Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AIDE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 173-175).
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AIDE. s. f. Assistance, secours qu’on prête à quelqu’un. Auxilium, adjumentum. Cet homme eût été assassiné, si son ami ne fût accouru à son aide. ☞ Crier à l’aide. Appeler à son aide. Avoir besoin de l’aide de quelqu’un. C’est le dernier des maux d’implorer l’aide d’un traître.

☞ On le dit dans ce sens des grâces de Dieu. Il faut appeler Dieu à notre aide. Il faut tout attendre de l’aide de Dieu.

Aide, signifie quelquefois faveur, protection, Favor, studium, gratia. Son patron lui a été d’une aide très-efficace dans cette affaire. Cette veuve est maintenant sans aide & sans appui.

Aide, se dit quelquefois des choses inanimées, & des causes instrumentales ; & désigne alors le service, l’avantage qu’on tire de certaines choses. Opis. On ne peut appercevoir les satellites de Saturne sans l’aide des grandes lunettes. On ne peut remuer les grands fardeaux qu’à l’aide des machines. Les ennemis se sont coulés secrétement dans la place, à l’aide d’un bois, à la faveur d’un rideau qui les a dérobés à notre vue. Il est arrivé au camp à l’aide, à la faveur de ce convoi. La sédition fut étouffée à l’aide des troupes. Ablanc.

 
La Satyre souvent, à l’aide d’un bon mot,
Va venger la raison des attentats d’un sot. Boil.

Que tu sais bien, Racine, à l’aide d’un Acteur,
Emouvoir, étonner, ravir un spectateur. Id.

Aide, est aussi quelquefois s. m. & f. & signifie la personne qui prête ce secours. Adjutor, adjutrix. Vous êtes un bon aide. Dieu après avoir créé l’homme, dit ; faisons-lui une aide ; il lui donna la femme pour aide, pour l’assister en tous ses besoins.

Aide. s. m. S’applique à différentes personnes dont les fonctions sont de seconder un autre, de servir conjointement avec lui, & sous lui.

☞ Ainsi on appelle aide des cérémonies, l’officier qui sert sous le grand-maître des cérémonies, qui l’assiste dans ses fonctions, & qui le remplace quand il est absent.

On appelle un aide de cuisine, un aide de sommelerie, un second cuisinier & sommelier, ou le compagnon qui les sert & les soulage.

On dit aussi Aide de la panneterie, d’Echansonnerie, de Fourrière, &c. & généralement dans tous les petits offices de la Maison du Roi, il y a des chefs & des Aides en titre d’office, qui ont des gages, & sont couchés sur l’état.

En Architecture on appelle Aide, tous les petits lieux qui sont à côté des plus grands, pour leur servir de décharge.

En Maçonnerie, un Aide à Maçon & à Couvreur, c’est celui qui leur sert à apporter les matériaux dont ils ont besoin.

Un Aide de Mouleurs de bois, est un officier de ville, ou gagne-denier, qui aide à ranger le bois dans la membrure.

Les Aides des Maîtres des ponts & pertuis sont appelés Chableurs, qui aident à faire passer les bateaux en ces lieux difficiles. Voyez les ordonnances de la ville de Paris, qui contiennent les règlemens faits à leur égard.

Aide, est aussi celui qu’on donne pour compagnon à un autre, pour contribuer avec lui, & lui aider à supporter les frais d’un logement des gens de guerre, pour faire des corvées, pour fournir des chariots ou des pionniers, ou des étapes, & autres charges & impositions publiques & passagères.

Sur la mer on a coutume d’apparier deux matelots & deux soldats pour se servir d’aides l’un à l’autre, & s’assister réciproquement dans tous leurs besoins & dans leurs fonctions ; & cela à l’imitation des Armées Romaines, où on nommoit cette sorte d’aide, Optio castrensis, quia sibi mutuò opem ferebant. On appelle cela aujourd’hui amateloter.

Aide de Plongeur. Terme de Marine, en usage dans la pêche des perles, où chaque plongeur a deux aides, qu’on appelle autrement Assistans, ou Pêcheurs assistans. Ces aides ne plongent point, mais ils restent dans la barque attentifs au signal que leur donnera le Plongeur par le moyen de la corde qui est attachée à son corps par un bout, & amarrée par l’autre sur le bord de la barque pour le tirer du fond de l’eau. Dès que les plongeurs se sentent pressés, ils tirent la corde où leur sac est attaché, & ils s’y attachent eux-mêmes fortement avec les mains. Alors les deux aides, qui sont dans la barque, les guindent en l’air & les déchargent de leur pêche. P. Le Comte. Voyez Assistant & Perle, où nous parlerons de la manière dont se fait la pêche des perles.

