à Rome à la sollicitation des Abyssins. Ils feignirent même de ne vouloir plus avoir d’autres Métropolitains à l’avenir, que ceux qui leur seroient envoyés de Rome. Mais aussitôt que leurs affaires furent en meilleur état, ils rejeterent ces sortes de Patriarches, & envoyerent au Caire pour avoir un Métropolitain de la main du Patriarche des Cophtes.

Alexis Menesès, de l’Ordre de S. Augustin, ayant été fait Archevêque de Goa, prit la qualité de Primat de l’Orient ; & en cette qualité de Primat des Indes, il prétendit étendre sa juridiction jusque dans l’Ethiopie : il y envoya des Missionnaires avec des lettres pour les Portugais qui étoient en ce pays-là, & il écrivit en même temps au Métropolitain des Abyssins. L’Histoire de ce que Menesès a fait dans les Indes pour la Religion, a été imprimée à Bruxelles en 1609, et elle mérite d’être lûë.

Cet Archevêque & plusieurs autres Missionnaires se sont trompés, quand ils ont accusé les Ethiopiens de judaïser, parce qu’il y en a plusieurs parmi eux qui se font circoncire. La circoncision des Ethiopiens est fort différente de celle des Juifs qui la regardent comme un précepte, au lieu que les premiers ne la considerent que comme une coutume qui n’appartient point à la Religion. L’on circoncit même parmi eux les filles, en coupant une certaine superfluité qu’ils croient nuire à la conception. Les Cophtes observent la même chose. Il y a bien de l’apparence que cet usage de la circoncision, qui est fort ancien chez ces peuples, n’y a été introduit que pour rendre les parties qu’on circoncit plus propres à la génération.

Les Ethiopiens ont une langue particulière, qu’ils nomment Caldéenne, parce qu’ils croient qu’elle tire son origine de la Caldée : Mais elle est très différente du Chaldéen ordinaire. C’est pourquoi on l’appelle langue Ethiopienne, & qui n’est pas la même que l’Ethiopien d’aujourd’huy. Leurs Liturgies & leurs autres Offices divins sont écrits en cet ancien Ethiopien, que le peuple n’entend plus. Cette Langue a des caractères particuliers, & elle n’a pas de points voyelles séparés des consonnes, comme il y en a dans l’Hébreu & dans les autres Langues orientales ; mais elles sont attachées aux consonnes, comme il y a dans l’hebreu & dans les autres langues Orientales, mais elles sont attachées aux consonnes mêmes, en-sorte que dans l’Ethiopien il n’y a point de consonne qui ne porte avec elle sa voyelle. Voyez de Moni, Histoire de la Créance & des coutumes des nations du Levant, chap. XI.

ACA.

ACABIT, s. m. Bonne ou mauvaise qualité d’une chose. Natura, genus. Les Rôtisseurs s’en servent en parlant de leurs viandes. On le dit particulièrement des fruits & des légumes, selon qu’ils sont de bonne nature, de bon plan, & de bon terroir. Des poires d’un bon acabit ; ce qui veut dire proprement qu’elles sont d’un bon débit. Quelques-uns le disent aussi des viandes & des étoffes. Ménage dit que le Peuple a dit d’un bon acabit ; pour dire, d’un bon achat. Boursaut a dit acabie.

ACABLEMENT, ACABLER. Voyez ACCABLEMENT, ACCABLER.

ACACALIS, s. m. C’est le fruit d’un arbrisseau qui croît en Egypte.

