Dictionnaire de Trévoux/2e édition, 1721/Tome 1/021-030

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Fascicules du tome 1

Dictionnaire de Trévoux, 1721
Tome 1, pages 021 à 030

pages 031 à 040


Il reconnoissoit pour Dieu souverain Abracax, ou Abraxas, duquel dépendoient plusieurs autres Dieux, & sept Anges qui présidoient aux sept Cieux. Il leur attribuoit 365. vertus, autant que de jours en l’an, & débitoit d’autres pareilles rêveries. S. Jérôme, dans son Commentaire sur le chap. 3. du Prophète Amos, écrit que le Dieu ΑΒῬΑΞΑΣ est le même que les Payens adoroient sous le nom Mitra ; & l’on trouve aussi des pierres gravées, où la figure d’un Lion couronné de rayon a pour inscription ϺΙΘΡΑΚ ou ΜΙΘΡΑΞ. On trouve chez les curieux plusieurs pierreries, sur lesquelles est inscrit ce nom Abracax. C’étoient les Gnostiques, les Basilidiens, & les Carpocratiens qui faisoient graver ces pierres, qui avoient des figures fort singulières, & qui représentoient quelquefois des Anubis, des têtes de Lions, de Dragons, &c. Les Anciens qui en ont parlé sont S. Irenée, Liv. 1. Ch. 24. de la dernière édition, Tertullien de Praescript. Ch. 46. S. Epiphane haer. 24. num. 7. & 8. S. Jérôme à l’endroit que j’ai cité, Théodoret, haer. & fabul. Liv. 1. Ch. 4. S. Augustin haeres. 4. S. Jean Damascène haer. 24. Tous ces Pères n’attribuent la fable du Dieu qu’à Basilides, & aux Basilidiens. Parmi les Modernes Macarius & Chiflet ont fait des traités sur cet. Baronius, Gassendi, Du Gange, le Père Hardouin dans une Dissertation particulière, le P. Mont-faucon Palaeogr. L. II. Ch. 8. Feuardent, & le P. Massuet dans leurs Notes sur S. Irenée, en font aussi mention,

Le mot qu’on a écrit ici, Abracax, doit être écrit en caractères Grecs, ΑΒῬΑΞΑΣ, parce qu’outre que ceux qui l’ont autrefois inventé parloient la Langue Grecque, on n’y trouvera pas le nombre de 365. si on l’écrit en Latin : cette faute, qui est dans la plupart des livres, vient de ce que la Lettre Grecque Sigma a la figure d’un C. Latin dans les anciennes inscriptions. Si donc on veut l’exprimer en Latin, il faut écrire Abrasax, & en lettres Grecques courantes, ou ordinaires, ἀβρασαξ. Au reste, Baronius a eu raison de soutenir dans l’Appendix de son second Tome des Annales Ecclésiastiques qu’il falloit lire ΑΒΡΑΣΑΞ, & non pas ΑΒΡΑΞΑΣ. Car dans tous les Pères Grecs qui en parlent ; c’est-à-dire, S. Epiphane, Théodoret, S. Jean Damascène, on lit Ἀβρασὰξ. Il n’y a que dans les Latins qu’on trouve Abraxas, & Abraxan, à l’accusatif. Il est vrai que dans S. Irenée on lit Ἀβραξὰς ; mais nous n’avons qu’en Latin le chapitre où il en parle, & si Ἀβραξὰς y est écrit en Grec, c’est aux Copistes Latins, ou aux Editeurs qu’il faut l’attribuer. Or il est très-facile qu’on ait transporté le Ξ & le Σ. Il paroît même, surtout par S. Jérôme, que c’est l’usage qui avoit fait la transposition. Pour les pierres, je n’en ai point vu qui eussent Ἀβραξὰς. S’il en est, comme on le dit, je ne doute point que ce ne soit ou un mauvais usage que l’ignorance avoit introduit, ou une faute de Graveur. C’est ainsi que l’on trouve Μϑραξ au lieu de Μϑραϰ.

ABRAHAM. s. m. Abraham, Abrahamus. Nom propre d’un saint Patriarche fils de Tharé, ou comme l’on prononce en Hébreu, Tharahh, & pere d’Isaac, aïeul de Jacob, & par lui pere de tous les Hébreux, qui sont souvent appelés les enfans, c’est-à-dire, les descendans d’Abraham. Dieu tira Abraham de la Chaldée, & le conduisit dans la terre de Chanaan, où il entra à l’âge de 75 ans. Ce Patriarche s’appeloit d’abord Abram, qui signifie Pater excelsus. Après les promesses que Dieu lui fit d’une postérité nombreuse, il lui changea son nom en ajoutant un ה hé, au milieu, le nommant Abraham. Les Rabbins trouvent de grands mystères dans ce hé, ה, ajouté. Nos Interprètes expliquent ce mot en plusieurs manières. Les uns disent que אברהם, Abraham, est la même chose que אב המון, Pere de multitude ; c’est-à-dire d’une nation grande & nombreuse. D’autres disent que c’est אביר המון, Multitude forte, puissante. D’autres croient qu’il est composé de trois mots אב רב & אמון, ce qui signifie Pere d’une grande multitude. D’autres enfin, que c’est une contraction du premier nom de ce Patriarche אברם, Abram, & המון, amon, d’où l’on a dit אברהם c’est-à-dire, Pater excelsus multitudinis ; Pere Haut, c’est-à-dire, glorieux d’une multitude, ou d’une nation nombreuse. La foi d’Abraham est célébre dans l’Ecriture. Dans le même style un enfant d’Abraham est quelquefois un homme fidèle, plein de foi, qui imite la foi d’Abraham. Les Arabes disent Ebrahim, & les Turcs Ibrahim.

ABRAHAMIEN, enne, ou ABRAHAMITE. s. m. & f. Abrahamianus, Abrahamita. Nom de Secte. Les Abrahamites nommés par les Arabes Ibrahimiah, du nom de leur Auteur Ibrahim ou Abraham, parurent sur la fin du second siècle de l’hégire, & au commencement du neuvième de Jesus-Christ, sous l’Empire de Nicéphore en Orient, & de Charlemagne en Occident : ce fut dans Antioche, sa patrie, qu’Ibrahim renouvella la Secte des Paulianistes. Cyriaque, alors Patriarche d’Antioche, lui résista puissamment. D’Herb.

ABRAHAMITES, sont aussi des Moines Catholiques du IXe siècle, qui souffrirent le martyre pour le culte des images sous Théophile, ainsi qu’on le peut voir dans le Continuateur de Constantin Porphyrogénéte, L. III. C. II. & dans Cedrenus.

ABRAME. s. m. Nom d’homme. Abramius. Sozom. L. II C. 16. M. Chappel. 4. Fév.

ABRAMEZ. subst. m. Nom d’homme. Abraames. Chapp. 14. Fév.

ABRÉGÉ, s. m. Sommaire, épitome, racourci ; discours dans lequel on réduit en peu de paroles ce qui est ailleurs plus ample & plus étendu. Epitome. Abrégé de l’Histoire Romaine. Mézerai a fait l’abrégé de sa grande Histoire en trois volumes in quarto.

On dit aussi, Un abrégé des merveilles du monde, quand on veut bien louer une chose, ou une personne qui a toutes sortes de perfections, & où on trouve tout ce qu’on peut voir de beau ailleurs. Orbis miraculum. Les Anglois disent que Londres est l’épitome, ou l’abrégé du monde. L’homme est appellé microcosme ; pour dire qu’il est un abrégé des merveilles de l’Univers. L’amour est la plénitude & l’abrégé de toute la Loi. Port-R. Voici l’abrégé de toute la sagesse, & de toute la folie. Ablanc.

Abrégé, signifie aussi abréviation, retranchement de quelques lettres dans un mot, pour écrire plus promptement, & en moins d’espace. Compendium scribendi. Il est malaisé de déchifrer les abrégés qui sont dans les Bulles, & les signatures de la Cour de Rome. Pelis.

Abrégé, en termes d’Organiste, se dit d’une certaine réduction des touches du clavier de l’orgue, qui a été inventée, afin que chaque touche qui n’a que deux pieds de long se rapporte à chaque soupape des sommiers, qui sont longs de 4. 5. ou 6. pieds ; ce qui se fait par plusieurs barreaux, pointes & chevilles : d’où vient qu’une marche du clavier fait souvent parler un tuyau fort éloigné. En examinant une orgue, on connoît que les abrégés sont bien faits, lorsque le clavier n’est point tardif à donner le vent aux tuyaux, lorsqu’il se ferme aisément, & qu’il n’est pas besoin d’enfoncer beaucoup les touches.

En Abrégé, adv. Sommairement, en peu de paroles. Summatim. Pour profiter de la lecture, il faut recueillir en abrégé ce qu’on trouve de plus curieux dans les Livres. Contez-nous la chose en abrégé, sans tant de circuits & de détours.

ABRÉGEMENT, s. m. Accourcissement. Contractio. Ce mot a été renouvellé, parce qu’il est très-commode. Le P. Bouhours le condamne pourtant dans cette phrase : Ceux qui ont voulu introduire l’usage des tables, semblent avoir été trompés par l’abrègement des paroles & du papier. Port-R.

ABRÉGER, v. act. Rendre en moins de paroles, ou renfermer dans un plus petit espace ; racourcir, resserrer ce qui est trop diffus. Contrahere. Abréger son discours, dire succinctement. On a abrégé le temps de son exil. Cette traverse abrége le chemin. Viæ compendium. Les jours de l’homme ont été abrégés, & réduits à 120. ans depuis le Deluge. Les excès abrégent la vie. Ablanc. Ce mot vient de abbreviare. Nicod.

Abrégé, ée, part. & adj. Racourci, le plus court. Contractus. Chemin abrégé pour aller à la gloire.

Pour abréger, Façon de parler adverbiale ; pour dire, enfin, pour conclusion. Quid multa, ne longum sit. On dit aussi, Abrégez, quand un Supérieur est ennuyé d’un discours trop prolixe qu’on lui fait. Contrahe. On le dit aussi en un calcul de jettons quand il y a trop de jettons sur une même ligne.

ABRENONCIO. Mot Latin, qui signifie, Renoncer. Le peuple s’en sert en François, lorsqu’un homme nie de mauvaise foi quelque dette, ou autre chose qu’on lui demande. Un tel avoit promis de payer cent écus, mais quand on les lui a demandés, il est allé à abrenoncio. Ce mot est tiré des exorcismes qui se font en baptisant, ou en faisant l’eau bénite, où l’on dit souvent, abrenoncio. Le peuple s’en sert encore quand on lui dit ou qu’on lui fait quelque chose qui lui déplaît, à quoi il ne veut point participer ; & ce mot a de l’énergie, & marque quelque horreur, & comme Harris l’a remarqué du mot abrenonciation, un renoncement, un abandonnement entier ; tel en un mot que celui par lequel on renonce au Démon, d’où ce mot est pris.

ABRÉVIATEUR, s. m. Celui qui abrége un livre. Qui epitome conficit. Mr de Sponde Evêque de Pamiers est l’abréviateur de Baronius. Mr Bernier a rendu un grand service au Public ; il est l’abréviateur de Gassendi. Les abréviateurs sont cause qu’on se peut passer des originaux. Il faut du bon goût & de l’intelligence pour être un excellent abréviateur.

Abréviateur, se dit encore de deux sortes d’Officiers de la Chancellerie Romaine. Les Abreviateurs, qu’on appelle de parco majori, sont des Prélats à qui le Régent de la Chancellerie distribue les Supliques, & qui ont des Substituts pour dresser la minute des Bulles. Et les Abréviateurs de parco minori ont le soin de dresser les dispenses de mariage.

ABRÉVIATION, s. f. Écriture en abrégé, qui se fait avec des marques & des caractères qui suppléent les Lettres qu’on retranche, & qu’il faut deviner, quand on veut écrire plusieurs choses en peu d’espace, ou avec diligence. Scribendi compendium. Les signatures de la Cour de Rome sont pleines d’abréviations. L’écriture Gothique étoit incommode à cause de ses abréviations. ☞ On ne sauroit lire les Ecrits des Rabbins, qu’on n’ait une explication des abreviations Hébraïques. Les Copistes, ou les Ecrivains Juifs, ne se contentent pas de faire des abréviations, comme les Grecs & les Latins, en retranchant quelques lettres ou syllabes dans un mot. Ils ne mettent d’un mot que la première lettre ; ר signifie Rabbi : א signifie אל, ארוגו, ou אמר, &c. Selon l’endroit où il se trouve. Souvent même ils prennent ces premières lettres de plusieurs mots de suite, les joignent ensemble ; & en y ajoûtant des voyelles, ils font un nom barbare, qu’ils donnent à la personne qui porte les noms qu’ils ont abrégés de la sorte. Ainsi Rabbi Schelomoh Jarhhi, en jargon d’abréviations Hébraiques, s’appelle Rasi ; Rabbi Moise ben Maiemon, Rambam ; & de même en d’autres dictions que les noms propres. נבוא, par exemple, est mis pour מתז בםפר יבשהאף, Donum in abdito avertit iram. Mercerus, David de Pomis, Schindler, Buxtorf, & d’autres, ont fait des explications de ces espèces de chiffres, sans lesquelles on ne peut aborder les Rabbins, sur-tout en commençant. Les abréviations de l’écriture s’appeloient Notes dans l’Antiquité. On les appelle encore ainsi dans les anciennes inscriptions Latines. Plusieurs ont fait des collections & des explications des abréviations Romaines. Une des plus amples est celle de Sertorius Ursatus, qui se trouve à la fin des Marbres d’Oxford. Sertorii Ursati Equitis, de notis Romanorum Commentarius. Tous ces mots viennent du Latin Abbreviare, dont l’origine est brevis, bref, court, qui vient du Grec Βραχὺϛ.

