Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BÂILLEMENT

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 705).
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BÂILLEMENT. s. m. Prononcez la première syllabe longue, & mouillez les deux ll avec l’i, sans donner aucun son ni aucun autre usage à cette voyelle. Quelques-uns l’écrivent par aa, baaillement, mais l’usage n’en souffre plus qu’un. ☞ Action de respirer en ouvrant involontairement & extraordinairement la bouche. Oscitatio. Le bâillement est occasionné par quelque vapeur qui cherche à s’échapper, & témoigne ordinairement la fatigue, l’ennui ou l’envie de dormir. Hippocrate dit que le remède des bâillemens continuels, & de même du hoquet, c’est de garder long-temps sa respiration. La membrane nerveuse de l’œsophage est le siége du bâillement, qui ne manque jamais d’arriver, quand quelque irritation détermine les esprits à y venir en grande abondance. La cause de cette irritation est une humidité incommode qui arrose la membrane intérieure de l’œsophage : cette humidité vient ou des glandes dont la membrane interne est parsemée, ou des vapeurs acides qui s’élèvent de l’estomac, comme d’un pot bouillant, & qui se condensent contre les parois de l’œsophage, de même que contre un couvercle ; alors les fibres nerveuses de la membrane interne en étant irritées se gonflent, & nous font bâiller en dilatant l’œsophage : la bouche est obligée de suivre ce mouvement, parce qu’elle est tapissée de la même membrane. Voyez Duncan & Dionis.

Bâillement, ☞ en termes de grammaire, autrement hiatus mot emprunté du latin. C’est un son désagréable causé par une rencontre de voyelles. Hiatus ex concursu vocalium. Si je dis, il alla à Anvers, je suis obligé de tenir la bouche ouverte pour prononcer ces différens a ; ce qui produit un son désagréable. Les bâillemens sont encore plus insupportables sans la poësie que dans la prose. Il sont fréquens dans les satires de Regnier. Malherbe ne pouvoit les souffrir.

Gardez qu’une voyelle à courir trop hâtée
Ne soit d’une voyelle en son chemin heurtée. Boil.

☞ Le P. Mourgues a fait un chapitre sur le bâillement dans son traité de la Poësie françoise. M. Prepetit de Grammont en parle aussi dans son traité de la versification françoise.

☞ Pour éviter de tenir la bouche ouverte entre deux voyelles, le mécanisme de la parole a introduit l’élision de la voyelle du mot précédent, ou l’usage des lettres Euphoniques entre les deux voyelles. Ainsi nous disons, s’il arrive & non si il arrive. Mon ame, non ma ame. Y va-t-on, & non y va on.