ACACIA, s. m. Terme de Botanique, qu’on donne à divers arbres, quoique fort différens entre-eux. Acacia. Il y a un acacia, qu’on appelle aussi Cassie, ou selon Mr d’Herbelot Gagie, en Latin spina Ægyptia, qui croît en Egypte, & qui est un grand arbre épineux, dont la fleur est jaune en quelques-uns, & blanche en d’autres : son fruit, qui est contenu dans des gousses, est semblable au lupin. Cet arbre nous fournit la gomme Arabique, & un suc qu’on appelle le Vrai acacia. Il y a une sorte d’arbre qui croît à Malabar, & à Cranganor, qu’on appelle aussi acacia. En Mésopotamie près du Tygre, & dans les déserts d’Arabie près de l’Euphrate, on donne ce même nom à d’autres Arbres, qui sont pourtant différens. Il y a encore un acacia du Brésil, & un de Virginie. Il y en a un autre différent des précédens, qu’on appelle acacia de l’Amérique, ou acacia Americana Robini. Cet arbre étranger n’est devenu commun en France que depuis 1650. Celuy-ci a un tronc ample & dur, & une écorce noirâtre, qui n’est point armée d’épines, comme les acacias d’Egypte, & de Cappadoce. Il jette par le haut des branches tendres, moëlleuses, & qui sont garnies de beaucoup de pointes aiguës. Ses feuilles ont cela de particulier, que sur le soir elles se replient


par le milieu ; & le matin, le soleil revenant, elles se rouvrent. Ses fleurs sont blanches, & à bouquet. Depuis quelque temps on fait en France de belles allées de cet arbre. Il est indéclinable. Deux acacia au pluriel. Ménage.

Acacia : a vera, le vrai acacia, en termes de Pharmacie, est le suc épaissi de l’arbre qu’on appelle acacia. Ce suc qu’on tire du fruit est haut en couleur, & d’un rouge assez beau, d’une substance compacte, mais qu’on peut casser en frappant dessus, lorsqu’il est bien desseché. On l’apporte en boules dans des vessies minces. Son gout est stpsique, & tant soit peu piquant, mais assez agreable.

Acacia (Germanica) d’Allemagne, est le suc tiré par expression du fruit de prunier sauvage, qu’on cuit en consistence d’électuaire, & qu’on substitue à la place du vrai acacia. On appelle aussi acacia d’Allemagne, l’arbre même.

Acacia. s. m. Nom qu’on donne à une espèce de sachet, ou de rouleau long & étroit, qui se voit dans les Médailles, à la main des Consuls, & des Empereurs, depuis Anastase. On ne sçait pas trop de quoy étoit composé ce rouleau, & il n’est pas aisé d’en deviner le mystère. Les uns disent que c’étoit un mouchoir plié, que jettoit celui qui présidoit aux jeux, pour les faire commencer. D’autres disent que c’étoit un rouleau de mémoires que l’on présentoit à l’Empereur ou aux Consuls.


ACADÉMICIEN, enne, s. m. & f. Qui est reçu dans une Académie d’Arts, ou de Sciences. Academicus. On a ajoûté un féminin en faveur de Me des Houlières. L’Académie d’Arles lui a envoyé des Lettres d’Académicienne. C’est la première de son sexe à qui l’on ait déféré cet honneur.

Académicien, s. m. Sectateur de Platon, qui est le fondateur de l’Académie. Les Académiciens tenoient qu’il ne faut rien affirmer, & que nous ne sçavons qu’une chose, c’est que nous ne sçavons rien : Unum scio, quod nihil scio. Ils prétendoient que l’esprit doit demeurer en suspens, parce qu’il ne peut se déterminer que sur des vraisemblances, & sur des apparences qui le peuvent tromper. Platon avoit pris de Socrate le fonds & la substance de sa Doctrine. Au reste, en apprenant à ses disciples à douter de tout, c’étoit moins pour les laisser toujours flotans, & suspendus entre l’erreur & la vérité, que pour s’opposer aux décisions précipitées des jeunes esprits, & pour les mettre dans une disposition plus propre à se garantir de l’erreur, en examinant sans préjugé. Mr Descartes entre les Modernes a adopté ce principe des Académiciens.