ABREUVER, ABREUVOIR, Voyez Abbreuver, Abbreuvoir.

ABRI. s. m. Lieu à couvert du soleil, du vent & du froid, Locus ab aeris injuria defensus. Ces espaliers sont à l’abri du mauvais vent. Ce lieu est à l’abri du soleil. On se met à l’abri quand il pleut. Ce mot vient de apricus, quoiqu’il signifie tout le contraire. Ménage veut qu’il vienne d’opericus, inusité, qu’on a fait d’operio, je couvre.

Je veux une coëffure, en dépit de la mode,
Sous qui toute ma tête ait un abri commode. Mol.

On le dit fort souvent en terme de Marine. Mouillage, ou encrage à couvert du vent. Cette rade est à l’abri des vens du nord. Ces montagnes mettent ce port, ce mouillage, à l’abri. C’est un bon abri.

Abri, se dit figurément en Morale. Perfugium tutum à &c. L’étude des cas de conscience n’est point un art de s’aveugler, pour pécher à l’abri des Loix. La Plac. On s’en sert particulièrement pour exprimer un lieu de refuge & de sureté contre les inconstances du sort, & contre les revers. La solitude est un bon abri contre les coups de la fortune. Il est entré au service du premier Ministre, c’est un bon abri contre ses ennemis. Il est à l’abri de la persécution. Son amitié me doit servir d’abri & de consolation dans mes disgraces. Sa vertu s’est maintenue sans tache à l’abri de son peu de mérite. Vill. ☞ Dieu l’a retiré des agitations du monde, & l’a mis comme dans un abri, pendant que tout est dans la confusion, & dans le trouble. Ab. d. l. Tr. Dieu est le maître des Monastères. C’est lui qui doit faire les vocations de ceux qui viennent y chercher des retraites & des abris contre les orages du monde. Id. Il arrive des tentations qui nous arrachent des abris, dans lesquels nous nous étions réfugiés. Id.

A l’abri d’une longue & sure indifférence,
Je jouis d’une paix plus douce qu’on ne pense. Des Houl.

Si dans la pauvreté l’on est à l’abri des inquiétudes des richesses, l’on n’y est pas exemt des soins rongeans de la misère. S. Evr. Boileau parle de certains Abbés dont tout le métier,

Est d’aller à l’abri d’une perruque blonde,
De leurs froides douceurs fatiguer le beau monde,

On dit aussi adverbialement, se mettre à l’abri de l’orage. Etre à l’abri des coups. Ce criminel ayant eu avis qu’on le vouloit prendre, s’est mis à l’abri, & s’est sauvé en quelque asyle. On dit aussi d’un prisonnier, qu’on l’a mis à l’abri, qu’on s’en est assuré, ☞ qu’on l’a mis en prison.

☞ ABRIC. s. m. Quelques Chymistes Anglois nomment ainsi le soufre. Harris, Boyer.

☞ ABRICORNER. v. a. Inducere. Borel dit que ce mot vouloit dire autrefois Charlater ; c’est-à-dire, Engager comme font les Charlatans ; gagner, obtenir ce qu’on veut. Il cite une vieille traduction d’Ovide, où il est parlé de ce que fit Ulysse pour obtenir qu’Iphigénie fût sacrifiée.

Bientôt la mere abricorner.

ABRICOT. s. m. Prunum, ou Malum armeniacum. Fruit participant de la pêche & de la prune. Il est doux & agréable au goût. Il est un peu rouge & jaune en mûrissant, & pour cela on l’a appelé à Rome Chrysomèle, comme qui diroit, Pomme d’or. Il mûrit en Juin avant les autres fruits, & pour cela on a appelé chez les Médecins ces fruits, Mala præcoqua ; c’est-à-dire, hâtifs. Il y a trois sortes d’abricots. Les abricots ordinaires, qui ne mûrissent qu’à la mi-Juillet ; les abricots hâtifs, qui se mangent dès le commencement du même mois ; & ceux qu’on nomme le petit abricot, qui vient à la mi-Juillet. Chomel. Ménage fait dériver ce mot de mala præcoqua, ou præcocia ; d’autres du grec αϐριν qui signifie Mou & délicat, ou du latin aperitium, parce qu’il s’ouvre facilement. Mais Mathiole dit que les abricots retiennent le nom que les Grecs leur ont donné, qui les appellent Bericocia. On dit que les abricots en Perse sont un poison, & même qu’ils sont si dangereux en Piémont, qu’un seul a quelquefois donné la fièvre : & néanmoins la Framboisière soutient qu’ils valent mieux que les pêches ; car ils ne se corrompent ni ne s’aigrissent dans le ventricule ou l’estomac : & d’habiles gens prétendent que les abricots ne sont pas plus pernicieux en Piémont qu’en France, & qu’ils ne sont fiévreux que lorsqu’ils sont verds, de même que la plûpart des autres fruits. Il y a une espèce d’abricot qui est tout blanc dehors & dedans, qui s’ouvre net, & qui est de bon goût. Il y en a un autre qui est jaune, & plus rouge que les autres, lequel est le mâle, dont le noyau tient à la chair, dont le goût est exquis, musqué & extraordinaire ; son amande est douce comme celle de l’amandier. ☞ Un des plus habiles Botanistes qui soient en France, nous avertit qu’il ne connoît point ces deux espèces-ci d’abricots, & qu’il les croit fort extraordinaires, si elles ne sont pas supposées.

☞ Les abricots verds sont les premiers fruits qui se confisent.


☞ On les prend tendres, avant que le bois du noyau commence à se durcir. On les passe dans l’eau claire, avec un peu de bon tartre pour détacher la bourre qui est dessus ; puis on les essuie chacun à part, pour ôter cette bourre, & on les confit, mettant une livre de sucre pour chaque livre de fruit : si c’est pour manger en compote, il suffit de demi-livre de sucre sur une livre de fruit. Les abricots, en leur parfaite grosseur, se confisent pelés & sans peler. Voyez dans Chomel la manière de faire les compotes, les marmelades, les pâtes, & les confitures d’abricots. On dit non-seulement, Une marmelade d’abricots, Une compote d’abricots ; mais encore, Des abricots en compote, Une assiette d’abricots en marmelade, Des abricots confits.

☞ Blanchir ou faire blanchir des abricots. Terme de Confiseur. C’est la première façon qu’on leur donne pour les confire. Elle consiste à les jeter dans l’eau bouillante ; après leur avoir ôté le noyau. Il faut prendre garde qu’ils ne se lâchent trop dans l’eau. Ensuite on les tire proprement avec une écumoire, & on les met égoutter sur un tamis.

☞ Peler des abricots verds. Terme de Confiseur. C’est leur ôter la bourre, ou la première peau, pour les mettre en confiture ou en compote. Cela se peut faire en deux manières. La première est de mettre les abricots verds dans une serviette, & suivant la quantité que l’on en a, broyer du sel à proportion le plus menu que l’on pourra, & le jetter sur les abricots, que l’on arrose ensuite avec une cuillerée d’eau & de vinaigre. On peut les laisser ainsi dans la serviette, ou les sasser bien d’un bout à l’autre de la serviette, jusqu’à ce que la bourre au premier feu soit tombée. Il faut ensuite faire tomber le sel, les jetter dans l’eau fraîche & les bien laver. L’autre manière est de faire une lessive avec de la cendre de bois neuf, & lorsque la cendre aura bouilli, jetter les abricots dans cette lessive parmi la cendre, & la faire bouillir, jusqu’à ce qu’ils se débourrent & quittent leur première peau, en les frotant doucement avec les mains. Si l’on n’a point de bonnes cendres, on peut faire une lessive de cendres gravelées. Enfin, on les lave comme à l’autre manière.

☞ ABRICOT HATIF, petite espèce d’abricot. La chair en est fort blanche, & la feuille plus ronde, & plus verte qu’aux autres ; mais pour cela il n’est pas meilleur. Id.

☞ Les abricots ordinaires sont bien plus gros, & ont la chair jaune, & ne meurissent que vers la mi-Juillet. Il en faut mettre aux quatre expositions pour en sauver, quand il vient de gelées pendant la fleur. Id.

☞ En Angoumois il y a un petit abricot à amande si douce, qu’on la prendroit presque pour des avelines. On laisse souvent les noyaux pour les manger. Cet abricot a la chair blanche, & est très-bon en ce pays-là, il n’en naît guère qu’en grands arbres ; & voilà ce qui a établi la réputation de sa bonté. Id.

ABRICOTÉ. s. m. Dragée faite d’un petit morceau du fruit de l’abricot entouré de sucre. Prunum armeniacum saccharo conditum.

ABRICOTIER, s. m. Arbre qui porte des abricots. Prunus armeniaca. Ses feuilles sont semblables à celles du tremble, un peu pointues par le bout, dentelées en leur circonférence, & sortent quatre à quatre, ou cinq à cinq. Il jette des fleurs blanches comme le cerisier, d’où sort le fruit en forme de pêche, ayant au dedans un os, dans lequel il y a un noyau, tantôt doux, & tantôt amer. ☞ Pour avoir un abricotier, on prendra d’un jet qui aura poussé dans l’année, des greffes ou écussons qu’on appliquera sur le prunier, ou amandier, ou sur le noyau d’un pêcher, soit à la pousse, à la S. Jean, ou à l’œil dormant. Ces greffes d’abricotiers réussissent plus surement quand on ne prend pas les écussons sur une branche, qui ne vient que d’être coupée tout nouvellement sur un abricotier ; il est important de ne greffer que le lendemain. Chom. Les abricotiers qui n’ont qu’un an de greffe, pourvu que le jet soit beau, valent mieux pour planter que ceux qui en ont deux ou davantage. La Quint.

Abricotier, s. m. Armeniaca Malus, ou Prunus Armeniaca. s. f. Arbre d’une moyenne grandeur, dont les feuilles sont posées le long des branches alternativement, semblables à celles du tilleul, mais plus arrondies. Ses fleurs sont composées de cinq pistils disposés en roses dans les échancrures du calice, qui est un godet découpé en cinq parties. Le pistil devient un fruit charnu, presque sphérique, d’un côté silloné de sa base à sa pointe, & qui renferme dans sa chair un noyau osseux, un peu applati, & ne contenant qu’une amande, douce en quelques espèces, amere en d’autres. Les espèces d’abricotiers se distinguent sur-tout par la variété de leurs fruits.

☞ Il vient d’assez bons abricots en grands arbres, où ils se trouvent tous tanelés de petites marques rouges, qui réjouissent la vûe & éveillent l’appétit par un goût bien plus relevé qu’ils n’ont en espalier ; mais l’espalier leur augmente la grosseur, & leur donne un vermillon admirable. Les meilleurs sont un peu sucrés, mais d’ordinaire pâteux. On commence d’en avoir dès l’entrée de Juillet, principalement d’une petite espèce qu’on appelle l’abricot hâtif. La Quint.

ABRIER. v. act. Vieux mot qui signifioit, Protéger, défendre, mettre à l’abri, couvrir. Defendere, operire. Mézerai l’a employé. ☞ Je dis au Comte qu’il n’oubliât de rejeter ma robe sur son lit, en manière qu’elle les abriât tous deux. Montaigne. Il seroit à souhaiter que ce mot pût revivre. Les Jardiniers s’en servent, pour dire Mettre une couche, une fleur à l’abri du vent.

☞ ABRIÉVER. v. nt. Ce mot n’est plus en usage. Dans le Roman de Perceval il veut dire arriver. Advenire.

ABROGATION, s. f. Action par laquelle on annulle, ou on change une loi ; on supprime une coutume. Abrogatio. L'abrogation de la Pragmatique Sanction s’est faite par le Concordat entre François I. & Léon X. en 1526.

ABROGER, v. act. Casser, annuller, mettre hors d’usage. Abrogare. Il ne se dit guère que des Loix & Coutumes. Les anciennes Ordonnances sont abrogées par les nouvelles. Les coutumes s'abrogent par un usage contraire pendant un long espace de temps. Ce Prince entreprit d’abroger les Priviléges de la Nation.

Abrogé, ée, part. pass. & adj. Abrogatus. Les Loix abrogées n’ont plus de force.

☞ ABROLLES, s. m. C’est un nom de rochers qui s’étendent l’espace de 50. lieues dans la mer du Bresil, vers la Capitainie du Rio-grande. Nos François ont formé ce nom sur celui que les Portugais ont donné à ces écueils, Abrolhos, composé de arbrar, ouvrir, & olhos les yeux. Ces rochers sont très-dangereux, & il faut bien y prendre garde pour les éviter.

ABROTONE. s. f. Abrotonum. ☞ Lucain, L. IX. v. 920, a dit aussi Abrotonus, m. Herbe, ou plante fibreuse & odoriférante. Elle ne peut supporter le froid, & vient mieux dans une terre maigre & sèche. Il y en a de deux sortes, mâle & femelle. ☞ La femelle se dit en Latin, Abrotonum fœmina, ou Santolina ; selon quelques Auteurs, Cupressus, Cyprès. Elle est toujours verdoyante, selon Théophraste. ☞ Elle étoit d’un grand usage dans la Médecine ; ce qui a fait dire à Horace, Abrotonum ægro non audet, nisi qui didicit, dare, &c. On dit aussi par corruption, Brotanne pour Abrotone ; mais ces deux termes sont peu usités dans la Botanique, & ne se trouvent que dans d’anciennes & mauvaises traductions de Livres de plantes. Il faut dire Aurone. Voyez ce mot.

