Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/AVARE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 620-621).
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☞ AVARE. adj. m. & f. Avarus}}. Un homme qui aime la possession, & ne fait aucun usage de ce qu’il a, qui se prive de tout ce qui coûte. Ce mot convient lorsqu’il s’agit de l’habitude & de la passion de l’avarice. M. l’Abbé Girard. Syn. Voyez Avaricieux, Intéressé. ce mot se prend quelquefois comme substantif, par exemple, c’est un grand avare.

L’avare ne se repaît que de l’espérance de jouir de ses richesses, c’est-à-dire de sentir le plaisir qu’il y a à les posséder. Il est vrai qu’il n’en use point ; mais c’est que son plaisir est de les resserrer, c’est pour lui le sentiment de leur possession. Abad.

L’avare est toujours pauvre au milieu de l’abondance : toujours agité, toujours alarmé, toujours consumé de frayeur & de crainte, désirant toujours, ne jouissant jamais, toujours emprisonné dans sa turpitude, comme dans un cachot noir, où il se refuse l’aumône à lui-même.

Henri Estienne, pour faire valoir l’abondance de la langue, a fait une liste des mots françois qui signifient avare. Il en compte jusqu’à onze ou douze, qui sont avaricieux, échars, taquin, tenant, trop-tenant, chiche, chiche-vilain, pince-maille, racle-denare, serre-denier, pleure-pain, serre-miette. Plusieurs de ces mots ne sont plus en usage. Un avare ne possède point ses richesses, il en est possédé ; elles le tyrannisent. Claud. Un avare est toujours gueux ; il a également besoin de ce qu’il a, & de ce qu’il n’a pas. Voit. Un avare n’a rien laissé à faire à la mauvaise fortune, elle ne lui pouvoit faire pis. Voit. Il n’est pas croyable combien les Auteurs de l’Anthologie ont rafiné sur les avares. Selon eux, un avare se pendit pour avoir songé la nuit qu’il faisoit de la dépense ; & un autre avare ne se pendit pas, parce qu’on vouloit lui vendre trop cher la corde qu’il marchandoit. Bouh. Horace parle d’un avare qui ne put se résoudre à prendre une tisane faite avec du ris, laquelle coûtoit trois sous. Idem

Un avare idolâtre, & fou de son argent,
Rencontrant la disette au sein de l’abondance,
Appelle sa folie une rare prudence,
Et met toute sa gloire, & son souverain bien
A grossir son trésor qui ne lui sert de rien. Boil

☞ Ce mot s’emploie avec grâce au figuré. On dit que Dieu n’est pas avare de ses dons ; pour dire, qu’il les accorde à ceux qui les demandent. La nature a été avare de ses dons envers lui. C’est-à-dire ne lui a pas accordé de grands avantages, ou plutôt lui a refusé les avantages qu’elle accorde à d’autres, il n’en a pas été bien traité. Un homme avare de louange, est celui qui n’aime pas à louer, qui lui difficilement. Avare du temps, qui fait le ménager. Un Général avare du sang de ses soldats. Parcus sanguinis. Qui épargne le sang. Dans ces phrases, c’est un éloge.

Il fallut qu’au travail le corps rendu docile,
Forçât la terre avare à devenir fertile. Boil.

Souvent sur des fantômes vains
Notre raison séduite avec plaisir s’égare.
Elle-même jouit des objets qu’elle a feints,
Et cette illusion pour quelque temps repare
Le défaut des vrais biens que la nature avare
N’a pas accordés aux humains. Fonten

On dit proverbialement, que la Musique Dorienne est l’harmonie des avares, c’est-à-dire, qu’ils jouent de la harpe. Math. en la Vie d’Henri IV. Liv. IV. Ce proverbe vient d’une mauvaise allusion au verbe grec ἁρπάζω, qui signifie, prendre, ravir, dérober. A pere avare, enfant prodigue. A femme avare, galant escroc.

Pour exprimer que l’avare ne fait du bien qu’en mourant, on lui a donné pour devise une vipère, avec ce mot italien, N’offende viva, & ne risana morta.

AVARE, OU AVARITE. s. m. Avarus, Avaris. Nation septentrionale, qui n’a été connue que sous le jeune Justin, environ l’an 567 de J. C. Paul Diacre écrit que les Avares furent mis avec les Huns en possession de la Pannonie, par Alboin Roi des Lombards, lorsqu’il quitta ce pays-là pour venir s’établir en Italie. Des Annales de France manuscrites, citées par Baollandus, T. I, p. 716, disent que Thudun, homme puissant parmi les Avares, envoya l’an 795 des Ambassadeurs à Charlemagne, pour l’assûrer que lui & tout son peuple vouloient se donner à lui, & embrasser sous ses auspices la Religion Chrétienne, & que l’année suivante 796, il exécuta sa promesse. Les Annales de Fulde rapportent la même chose des Huns, selon la remarque de Bollandus ; ce qui fait croire que les Avares n’étoient point différens des Huns. en effet Paul Diacre,Liv. II, ch. 10, dit, Hunni qui & Avares ; c’est-à-dire, les Huns qu’on appelle aussi Avares. Dans la vie de S. Eutychius, Patriarche de Constantinople, les Avares, ou Abares, qui ravageoient l’Empire d’Irent au VIe siècle, sont appelés Ἀϐαρίκοι, Avarici. Voy. Abares.