ACADEMIE, s. f. Assemblée des gens de Lettres, où l’on cultive les Sciences & les beaux Arts. Academia. En France il y a toutes sortes d’Académies établies par Lettres Patentes dans Paris : l’Académie Royale des Sciences, pour cultiver la Physique, la Chymie, & les Mathématiques : l’Académie Françoise, pour la pureté de la Langue :

l’Académie des Médailles & des Inscriptions :

l’Académie d’Architecture, pour les bâtimens. L’Académie de Peinture est une belle école de Peintres & de Sculpteurs. Et l’Académie de Musique est établie pour les Opéras. Il y en a même d’établies dans les Villes particulières, comme à Arles, à Soissons, à Nismes, &c. Il y a à Toulouse l’Académie des Lanternistes. Il y a aussi dans la plupart des Villes d’Italie des Académies, dont les noms sont curieux à cause de leur bisarrerie. A Sienne on appelle les Académiciens, Intronati : à Florence, Della Crusca ; à Rome Humoristi, Lyncei, Fantastici : à Bologne, Otiosi : à Gennes, Addormentati : à Padouë, Ricovrati, & Orditi : à Vincenze, Olympici : à Parme, Innominati : à Milan, Nascosti : à Naples, Ardenti : à Mantoue, Invaghiti : à Pavie, Affidati : à Cesene, Offuscati : à Fabriano, Disuniti : à Fayence, Filoponi : à Ancone, Caliginosi : à Rimini, Adagiati : à Cita del Castello, Assorditi : à Perouse, Insensati : à Ferme, Rafrontati : à Macerata, Catenati : à Viterbe, Ostinati : à Alexandrie, Immobili : à Bresse, Occulti : à Trevise, Perseveranti : à Verone, Filarmonici : à Cortone, Humorosi : à Luques, Oscurri : Mr Pelisson en a donné ce Catalogue dans son Histoire de l’Académie.

Il y a encore à Florence une Académie de Physique nommée del Cimentò, où l’on fait plusieurs expériences Physiques & Astronomiques. Elle a été établie par Laurent de Médicis, & est


souvent citée par Francisco Redi Médecin. On a depuis peu établi à Venise une Académie de Sçavans ; une autre à Dublin, une autre à Oxford, qui travaillent à l’avancement des Sciences. Il y a eu une Académie en Allemagne, établie sous le titre d’Académie des Curieux des secrets de la Nature dans le Saint Empire Romam. L’Empereur lui donna sa protection en 1670. Elle fut établie dès 1652. par le Sieur Bauch Médecin. L’une des plus fameuses de toutes les Académies, est celle qui est établie à Londres, sous le nom de Société Royale d’Angleterre, qui est composée de plusieurs Sçavans de qualité, qui nous ont fait voir plusieurs beaux Ouvrages, & dont on a vû aussi d’excellens Journaux, sous le titre de Philosophical Transaction.

Quelques-uns font venir ce mot de Cadmus Phénicien, parce qu’il fut le premier Instaurateur des Lettres. Mais la vraye origine vient d’Academus, ou Ecademus, nom propre d’un Bourgeois d’Athènes, dont la maison servit à enseigner la Philosophie. Il vivoit du temps de Thésée. C’est dans sa maison située dans le fauxbourg d’Athènes, que Platon enseigna la Philosophie. Cimon l’orna, & l’embellit de fontaines & d’allées d’arbres, pour la commodité des Philosophes qui s’y assembloient. On y enterroit les grands hommes qui avoient rendu de signalés services à la patrie. Depuis Platon tous les lieux où se sont assemblés les gens de Lettres, ont été nommés Académie. Sylla sacrifia aux loix de la Guerre les délicieux bocages, & les belles allées que Cimon avoit fait dresser dans l’Académie d’Athènes, & employa ces arbres à faire des machines pour battre la Ville. Cicéron avoit une maison près de Pouzzol, à qui il donna le même nom : c’est là qu’il écrivit ses Questions Académiques.

Académie se prend aussi pour la Secte des Philosophes. On compte trois Académies, ou trois Sectes académiciennes. Platon fut le Chef de l’ancienne. Arcésilas l’un de ses successeurs, apporta quelques changemens dans sa Philosophie, & fonda par cette réforme ce qu’on appelle la seconde Académie. On attribue à Lacydes, ou à Carneades, l’établissement de la troisième ou nouvelle Académie.