☞ ABRUS. Voyez Pois de Bedeau.

ABRUTIR. v. act. rendre bête, stupide. Stupidum acbruti similem facere. Le vin l’a tellement abruti, qu’il est insupportable. On le dit aussi avec le pronom personnel. Les esprits foibles s’abrutissent dans la solitude. Vaug.

ABRUTISSEMENT, s. m. Stupidité grossière. État de celui qui vit en bête. Stupor. Quand un vieux pécheur est tombé dans l’abrutissement, il ne s’en peut retirer sans une spéciale grace de Dieu.



☞ ABRUZZE. s. f. Aprutium. C’est une des quatre parties générales du Royaume de Naples. Elle a au nord le golfe de Venise, au levant la Capitanate, avec la principauté ultérieure ; la terre de Labour au midi, avec l’État Ecclésiastique qui la borne aussi au couchant. L’Abruzze se divise en citérieure, ultérieure, & Comté de Molisse. Elle occupe une partie du pays des anciens Samnites. Le mot François s’est formé de l’Italien Abruzzo, & celui-ci du Latin Aprutium.

ABS.

ABSCÈS, Voyez ABCÊS

ABSCONSER. v. neut. Se cacher. Abscondere, Abdere se. Vieux mot qui n’est plus en usage. On dit encore en Picardie, Esconser. Le soleil s’est esconsé. Esconsement du soleil. Occasus solis. Nicot. ☞ On trouve en Latin barbare absconsa, absconse ; pour signifier, une lanterne sourde, dont la lumière se cache, absconditur.

ABSENCE, s. f. Retraite, éloignement, soit du lieu, soit de la personne Absentia. L’absence nous fait connoître le prix des choses que nous perdons. Vix bona nostra aliter quam perdendo cognoscimus. Petrarq. De Roch. Les souvenirs dans l’absence sont plus vifs en amour, qu’en amitié. M. Scud. Le portrait de la personne aimée adoucit les ennuis de l’absence. Felib. Les longues absences éteignent l’amour, mais une courte absence le ranime. St Evr.

Je veux finir mes jours dans l’amour d’Uranie.
L’absence ni le temps ne me sauroient guérir. Voit.

L’ingrat de mon départ consolé par avance,
Daignera-t-il compter les jours de mon absence  ? Racin.

On travaillera à cette affaire tant en présence, qu’absence : phrase de Pratique, dont on se sert contre ceux qui ne comparoissent point aux jours d’assignation. Pour marquer en devise les douleurs de l’absence, on a peint une tulipe sous les rayons du soleil, ou sous un soleil caché d’épaisses nuées, ou au soleil couchant, avec ce mot Espagnol : Sinsus rayos, mis desmayos. Sans ses rayons je tombe en défaillance.

Absence d’esprit, signifie Distraction, quand on songe à une autre chose qu’à celle dont on parle. Mentis aberratio, avocatio. On s’en sert aussi pour exprimer, ou pour excuser une faute, ou une bévûe, ou dans la conduite, ou dans la conversation. On l’attribue à un défaut d’application. Cet homme a des absences d’esprit que ses amis ont de la peine à justifier.

ABSENT, ente. adj. & subst. Qui est éloigné, Absens. Les Absens pour la République sont réputés présens. Mépriser les dangers absens. Ablanc. Tant qu’un amant est absent, il est où il aime, & non pas où il vit. M. Scud. Les absens malheureux sont en peu de temps effacés du souvenir du monde. M. Esp.

Absent, en matière criminelle, est celui que l’on ne trouve point, & de qui on fait le procès par contumace.

Absent, en cas de prescription, est celui dont le domicile est situé hors du ressort de la juridiction où sont les héritages.

Celui qui est absent du Royaume, avec intention de n’y plus retourner, est réputé étranger ; mais il n’est pas pour cela réputé mort : ses héritiers ne laissent pas quelquefois de partager ses biens, par provision seulement ; mais sa femme ne sçauroit convoler à de secondes nôces, qu’elle n’ait des certificats authentiques de sa mort. Voyez les Décrétales de Greg. IX. Liv. 4. & M. Louet, lettre C. n. 22.

On dit proverbialement, Que les os sont pour les absens, lorsqu’on dîne sans eux, lorsqu’on ne leur laisse que les restes des autres.

ABSENTER. v. n. qui ne se dit qu’avec le pronom personnel. Se retirer, s’éloigner de la présence des autres. Abesse. Ce Prince s’est absenté de la Cour. Il s’absente de ses amis avec peine.


Ou sois long-temps absent, ou ne t’absentes point :
Une courte absence est à craindre :
Souvent l’amour s’en sert pour nous mieux enflammer. Corn.

s’Absenter, signifie encore, S’enfuir, se cacher, se mettre à couvert. Abire, evadere, discedere, aufugere, proripere se, abdere se. En ce sens il marque une cause fâcheuse de s’éloigner. Il s’est absenté de la ville, à cause qu’on avoit décrété contre lui. Ce Marchand s’est absenté, a fait banqueroute.

ABSÈS ou ABCÈS. s. m. On écrit aussi Abcès. Tumeur contre nature, qui tend à corruption. Amas d'humeurs, ou de sang, qui se forme dans une partie interne du corps. abcessus, vomica. Le peuple l'appelle apostume. Cet homme est mort d'un abcès qu'il avoit dans le ventre. Un abcès qui perce ou suppure en dehors est capable de guérison. Voyez Tumeur & Aposthème. Quand un serin est attaqué d'un abcès qui se forme sur le croupion, vous le prenez dans vos mains, & avec une pointe de ciseaux bien fins, vous lui coupez adroitement la moitié de ce bouton blanc, puis en faites sortir le pus en le pressant un peu avec le doigts, & y mettez aussi-tôt dessus la plaie un petit grain de sel fondu dans la bouche, & cela fera sécher entièrement le mal. Si vous vous appercevez que votre serin souffre un peu, par ce que le sel le cuit, vous pourrez une heure après, ou environ, mettre sur son mal un petit morceau de sucre fondu avec la salive ; cela adoucira l’acreté du sel, & achevera de sécher la plaie. Hervieux.

ABSIDE. s. f. Absis & Absida. Terme d’Architecture & de Liturgie. C’est une voûte, car ἀψὶς en Grec, d’où l’on a fait abside, veut dire arcus, fornix, arc, voûte. On appelle aussi Abside, le Sanctuaire, ou la partie de l’Eglise qui est séparée du reste, & dans laquelle est l’Autel ; on l’a appelée du nom Abside, parce qu’elle est en voûte. Du Cange.

ABSIDES. s. f. Terme d’Astronomie. Ce sont deux points de l’orbite d’une planète, dont le plus haut est nommé apogée, & le plus bas périgée, ou le plus près de la terre. Apsides. Le diamètre qui les joint, s’appelle la ligne des absides, qui passe par le centre de l’orbite de la planète, & par le centre du monde. L’excentricité se prend dans la ligne des absides ; car l’excentricité est la distance entre le centre de l’orbite de la planète, & le centre de la terre.

Il s’est dit aussi quelquefois pour des Oratoires secrets qu’on a autrement appelés Doxologia, Doxalia, noms Grecs qui viennent de δόξα, louange, parce qu’on y chante les louanges de Dieu. Ces mots sont encore en usage dans les Pays-Bas, & signifient ce que nous appelons en François Chœur, un lieu au-delà de l’Autel, où les Religieux chantent l’Office, séparés du peuple, & sans en être vûs. Voyez Act. SS. April. Tom. I. pag. 694.

Il y avoit quelquefois plusieurs absides dans une même Église : ainsi l’Auteur de la vie de saint Hermenland, qui écrivoit au huitième siècle, dit que ce Saint fut enterré dans l’abside méridionale de la Basilique de saint Paul à Nantes. Absides alors ne peut, ce semble, signifier que deux choses ; ou ce que nous appelons Chapelles, qui étant voûtées étoient chacune une petite abside séparée ; ou dans les Eglises bâties en forme de croix, on appeloit abside méridionale le côté droit de la croisée qui regardoit le midi, l’Autel étant toujours à l’orient. Ce second sens paroît d’autant plus probable, qu’au même endroit le même Auteur distingue abside d’Oratoire, qui n’est autre chose que Chapelle. M. Chapelain écrit apside, conformément à l’origine de ce mot.

Abside, est aussi le nom que l’on donnoit autrefois à la bière où l’on mettoit les reliques des Saints : on l’appelle aujourd’hui châsse. On appeloit absides ces sortes de bières, parce qu’elles étoient élevées, & disposées en voûte. Du Cange.

ABSINTE. Voyez Absynthe.

ABSIRTIDES, ou plutôt ABSYRTIDES. s. f. & pl. Absyrtides. Îles de l’ancienne Liburnie, ou de la Dalmatie, vers l’entrée du golfe de Venise. On les nomme Absyrtides du nom d’Absyrte, frere de Médée, qu’elle y tua, & dont elle sema les membres sur sa route pour arrêter, à les ramasser, son pere Aëtes, qu’elle fuyoit avec Jason. Quelques Auteurs ont cependant appelé Ægialque ce frere de Médée. Lucain semble n’en reconnoître qu’une, qu’il appelle Absyrtos, & Brébeuf Absyrte.

Au Golfe d’Adria l’Absyrte tributaire
A ce commun devoir n’ose pas se soustraire.

ABSOLU, ue. adj. Souverain, indépendant. Cujus potestas summa. Prince absolu. Summus rerum Dominus. Commandement absolu. Il a obtenu cela d’autorité absolue.

Il signifie aussi, Sans réserve, sans restriction. Les Ambassadeurs ont quelquefois un plein pouvoir, un pouvoir absolu. On dit qu’un homme est absolu, impérieux, pour faire entendre qu’il veut être obéi, qu’il ne peut souffrir qu’on lui résiste, qu’il veut fortement ce qu’il ordonne. Imperiosus. On dit encore, Parler d’un ton absolu ; pour dire, parler d’un ton impérieux, commander avec hauteur. Une conduite ouverte & familière gagne mieux les cœurs, qu’une autorité sèche & absolue.

On appelle, Jeudi absolu, le Jeudi saint. Ce nom lui en venu de ce que dans l’ancienne Eglise c’étoit le jour auquel on absolvoit les Pénitens publics, comme il paroît par la lettre d’Innocent I. à Decentius. C. 7. Flodoard L. 1. de l’Hist. de Rheims ch. 14. Eloy de Noyon dans ses Homélies in Cœna Domini ; Hincmar dans la vie de S. Remi ; l’Ordo Romanus ; le Livre de Divin. Off. dans Alcuin, le Concile de Châlon sur Saône C. 47. &c. De là vient que ce jour s’appelle dans les vieux titres, Absolutionis dies, Jour de l’Absoute. Voyez ABSOUTE. Le P. Morin prétend néanmoins que ceci ne doit s’entendre que des Eglises d’Occident, & que dans les Eglises d’Orient, & même dans celles d’Espagne & de Milan, l’absolution ne se donnoit que le Vendredi saint, ou


même le Samedi saint. Mr Godeau a dit la même chose ; mais d’habiles Théologiens prétendent qu’ils se trompent.

En termes de Grammairien, un terme absolu, est un terme qui ne se rapporte à rien autre chose. Il est opposé à relatif. Un Ablatif absolu, est une locution détachée & indépendante, qui ne régit rien, & qui n’est régie de rien. Dictio ab alia minimè pendens. C’est à l’imitation des Latins : Deleto exercitu : L’armée ayant été taillée en pièces. Tout bien considéré, en matière de Religion, le plus sûr est de s’en tenir aux décisions de l’Eglise. Port-R. Absolu, en termes de Philosophie, signifie, ce qui ne porte ou ne renferme point l’idée d’une relation, ni de rapport à autre chose ; & il est opposé à relatif. Homme est un terme absolu ; au contraire, Créature, Père, sont des termes relatifs, parce que l’un emporte un rapport au Créateur, & l’autre à des Enfans.

En termes de Théologie quelques Ecrivains, ou Catholiques, ou Protestans, le prennent encore dans un autre sens, & l’opposent à déclaratoire. Ainsi dans la doctrine Catholique l’absolution de Prêtre est absolue ; il remet absolument les péchés ; mais dans la doctrine des Luthériens & des Anglicans, l’absolution du Prêtre n’est que déclaratoire & ministériale. Absolu signifie encore ce qui est sans condition ; & une promesse, une proposition absolue, opposée à une promesse, ou à une proposition conditionelle.

Nombre absolu. Terme d’Algèbre en matière d’équation. C’est ce que Viète appelle Homogeneum comparationis, & qui fait toujours un côté ou une partie entière de l’équation, & est toujours une quantité connue. C’est encore le rectangle, ou le solide dont on cherche la racine inconnue. Ainsi dans cette équation a a + 16 a = 36. le nombre absolu est 36. lequel est égal au produit des deux racines ou valeurs de l’a ; c’est-à-dire, à a multiplié par lui-même, plus a pris seize fois. Equation absolue, en termes d’Astronomie, est la somme de deux équations de l’excentrique, & de l’optique. Harris. Voyez EQUATION.

