Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BRASSER

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 46-47).
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☞ BRASSER. v. a. Remuer avec ses bras, à force de bras, plusieurs choses, afin qu’elles s’incorporent les unes avec les autres. Subigere subigendo, agitando permiscere. Brassez bien toutes ces matières.

Brasser la bière, c’ est la faire. Il faut pour cela remuer, agiter fortement la liqueur pour la mêler avec l’orge, le houblon & les autres ingrédiens dont elle est composée.

Brasser à la monnoie, c’est remuer le métal quand il est en fusion dans le creuset, quand il a acquis le degré de fluidité. L’or ne se brasse par de même que l’argent. Voyez Brassoir.

☞ On dit aussi brasser dans les Papeteries. Voyez Papier, Papeterie.

Brasser. Terme de Tanneur. C’est remuer les cuirs & les retourner dans une cuve remplie d’eau & de tan pour les rougir.

Ménage dérive ce mot de braxare, qu’on a dit pour brasiare, qui signifie proprement brasser de la bière, qu’il dit avoir été formé de brasium, signifiant bière. Du Cange dit que brace, brasium, & bracium, signifioient une espèce de blé dont on faisoit la bière, d’où sont venus les mots de brasse, brassin & brasserie, qu’il dit avoir été appelée bracina, brascina, brachinum, braxatorium & brasseria, dans la basse latinité. Mais il y a plus d’apprence que ce mot vient simplement de bras ; parce qu’encore en plusieurs lieux on nomme Brassier, un manœuvre, un homme qui vit du travail de ses bras. Le Pere Thomassin aime mieux remonter jusqu’à la langue grecque, & chercher brasser dans βράζω, ferveo, ebullio, parce qu’on se sert de feu pour faire de la bière.

En Normandie on appelle brasser, la manière d’exprimer le jus des pommes & des poires. Pour brasser ces sortes de fruits destinés à faire du cidre ou du poiré, on les fait écraser dans le tour du pressoir avec une meule qu’un cheval fait tourner autour. Quand ces fruits sont bien écrasés, on en prend le marc, on le met sur un tablier en le stratifiant avec du gleu ou du glui, jusqu’à une élévation d’environ trois pieds ; puis par le moyen de l’arbre du pressoir & de sa vis, on presse ce marc de façon qu’on en exprime tout le jus, qui tombe du tablier où est le marc, dans le cuvier nomme Bellon ; d’où on le prend pour le mettre dans les tonneaux. C’est-là que la liqueur bout, fermente & devient potable.

Brasser, se dit aussi particulièrement en matière de pêche, de ceux qui agitent & troublent l’eau avec des bouilles, ou bouloirs, pour faire donner le poisson dans les trubles, étiquettes, ou autres filets que le Pêcheur a tendus.

En termes de Marine, Brasser, c’est se servir de bras, ou manœuvres, avec lesquelles on gouverne les vergues. On dit, Brasser à faire servir ; c’est brasser les vergues, ensorte que le vent donne dans les voiles. Brasser à contre ; c’est brasser le bras du vent, afin que le vent donne dans les voiles. Brasser au vent ; c’est brasser les vergues du côté opposé à celui du vent. Brasser les vergues ; c’est en maniant les bras, mettre les vergues horisontalement de l’avant à l’arrière. Brasser les voiles sur le mat, c’est hâler les bras du vent, ensorte que le vent se mette sur les voiles, au lieu d’être dedans ; c’est-à-dire, manœuvrer les voiles, de manière que le vent fasse le contraire de ce qu’il faudroit pour faire filler le vaisseau. ☞ On dit en commandement : brasse tribord devant, brasse bas-bord, &c.

☞ On trouve dans Montaigne, brasser un lit de plumes ; pour dire, le remuer. On le dit encore dans les Provinces, & brasser les cartes, pour les mêler.

Brasser, signifie figurément, faire quelque conspiration. ☞ Pratiquer secrettement quelque complot pour prendre ou trahir quelqu’un. Machinari, moliri. Il y a long-temps qu’ils brassoient cette trahison. Brasser quelque chose contre l’État. Il se dit toujours odieusement. Il n’est pas noble.

Il signifioit autrefois, procurer, fournir. Il ne se dit plus qu’en mauvaise part. Gloss. sur Marot.

Brassé, ée, part.