Académie, se dit aussi des maisons, logemens & manèges des Ecuyers, où la noblesse apprend à monter à cheval, & les autres exercices qui lui conviennent. Epheborum Gymnasium. Au sortir du collège on a mis ce gentilhomme à l’Académie. Guy Allard dit que Pluvinel est le premier qui a établi en France des Académies pour apprendre à monter à cheval. Il étoit du Dauphiné. C’est ce que Vitruve appelle Ephebeum.

Académie. Terme de Peinture. C’est une figure entière, dessinée d’après le modèle, qui est un homme nu, ou la copie d’un pareil dessein. Cette Académie ne m’a coûté qu’une heure de travail.

Académie, se dit abusivement du berlan, ou des lieux publics où l’on reçoit toutes sortes de personnes à joüer aux dez & aux cartes, ou à d’autres jeux défendus. Les Juges de Police sont obligés de veiller à ce qu’on ne tienne point des Académies de jeu.

ACADEMIQUE, adj. m. & f. Qui appartient à l’Académie des Arts & des Sciences. Academicus. Les Questions Académiques de Cicéron. Les exercices Académiques continuent en une telle ville.

ACADEMIQUEMENT, adv. D’une maniére Académique. Academicè. Cette question a été traitée académiquement, pour dire, suivant la méthode des Académiciens.

ACADEMISTE, s. m. Ecolier qui fait ses exercices chez un Ecuyer, qui apprend à monter à cheval, à faire des armes, à danser, &c. Equestris disciplinae tyro.

ACAJOU, s. m. Arbre de l’Amérique. Son bois est rouge, leger, il dure long temps : le ver ne s’y attache jamais. Son ecorce ressemble à celle du chêne ; & quand on l’incise en temps sec, il en sort une gomme semblable à la gomme Arabique. Il porte de grands bouquets de fleurs ligneuses, au milieu desquelles est une esméce de gland canellé, dont les perroquets font leur nourriture. Ses feuilles sont faites comme celles du frêne : cet arbre s’appelle acajou rouge. Il y en a un autre qu’on appelle acajou blanc, à cause de la blancheur de son bois. Il vaut moins que l’acajou rouge. Ces arbres ne portent point de fruit. Il y a pourtant une autre espéce d’acajou qui produit un fruit jaune, de la grosseur d’un œuf, & en forme de petite poire. Le dedans n’est qu’une filasse spongieuse, & remplie d’un suc acre, & si astringeant, qu’il prend à la gorge quand il est vert ; mais lorsqu’il a atteint la maturité, il est très-délicieux. Le vin qu’on fait de ce fruit est très-agréable. Cette sorte d’acajou est un petit arbre dont les feüilles panchent vers terre. Ses feüilles sont grandes, & approchent de celles du noyer.

ACANTHE. s. f. Plante fameuse, qu’on appelle autrement Branche ursine ou Branque ursine, à cause qu’elle ressemble à la patte d’un ours. Acanthus. C’est sur la figure de son feüillage que Callimachus Sculpteur Athenien a formé les ornemens du chapiteau Corinthien. Ses feüilles sont plus larges & plus longues que celles des laituës. Elles sont noirâtres, grasses, lissées, & déchiquetêes comme celles de la roquette. Sa tige a deux coudées de haut, est lisse, & de la grosseur d’un doigt, ayant par intervalles auprès de la cime, de petites feuilles longuettes & piquantes en façon de coquille, ou escaille, d’où sort une fleur blanche. Sa graine est jaune. Sa teste ou chapiteau en comme une houppe, ou un bouquet. Ses racines sont longues, baveuses, rouges, & gluantes. Quelques-uns confondent cette plante avec la paderos.

