Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BRISER

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 79).
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BRISER. v. a. Mettre en pièces, rompre avec violence. Frangere, perfringere. Il n’y a rien que le canon ne brise. La meule du moulin brise le grain pour le moudre.

Ménage dérive ce mot de brix, mot celtique, qui singifie rupture, ou brèche ; ou du latin brisare, qu’on a dit pour presser & épreindre ; ou de brisa, qui signifie une grappe de raisin foulée.

Briser, signifie quelquefois, par extension, fatiguer, incommoder par une agitation trop rude. Brisé de fatigue & de lassitude. Ce cheval a un train rude qui m’a tout brisé.

Briser, est quelquefois neutre, en termes de marine, & signifie heurter avec violence. Le vaisseau alla briser contre un écueil ; la tempête le porta contre un écueil où il se brisa. On dit aussi que la mer brise, lorsque les flots viennent se rompre avec impétuosité sur des côtes, sur des rochers, sur des bancs de sable.

☞ Il est aussi réciproque, & signifie être mis en pièces. Ces vaisseaux se sont brisés sur nos côtes. Le verre se brise facilement.

☞ Se briser, se dit aussi des portes, des volets & de plusieurs autres ouvrages de fer ou de bois, qui sont composés de plusieurs pièces qui peuvent se plier, s’alonger ou se racourcir. Une table brisée. . Un bois de lit qui se brise. Des portes, des volets qui se brisent. Une équerre brisée, une règle brisée, qu’on plie par le moyen d’une charnière. Une aune brisée, qui se brise. Une forme brisée dont on se sert pour élargir les souliers trop étroits. On le dit aussi d’un canon de fusil coupé en deux, & qu’on assemble par le moyen d’une vis dans l’occasion. On l’appelle autrement couplet. Il est défendu de porter les armes à feu brisées par la crosse, ou par le canon, à cause de la chasse.

Briser, en termes de chasse, signifie rompre du bois pour marquer le lieu qu’on veut retrouver. Ramos spargere. Briser bas, c’est rompre des branches, & les jeter par où a passé la bête, que nous appelon sur les voies. Briser haut, c’est rompre les branches à demi à la hauteur de l’homme, & les laisser pendre au tronc de l’arbre. Salnove. ☞ La pointe des branches fait voir d’où vient la bête, & le gros bout indique où elle va.

Briser, se dit figurément en choses morales. Rumpere. Cet homme a brisé ses fers, pour dire, non-seulement qu’il s’est mis en liberté, qu’il s’est délivré d’une domination tyrannique ; mais encore qu’il s’est dégagé d’une passion amoureuse. Heureux celui qui brise les liens & les attaches qui l’engagent dans le monde, pour se donner tout à Dieu. Il doit briser toute la puissance des enfers. Pat. Les changemens sont toujours difficiles, quand les hommes ont pris de certains plis. Ce seroit les briser, que de vouloir les redresser sans prendre ses mesures de loin. Abb. de la Tr. La contrition, la douleur de ses péchés, lui a brisé le cœur.

Soupirs qui dans mon sein retenus par la crainte,
Souffrez depuis long-temps une injuste contrainte,
Brisez ce cœur perfide.

Briser, se dit absolument, quand on veut interrompre, ou faire taire quelqu’un qui dit des choses désagréables. Finem imponere, dicendi finem facere. Brisons-là, Monsieur, s’il vous plaît. Il est du style familier.

Briser, en termes de Blâson, signifie charger un écu de brisures, comme lambel, bordure, &c. pour distinguer les branches, & les cadets de leur aîné, auquel appartiennent les armes pleines. Frangere, segmento afficere, distinguere. On le dit encore des chevrons dont la pointe est déjointe.

On dit proverbialement, tant va la cruche à l’eau, qu’enfin elle se brise ; pour dire, qu’enfin, on périt dans les dangers où l’on s’expose souvent : ce qui se dit aussi des débauches qui usent les corps des hommes.

BRISÉ, ÉE, part. & adj.