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Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AIGUE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 181-182).

AIGUE. s. f. Vieux mot qui signifioit de l’eau. Aqua. Il n’est plus en usage que dans une partie de la Gascogne. Il se dit encore en ses composés, aigue-perse, aigues-mortes, &c.

Aigue, est aussi le nom d’une rivière de la principauté d’Orange.

Aigue-Belle. Aqua pulchra, aqua bella. Nom d’un bourg de Dauphiné, sur la petite rivière de Bèvre ; & d’une petite ville de Savoie, située sur la rivière, ou plutôt le torrent d’Arc. Ce mot est formé du mot aigue, aqua, de l’eau, & belle ; c’est la même chose que belle-eau.

Aigues-caudes. C’est-à-dire, eaux chaudes. C’est une source du Béarn, fort célébre, dont les eaux mêlées de soufre, de nitre, & d’alun, sont très-salutaires pour plusieurs maladies.

Aigue-marine. s. f. Pierre précieuse, d’une couleur verte, mêlée de bleu, à-peu-près comme la couleur de l’eau de mer, d’où lui vient son nom. Aqua marina. Elle a la même dureté que l’améthiste orientale. C’étoit la dixième pierre du Rational du Grand Prêtre des Juifs, à ce que dit Arias Montanus ; & elle étoit appelée en hébreu Tharsis. C’est aussi le sentiment de Junius & de Trémellius, de Buxtorf le pere, de Danæus, qui nomment cette pierre Berillus Thalassius, & même de Jonathan & d’onkélos, qui l’appellent en Chaldéen כרןם ימא, Cherum jamma. Car quoiqu’on ne sache pas trop ce que signifie le premier mot, cherum, qu’on pourroit interpréter, ou fuligo, si c’est la même chose que אכרןם, ou vinea, si on le prend pour כרם, ou si on l’en dérive ; il est toujours certain que le second mot, Jamma, signifie la mer ; & qu’ainsi ils ont voulu indiquer une pierre dont la couleur approche de celle de la mer. Le mot hébreu signifie la même chose. Car תרשיש se prend souvent pour la mer, suivant la remarque de Louis de Dieu. Les deux Interprètes Arabes traduisent, אזרק azrak, qui signifie glaucus, cœruleus, de couleur de mer, & se dit d’une pierre précieuse de couleur de mer, & des yeux qui sont de la même couleur, & qu’on appelle en latin glauci, cœrulei. Cependant les Septante, Josephe, Saint Jérôme, Aquila, Pagnin, les Traducteurs de Genève, Schindler, traduisent Chrysolythus. D’autres prétendent que c’étoit une Turquoise. Symmaque, Léon de Juda, & Hutterus traduisent, ὑάϰονθος, Hyacinthus. R. David Kimhhi prétend aussi dans ses Racines, que cette pierre approchoit de la hyacinthe ; mais c’est l’interprétation qui revient le moins à l’Hébreu. Les Italiens l’appellent Aqua marina. Pline la nomme Augites. Les Hébreux l’appellent aussi jaschepeh, d’où on croit que le mot de jaspe est venu.

☞ Plusieurs Lapidaires la prennent pour le Béril ; ce qui revient au premier sentiment dont j’ai parlé. Cependant la différence des verts est très-distincte dans ces deux pierres. Celle du Béril est d’un vert de mer ; l’aigue-marine d’un vert tirant sur le bleu.

☞ On la distingue en orientale & en commune. L’orientale est dure, & n’a qu’une légère couleur céleste. La commune a les mêmes couleurs ; mais elle est tendre comme du crystal. On en tire des Indes & de Madagascar.

Aigues-mortes. C’est-à-dire, eaux-mortes. Aquæ mortuæ. Ville de France dans le bas Languedoc, environ à six lieues de Nimes. Quelques Auteurs croient que c’est un ouvrage de Marius, & les Fossæ Marianæ des Latins. D’autres prétendent qu’Aigues-mortes n’est pas une ville si ancienne. On l’appelle Aigues-mortes à cause des eaux croupissantes qu’il y avoit en cet endroit-là. C’étoit autrefois un port, & Nangis raconte que ce fut là qu’en 1269, S. Louis s’embarqua. Aujourd’hui elle est éloignée d’une grande demi-lieue ou près d’une lieue de la mer. Au reste, ceux-là se trompent, qui croient que c’est l’ouvrage de Marius appellé Fossæ Marianæ ; car les fosses de Marius étoient de l’autre côté du Rhône, dans la province de Vienne, au lieu qu’Aigues -mortes est dans la première Narbonnoise, à droite du Rhône. La longitude d’Aigues-mortes est 21°, 44’, 3". Sa latitude 43°, 53’, o". Acad. de Montp.

Aigue-perse. Aqua sparsa. C’est-à-dire, eau éparse. Petite ville d’Auvergne, capitale du duché de Montpensier. Elle est située sur une petite rivière nommée Luron.

Aigues-vives. Aquæ vivæ. Eaux vives. Bourg de Touraine, & Abbaye de Chanoines réguliers de Saint Augustin & de la Congrégation de Sainte Geneviève.