Aide, en Droit canon, se dit d’une Eglise ou Chapelle, qu’en Droit on appelle succursale, & qu’on bâtit pour la commodité des Paroissiens, quand l’Eglise Paroissiale est trop éloignée, ou n’est pas assez grande pour contenir tout le peuple. Templum vicarium. La Paroisse de S. Paul avoit une aide au fauxbourg S. Antoine.

Aide. C’est aussi un terme de Religion, qui signifie une Religieuse qui aide celle qui est en charge. Donner une aide à une Officière. Adjutrix.

Aide, dans l’Art militaire, se dit de plusieurs Officiers, comme Aide-de-camp, Aide-major, &c.

☞ L’Aide-de-camp est un Officier qui sert auprès du Général, qui reçoit & qui porte ses ordres par-tout où il est nécessaire. Un Général a quatre Aides-de-camp. Les Lieutenans généraux & Maréchaux de camp n’en ont qu’un, ou du moins le Roi n’en paye qu’un.

☞ On appeloit autrefois Aides-de-camp dans nos Armées, ceux qui aidoient le Maréchal de camp dans la distribution des divers quartiers d’un campement.

☞ Quand le Roi est à l’Armée, ses Aides-de-camp sont de jeunes Seigneurs qui ont sous eux d’autres Aides-de-camp, qu’on appelle Aides-de-camp du Roi.

Aide-Major, est un Officier de guerre qui sert auprès du Major, & qui en fait la fonction en son absence. Præfecti castrorum, ou militum, vicarius. Il y en a plusieurs dans les places, selon leur grandeur, ou leur importance. Il y en a aussi dans les divers corps des troupes. Chaque Régiment de Cavalerie en a un ; ceux d’Infanterie deux. Ceux des Gardes en ont quatre ; Il y a d’ordinaire un Aide-Major pour chaque Bataillon.

☞ Il y a aussi des Aide-Majors dans les Escadres, qui font aussi les fonctions des Majors, pendant leur absence. S’il y a plusieurs Aide-Majors dans la même Escadre, on les distribue sur les principaux pavillons.

Aide du parc des vivres. Commis subordonné au Commis général du parc des vivres, qui en remplit les fonctions pendant son absence, & lui rend compte à son retour.

Aide de Relief. Droit qui est dû en certaines provinces aux héritiers du Seigneur immédiat, pour leur aider à relever leur fief envers le Seigneur supérieur. Instaurarivi prædii subsidiaria pensio. En Normandie on paye la moitié du relief, pour l’aide de relief : & il ne se payé que par ceux qui tiennent un fief, & seulement en cas de mort du Seigneur dont il relève immédiatement.

On a appelé aussi aides de relief, celles qu’un vassal étoit tenu de payer aux héritiers de son Seigneur décédé, pour leur aider à relever leur fief, ou payer le relief au fief chevel, ou dominant.

Aide-Chevel. Droit qui est dû par les vassaux à leur chef-Seigneur, & duquel ils sont relevans. Tributum clientelare, Tributi clientelaris pensio. Il y en avoit de trois sortes. L’un est l’aide de chevalerie : il se payoit quand le fils aîné du Seigneur étoit fait chevalier. L’autre s’appelle aide de mariage, lorsque le Seigneur marioit sa fille. Le dernier Historien d’Angleterre croit que ces taxes furent établies en ce royaume par Guillaume le Conquérant, qui les y fit passer de Normandie. Cependant la première à laquelle l’Histoire donne ce nom, ne fut levée que par Henri I. en considération du mariage de Matilde sa fille avec l’Empereur Henri V. Le dernier est l’aide de rançon, lorsque le Seigneur étoit fait prisonnier. La Coutume de Bourgogne ajoute une quatrième espèce d’Aide-chevel, lorsque le Seigneur vouloit aller à Jérusalem. Ces Aides-chevels étoient en usage presque par-tout le royaume. Boutillier rapporte que de son temps, & sous Charles IV. ces aides dépendoient de l’honnêteté, & de la bienveillance des vassaux ; c’est pourquoi on les appeloit Droits de complaisance. Tributum clientelare arbitrarium. Peut-être que les Seigneurs avoient imposé cette marque de servitude sur les vassaux, à l’exemple des patrons de l’ancienne Rome, qui recevoient des présens de leurs cliens & de leurs affranchis, ou pour doter leurs filles, ou à certains jours solennels, comme le jour de leur naissance. On nommoit ces droits, aides-chevels, parce qu’ils étoient dûs au chef-Seigneur ; quia capitali Domino debentur.