ABSOLUMENT, adv. Souverainement, avec une autorité absolue. Summo jure. Il commande absolument dans la Province. Il signifie impérieusement & décisivement. Superbè. Cet homme parle absolument, & en maître. Ce mot vient du Latin absolvere, en tant qu’il signifie achever, parce que celui qui commande absolument, veut que la chose s’exécute sans trouver d’opposition.

Il signifie quelquefois, Tout-à-fait, entièrement, sans réserve, & sans restriction. Prorsus, omninò. Il le nie absolument.

Il signifie encore, Nécessairement, de nécessité absolue. Il faut partir absolument, & sans repliquer. On dit vouloir absolument, pour dire, Vouloir déterminément, & à quelque prix que ce soit. Je n’en ferai absolument rien, & toutes vos remontrances ne m’y feront point consentir. La nature ne se laisse pas conduire au hazard, & n’est pas absolument ennemie de l’art & des règles. Boil.

On dit aussi en Grammaire, qu’un mot se dit absolument, quand il est sans régime. Par exemple. Il faut prier sans cesse : le verbe prier est mis là absolument, parce qu’il ne régit rien. En Philosophie & en Théologie, absolument, outre les significations déjà rapportées, signifie encore. 1°. De soi même, par soi-même, sans rapport à aucun autre, indépendamment de tout autre, & il est opposé à relativement. L’Homme pris ou considéré absolument, est un animal raisonnable. 2°. Sans addition, sans restriction, sans modification. Cela est bon absolument. En ce sens on y joint souvent simplement. Cela est simplement & absolument bon. Simpliciter & absolutè bonum. Absolument & simplement universel. 3°. Par une puissance, une vertu extraordinaire, au dessus ou hors du cours ordinaire de la nature. Les accidens se peuvent absolument séparer de leur sujet. 4°. Quelquefois absolument en morale veut dire, Souverainement. Dieu, la dernière fin de l’Homme, est absolument bon. 5°. Absolument signifie sans condition. Dieu ne promet point absolument le pardon, mais à condition qu’on sera véritablement repentant de ses péchés.

En Géométrie absolument, se prend encore pour Entièrement, parfaitement. Ainsi on appelle absolument rond, ce qui l’est entièrement, parfaitement, pour le distinguer de ce qui n’est que presque rond, comme la cycloïde & la sphéroïde.

Absolument, se dit d’une chose dont on parle en général, & sans entrer dans le détail. Universè, ou generaliter & absolutè. Cet ouvrage a quelques défauts, mais il est bon absolument parlant.

ABSOLUTION, s. f. Jugement juridique, par lequel l’accusé est absous & déclaré innocent. Absolutio. Il a obtenu un arrêt d’absolution en matière criminelle. Quand les opinions sont partagées entre la condamnation & l’absolution, on renvoie l’accusé absous ; cette jurisprudence est fondée sur les Loix de la Nature & sur le Droit Civil : c’est le sentiment de Faber sur la Loi 125. De div. reg. jur. de Cicéron pro Cluentio, de Quintilien declam. 254. de Strabon Liv. 9. On dit aussi, Absolution d’une demande civile, quand on en est déchargé.

J’entens que l’usurpation
De mon cœur, qu’avez à present,
N’empêche l’absolution ;
Car je vous en fais un present. S. Gel.

L’absolution des censures est la troisième partie d’une signature de la Cour de Rome, qui porte absolution des censures qui pourroient empêcher l’effet de la grace accordée. On appelle aussi, en Chancellerie Apostolique, une absolution à sævis, une grace accordée par une signature particulière à celui qui a assisté à quelque jugement de mort, ou qui a commis quelque cas qui le rend irrégulier, & incapable de posséder aucuns Bénéfices.

Absolution, terme d’Eglise, acte juridique, par lequel un Prêtre approuvé, comme Juge, & en vertu du pouvoir qu’il a reçu de J. C. remet les péch ez au Pénitent, qui est dans les dispositions nécessaires. Il faut dire absolution sacramentelle, plutôt que sacramentale. Menage. Ceux qui par l’absolution sacramentelle eussent été en la grace de Dieu. God. Les Luthériens ont retenu l’absolution sacramentale. Boss. L’absolution qu’Hincmar envoya par lettre à Hildebold Evêque de Soissons n’étoit qu’une espèce d’indulgence & de bénédiction, & non une absolution sacramentelle, puisqu’il suppose d’ailleurs que l’on doit se confesser au Prêtre en détail. Fleury. Et que non seulement il le suppose, mais qu’il avertit Hildebold de le faire. De plus, dit-il, je vous avertis par précaution, ne doutant point que vous ne l’ayiez déja fait, qu’outre cette confession générale vous ayiez soin de confesser en détail à Dieu, & à un Prêtre, tout ce que vous reconnoissez avoir commis depuis le commencement de votre vie jusqu’à présent.

Le P. Amelote de l’Oratoire, au liv. 9. ch. 3. de son Abrégé de Théologie, dit en parlant du Sacrement de la Pénitence : La principale force du Sacrement, ce qui en est comme l’ame, & où réside principalement l’influence & la vertu de Jesus-Christ jugé pour nous, c’est dans le Sacrement d’absolution que le Prêtre prononce par ces paroles : Je t’absous de tes péchés. L’absolution, ou les paroles de l’absolution, sont la forme du Sacrement de Pénitence, ainsi que l’enseignent le Concile de Florence dans le Decret ad Armenos, & le Concile de Trente Sess. XIV. c. 3. Cette forme est absolue dans l’Eglise Latine & déprécatoire dans l’Eglise Grecque, ainsi que l’on peut voir dans l’Euchologe des Grecs imprimé à Venise en 1638. dans la censure de la Confession d’Ausbourg faite par Jérémie Patriarche de Constantinople, & dans l’Instruction de Clement VIII. sur les Rits des Grecs imprimée en 1595. Arcudius prétend néanmoins que la forme de ce Sacrement est absolue chez les Grecs, aussi bien que chez les Latins, & que ce sont ces mots : Mea mediocritas habet te veniâ donatum. Mais les exemples qu’il en apporte, ou ne sont point des formules d’absolution, ou sont des formules d’absolution d’une excommunication, mais non pas de l’absolution sacramentelle. D’ailleurs, Arcudius avoue lui-même que plusieurs Prêtres ne disent point la formule qu’il rapporte. Enfin, il faut juger du Rit Grec plutôt par les Euchologes, que par les passages de Gabriel de Philadelphie, & des autres particuliers que cite Arcudius. L’absolution sacramentelle n’est pas déclaratoire seulement ; elle remet véritablement les péchés. Le P. Seguenot de l’Oratoire ayant dit dans ses Remarques sur le livre de la S. Virginité de Saint Augustin : Qui diroit que l’absolution n’est autre chose qu’un acte judiciaire, par lequel le Prêtre déclare, non simplement, mais avec autorité, & de la part de Jesus-Christ, que les péch ez sont remis, & en prononce l’arrêt juridiquement, celui-là n’avanceroit rien à mon avis, ni contre le Concile de Trente, qui semble même avoir donné lieu à cette interprétation, lorsqu’il s’est expliqué sur cela plus nettement, ni contre les anciens Théologiens, je dis même Scholastiques, que la plupart des nouveaux ont quitté en cette matière, comme on les quitte maintenant eux-mêmes. Dieu veuille qu’ils nous le pardonnent, comme on leur pardonne. Toute cette Remarque fut justement censurée par les Théologiens de la Faculté de Paris. Cette doctrine est Luthérienne, contraire aux paroles précises de Jesus-Christ en S. Jean Ch. XX. v. 23. Ceux dont vous aurez remis les péchés, leurs péch ez leur seront remis ; condamnée par le S. Concile de Trente Sess. XIV. Ch. VI. & Can. 9. & contraire à la Tradition. Voyez Tertull de pudic. S. Cyprien de Laps. & la troisième lettre de Pacien. Voyez le mot de Contrition.

Le Jésuite Dandini traite fort mal les Grecs sur la manière dont ils donnent l’absolution aux pénitens. Un homme, dit-il, au chap. 7. de son voyage du Mont Liban, s’étant confessé d’un péché commun & ordinaire fut renvoyé par le Confesseur, qui refusa de l’absoudre, à moins qu’il n’appellât sept autres Prêtres. Ceux-ci ayant été attirez par quelque argent firent étendre à


terre le pénitent, comme s’il eût été mort, & ils lui donnèrent enfin l’absolution, en récitant de certaines prières. Ils ont accoutumé de demander de l’argent pour l’absolution, & de la refuser quand on ne leur en donne point. Car ils prétendent qu’il leur est dû quatre ou cinq écus & davantage pour les péch ez communs & ordinaires. La pénitence qu’ils donnent pour les gros péchés, c’est de défendre la Communion pour quatre ou cinq ans. Peut-être font-ils cela par mépris, & par l’aversion qu’ils ont pour l’Eglise Latine, qui l’ordonne tous les ans.

Mr Simon, dans ses Remarques sur le voyage du Mont Liban, imprimé à Paris, justifie la pratique des Grecs dans le Sacrement de Pénitence. Si les Grecs, dit-il, diffèrent de donner l’absolution aux pénitens, ils suivent en cela l’usage de leur Eglise, qui est très-ancien : ils ont leurs livres Pénitentiaux qui les règlent, & ce n’est point leur caprice qui leur fait imposer une pénitence plutôt qu’une autre : mais ils suivent les Canons, & ils appellent faire le Canon, ce que nous appellons ordinairement faire la Pénitence. Ils éloignent souvent leurs Pénitens de la Communion pour un an, pour deux ans, & même pour davantage, suivant en cela les anciens Canons. Si les Grecs ne passent point leur Canon, ou leurs anciens livres Pénitentiaux, Mr Simon a raison ; mais il est certain qu’ils y ajoûtent souvent beaucoup, & qu’il se glisse parmi eux bien des abus dans l’administration de ce Sacrement.

On ne doit pas aussi traiter les Grecs d’ignorans & de superstitieux, parce qu’un Confesseur refuse de donner l’absolution à un pécheur, s’il n’a auparavant fait venir sept Prêtres qui donnent tous ensemble l’absolution. Cette façon paroît étrange à ceux qui ne consultent que l’usage présent : mais si l’on remonte jusqu’aux anciens temps, on trouvera que cela s’observoit même dans Rome. Le Pape Corneille assembla les Prêtres & les Evêques qui étoient alors dans Rome pour délibérer de la Pénitence qu’on devoit donner à quelques Schismatiques qui rentroient dans l’Eglise. Il n’est donc pas surprenant qu’un Papas ou Prêtre Grec, délibère avec plusieurs de ses Confrères touchant la Pénitence qu’il doit donner à un homme, qui étant engagé au service d’un Latin, étoit tous les jours dans des occasions prochaines de pécher contre les cérémonies de sa Religion.

On ne doit point aussi tourner en ridicules les Prêtres Grecs, sous prétexte qu’ils font coucher par terre le pénitent, & qu’en cet état ils récitent sur lui des prières en forme d’absolution ; car les Grecs se confessent d’ordinaire assis. Ils se contentent de se prosterner deux fois, à savoir, au commencement, quand ils demandent la bénédiction du Prêtre, qui invoque sur eux la grace du S. Esprit, & à la fin quand ce même Prêtre prie Dieu qu’ils puissent accomplir la pénitence qu’il leur impose. En un mot, il ne faut point condamner tout ce qui est conforme à leurs anciens Livres Pénitentiaux, & ce que Clement VIII. n’a point blâmé dans son Instruction sur les Rits des Grecs. C’est une erreur de dire que dans l’ancienne Eglise on n’accordoit l’absolution aux Pénitens qu’après une satisfaction publique. Il n’y avoit qu’un petit nombre de crimes énormes & publics que l’Eglise soumît à la pénitence publique, comme l’idolatrie, l’homicide, & l’adultere. C’est encore une erreur de dire que jusqu’au vi. siècle de l’Eglise on n’a accordé l’absolution qu’une fois. C’est la pénitence publique qu’on n’accordoit qu’une fois, & non pas l’absolution en général. Il n’y a jamais eu que Novat qui ait porté les choses à cet excès. Les Novatiens & les Montanistes n’alloient point jusques-là. Ils accordoient la pénitence à tous les péch ez légers & médiocres. Il n’y avoit que les grands péch ez que Tertullien appelle des monstres, auxquels ils prétendoient que l’Eglise ne pouvoit, ou ne devoit point accorder l’absolution après le Baptême. Cela est évident par Tertullien l. de Pudic. & par Origène, l. de Orat. qui tous deux étoient infect ez de l’erreur des Montanistes, & par ceux qui ont combattu les Novatiens, comme S. Ambroise, l. de Pœnit. & S. Pacien de Barcelonne, ep. 3. &c. Quelquefois même, dans la pénitence publique, on accordoit l’absolution & l’Eucharistie avant que la pénitence fût accomplie. Pour les péch ez qui n’étoient point soumis à la pénitence publique, M. Godeau, qui croit que l’absolution se donnoit régulièrement quand la satisfaction étoit achevée, avoue pourtant que souvent, & pour des raisons assez légeres, elle se donnoit immédiatement après la confession.