Acanthe. Terme d’Architecture. Ornement dont on embellit les chapiteaux des colonnes. Acanthina folia. Un chapiteau taillé à feuilles d’Acanthe. Felibien. La feuille d’Acanthe, qui a été le sujet de l’invention du chapiteau Corinthien, a aussi donné le nom à cet ouvrage d’Architecture. Il y en a de deux espèces : la cultivée & l’épineuse ou sauvage. C’est de cette dernière, qui est la moins belle, que se sont servis les Sculpteurs Gothiques, qui l’ont mal imitée. Pour l’Acanthe cultivée, qui est plus refendue, & plus découpée, & assez semblable au persil, elle est la plus parfaite. C’est ainsi qu’elle a été taillée aux chapiteaux Composites des arcs de Titus & de Septime Sévère à Rome, & au Corinthien de la cour du Louvre. Sur les Côtes de Barbarie cette plante sert de haie aux jardins.

ACAPATHI. s. m. Plante de la nouvelle Espagne, qui porte le poivre long. Elle a son tronc contourné à la façon des sarmens ; & le tronc a des feuilles qui ressemblent à celles du poivre blanc, mais plus longues & aiguës. Son fruit est rond & long ; sa graine n’acquiert jamais une parfaite maturité sur la plante : c’est pourquoi on la cueille dès qu’elle commence à rougir. On la met sécher au soleil, où elle achève de mûrir, & on la seme. On la mange seche, & verte, & elle donne un bon goût aux viandes.

ACARER. Voyez Accarer.

ACARIAsTRE. adj. m. & f. Qui est d’une humeur farouche, aigre, difficile, opiniâtre, & qu’on ne peut gouverner. Morosus, acerbus, pertinax. Je ne puis traiter avec cet homme-là, c’est un esprit & une humeur acariâtre. C’est une femme acariâtre, qui crie jour & nuit contre son mari & ses domestiques. Il a aussi autrefois signifié Fol.

Sylvius dérive ce mot de saint Acaire, parce qu’il guérit les acariâtres. Ménage veut qu’il vienne du mot Latin acariasser, & Nicod du mot Grec Κάρη, signifiant caput, comme si on disoit acaris, un homme sans tête & écervelé ; ou plutôt un homme têtu & opiniâtre. Capito, ou, comme dit Prudence, capitosus. D’autres le tirent du Grec ἀκαριέστερος, qui signifie, Opiniâtre, ennemi de la complaisance, dont les mœurs & les paroles sont désagréables, & tirent vers la folie. Borel le dérive de cara, vieux mot François venu d’Espagne, qui signifioit un visage refrogné.

ACC.

ACCABLEMENT, s. m. Bouleversement, accident par lequel une chose succombe sous une charge excessive. Eversio, oppressio. Pendant ce tremblement de terre il y eut un accablement général dont personne ne se put sauver. On ne l’emploie point au propre. Il est plus en usage au figuré. Il signifie embarras, langueur, abattement, redoublement d’affliction, multitude de choses. Oppressio, Mœror Je n’ai pas de ces heures de chagrin & d’accablement qui vont jusqu’à l’ame. Voit. Il est dans un grand accablement d’esprit, de douleur, &c. Il est dans un grand accablement


d’affaires ; pour dire, il est chargé d’un nombre infini d’affaires.

Accablement de pous. Terme de Médecine. Dérèglement de pous, lorsque l’accès commence, ou redouble, Venæ inordinatæ. Dog.

AcCABLER, v. act. Faire tomber une chose pesante sur une autre, qui l’oblige à succomber sous un poids excessif. Opprimere. Il a été accablé sous la ruine de cette maison. Les Ennemis l’accablerent par leur nombre. Leur multitude pouvoit accabler notre valeur. Sarras.

Cambden dérive ce mot de l’Anglois cablu, qui signifie, Opprimer.

Accabler, signifie aussi périr de quelque façon que ce soit dans quelque renversement général de l’Etat. Il y eut à Rome bien des gens accablés sous les ruines de la République. L’Empire Romain courant à sa ruine, entraîna avec lui les belles Lettres, qui se trouvèrent accablées sous le poids de sa chûte. Bail.