☞ Ces secours, libres dans leur origine, s’appeloient encore baux ou loyaux aides & devoirs, ou aides coutumières & communes, ou aides de noblesse. Voyez le P. Daniel, Hist. de Fr. T. II. Il y avoit aussi des aides raisonnables, qu’on donnoit au Seigneur en cas de nécessité, & qu’on taxoit raisonnablement, selon les facultés de chacun, noble ou roturier.

☞ On appeloit encore aides libres & gracieuses, celles qui étoient offertes volontairement au Seigneur par ses Sujets, dans les nécessités imprévues. Il y a des lettres du Roi de l’an 1553, par lesquelles il déclare qu’il tient pour subsides & aides gracieuses certaines sommes levées sur le Clergé, sur les Nobles & sur le Peuple.

Les Evêques ont aussi levé des aides sur les Ecclésiastiques, qu’ils appeloient Coutumes Episcopales, ou Synodales, quelquefois Deniers de Pâque. On les payoit au temps de leur sacre & joyeux avénement, ou lorsqu’ils recevoient les Rois chez eux, ou lorsqu’ils étoient appelés par le Pape pour venir en sa Cour, ou à un Concile, comme aussi lorsqu’ils alloient prendre à Rome le Pallium.

Les Archidiacres exigeoient aussi des Aides sur les Prêtres de leur archidiaconé. Voyez dans M. du Cange des preuves & des exemples de toutes ces choses qu’il a recherchées fort curieusement.

On a payé aussi des aides, tant au Roi, qu’aux Seigneurs, en plusieurs autres occasions. On payoit une aide au Seigneur quand il vouloit acheter une terre : mais seulement une fois en sa vie. Il y avoit des aides pour la fortification des places & des maisons royales ; d’autres pour la défense de la terre contre l’invasion des ennemis ; d’autres pour faire un voyage à la cour de l’Empereur. Il y avoit des aides de l’ost, & de chevauchée, qu’on devoit au Seigneur, quand on ne pouvoit pas lui rendre service en personne à l’armée.

Aides. s. f. pl. Terme de Finances. Il étoit autrefois masculin. Tributa, vectigalia. C’est en général toute imposition extraordinaire de deniers, que le Roi leve sur le peuple pour soutenir les charges de son Etat, auxquelles le revenu de son domaine ne pourroit suffire.

Les Aides ont été nommées d’abord ainsi, à cause que c’étoient des subsides que les Etats consentoient être levés sur le peuple, pour aider les Rois à soutenir les guerres. On appela Généraux des Aides, ceux qui étoient nommés par les Etats, pour recevoir ces deniers, & qui avoient l’Intendance générale sur tout le royaume, pour en prendre la direction, & en rendre compte aux Etats. On appeloit Elus, ceux qui avoient la direction particulière des Aides dans chaque province. Dans l’institution ils étoient choisis par les Etats, & confirmés par le Roi. Depuis, le Roi pourvut seul à ces charges, qui devenoient très-importantes à cause du maniement des Finances. Ces Aides ne furent imposées au commencement que pour un an, & puis pour deux ou trois ans ; & enfin elles devinrent perpétuelles.

Aides, se dit particulièrement des deniers que le Roi leve sur les denrées & marchandises qui se vendent, & se transportent dans toute l’étendue du royaume. La ferme des Aides étoit autrefois distinguée, & maintenant est unie à celle des Gabelles, & autres impositions. Ainsi les Aides répondent au mot latin Vectigal, à vehendis mercibus ; & elles sont payées par toutes sortes de personnes privilégiées, ou non. C’est par-là qu’elles différent des tailles, parce que les tailles ne se payent que par les roturiers, & sont une espèce de capitation qui répond au latin tributum.