Absolution ad cautelam, C’est une maxime que l’excommunié par sentence demeure en état d’excommunication, nonobstant son appel : ainsi pour éviter les inconveniens qui pourroient arriver, l’on demande au Juge l’absolution que les Docteurs appellent ad cautelam, laquelle n’a d’effet que pendant l’appel, & ne se doit accorder qu’avec beaucoup de circonspection. Cette absolution ne se donne qu’après que le condamné affirme par serment qu’il exécutera le jugement qui sera rendu. Voyez Eveillon, Traité des excommunications. Quelques-uns qu’il y a croyent que l’absolution ad cautelam ne se donne que par provision à celui qui a été excommunié, dans la crainte qu’il ne meure subitement, ou par quelque accident, avant qu’il ait pû se faire absoudre. Mais ce n’est point par cette raison ; car elle se donne moins en faveur de celui qui a été excommunié, qu’en faveur de ceux, qui par une conscience timorée feroient scrupule de fréquenter l’excommunié : or cette absolution leur sert de précaution, pour les assurer qu’ils ne participent point à l’excommunication. Bouchel. On dit aussi absolution à caution, & tous ces mots se trouvent dans les bons Livres. La première fois que l’on trouve qu’il est fait mention de l’absolution à cautele, ad cautelam, c’est dans une lettre du Pape Célestin écrite en 1195. à l’Evêque de Lincoln, où il lui ordonne de publier une suspense par tout le Diocese d’Yorck, & à Géofroy qui en étoit Archevêque, en l’avertissant cependant d’absoudre ces personnes ad majorem cautelam.

Absolution, en termes de Bréviaire, est une courte prière que dit celui qui officie à chaque nocturne des Matines avant les bénédictions & les leçons. On appelle absolutions, les encensemens & aspèrsions d’eau benite qu’on fait sur les corps des Princes & des Prélats qu’on enterre avec grande cérémonie.

ABSOLUTOIRE, adj. Qui porte absolution. Absolutorius. Il a une sentence absolutoire.

ABSORBANT, s. m. ABSORBANS. pl. Terme de Médecine, qui est tantôt adjectif, tantôt substantif. Medicamina ad absumendum nata. On appelle absorbans des médicamens terrestres & poreux, qui s’imbibent aisément des sels acides & alkalis, & qui boivent les substances aqueuses ou sulphureuses. Les os calcinés, la corne de cerf préparée, l’yvoire brûlé, le corail, les yeux d’écrevisse, &c. sont de véritables absorbans. On a confondu quelque temps les absorbans avec les sels alkalis, sans doute à cause de leurs effets & de leurs propriétés ; les alkalis absorbant les acides en amortissent l’activité. Le quinquina est une sorte d’absorbant qui guérit les fièvres intermittentes.

ABSORBER, v. act. Engloutir, dissiper, consumer, emporter. Absumere. Les eaux absorbent presque toute la lumière qu’elles reçoivent du soleil. Roh. Il est peu en usage au propre, si ce n’est en parlant des animaux voraces : mais il se dit au figuré, & il emporte d’ordinaire un mauvais sens. Les droits de la Femme ont absorbé tous les biens du Mari. Le frais d’un scellé absorbent les plus clairs deniers de cette succession. Ce goinfre a absorbé tout son patrimoine. La voix est absorbée dans les voûtes. Ablanc. c’est-à-dire, qu’elle s’y perd. La question de l’infaillibilité de l’Eglise absorbe toutes les autres controverses. Claude. Ce mot vient du Latin absorbeo, signifiant le même.

Absorber, se dit en jardinage, des branches gourmandes qui naissent sur les arbres fruitiers, & qui ôtent aux autres branches la plus grande partie de la nourriture dont elles ont besoin. Il faut être très-soigneux de retrancher les branches gourmandes, crainte qu’elle n’absorbent la substance nécessaire pour nourrit le teste du corps de l’arbre. Cette branche a toute absorbé la sève, ou le suc nourricier. Liger. Il se dit avec le pronom personnel. Comme tout passe & s’absorbe pour jamais dans l’éternité de Dieu, les choses périssables ne valent pas la peine d’être considérées. Ab. de la Tr.

ABSOUDRE, v. act. Décharger d’une accusation, de la peine d’un crime. Remettre un crime commis. J’absous, tu absout, nous absolvons, vous absolvez, ils absolvent. Imparf. j’absolvois. Fut. j’absoudrai. Subj. que j’absolve. Part. act. absolvant. Part. passif, absous. Absolvere. Absoudre un Pénitent, lui remettre ses péchés dans le Tribunal de la Confession. Dans le doute il est plus expédient d’absoudre un criminel, que de condamner un innocent. Court. On l’a absous à pur & à plein. On dit aussi dans le discours familier, en parlant d’un défunt, que Dieu absolve, c’est-à-dire, à qui Dieu fasse miséricorde.

☞ ABSOUS, oute. part. & adj. Affranchi, ou déchargé de crime. Absolutus, Quand on est absous de la coulpe du péché, il reste encore communément à satisfaire à la peine qu’il mérite.

Absous, se dit aussi en matière civile. Un défendeur conclut toujours à être renvoyé quitte & absous de la demande qu’on lui a faite.

ABSOUTE, s. f. Absolution publique & solemnelle qui se donne au Peuple. Absolution. L’Evêque en fait la cérémonie le Jeudi Saint, ou le Mercredi au soir dans les Cathédrales. L’absoute se fait aussi par les Curés dans les Paroisses le jour de Pâques.

ABSTEME, s. m. Terme dogmatique. Qui ne boit point de vin. Abstemius. Pline dit vini abstemius, L. xxii. Et Apulée a fait Invinius. On s’en sert en Théologie, pour parler de ceux qui dans la Communion ne pourroient prendre les espèces du vin, à cause de l’aversion naturelle qu’ils ont pour cette liqueur. Mr de Meaux s’est servi de l’éxemple des abstêmes, pour défendre le retranchement de la Coupe. Les Dames Romaines dans les premiers temps étoient abstêmes ; & afin qu’on pût s’appercevoir si elles buvoient du vin, une des Loix de la Civilité


Romaine étoit qu’elles donnassent le baiser à leurs Parens, quand elles les abordoient. Plin. l. 22. c. 24. Aulu-Gelle l. 10. c. 22.

Ce mot est formé de la préposition abs, & tementum, ancien mot, qui signifioit du vin. Cependant à l’endroit de Pline que nous avons cité, & dans Horace L. 1. Ep. 12. abstemius semble être pris pour un homme qui s’abstient de quelque boisson, ou même de quelque mets que ce soit.

ABSTENIR, v. n. Qui ne se dit qu’avec le pronom personnel. Se défendre l’usage, se contenir à l’égard de quelque chose, se priver de quelque plaisir. Abstinere, temperare. Conjuguez, je m’abstiens ; je m’abstenois ; je m’abstins ; je me suis abstenu ; je m’abstiendrai ; je m’abstiendrois, &c. Ils sentent, à chaque péché qu’ils commettent, un avertissement intérieur de s’en abstenir. Pasc. Il faut se garder, & s’abstenir de se mettre en colère. Ils disoient qu’Auguste s’étoit abstenu de la qualité de Dictateur. Ablanc. Il faut s’abstenir du vin pendant la fièvre. Les Chrétiens ne s’abstenoient de viande pendant leurs jeûnes, que pour mortifier les sens. Du Pin. Les Juifs étoient obligés de s’abstenir de leurs femmes pendant certains temps. Il ne se peut abstenir de jouer, de parler. Il faut s’abstenir de manger des choses défendues par la Loi. S’abstenir de certaines expressions. Peliss. On le dit quelquefois absolument. Il est plus aisé de s’abstenir que de se contenir.

Abstenir, se dit aussi en matière de récusation de Juges ; & quand la Cour la trouve bien fondée, elle dit pour adoucir l’expression, que le Juge s’abstiendra, c’est-à-dire, de rapporter le proces, ou d’y opiner.

ABSTINENCE, s. f. Vertu morale par laquelle on s’abstient de certaines choses, en vertu d’un précepte moral, ou d’une institution cerémonielle. Abstinentia. C’est une espèce de la tempérance, & elle se confond quelquefois avec la sobriété. Le grand jeûne, dit S. Augustin, est l’abstinence des vices. Les Athlètes, pour se rendre plus robustes, vivoient dans une abstinence générale de tous les plaisirs. Dac. L’Eglise a enjoint aux Ecclésiastiques l’abstinence des femmes : elle a marqué aussi certains jours de jeûne, & d’abstinence. Il se dit aussi de la simple modération dans l’usage des alimens. On fait des abstinences par un pur régime de vivre, comme de vin, de salines, &c. La diète & l’abstinence sont nécessaires, pour rétablir l’estomac affoibli par la débauche.

Abstinence, signifie quelquefois une simple privation de manger de la chair. Abstinentia carnium. L’abstinence des viandes assaisonnée de dévotion, & accompagnée de la prière, est un des moyens les plus efficaces pour avancer notre sanctification. Boss. L’Eglise ordonne simplement l’abstinence le jour de Saint Marc, & non pas le jeûne. Les Mercredis sont des jours d’abstinence, chez plusieurs Religieux. Les dévots font aussi des abstinences, & des macérations volontaires.

ABSTINENT, ente, adj. Tempérant à l’égard du boire & du manger. Sobrius. Les Peuples du Midi sont plus abstinens que ceux du Septentrion.

Abstinent, s. m. Nom qu’on donna à certains Hérétiques qui s’éleverent dans les Gaules & en Espagne au 3e. siècle, pendant la persécution de Dioclétien & de Maximien, parce qu’ils blâmoient le mariage. Les Abstinens étoient les mêmes que les Hiéraclites, selon Baronius ; & selon d’autres c’étoient des Encratites, nom Grec qui signifie la même chose à peu-près qu’Abstinent. Quoi qu’il en soit, tout le monde convient que les Abstinens étoient une branche des Gnostiques & des Manichéens. Ils faisoient aussi profession de ne point manger de viande, comme étant de soi mauvaise, & ayant été créée par Satan. Voyez Philastrius hær. 83. Ces Hérétiques furent nommés Abstinens, à cause qu’ils s’abstenoient de l’usage du vin & de plusieurs viandes. God.

ABSTERGER, v. Act. Abstergere. Ce mot vient du Latin. Terme de Médecine & de Chirurgie. Purger, nettoyer une plaie, ou ulcère, c’est la nettoyer d’une quantité de pus. Cela se fait par le moyen des amers, comme l’aloës, la myrrhe, & les herbes vulnéraires, qui absorbent un acide lequel ronge les fibres, & tuent de petits vers qui se forment dans les ulcères, & les rendent difficiles à se sécher.

ABSTERSIF, ive, adj. Qui purge & nettoie. Smegmaticus, smecticus. Médicament, purgation abstersive. Smegma.

ABSTRACT, acte. Terme de Philosophie. Il est un peu barbare en François. Ce qu’on détache par la pensée de toute autre chose, afin d’en avoir une connoissance simple, & par lui-même. Species abstracta per mentem. La quantité est un terme abstract, quand on la considère en elle-même, & sans être attachée à un corps, quoiqu’elle ne puisse subsister naturellement sans lui, ni lui sans elle. La blancheur est un terme abstract, quand on la considère détachée d’un sujet. De la connoissance des abstracts on parvient à celle des concrets, qui est le terme opposé.

ABSTRACTION, s. f. C’est une action de l’esprit, par laquelle on considère quelque partie d’un tout, sans faire attentions aux autres : ou un détachement qui se fait par la pensée de tous les accidens ou circonstances qui peuvent accompagner un Être, pour le considérer mieux en lui-même. L’abstraction est l’action ou l’éxercice d’une faculté, ou puissance propre & particulière à l’esprit de l’homme, & qui distingue entièrement & essentiellement son ame de celle des bêtes ; faculté qui consiste en ce que l’homme peut, en élevant ses idées au-dessus des Êtres particuliers, en faire des représentations générales du tout de la même espèce, auquel tous les Philosophes donnent le nom d’universel. Actio animi speciem aliquam abstrahentis. On considère par abstraction, lorsque dans un mobile on considère le mouvement, sans faire attention au corps mû. Si mon œil me représente de la blancheur sur une muraille, je puis par abstraction considérer cette qualité de blancheur en elle-même, & en faire un attribut général de plusieurs autres choses différentes, comme de la neige, du lait, &c. Cette qualité, quelle qu’elle soit, considérée ainsi à part & sans le concret, ou le sujet auquel elle est inhérente, est une qualité considérée par abstraction. Harris. Ce sont les Mathématiciens qui, qui considérant la quantité sans matière, supposent dans leur empire d’abstraction des indivisibles sans parties : mais il n’est pas permis aux Physiciens de faire ces sortes d’abstractions, ni de sortir des bornes de la matière. Bern. La Métaphysique considère aussi les Êtres par abstraction, & c’est proprement son objet. En Arithmétique nombres abstracts sont ceux que l’on considère précisément comme nombre, sans les appliquer à aucun sujet. Harris. En terme de Mathématique, la Mathématique abstraite est opposée à la Mathématique mixte ; le premier terme signifiant purement la Géométrie & l’Algèbre ; & le second l’Optique, la Gnomonique, la Navigation, & les autres parties, dans lesquelles la Physique est jointe à la Mathématique. Id. Pour bien juger d’un homme, il faut faire abstraction de tout ce qui nous peut préoccuper, ou pour, ou contre lui. Rien n’est plus digne de compassion que ces Fanatiques, qui se font une piété à leur mode, & qui, sous le prétexte d’être tous spirituels, trouvent le secret de faire des abstractions, & des séparations, qui n’ont jamais été imaginées, que de ceux qui ont renoncé à la vie de l’esprit, pour s’abandonner à celle des sens. Abbé de la Trape.

