Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ANA

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 319-320).
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ANA. s. m. Les livres en ana. Ce mot ne signifie rien, & n’est qu’une terminaison latine de noms adjectifs neutres pluriels ; mais parce que depuis quelque temps on a formé de ces sortes d’adjectifs latins des titres à des livres, même François, qui sont des Recueils de pensées détachées de Contes, de traits d’Histoires ; on appelle ces livres des livres en ana, ou simplement des ana : ainsi l’on dit, tous ces livres en ana, ou tous ces ana me déplaisent fort. Les livres en ana font souvent dire aux gens des choses auxquelles ils n’ont jamais pensé, ou qu’ils devroient n’avoir jamais dites. M. Wolfius a faut l’Histoire des livres en ana dans sa Préface des Casauboniana. Il y dit que si ces sortes de titres sont nouveaux, la chose est fort ancienne ; que les livres de Xénophon des dits & faits de Socrate, & les Dialogues de Platon, sont des Socratiana ; que les Apophthegmes de Philosophes recueillis par Diogène Laërce, les Sentences de Pythagore, celles d’Epictète, les ouvrages d’Athénée, de Stobée, & de plusieurs autres, sont des livres en ana. La Gemare même des Hébreux, plusieurs livres orientaux, dont la Bibliothèque orientale de d’Herbelot est pleine, sont encore de ce genre, selon M. Wolfius.

Les Scaligeriana sont le premier livre qui ait paru avec un titre en ana. Ils ont été faits sur les papiers de Vassant & de Verthunien, qui, à ce que l’on prétend, les avoient recueillis de la bouche de Scaliger, auquel ils étoient attachés. La première édition fut faite à la Haye en 1666 sur les papiers de Vassant, qui les avoit données à M. Pithou. La seconde à Groningue en 1669, sur ceux de Verthunien, que M. Sigone, Docteur en Droit de Poitiers, avoit recouvrés ; & ce fut Tannegui le Fevre qui en eut soin. Ensuite vinrent les Perroniana, les Thuana, les Naudœana, les Patiniana, les Sorberiana, les Menagiana, les Anti-Menagiana, les Fureteriana, les Chevrœana, &c. jusqu’aux Arlequiniana, les plus fades de tous les ana. Les Menagiana passent pour être les meilleurs & les mieux choisis. Les Chevrœana sont des traités composés par M. Chevreau ; les Casauboniana, des remarques écrites & laissées par Casaubon. Wolfius y a ajouté des notes. Burcard Gotthelsius Struvius, dans ses Supplementa ad notitiam rei litterariæ, ch. 7. donne une liste de tous les ana.

A s’en tenir à la première idée qu’on a des ana, ils devroient n’être recueillis que des entretiens, & cela même suffit presque pour les décrier ; puisque tous les défauts qu’on reproche à la langue doivent s’y rencontrer ; légéreté, précipitation, manque d’exactitude, inutilités, médisances, & souvent calomnies. La plume est plus circonspecte ; & par conséquent les lettres sont autant préférables à tous ces ana, que ce qui est pensé l’est à ce qui est jeté au hazard & sans réflexion.

Ana, Ἀνὰ, préposition grecque fort en usage dans les ordonnances des Médecins. On en a donné l’explication sous la lettre Α, où je renvoie le Lecteur. Les Enthousiastes se servent encore du mot ana pour signifier esprit ; & Castelli nous append que c’est le nom d’une certaine idole.

Ana, ou Anah. Ville d’Asie, dans un lieu fort agréable, sur les bords de l’Euphrate. C’est le rendez-vous de tous les brigands qui rendent ce pays si dangereux.