Cour des Aides, est une Juridiction souveraine établie en plusieurs endroits du royaume pour juger des différens qui arrivent sur le payement des aides, & de tous les autres deniers royaux, à la réserve du domaine, &c. Rei tributariæ supremum Tribunal, Consilium. Curia subsidiorum. Oblationum, ou Oblationis Senatus. Summi vectigalium Judices. Quelques-uns les ont appelés Viginti quatuor viri vectigales, ou Generales ærarii. Anciennement il n’y avoit point en France de Juridiction particulière pour les Aides. Les Etats du royaume qui avoient consenti à ces impôts, constituoient des Généraux des Aides, à qui ils en commettoient la direction générale par tout le royaume, & des Elus pour chaque province. Mais les Rois s’étant attribué la nomination à ces charges, ils donnerent aussi le pouvoir aux Généraux des Aides de rendre la Justice, & de juger en dernier ressort les appels de Sentences rendues par les Elus, qui étoient les Juges inférieurs. Mais ce fut Charles VI qui le premier mit quelque distinction entre les Officiers des Finances, & ceux de la Justice. Par son Edit de 1388, il nomma des Généraux pour les Aides, & des Généraux pour la distribution de la Justice sur le fait des Aides, qui exercerent leurs fonctions séparément. Par un autre Edit de 1404, on constitua trois Conseillers généraux avec l’Archevêque de Besançon, qui étoit le Président, pour l’administration de la Justice. Cependant plusieurs années s’écoulerent avant que cette Compagnie fût érigée en Cour souveraine, quoique ceux qui la composoient, jugeassent en dernier ressort. Lorsque Charles VII, rentra dans Paris en 1436, elle n’étoit point encore censée faire corps. Pasq. Ce fut François I qui établit les Généraux des Aides sur le fait de la Justice : c’est ce qu’on a appelé depuis, Cour des Aides.

☞ Il y a aujourd’hui en France treize Cours des Aides, depuis la réunion de la Lorraine, comme treize Parlemens, savoir à Paris, à Rouen, à Nantes, à Bourdeaux, à Pau, à Montpellier, à Montauban, à Grenoble, à Aix, à Dijon, à Châlons, à Metz & à Nanci. Dans quelques provinces, telles que la Provence, la Bourgogne, & le Languedoc, la Cour des Aides est unie à la Chambre des Comptes.

On appelle aussi le lieu où l’on tient ce Tribunal, la Cour des Aides. Le Greffe, la Buvette de la Cour des Aides.

Aides, en termes de Manége, se dit des secours que tire le Cavalier des effets modérés de la bride, de l’éperon, du poinçon, du caveçon, de la gaule, de la voix, du mouvement des jambes & des cuisses, pour manier un cheval comme il lui plaît. Adjumenta. Ce cheval connoît les aides, obéit, répond aux aides ; prend les aides avec beaucoup de facilité, & de vigueur. Ce sauteur alloit extrêmement haut & juste en ses sauts, & sans aucune aide. Newcastle. Ce Cavalier donne les aides extrêmement fines : pour exprimer qu’il manie le cheval à propos, & lui fait marquer avec justesse ses temps, & ses mouvemens. Les aides dont on se sert pour faire aller un cheval par airs, & celles dont on se sert pour le faire aller sur le terrain, sont bien différentes. Newcastle. Il y a trois aides différentes qui se font ayant la rêne de dedans du caveçon à la main. La première est de mettre l’épaule de dehors du cheval en dedans ; la seconde est de lui mettre aussi en dedans l’épaule de dedans ; & la troisième est de lui arrêter les épaules. Id. Il y a les aides des éperons, les aides secrètes du gras de la jambe & des éperons, les aides de la houssine, les aides secrètes du corps du Cavalier. Les aides du corps doivent être fort douces.

A l’aide. adv. C’est-à-dire, au secours. A l’aide, on me tue, on m’assassine. Adeste, ferte opem.

Aide, se dit proverbialement en ces phrases. On dit avec un ton admiratif, dans quelque accident surprenant : Dieu nous soit en aide, & Dieu vous soit en aide, à ceux qui éternuent, ou à des pauvres qu’on renvoie sans leur donner l’aumône. Adsit Deus : Deus adjuvet.

 
Enfin il n’est rien tel que d’avoir un mari :
Ne fût-ce que pour l’heur d’avoir qui vous salue
D’un Dieu vous soit en aide alors qu’on éternue.

Mol.

On dit, bon droit a besoin d’aide ; pour dire, ce n’est pas assez que d’avoir une bonne cause, il faut encore la solliciter. Un peu d’aide fait grand bien ; pour dire, qu’un petit secours a son utilité. On dit, d’un homme qui va aux emprunts chez ses amis, d’un Auteur qui se fait aider par un autre, ou d’une coquette qui ne se contente pas de son mari, qu’ils vont à la cour des aides. Tout cela est populaire.