ABSTRAIRE. v. act. faire une abstraction, un détachement de toutes les qualités d’une chose, pour ne considérer que son essence.. Abstrahere. J’abstrais, tu abstrais, il abstrait ; nous abstrayons, vous abstrayez, ils abstraient. Quand on raisonne en Algèbre, on abstrait la quantité, le nombre de toutes sortes de matières & de sujets. Il y a plusieurs temps de ce verbe qui ne sont point usités, comme l’imparfait, le prétérit indéfini, &c.

Abstrait, aite, part. & adj. se dit figurément en Morale d’un esprit qui ne s’applique à rien, qui n’entre point dans la conversation ; qui se sépare & s’éloigne des choses sensibles par le moyen de l’esprit : d’un homme qui détache ses regards de tous les objets qui l’environnent, pour ne s’attacher qu’à la contemplation de celui qu’il a dans la pensée. Abstractus. Cet homme est abstrait, dédaigneux, & semble toujours rire en lui-même de ceux qu’il croit ne le valoir pas. La Bruy. On dit qu’Un homme est abstrait, quand il ne répond pas à celui qui lui parle, parce qu’il songe à autre chose.

On dit encore des raisonnemens abstraits, pour exprimer qu’ils sont trop subtils. Argumenta tenui filo diducta. Ces idées sont abstraites, & ne tombent point sous l’imagination. Malb. C’est une Philosophie abstraite & chimérique. Port-R. pour dire, une Philosophie trop dégagée des choses sensibles, trop métaphysique & trop difficile à pénétrer. On ne doit pas confondre la définition d’une idée abstraite & arbitraire, avec la définition des choses qui éxistent réellement. Le Cl. Il est aussi subst. La rondeur est un abstrait, & le rond est un concret.

ABSTRUS, use. adj. qui est caché & inconnu au commun du monde, qui demande une extrême application pour être entendu. Abstrusus. L’Algèbre, les Sections Coniques, sont des Sciences, des matières fort abstruses, où peu de personnes peuvent pénétrer.

ABSURDE, adj. masc. & fém. Terme de Philosophie. Ce qui choque le sens commun, qui est impertinent, incroyable, impossible. Absurdus. Proposition absurde. Quand on suppose une chose absurde, on en tire mille conséquences absurdes. Il prouve une chose absurde, par une chose plus absurde.

ABSURDEMENT. adv. d’une manière absurde. Absurdè. C’est conclure absurdement, que de dire, &c.

ABSURDITÉ, s. f. Qui contient quelque chose d’absurde. Absurdè dictum aut factum. Il s’ensuivroit de grandes absurdités d’une telle supposition. La plus grande des absurdités est la contradiction. Quelle foi peut-on ajoûter à des gens qui proposent sérieusement d’aussi grandes absurdités ? Le Gend.

ABSUS. s. m. Herbe qui croit en Egypte, à la hauteur de quelques doigts. Ses feuilles ressemblent à celles du triolet ; & ses fleurs blanches, & d’un jaune pâle, produisent une semence noi-


re, renfermée dans de petites cellules. Cette description est tirée de P. Alpin. On doit ranger cette plante parmi les Casses, & la nommer, Cassia sylvestris, Ægyptiaca, tetraphyllos. Bauhin l’appelle loto affinis Ægyptiaca. Pin. 332.

ABSYNTHE, ou ABSINTE. subst. masc. & fém. Selon Malherbe ; & selon Vaugelas, toujours masculin. On le fait plus ordinairement féminin. L’Académie Françoise le fait fépminin. Ménage veut qu’on écrive apsynthe par un p, sans doute à cause de l’étymologie. Plante médécinale. Les Botanistes anciens ne faisoient mention que de quatre espèces d’absynthe ; savoir, la vulgaire ou romaine, la menue ou pontique, la marine, & la santonique ; mais les Modernes en distinguent plus de trente espèces. Voyez Bauhin, Tournefort, Plukenet & Barrelier. L’absynthe vulgaire, grande absynthe, ou absynthe romaine, a ses racines branchues, chevelues, & éparpillées. De ses racines s’élèvent ordinairement plusieurs tiges, hautes de trois à quatre pieds, blanches & garnies de feuilles semblables à celles de l’armoise, branchues des deux côtés. Ses fleurs naissent à l’extrémité des branches & des tiges, & sont disposées en épi assez long, blanchâtre, & garni de petites feuilles qui soutiennent les fleurs. Chaque fleur est un bouton composé de plusieurs fleurons dorés, & renfermés dans un calice écailleux. Ces fleurons sont portés sur des embryons, qui deviennent des semences menues, oblongues & nues. Cette absynthe vulgaire est la plus en usage dans la Médecine. Plusieurs croient que c’est la barbotine qu’on appelle semen sanctum ; mais Mathiole dit que c’est une plante bien différente. Quelques-uns prétendent que l’absynthe est l’aurone femelle. L’absynthe menue, petite absynthe, ou absynthe pontique, est beaucoup plus basse ; ses tiges sont plus menues ; ses feuilles plus petites, plus finement découpées & moins blanches. Ses fleurs ont la même structure & le même arrangement que celles de la vulgaire ; mais elles sont un peu plus petites. Son amertume & son odeur ne sont pas si insupportables que celles de la vulgaire. La marine se distingue de la pontique par ses feuilles plus épaisses, moins découpées, & par son goût salin. A l’égard de la santonique, on a confondu sous ce nom diverses plantes, Voyez Barbotine.

L’absynthe est stomacale, apéritive, fébrifuge, bonne contre les vers & pour les vapeurs, les coliques, la jaunisse & les pâles couleurs. On la prend en infusion dans du vin ; c’est ce qu’on appelle vinum absynthites, en extrait, extracyum absynthii ; en sirop, syrupus de absynthio. On l’emploie dans les fomentations & dans les cataplasmes, pour arrêter les progrès de la gangrène. On ne se sert que des feuilles & des sommités de cette plante. Et de l’eau d’absynthe, aqua absynthites. On a aussi donné à l’absynthe le nom d’alvine, ou alvyne. Voyez ce mot.

Absynthe, figurément, signifie Douleur, amertume, déplaisir. Dolor animi. Mais je ne voudrois pas l’employer au pluriel comme Malherbe, qui a dit, adoucir toutes nos absynthes.

Ce mot vient d’α, particule privative en Grec, & πίνθιον ; c’est-à-dire, impotabile, non potable ; & les Comiques Grecs la nomment en effet ᾶπίνθιον, parce que c’est une plante si amère, qu’on a de la peine à boire une liqueur dans laquelle elle aura trempé. Quelques-uns le font venir du Grec ἅπτω, toucher, ἅψισθον, ᾶψεσθαι & veulent que ce nom ait été donné à cette plante par antiphrase, parce que nul animal n’en peut goûter, ni la toucher, à cause de son amertume. Cette étymologie n’est pas vraisemblable, & il est étonnant que d’habiles gens aient pu la hasarder ; ἅπτω est aspiré, & absynthium ne l’est pas : on dit ἀψίνθιον & non ἅψιστον ; l’un a un θ, & l’autre un τ, & le premier n’a pu se former du second, ni de ἅψεσθαι. D’autres le font venir d’ἀψίνθιον, qui veut dire désagréable, indelectabile, & qui s’est formé de l’α privatif, & de ψίνθος, plaisir, delectatio, à cause de l’amertume qui rend cette plante désagréable. Cette étymologie paroît plus juste, & justifie en même temps l’orthographe d’absinthe, sans y.

ABU.

ABUNA, ou ABOUNA. s. m. Terme Arabe, qui se trouve dans les Relations, & qui signifie proprement, Notre Père. L’on s’en sert en parlant des Religieux Chrétiens Arabes. Ainsi ils disent, Abouna Ephrem ; c’est-à-dire, Notre Père Ephrem, qui est la même chose que si nous disions, Le Père Ephrem, en parlant d’un Religieux de ce nom, ou Père Ephrem, en parlant à lui même. Selon Portel, il faut dire Abana, אבאנא, & l’interprète Arabe l’écrit ainsi, Matth VI. 9. On dit cependant, Abouna, אבונא

ABUS, s. m. Dérèglement, ce qui se fait contre les règles, le bon ordre. Abusus. Il y avoit des abus dans tous les ordres de l’état, qui ont été réformés par Louïs le Grand. Les Conciles, les Ordonnances, tendent à réformer les abus contre la Discipline & la Police. C’est le Grand Constantin, qui, en introduisant les richesses dans l’Eglise, y a introduit en même-temps les abus, & le relâchement de la Discipline. Port-R. Ce Ministre a réformé les abus des Finances ; ce Président les abus de la Justice.

Ce mot se met quelquefois absolument pour rejetter ce qu’un autre a dit :

Abus, s’écria-t-il, hé ! devenez dévote. Deshoul.

Vous croyez réussir par-là, abus, abus ; vous n’en viendrez jamais à bout.

Abus, signifie aussi, Mauvais usage d’une chose. On commet bien de l’abus dans la distribution des aumônes. Les abus qu’on fait de l’Ecriture ne naissent pas de la lecture innocente du Peuple. Gomber. Le Concile de Trente a défendu les abus qu’on fait de l’Ecriture ; c’est-à-dire, les mauvais usages, les applications qu’on en pourroit faire à des choses profanes, mauvaises, criminelles.

Abus, signifie aussi, Erreur, mécompte, tromperie. Error. Si vous croyez que cela soit, c’est un abus ; c’est-à-dire, C’est une erreur, un mécompte ; vous vous trompez. C’est un abus que de croire telle chose, pour dire, que c’est se tromper. C’est un abus que de s’imaginer de réussir dans le monde sans avoir de puissans patrons. C’est un abus que d’exhorter un jeune libertin à songer à la mort ; pour dire, cela est inutile, on n’y gagne rien. C’est dans ce dernier sens que Mr de la Fontaine a dit fort élégamment dans ses fables :

Alléguer l’impossible aux Rois, c’est un abus ;

c’est-à-dire, que quand un Roi veut quelque chose, il faut lui obéir, quand même la chose seroit très-difficile, & paroîtroit impossible. Les Mahométans vivent dans l’abus ; ils suivent les abus de leur faux prophète. Dans ce dernier exemple, il signifie tromperie, & se prend activement. Il se dit plus ordinairement dans l’autre sens, qui est passif. En Arithmétique, quand la preuve ne se trouve pas bonne, on connoît qu’il y a de l’abus dans le calcul.

Appel comme d’abus. In abusu dicendi juris ad Regium superius Tribunal provocatio. C’est un appel qu’on interjette au Parlement, des sentences des Juges ecclésiastiques, quand ils entreprennent sur la Puissance séculière ; quand ils jugent des choses qui ne sont point de leur juridiction, ou quand ils jugent contre les saints Canons & la Discipline de l’Eglise. Les appels comme d’abus ont été introduits, autant pour s’opposer aux entreprises de la Juridiction ecclésiastique sur la Juridiction temporelle, que pour mettre ordre aux attentats de la Cour de Rome sur les libertés de l’Eglise Gallicane. Il est certain en effet que l’entreprise des Evêques alla si loin, qu’ils se rendirent les maîtres de toutes les affaires civiles sous des prétextes de piété, & qu’ils dépouillèrent presqu’entièrement la Juridiction séculière. On ne peut point déterminer tous les cas où l’on peut appeler comme d’abus, parce qu’on ne peut pas limiter toutes les contraventions dont les Ecclésiastiques sont capables pour relever leur autorité. Bouchel. L’abus ne se couvre point par quelque sentence, par quelque possession, ou prescription que ce soit. Quand l’Official juge du possessoire des dixmes inféodées, du possessoire des Bénéfices, il y a abus. On appelle comme d’abus, des unions des bénéfices, des Rescrits de Cour de Rome, des fulminations des Bulles d’excommunication, quand elles sont contre les loix de l’Eglise reçues en France. Alors la Cour prononce qu’il y a abus. Quelquefois l’on convertit l’appel comme d’abus en appel comme de grief. L’appel comme d’abus a commencé d’être en usage du temps de Philippe de Valois, lorsque Pierre de Cugières, son Avocat-Général, se plaignit des entreprises que faisoient les Ecclésiastiques sur les personnes & la Justice séculières. Au lieu d’appeler des usurpations, des entreprises du Juge épiscopal, on se servit du terme d’abus, comme le moins dur, pour exprimer qu’il abusoit de son autorité. Pour se venger de Pierre de Cugnières, les Chanoines de Notre-Dame firent mettre au côté du chœur un petit marmot, que par dérision ils appelèrent Pierre de Cugnet. Le Clergé étoit alors si redoutable, que les laïques n’eurent pas tout d’un coup la hardiesse de reprendre leurs droits. Enfin, François Premier, par son ordonnance de 1539, sapa les fondemens de la Jurisdiction ecclésiastique ; & le remède des appels comme d’abus a été si fréquemment mis en usage, que la puissance royale se trouve rétablie dans tout son lustre, & remise en possession de toute son autorité. Voyez Pasquier dans toutes ses Recherches, Liv. 3, C. 33. Févret, Avocat de Dijon, a fait un fort beau volume de l’appel comme d’abus. Les appellations comme d’abus ne se relevent qu’au Parlement, et ne se plaident qu’à la Grand’Chambre, suivant l’édit de 1606 & 1610 : les appels comme d’abus devroient être scellés au grand Sceau ; mais en conséquence d’un


renvoi de M. le Chancelier le Tellier en 1678, on les prend au petit Sceau, en y attachant une consultation de trois Avocats. On appelle comme d’abus de l’exécution du Rescrit du Pape, & non du Rescrit même, pour ne blâmer que l’Impétrant ; mais on appelle comme d’abus de l’octroi d’un Evêque, ou de la sentence d’un Official.