Accabler, se dit figurément en Morale de gens trop chargés d’affaires, de dettes, d’impôts, de malheurs, ou d’infirmités. Obrutus negotiis, aere alieno, doloribus oppressus. Il est accablé de chagrin, de gens qui l’importunent. Accablé de vieillesse. Accablé de sommeil. Ne vous venoit-il jamais aucun scrupule sur tous les éloges dont on vous accabloit ? Font. On accable la nature en la chargeant d’alimens, ou de remèdes. On dit d’un homme excessivement civil, qu’il accable le monde de complimens. Si un Ouvrage est trop chargé de pensées, leur nombre accable, & lasse l’esprit. Nicol.

A vaincre tant de fois, les Etats s’affoiblissent,
Et la gloire du Trône accable les sujets. Corn.

On le dit même en bonne part. Accabler de présens, de bienfaits ; pour exprimer qu’On est comblé de graces & de faveurs. Il se dit aussi avec le pronom personnel, s’accabler de travail.

Accablé, ée, part. pass. & adj. Oppressus, obrutus.

s’AcCAGNARDER. verbe neutr. Verbe neutre, qui ne se dit qu’avec le pronom personnel, s’Accoquiner, mener une vie fainéante, libertine, ou débauchée, soit en s’attachant au jeu, au vin, aux femmes ; soit en demeurant au com de son feu, au lieu de prendre un honnête emploi. Inertiæ, ignaviæ tradere se.

Nicod dérive ce mot de cagnard, qui est un lieu à l’abri du vent, ou exposé au soleil, où les gueux s’assemblent pour fainéanter, qu’on appelle pour cela cagnardins, & cagnardiers.

Accagnardé, ée, part. & adj.

AcCARER. v. a. Terme de Palais. Confronter les témoins & les criminels. Testes cum reo componere. Ce mot vient de cara, qui en Espagnol signifie la tête ou le visage de l’homme. Ainsi accarer les accusés, c’est les mettre tête à tête. Il envoya prier la Reine de ne faire mourir ce malheureux, qu’il ne fût premièrement accaré à lui. Brant. Accariation, c’est la confrontation des témoins.

AcCASTILLAGE. s. m. Terme de Marine, qui se dit en parlant des châteaux qui sont sur l’avant & sur l’arrière d’un vaisseau. Et on appelle un Vaisseau accastillé, quand il est accompagné de ces deux Châteaux.

ACCELERATION. s. f. Action par laquelle on avance une affaire, prompte expédition. Acceleratio. Il a omis plusieurs demandes qu’il avoit à faire pour l’accélération du jugement de son procès.

Accélération, se dit principalement en Physique, de l’accroissement de vitesse dans le mouvement des corps, lorsqu’ils tombent librement, ou qu’ils sont poussés vers le centre de la terre. On recherche avec soin la cause de l’accélération du mouvement des corps qui tombent, & pourquoi ce mouvement, étant fort lent dans son commencement, augmente & devient très-rapide vers la fin. Bern. Galilée est le premier qui a trouvé la proportion de l’accélération du mouvement. Ce n’est point pesanteur qui fait l’accélération du mouvement des corps dans leur chûte, car on a remarqué qu’un poids d’une livre tombe & descend avec la même vîtesse qu’un poids de cent livres. Bern.

ACCÉLÉRER, v. act. Diligenter, presser une affaire, une entreprise. Accelerare. La succession échue à ce jeu homme fera accélérer son mariage. Il faut s’en servir sobrement hors la Philosophie. Les corps graves en tombant accé-


lèrent leur mouvement en certaine proportion qu’on fait voir dans la Statique.

ACCENT, s. m. Inflexion de voix, prononciation qu’on a contracté dans la Province où l’on est né. Sonus vocis. Il faut se garder soigneusement d’un certain accent populaire, qui rend les plus belles choses désagréables. M. Scud. Il est bien difficile de se défaire de l’accent Gascon, ou Normand. On connoît le Pays d’un homme à son accent.

