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Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BOULANGER

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 993-994).
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BOULANGER. s. m. Celui qui fait, cuit & vend le pain. Pistor. Les Boulangers de Gonesse, de gros pain, de petit pain. Un Boulanger ne peut acheter à chaque fois plus d’un muid de blé, & un muid de farine, par les Ordonnances de la Ville.

Autrefois on disoit & on écrivoit boulangier. Les Romains furent plus de 580 ans sans aucuns boulangiers publics. Vigen. Pline, Liv. XVIII, chap. 11, en met l’époque à la guerre contre Persée, & dit qu’avant ce temps-là c’étoient les femmes qui faisoient le pain, comme ce sont encore elles aujourd’hui parmi le peuple, ou bien le Boulanger étoit le cuisinier. Avant ce temps, ceux qu’on appelle Boulangers dans l’histoire Romaine, Pistores, sont ceux qui, à la campagne, dans les moulins, broyoient ou mouloient le blé. C’est Varron qui nous l’apprend au I Liv. de la vie du Peuple Romain & dans les Ménippiennes. C’est de-là qu’ils furent appelés Pistores, de pinsere, pinso, qui signifie broyer, piler dans un mortier, parce que dans le commencement on piloit ainsi le blé pour le réduire en farine. La plus grande partie des peuples de l’Amérique ne broient point encore autrement qu’avec des pierres.

Les Orientaux n’avoient point non plus de Boulangers. C’étoient les meres de famille qui faisoient le pain, comme fait Sara dans la Genèse, chap. 18, v. 6 & suiv. Le même usage étoit dans les Gaules & dans tout le Nord, comme le dit Olaüs Magn. dans son Hist des Nations Septentrionales, Liv. IX, chap. 13 & suiv. Aussi ne faisoit-on point alors de pain levé, mais des galettes, que l’on cuisoit au foyer, comme font encore les Arabes. Quoiqu’on ne sache pas précisément quand les Boulangers commencerent à paroître, il est toujours certain qu’ils sont fort anciens, & qu’ils ont commencé en Orient. Plusieurs veulent qu’il y en eût en Egypte dès le temps de Joseph ; que l’un de ceux dont il expliqua le songe dans la prison, fut le Chef ou Maître des Boulangers de Pharaon ; & c’est ainsi qu’ils interprétent אפם, avec les Septante & la Vulgate. Il est certain que ces אופים, Ophim, ne faisoient pas seulement du pain, mais plusieurs sortes de mets qui se font avec de la farine : cela paroît par le verset 17 du même chapitre. Faisoient-ils même proprement du pain ? C’est une question. Les Septante ne les appellent pas ἀρτοποιοι, faiseurs de pain, mais σιτόποιοι, gens qui font des ouvrages de farine. Quoiqu’il en soit, les Boulangers passerent de Grèce en Italie après la guerre de Macédoine, vers l’an 583 de la fondation de Rome, comme on l’a dit. Apparemment ils étoient venus d’Asie en Grèce. Les Boulangers Cappadociens étoient les plus estimés, selon Athénée, Liv. III, chap. 13, & après eux ceux de Lydie, & de Phénicie. Dans les commencemens, lorsque le pain se cuisoit encore au foyer, les Boulangers n’étoient pas diffèrens des cuisiniers ; & peut-être que les Egyptiens même les אופים, Ophim, étoient l’un & l’autre. Depuis très long-temps ils sont distingués. Aux Boulangers étrangers qui vinrent s’établir à Rome on joignit plusieurs affranchis, & l’on en fit un corps, où, comme l’on parloit, un Collège, dont ni eux, ni leurs enfans ne pouvoient se séparer. Ils avoient des biens en commun, dont ils ne pouvoient disposer. Il y avoit dans chaque boulangerie un Patron qui en avoit l’intendance. Ces Patrons créoient tous les ans un d’entr’eux, qui avoit la Surintendance sur tous les autres, & le soin des affaires du Corps. On tiroit souvent quelques-uns du Corps des Boulangers pour être Sénateurs, mais ils ne pouvoient monter plus haut. Pour conserver l’honneur & la probité dans le Collège des Boulangers, il leur étoit défendu de s’allier avec des Comédiens, ou des Gladiateurs. Ils avoient chacun une boutique, ou boulangerie, & étoient distribués en quatorze régions de la ville : ils étoient déchargés de tutelles, curatelles, & autres charges qui pouvoient les distraire de leur emploi. Il y eut dans la suite des Boulangers du Palais destinés à faire le pain du Palais de l’Empereur.