ABUSER. V. n. Faire un mauvais usage de quelque chose. Abuti. Il ne faut pas abuser des sacremens ; abuser de la bonté de Dieu. Il n’y a rien de si saint, dont la malice des hommes ne puisse abuser. Port-R. Alexandre tua Clitus qui avoit abusé de sa patience. Vaug. Que seroit-ce que justice & piété, que des noms vains dont on abuse, si après cette vie il n’y a plus rien à espérer ? Gomber. Ce Magistrat abuse de sa charge, de son pouvoir, de son Autorité, quand il en use pour ses intérêts particuliers.

Abuser, signifie encore, Interpréter mal la pensée de quelqu’un, & y donner un mauvais sens. Vous abusez de quelques paroles ambiguës qui sont dans ses lettres. Pasc. Les hérétiques abusent de l’Ecriture, ils en corrompent le sens. Abuser de l’Écriture, c’est aussi en faire de mauvaises applications.

Abuser, v. a. Signifie aussi, tromper, séduire. Fallere, decipere. Les faux prophètes, les charlatans, abusent les peuples. Notre amour propre nous abuse, nous fait suivre nos passions, qui nous abusent, qui nous trompent.

Il conçoit le néant des objets qui l’abusent:
Il gémit sous sa chaîne, & n’ose la briser. Breb.

Quand l’amour est ardent, aisément il s’abuse.
Il croit ce qu’il souhaite & prend tout pour excuse. Corn.

Abuser, signifie plus particulièrement, Suborner une femme, corrompre, séduire une fille, lui arracher les dernières faveurs, Vitiare, comprimere. Il faut être bien malhonnête homme pour abuser de la femme de son ami, pour abuser de la fille de son hôte. Etoit-il juste d’emprunter mon nom & ma ressemblance, pour abuser de ma maîtresse. Ablanc. On s’en sert aussi dans un cas encore plus odieux. On dit que Néron avoit abusé plusieurs fois de Britannicus. Ablanc.

Abusé, ée. part. Falsus, deceptus, corruptus, vitiatus, compressus.

ABUSEUR. s. m. Qui abuse, qui séduit, qui trompe, trompeur. Deceptor, veterator. Mahomet a été un grand abuseur de peuples.

ABUSIF, ive. adj. Où il y a de l’abus. Abusivus, Errori obnoxius. Une union de Bénéfice sans cause véritable & importante est abusive. Un jugement d’Official contre un Laique, & pour cause profane, est abusif. En termes de Grammaire, prendre un mot dans un sens abusif, c’est le placer mal ; c’est en faire une mauvaise application; c’est le prendre improprement, impropriè, contra usum & loquendi consuetudinem.

ABUSIVEMENT. adv. d’une manière abusive. Abusivè, per abusum. La Cour, en infirmant les sentences des juges de l’Eglise, prononce:Mal, nullement, & abusivement jugé. Il y a plusieurs mots de la langue qu’on prend quelquefois abusivement, qu’on dit improprement.

ABUTER. v. n. Terme de joueur de quilles. C’est tirer à qui jouera le premier, en jetant chacun une quille vers la boule, en sorte que celui dont la quille est la plus proche de la boule, ait l’avantage de jouer le premier. Sortiri, experiri quis prior ludat. On abute avant que de jouer aux quilles. On a abuté, & je suis le premier.

Ce mot est formé de la préposition Françoise à, qui, dans la composition, se met souvent pour la préposition Latine ad, & a sa signification, & du mot François but, tirer au but.

ABUTILLON, s. m. ou guimauve de Théophraste, s. f. Abutilon. Plante annuelle qui s’éleve depuis deux pieds jusqu’à cinq. Ses tiges sont droites, rondes, revêtues de duvet, branchues & garnies de feuilles drapées, blanchâtres, taillées en forme de cœur, semblables, par leur figure, à celle du tilleul; mais bien plus grandes, & portées sur des pédicules qui ont quelquefois plus de demi-pied de longueur. Ses fleurs sont semblables à celles de la guimauve ordinaire, mais elles sont jaunes. Son fruit est une tête aplatie ordinairement par-dessus, cannelée & composée de plusieurs graines membraneuses, assemblées autour d’un poinçon. Chaque graine, en s’entr’ouvrant, laisse tomber des semences taillées en forme de rein. Ces semences sont adoucissantes, & recommandées pour la gravelle. L’écorce des tiges sert aux Îles de l’Amérique pour faire des cordages.


ABY.

ABYDE, ou ABYDOS. Abydus, masc & f. & Abydon neutre. Ville maritime de Phrygie, vis-à-vis de Sestos, dont elle n’est éloignée que de sept stades; c’est-à dire d’environ une bonne demi-lieue. Si l’on en croit Virgile, on y pêchoit des huîtres. I. Georg. V. 207. C’étoit la patrie de Léandre. Les habitans d’Abydos étoient mous & efféminés. On disoit proverbialement:Ne touchez pas sans précaution à Abydos, pour signifier, qu’il faut éviter la compagnie des gens débauchés.

On disoit encore en proverbe, un banquet d’Abyde ; pour marquer un festin fâcheux ; parce que c’étoit une coutume parmi les habitans d’Abydos de porter leurs enfans autour de la table, quand ils faisoient un festin, afin qu’on les baisât. Abydos a eu un Evêque suffragant de l’Archevêque de Lampsaque. Abydos & Sestos sont aujourd’hui ce que nous appelons les Dardanelles dans le détroit de Gallipoli. On l’appelle encore aujourd’hui Avido & Aveo. Mais Monsieur Wéler assure qu’on ne voit point de marque d’antiquité près de ce Château, & que les ruines d’Abyde se trouvent à une lieue de-là du côté du Nord, où est effectivement l’endroit le plus resserré du Détroit ; & il juge, avec quelques Auteurs, que le vieux Chateau de Natolie est bâti sur les ruines de l’ancien Dardanum, ou Dardana, d’où est venu le nom de Dardanelles, que porte ce Château, conjointement avec celui de Romanie, qui lui répond. Maty. & M. Corneille, disent Abydos & Abyde ; d’autres disent seulement Abydos. Xerxès fit un pont sur l’Hellespont qui joignoit Abydos & Sestos.

Autrefois du Persan l’étonnant appareil,
Sur les eaux d’Hellespont fit un chemin pareil;
Joignit Abyde à Seste, & l’Europe à l’Asie. Breb.

Il y avoit encore une Ville de ce nom en Egypte

ABYLA, s. f. Abyla, ae. Nom de Montagne & de Ville. Abyla étoit dans le détroit de Gibraltar sur la Côte de Mauritanie. C’étoit une des Colonnes d’Hercule, & Calpe l’autre, sur la Côte d’Espagne. Quelques-uns ont cru qu’Abyla Ville, étoit Alcudia, & qu’Abyla Montagne, étoit celle que les Espagnols nomment aujourd’hui Sierra de la Ximera. D’autres plus vraisemblablement veulent qu’Abyla Ville, soit Ceuta, Septa, Evêché dépendant de l’Archevêque d’Evora, & que la Montagne de même nom, soit une haute Montagne proche de Ceuta, que nos François appellent le mont des Singes, & les Hollandois Scheminckellerg.

Abyla est aussi le nom d’une Ville de la Cœlésyrie, qui donnoit son nom à une petite Contrée dont elle étoit Capitale. Cette Ville s’appelloit aussi Abyla de Lysanias. La contrée d’Abyla étoit enfermée de l’Antiliban au couchant & au midi, du fleuve Abana du côté de l’Orient, & elle avoit au Nord la Chalcide. Il en est parlé en S. Luc C. 3. v. 1. où il est dit que Lysanias étoit Tétrarque de la Contrée d’Abyla, ainsi qu’a traduit le P. Bouhours. Monsieur Simon a mis le Pays d’Abyla. Le Port-Royal a mis Abylène.

ABYsME, s. m. Gouffre profond où on se perd, d’où on ne peut sortir. Gurges, vorago. Il y a d’horribles abysmes dans ces montagnes, dans ces mers. L’Océan étoit jaloux de voir sonder ses abysmes. Ablanc.

Le ciel suspend ses coups ; la terre, les enfers,
N’offrent point à mes pas leurs abysmes ouverts.

Ce mot vient du Grec ἄβυσσος, qui signifie la même chose, & qui est formé de l’α privatif, & de δυω, entrer, pénétrer, en changeant le δ en β ; ou plutôt de βύω, βώσω, βιβυϰα, βέβυσμαι, βέβυσαι, d’où est venu βυσος. De sorte qu’ἄβυσσος signifie ce que l’on ne peut pénétrer, ce qui n’a point de fond. Dans l’Ecriture il se prend pour les eaux que Dieu créa au commencement avec la terre, & qui l’environnoient de toutes parts, dont il est dit, Gen. i. 2. Les ténebres étoient sur la surface de l’abyme. Il se prend encore pour les cavernes immenses de la terre, où Dieu rassembla toutes ces eaux le troisième jour, & que Moyse appelle le grand abyme. Gen. vii. 11. C’est encore en ce sens que ce mot est pris en beaucoup d’autres endroits, comme Job. xviii. 14. xxxviii. 16. Psalm. xxxiii. 7. &c. Le Docteur Woodward, savant Anglois, dans son Histoire naturelle de la terre, prétend qu’une partie des eaux est enfermée dans les entrailles de la terre, & qu’elles forment un grand globe dans son centre ; que sur la surface de ses eaux est étendue une couche de la terre ; que c’est là ce que Moyse a appelé le grand abyme. Et il prouve ce système par un grand nombre d’observations. Il dit que ces eaux de l’abyme, ont communication avec celles de l’Océan, par des canaux qui aboutissent au fond de la mer. Il suppose que ces eaux de l’abyme, & celles de l’Océan, ont un centre commun, autour duquel elles sont placées ; que cependant la surface de l’abyme n’est point de niveau avec celle de l’Océan, ni en égale distance de leur centre commun, parce que celles de l’abyme sont


la plûpart pressées par la terre, qui les arrête & qui pese dessus ; mais que partout où cette couche de terre qui les enveloppe, est percée, ou poreuse, ces eaux y pénétrent, y montent & remplissent toutes ces fentes, qui leur donnent issue, tous les vides, tous les pores de la terre, de la pierre, & de toutes les autres matières qui sont autour du globe de la terre, jusqu’à ce qu’elles soient arrivées au niveau de l’Océan.

Abîme, se dit figurément en Morale des choses immenses, & infinies, où l’esprit humain se perd quand il raisonne. La Physique est un abyme ; on ne peut pénétrer dans les secrets de la Nature. Les jugemens de Dieu, les mystères de la Religion, sont des abymes dont on ne peut sonder la profondeur. Il a été précipité du faîte de la gloire dans l’abyme du néant. Ablanc. Le passé est un abyme qui engloutit toutes choses, & l’avenir est un autre abyme impénétrable. Nicol.

Il signifie encore, Un fond immense, une abondance extraordinaire. Par son imprudence il s’est plongé dans un abyme de malheurs. Cet homme est un abyme de science. Le cœur d’un avare est un abyme que les torrens & les fleuves ne sauroient remplir. S. Evr. Nous avons besoin de profonds efforts, pour nous retirer de l’abysme de misère où le péché nous a plongés. Port-Royal. On dit aussi, C’est un abyme de maux, de souffrances, de malheurs.

Abîme, se dit absolument des enfers. La rébellion des Anges les fit précipiter dans l’abyme.

Abîme, se dit aussi des choses qui demandent, & qui consument des sommes excessives, dont on ne peut juger avec certitude. On ne peut certainement régler la dépense de la Marine, c’est un abyme. La dépense de cette maison est excessive, c’est un abyme, On dit en proverbe, qu’un abyme attire l’autre, quand d’un mal on tombe en un plus grand.

Abîme, Terme de Blason. C’est le centre, ou le milieu de l’Ecu, en sorte que la pièce qu’on y mot ne touche & ne charge aucune autre pièce. Scuti centrum, scuti pars media, ou partium aliquot scuti medium. Ainsi on dit d’un petit Ecu qui est au milieu d’un grand, qu’il est mis en abyme. Et tout autant de fois qu’on commence par toute autre figure que par celle du milieu, on dit que celle qui est au milieu est en abyme, comme si on vouloit dire, que les autres grandes pièces étant relevées en relief, celle-là paroît petite, & comme cachée & abysmée. Il porte trois besans d’or, avec une fleur de lis en abyme. Ainsi ce terme ne signifie pas simplement le milieu de l’écu : car il est relatif, & suppose d’autres pièces, au milieu desquelles une plus petite est abysmée.

Abîme, est aussi un Vaisseau fait en prisme triangulaire renversé, qui sert aux Chandeliers à fondre leur suif, & à faire leur chandelle, en y trempant plusieurs fois leur mèche.

ABYsMER. v. act. Jetter dans un abyme, y tomber, se perdre, se noyer, Mergere, demergere. Les ouragans abyment les vaisseaux. Ce terrein s’est abymé, il y avoit dessous une carrière. Subsidere, sidere. Il est quelquefois neutre. Cette ville abymera un jour à cause des abominations qui s’y commettent. Alors il signifie, Périr, tomber dans un abyme. Hauriri, absorberi.

