Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COAGULATION

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 654-655).
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COAGULATION, s. f. terme didactique. Epaississement qui arrive à un corps liquide, sans qu’il perde aucune des parties sensibles qui causoient sa fluidité ; comme il arrive au lait, au sang, à la chaux, au plâtre. {(lang|la|Coagulatio}}. On distingue ainsi cette espèce d’épaississement de celui qui se fait par la perte d’une partie de la substance ; comme quand la boue s’épaissit par l’évaporation des parties aqueuses ; car cet épaississement ne s’appelle point coagulation, mais endurcissement. Il y a un mot général, savoir concrétion, qui est commun à coagulation, épaississement, endurcissement.

Il y a de grandes variétés dans les coagulations. Prenez du lait de vache, mêlez-y du suc d’épurge, catapucia minor, de l’esprit acide de miel, de l’esprit de nitre, ou quelques autres astringens, la coagulation se fait beaucoup plutôt, que si vous l’exposiez seulement à l’air. Au contraire jetez-y du sel fixe & sulfureux de tartre ou de nitre, de l’esprit de sel ammoniac, du miel, du sucre ; ces matières, aussi-bien que presque toutes les plantes aromatiques, empêchent ou retardent la coagulation. Le sel commun, le sel gemme, l’hyffope, &c. n’on ni l’un ni l’autre de ces effets. La coagulation se fait plutôt dans un air sec & chaud, que dans un air humide ; en été qu’au printemps.

L’esprit acide du sel commun, ou de nitre distillé, jeté dans des blancs d’œufs bien battus, fait une coagulation très-ferme. L’huile de vitriol en fait une fibreuse & moins ferme ; l’esprit acide de miel & le vinaigre n’en produisent point ; l’esprit de sel ammoniac, & l’huile de tartre n’en donnent point non plus. L’esprit de vin purifié fait une coagulation assez ferme, mais divisée en grumeaux. Le suc tiré de l’épurge, le sel ammoniac réduit en poussière, le sel de persil, le sel de tartre, le sel commun n’ôtent rien aux blancs d’œufs de leur fluidité, mais l’extrait de noix de galle, & l’alun en donnent une prompte & ferme. La dissolution du vitriol de cuivre, qui rougit le fer, ne fait qu’une médiocre coagulation : celle de vitriol de Mars n’en fait aucune, non plus que celle du vitriol blanc.

Il en est de même des coagulations du sang des animaux ; le sang tiré de la jugulaire d’un agneau, & partagé en différens vases, sans y rien mêler, s’est coagulé en une demi-heure : en y jetant de l’esprit de sel commun, la coagulation s’est faite sur le champ, & la couleur rouge du sang s’est changée en couleur noire ; l’huile de vitriol produit le même effet. Le vinaigre distillé a de même noirci le sang, mais le coagulum a été moins ferme. L’esprit de sel ammoniac & l’huile de tartre ont également empêché la coagulation, mais le premier a produit un rouge plus foncé, & le second un rouge plus vif & tirant plus sur la couleur de feu. L’esprit de vin a produit sur le sang le même effet que sur le blanc d’œuf, c’est-à-dire, qu’il a fait une coagulation assez ferme, mais grumeleuse, & un rouge semblable à celui de l’ocre mis au feu. L’esprit de miel a rendu ce sang noir, & d’une consistance molle & inégale. L’extrait de noix de galle a aussi donné une coagulation grumeleuse. L’esprit de rouille l’a durci & noirci. L’esprit de nitre & l’esprit de sel commun lui ont ôté toute sa couleur rouge, & l’ont réduit en grumeaux. La dissolution de sel commun dans de l’eau a un peu changé sa couleur sans coagulation. Le sang tiré de l’artère carotide a pris une consistance plus solide ; demeurant par tout rouge, du reste il a éprouvé avec les mêmes liqueurs les mêmes coagulations que le sang veineux. Duhamel, Hist. Acad. p. 74, 75. Le P. Bartoli, Jésuite, a fait, en italien, un Traité de la glace & de la coagulation.

☞ Il y a coagulation entre deux liqueurs mêlées ensemble, lorsque leurs molécules s’embarrassant & s’accrochant mutuellement, le mêlange acquiert une consistance que ses parties n’auroient pas, si elles étoient prises séparément. Il suffira de faire remarquer qu’il n’y a coagulation entre deux liqueurs, que lorsque l’une se mêle avec l’autre, à peu près comme un acide se joint à son alcali, & lorsque le tout a des molécules trop massives pour recevoir de la part de la matière ignée un mouvement en tout sens.

☞ Le mot de coagulation signifie également l’état d’une chose coagulée, & l’action par laquelle elle se coagule.