Accent, signifie aussi un certain ton de voix qui est souvent une marque de l’intention de celui qui parle, & qui fait donner une bonne ou mauvaise interprétation à ses paroles. On offense souvent avec des termes flatteurs ; mais l’accent fait tout. Quand on dit les choses d’un certain accent, elles ont un sens bien différent de celui qu’elles ont naturellement.

Accent, signifie en Grammaire, certaine marque qu’on met sur les syllabes, pour les faire prononcer d’un ton plus fort, ou plus foible, & pour marquer les diverses inflexions de la voix. Accentus, voculatio. Les Savans ont observé que l’usage des accens étoit inconnu aux anciens Grecs. Ils ont été inventés par les Grammairiens, pour fixer la prononciation de la Langue grecque. Le Cardinal du Perron dit que les Hébreux appelloient les accens טעם, taham, c’est-à-dire, gustus, parce que c’est comme le goût & le relief de la prononciation.

Il y a trois sortes d’accens. L’aigu, qui relève un peu la syllabe, la bonté. Acutus. Le grave, qui la rabaisse, là : Gravis. Et le circonflexe, qui est composé des deux autres, & qui étend le son, extrême. Circumflexus. On le met sur la plupart des syllabes longues dont on retranche une S, comme trône, pâle, &c. Les Hébreux ont l’accent de Grammaire, de Rhétorique, & de Musique. L’accent en Musique est une inflexion ou modification de la voix, ou de la parole, pour exprimer les passions & les affections, soit naturellement, soit par artifice.

Il y a de grandes disputes entre les Sçavans sur les accens qu’on trouve depuis plusieurs siècles dans les Livres Grecs, soit imprimés soit manuscrits. Isaac Vossius, qui a composé un discours à ce sujet, prétend que ces accens ne sont point anciens, & qu’autrefois il n’y en avoit point d’autres que de certaines notes qui servent à la Poësie. C’étoient proprement des notes de Musiciens pour chanter les Poëmes, & non pas des notes de Grammairiens, telles que sont celles qui ont été inventées très-long-temps après. Aristophane le Grammairien, qui vivoit vers le temps de Ptolomée Philopator, fut l’Auteur de ces notes musicales. Aristarque son disciple enchérit dans cet Art par-dessus lui : & tout cela ne servoit que pour apprendre plus facilement aux jeunes gens l’art de faire des vers. Le même Vossius montre par plusieurs anciens Grammairiens, qu’on marquoit en ces temps-là les accens Grecs sur les mots, tout autrement qu’ils ne sont présentement dans les Livres, ce qu’il justifie aussi par des exemples. Voyez sa dissertation De accentibus Græcanicis.

Henri Christian Hennin, dans une Dissertation qu’il a publiée pour montrer qu’on ne doit point prononcer la Langue Grecque selon les accens, a embrassé le sentiment d’Isaac Vossius, qu’il a poussé encore plus loin. Il croit que ce sont les Arabes qui ont été les inventeurs de ces notes, ou pointes, acuminum, qu’on voit sur les mots, & qu’on nomme accens ; & qu’ils ne s’en sont servis que dans la Poësie. Il appuie ce sentiment sur le traité de Samuël Glarck de Prosodiâ arabicâ, imprimé à Oxford en 1661 ; mais il ne paroît pas avoir entendu la pensée de cet Auteur.

Hennin prétend que ces anciens accens, inventés par Aristophane, s’accordoient parfaitement avec la prononciation de la Langue Grecque, au lieu que ceux d’aujourd’hui la détruisent. Il ajoute que les nouveaux Grammairiens Grecs ne les ont inventés, que dans des temps où la Langue Grecque commençoit à tomber, voulant empêcher par-là la mauvaise prononciation que les Barbares y introduisoient ; & il ne leur donne que neuf cens ans d’antiquité, ce qu’il prouve, parce qu’il ne se trouve point de plus anciens Livres manuscrits, où ces accens soient marqués. Lisez sa Dissertation imprimée à Utrecht en 1684, sous le titre de Dissertatio paradoxa, avec celle d’Isaac Vossius qui y est jointe.