Abimer, se dit figurément en Morale, pour dire, Perdre, ruiner entièrement. Evertere, pessumdare. Les gros intérêts ont abysmé ce marchand. Ce chicaneur a abysmé sa partie, il l’a ruinée de fond en comble. Il a abysmé cet homme-là. Il se dit plus ordinairement avec le pronoim personnel, & plus au figuré qu’au propre. En ce cas il marque un grand excès. C’est un voluptueux qui s’abysme dans les plaisirs. Acad. Fr. c’est-à-dire, qui y est entiérement occupé, & qui s’y abandonne sans aucune réserve. On dit, il est abysmé dans la douleur. Port-R. parce qu’il en est tout rempli & tout pénétré. C’est un contemplatif qui s’abysme, parce qu’il s’applique profondément à la contemplation, soit dans la prière, soit dans l’étude. Il signifie encore se jetter dans quelque embarras fâcheux, s’engager dans une affaire malheureuse. On dit aussi s’abysmer devant Dieu ; pour dire, s’humilier profondément, reconnoître son néant devant lui, Deprimere se, minuere. On dit en matière de dispute & de raisonnement, Ce Docteur a été abysmé par son adversaire, qui l’a réduit à ne rien répondre. On dit encore, C’est un homme abysmé, pour dire, C’est un homme perdu de crédit, de réputation, de biens, &c.

Abîmé, ée, part. Demersus. Il y a eu plusieurs villes abymées par les tremblements de terre. Un joueur, un marchand, un plaideur ; en général, un homme abymé, est celui qui a perdu tout son fonds, qui est sans ressource. Bonis eversus.

ABYSSIN, ou plutôt Abassin ou Hhabassin, comme prononcent les Arabes, qui appellent un Abyssin חבש, Hhabasch, ou חבשי, Hhabaschi, & le pays qu’ils habitent חבשת, Hhabaschath. Ainsi ce nom ne vient point de la côte d’Aben, qui est la côte occidentale de la mer Rouge, le long de laquelle ils habitent ; ou si c’est le même nom, ce sont ces peuples qui ont donné ce nom à cette côte, au lieu de l’avoir pris d’elle. Les principaux auteurs sur les Abyssins sont Jean de Léon & Marmol, Description de l’Afrique. Franc. Alvarez, Balthasar Tellez, d’Alméida Jésuit. Hist. de la haute-Eth. Ludolf. L’Hist. de la Comp. de Jes. T. i. L. 15. T. ii. L. 1. T. iv. L. 5. T. v. L. 22. Louis de Urreta Dominicain, Hist. de l’Ethiopie en Espagnol. Marmol. L. XC. 23. Juan. Nicol. Pechlin a fait un Livre De habitu & colore Æthiopum, imprimé à Francfort en 1684. Le P. Urreta, Dominicain, rapporte d’autres étymologies dans son Histoire d’Ethiopie, p. 3. Strabon dit, L. xvii. qu’Abassie signifie en Egyptien, un pays inhabitable entouré de déserts & de montagnes impraticables, de l’α privatif, & de βάτος, qui vient de βαίνω, je vais, comme qui diroit, un pays où l’on ne peut aller ni pénétrer. D’autres disent qu’Abassie signifie une terre puissante, abondante en hommes, en fruits de la terre, en mines & en richesses. Mais cet auteur rejette avec raison ces opinions, & s’en tient à celle que nous avons rapportée d’abord. Ce sont les peuples de l’Ethiopie, qui est aujourd’hui nommée Abassie. Ce sont les Arabes qui leur ont donné ce nom, que les Abyssins ont rejeté long-temps comme injurieux, & qu’ils ne prennent point encore dans leurs Livres, parce qu’en Arabe il signifie un mélange, un assemblage de plusieurs Nations. Ils s’appellent Ethiopiens, Itiopiavian, & leur pays Mangesta-Itiopia, Royaume d’Ethiopie, ou d’un nom plus particulier encore, Geez, ou Beera Agazi, Pays de liberté, oumedera Agazian, la terre des Libres, ou des Francs ; car ils se donnent le nom de Agasi, Libre, Franc, & au pluriel Agasian, Libres, Francs, ou bien Gens qui ont décampé, qui sont venus d’un endroit éloigné, de sorte qu’ils s’appellent ainsi, ou pour se vanter d’être libres, ou pour marquer qu’ils ont passé de l’Arabie heureuse, où est l’ancienne Ethiopie, dans le pays qu’ils occupent, & dans lequel ils passerent pendant la servitude des Israëlites en Egypte, si l’on en croit Eusèbe, ou vers le temps de Josué & des Juges, selon Syncellus, p. 151. Ludolf croit que ce sont des Homérites, ou Sabéens, appelés autrement par les Grecs Axumites, ou pour le moins une colonie de ces peuples qui passa la mer Rouge, & vint s’établir dans l’Afrique. Etienne le Géographe appelle Abesins, Αβήσινος, un peuple de l’Arabie ; & son Commentateur croit que c’est le peuple qui a passé en Afrique. Si cela est, ce nom est très ancien, & ne leur a pas été donné à cause de leur passage. Les Abyssins sont Mores, Olivâtres, ou noirs selon les diverses provinces qu’ils habitent. Maty.

Les Abyssins, pour le temporel, sont gouvernés par un Prince qu’ils appellent Négus ; titre qui répond à celui de Roi, & qui peut paroître, avec probabilité, très-ancien, puisque nous trouvons dans l’Ecriture un Roi d’Egypte nommé Pharaon Nécao, & dans Hérodote Νεϰός Necus. Linschot dit qu’il se nomme aussi Belgian, que Bel signifie très-haut & très-parfait ; Gian, Prince ou Seigneur ; que le nom de David est un surnom, tel que celui de César, que les Empereurs Romains portent ; & que les Ethiopiens le nomment Talac, ou Avia Négous. Il se dit être de la Tribu de Juda, & s’appelle fils de David & de Salomon, dont ils prétendent que la Reine de Saba eut un fils duquel ils descendent, si l’on veut en croire leurs fables. Ils prétendent encore avoir été convertis à la foi Chrétienne par l’Eunuque de la Reine Candace, baptisé par S. Philippe, Act. VIII, 27. Pour le spirituel ils sont gouvernés par un Evêque, ou Métropolitain, que leur envoie le Patriarche Cophte d’Alexandrie, qui réside au Caire ; desorte qu’ils suivent en toutes choses la Religion des Cophtes, à la réserve de quelques cérémonies qui leur sont particulières. Le Canon 42. du Concile de Nicée, dans la Collection Arabe & Ethiopienne, dit en termes formels, qu’il est défendu aux Abyssins de se faire un Métropolitain de leurs Savans ou Docteurs, à leur façon & selon leur bon plaisir, parce que leur Métropolitain dépend du Patriarche d’Alexandrie, auquel il appartient de leur donner un Catholique, ou Métropolitain. Le P. Vanslèbe qui a rapporté ce Canon dans son Histoire de l’Eglise d’Alexandrie, Chap. 9. a remarqué en même temps qu’en 1670, les Abyssins comptoient cent seize Métropolitains, qu’ils ont reçus des Patriarches d’Alexandrie, depuis Frumentius leur premier Evêque, qui leur fut envoyé par S. Athanase.

Ces Peuples ont témoigné en plusieurs rencontres, vouloir se réunir avec l’Eglise Romaine. David, qui prend la qualité d’Empereur de la grande & haute Ethiopie, & de quelques autres Royaumes, écrivit à Clément VII une lettre pleine de soumission ; mais il est constant que les Ethiopiens, ou Abyssins, n’ont eu recours à Rome & aux Portugais, que lorsque leurs affaires ont été en désordre, comme on le voit dans les Histoires des Portugais. Jean Bermudes fut fait Patriarche d’Ethiopie, & consacré à Rome à la sollicitation des Abyssins. Ils feignirent même de ne vouloir plus avoir d’autres Métropolitains à l’avenir, que ceux qui leur seroient envoyés de Rome. Mais aussitôt que leurs affaires furent en meilleur état, ils rejeterent ces sortes de Pa-


triarches, & envoyerent au Caire pour avoir un Métropolitain de la main du Patriarche des Cophtes.

Alexis Menesès, de l’Ordre de S. Augustin, ayant été fait Archevêque de Goa, prit la qualité de Primat de l’Orient ; & en cette qualité de Primat des Indes, il prétendit étendre sa juridiction jusque dans l’Ethiopie : il y envoya des Missionnaires avec des lettres pour les Portugais qui étoient en ce pays-là, & il écrivit en même temps au Métropolitain des Abyssins. L’Histoire de ce que Menesès a fait dans les Indes pour la Religion, a été imprimée à Bruxelles en 1609, et elle mérite d’être luë.

Cet Archevêque & plusieurs autres Missionnaires se sont trompés, quand ils ont accusé les Ethiopiens de judaïser, parce qu’il y en a plusieurs parmi eux qui se font circoncire. La circoncision des Ethiopiens est fort différente de celle des Juifs qui la regardent comme un précepte, au lieu que les premiers ne la considerent que comme une coutume qui n’appartient point à la Religion, comme le témoigne Claude, Roi d’Ethiopie dans sa confession. L’on circoncit même parmi eux les filles, en coupant une certaine superfluité qu’ils croient nuire à la conception. Voyez URRETA Dominicain, Histoire d’Ethiopie, Liv. II. Ch. 6. Les Cophtes observent la même chose. Il y a bien de l’apparence que cet usage de la circoncision, qui est fort ancien chez ces peuples, n’y a été introduit que pour rendre les parties qu’on circoncit plus propres à la génération. Marmol assure néanmoins qu’ils observent la circoncision comme un sacrement, & [51] qu’elle se fait le huitième jour dans le logis, & par un prêtre : ce qui a bien plus l’air d’une cérémonie de Religion, que d’une simple opération de Chirurgie.

Leur canon des saintes Ecritures est tout semblable au nôtre, & l’on y voir Tobie, Judith, Esther, le Livre de la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch, & les deux Livres des Macchabées. Ils honorent & prient les Saints ; ils prient pour les morts. Ludolf lui-même l’a remarqué, Liv. iii. Ch. 6. Ils croient la présence réelle, &c.

Les Ethiopiens ont une langue particulière, qu’ils nomment Chaldéenne, parce qu’ils croient qu’elle tire son origine de la Chaldée. Quoiqu’elle soit différente du Chaldéen ordinaire, elle a cependant beaucoup de rapport à cette Langue, aussi-bien qu’à la Langue Arabique, & il semble qu’elle en soit formée. On l’appelle Langue Ethiopienne ; mais elle n’est pas la même que l’Ethiopien d’aujourd’hui. Leurs Liturgies & leurs autres Offices divins sont écrits en cet ancien Ethiopien, que le peuple n’entend plus. Cette Langue a des caractères particuliers, & elle n’a pas de points voyelles séparés des consonnes, comme il y en a dans l’Hébreu & dans les autres Langues orientales ; mais elles sont attachées aux consonnes mêmes, en-sorte que dans l’Ethiopien il n’y a point de consonne qui ne porte avec elle sa voyelle, & ne fasse une syllabe. Voyez de Moni, Histoire de la Créance & des coutumes des nations du Levant, chap. XI. On peut voir aussi l’Histoire Ethiopienne faite en Latin par M. Job Ludolf, dont nous avons aussi la Grammaire, le Dictionnaire & le pseautier Ethiopique. Jamais Européen n’a si bien entendu cette langue que lui, & n’a eu plus de zèle pour la faire connoître en Europe.

Les Abyssins servent toujours parmi leurs mets trois plats, dans l’un desquels il y a des poires coupées en forme de croix, dans l’autre des cendres, & dans le troisième du feu. Ce sont des mets pour l’esprit, & destinés à les faire souvenir de la Passion du Sauveur, de la mort, & de l’enfer. Leurs prêtres portent toujours une croix à la main. Maty. Les Abyssins ne fortifient point de place. Ils ne mettent, disent-ils, la force d’un pays que dans les bras & les armes des combattans, & non pas dans des pierres & des murailles. Voyez Ablancourt, traduction de Marmol, L. I. de l’Afrique, C. 20 & L. X. C. 23. Les Abyssins ne mangent point de cochon, ni de sang, ni d’animaux suffoqués, ni le nerf du jarret, que les Juifs appellent le nerf défendu. Ludolf, L. III, C. I.

Abyssin, ine. adj. Abyssinus. L’Eglise Romaine, la Grecque, ou l’Abyssine. Peliss.

ABYSSINIE. s. f. Abassia, Abyssinia, Æthiopia superior, ou interior. Grand pays dans la partie méridionale de l’Afrique, au-dessous de l’Egypte, connu des Anciens sous le nom d’Ethiopie ; & dans des siècles plus voisins du nôtre, sous le nom d’Inde moyenne. On le renferme aujourd’hui entre le 62e degré 50 minutes, & le 73e d. 40 min. de longitude, & entre le 7e & 16edegré 9 min. de latitude septentrionale. On comptoit autrefois dans l’Empire d’Abyssinie 36 Royaumes & 14 provinces principales. Mais en 1537 les Galles, peuple situé au midi de l’Abyssinie, en conquirent plusieurs provinces. Ce pays est arrosé de trois grandes rivières principales ; le Nil, qui y prend sa source, le Tagaze, ou Thékaze, & le Maleg. Ces fleuves le rendent très-fertile dans les endroits où ils coulent : ailleurs ce ne sont souvent que des rochers & des cavernes affreuses. Il y paroît souvent des sauterelles en si grand nombre, qu’elles obscurcissent l’air, & ravagent toutes les campagnes où elles s’arrêtent. Il n’y