En France, il y a eu des boulangers dès le commencement de la Monarchie. Il en est parlé dans les Ordonnances de Dagobert II, de l’an 630. Capit. Reg. Franc. Tom. I, page 120. Leur emploi fut d’abord, comme à Rome, de faire moudre le blé au moulin qu’ils avoient chez eux, qu’ils tournoient à bras, ou qu’ils faisoient tourner par des animaux, ou à quelques moulins bâtis sur de petites rivières. Ils vendoient ensuite la farine à ceux qui vouloient cuire chez eux, & en faisoient du pain pour les autres. C’est pour cela qu’on les trouve appelés, jusques sous la troisième race, dans quelques titres, Pistores, ou en François Pestore ; mais plus souvent néanmoins Panetiers, Talmeliers & Boulangers. Il y a aujourd’hui quatre sortes de Boulangers. Ceux des villes, ceux des fauxbourgs & banlieue, les Privilégiés & les Forains. Autrefois la maîtrise s’achetoit du Roi ; mais pour être reçu Maître Boulanger, le prétendant portoit au Maître des Boulangers, ou Lieutenant du Grand Pannetier, un pot de terre neuf rempli de noix & de nieules, fruit que l’on ne connoît plus, & en présence de cet Officier, & des autres Maîtres & Geindres, il cassoit ce pot contre la muraille, & ensuite on buvoit ensemble. Les Rois ont donné au Grand Pannetier de France la maîtrise des Boulangers & Talmeliers en la ville & banlieue de Paris, avec droit de Justice sur eux. Ce fut S. Louis qui donna cette Juridiction sur eux, & sur leurs compagnons, à son Maître Pannetier, pour en jouir tant qu’il plairoit au Prince, comme on l’apprend d’un Recueil des usages de la Police des Boulangers, fait environ l’an 1264, par E. Boileau, Prévôt de Paris. Voy. Pannetier. Les Boulangers privilégiés sont de deux sortes : 1.o Les Boulangers suivans la Cour établis par Henri IV, au nombre de dix, en 1601, & augmenté de deux par Louis XIII. Ils ont tous demeure à Paris. 2.o Ceux qui demeurent en lieux de franchise. Les Boulangers forains sont ceux qui demeurent hors de la ville & des fauxbourgs.

Il y a des Boulangers de petit pain, & des Boulangers de gros pain. De crainte que sous le titre de Marchands, les Boulangers ne se rendissent les maîtres de tous les grains, les loix Romaines leur défendoient d’être Pilotes, ou Mariniers des vaisseaux qui amenoient des blés à Rome, ou Mesureurs de grains. Voyez L. I. Navicularios Cod. Theod. de Naviculariis. L. IX. Ex Libertinis Cod. Theod. de Pistoribus. L. X. Libertini Cod. Theod. codem titulo : & Godefroy sur ces loix. En France, ils ne peuvent être ni Mesureurs de grains, Arrêt du Parlem. 4 Mai 1476, Ordonnance de Charles VI, Févr. 1415, Edit de Dec. 1672 : ni Meuniers, Ordonnance de 1415, Arrêt du 13 Juillet 1420. Il y a dans Paris deux cent cinquante Boulangers de petit pain. Il y a dans les fauxbourgs environ neuf cens Boulangers de gros pain. Suivant le compte qui fut fait environ l’an 1686, ils emploient tous ensemble environ six mille muids de blé par semaine. De la Mare. Voyez le Traité de la Police de cet Auteur. Tout le titre XII du Ve livre, traite de la Police, tant ancienne que moderne, par rapport aux Boulangers.

Ce mot est pur françois, & n’est pas bien vieux. On ne le trouve point avant le XIIe siècle. Comme on se servoit du latin dans les Actes publics, on y trouve Bolendegarius, ou Bolengarius. Ménage le dérive de polentarius. Du Cange croit qu’il vient de ce qu’en pétrissant la farine, on la tourne en globe, ou en boule, & on l’arrondit en pain. Caseneuve le tire de buccellarius ; mais il avoue que ce n’est là qu’une simple conjecture qu’il n’avance qu’au hasard. Il se fonde sur ce que Constantin Porphyrog. De Themat. Tom. VI, dit que celui qui a la garde du pain dans les armées s’appelle Βουκελλάριος, Buccellaire ; il ajoute que buccellarius est formé de buccellus, viande de figure ronde : & Cellarius, qui garde le pain. D’où il conclut que de même les Anciens avoient fait de buccellus, ou buccella, le mot buccellatum, pour signifier ce que nous appelons du pain de munition : on aura bien pû du même mot faire Buccelliger, porteur de pain, & de là Boulenger, & que Boulenger de Buccelliger, n’est pas moins vraisemblable, que verger de viridarium. Pithou le tire comme Ménage de pollix, pollenta, pollentarius, bollentarius, bollengarius, Boulanger. Cette étymologie paroît la meilleure. Celle de M. Du Cange ne laisse pas d’être probable, parce que, comme il l’a remarqué, il y a d’anciens titres où ils sont appelés Boulens. Mais celle de Guichard, qui prétend qu’il vient du Chaldéen גבל, gibbel, pinsere, & גבל, gebal, pistor, & en transposant les radicales בלג, belag, d’où Boulanger a été formé : celle-là, dis-je, est tirée de trop loin.

Boulanger de Camp. On nomme ainsi des serges drapées, de demi-aune de large, qui se fabriquent dans quelques endroits du Poitou, & particulièrement à Breuil & à Barez. On les nomme Boulanger, du nom de l’Ouvrier qui en a le premier établi la fabrique ; & de Camp, parce qu’elles sont toutes de laines Espagnoles de Campo.

BOULANGER. v. a. Pétrir la farine, & en faire du pain. Farinam subigere. Un garçon qui boulange bien. Ce mot n’est guère usité que chez les Boulangers.

BOULANGÉ, ÉE. part. Du pain bien boulangé.