Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COLLÈGE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 685-686).

COLLÈGE, s. m. nom qu’on donne à un Corps ou Compagnie de personnes qui ont la même dignité ou qui sont occupés des mêmes fonctions. Collegium. Les Romains appeloient Collège tout assemblage de plusieurs personnes occupées aux mêmes fonctions, & comme liées, c’est-à-dire, unies ensemble pour y travailler de concert : & ils disoient ce mot non seulement des personnes qui travaillent aux fonctions de la Religion, du Gouvernement, ou des Arts libéraux ; mais encore de celles qui s’occupoient aux Arts méchaniques. Ainsi ce nom signifioit ce que nous nommons un Corps, une Compagnie, un Corps de métier, un métier. Il y avoit dans l’empire Romain non seulement le Collège des Augures, le Collège des Capitolains, c’est-à-dire, ceux qui avoient l’intendance des Jeux Capitolins ; mais aussi le Collège des Artisans, Collegium Artificum ; le Collège des Charpentiers, Collegium Fabrorum, ou Fabrorum Tignariorum ; le Collège des Potiers, Collegium Figulorum ; le Collège des Fondeurs, Collegium Fabrorum ærariorum ; le Collège des Serruriers, Collegium Fabrorum Serrariorum. Le Collège des Ingénieurs, ou des gens qui travailloient aux machines de guerre, c’est-à-dire des Charpentiers de l’armée, Tignariorum ; des Dendrophores, Dendrophororum ; des Centenaires, Centenariorum ; des faiseurs de casaques militaires, Sagariorum ; des faiseurs de tentes, Tabernaculariorum ; des Entrepreneurs des fourages, Fœnariorum ; le Collège des Boulangers, Collegium Pistorum ; des Joueurs d’Instruments, Tibicinum, &c. Plutarque dit que ce fut Numa qui divisa le peuple Romain en différens Corps ; qu’il appela Collèges ; il le fit afin que les particuliers songeant aux intérêts de leur Collège, qui les divisoit des citoyens qui étoient des autres Collèges, ils ne s’unissent point tous ensemble pour troubler le repos public. Les Collèges étoient distingués des autres Sociétés qui n’étoient pas établies en forme de Collège par l’autorité publique, en ce que ceux qui composoient un Collège pouvoient traiter des affaires communes de leur Collège, qu’ils faisoient un Corps dans l’Etat, en ce qu’ils avoient une bourse commune, un Agent pour faire leurs affaires, comme aujourd’hui les Syndics de nos Communautés ; qu’ils envoyoient des Députés aux Magistrats quand ils avoient à traiter avec eux, & qu’ils pouvoient faire des réglemens & des statuts pour leur Collège, pourvu qu’ils ne fussent point contraires aux loix de l’Etat. Voyez Plutarque dans la Vie de Numa, Valere Max. au chap. des établissemens. De Institutis, Pline, l. 34, c. 1, & l. 35. Ciceron, épi. 5, à son F. Quintus, l. 2. Tite-Live, l. 2. Aulu-Gelle, l. 12, C. 3, les Pandectes, le Code, les Jurisconsultes. Caïus, Paulus, Scævola, &c. & ci-dessus au mot Boulanger.

A Rome, il y a le Collège des Cardinaux, qu’on nomme autrement le Sacré Collège. Les Allemans ont le Collège des Electeurs. Il y a trois Collèges dans l’Empire, le Collège Electoral, le Collège des Princes, & le Collège des Ville Impériales. Voyez ci-après.

La Chancellerie à le Collège des Secrétaires du Roy. Il y a le grand & le petit Collège.

Dans le Clergé de la Cathédrale de Roue, il y a cinq ou six Collèges différens de Chapelains ; & ces Chapelains sont appelés Collégiaux, à la différence des non-Collégiaux, qui ne forment point de Collège entre-eux. Voyez la Description Géogr. & Hist. de la Haute-Norm. tom. 2, pag. 732 & suiv.

Collège des Cardinaux, ou Sacré Collège. Sacrum Collegium. C’est le Corps des Cardinaux. Ce Collège est composé de trois ordres de Cardinaux, de l’ordre des Cardinaux Evêques, de l’ordre des Cardinaux Prêtres, & de l’ordre des Cardinaux Diacres : chaque ordre a son Doyen, ou son Chef. Le Doyen des Cardinaux Evêques est Evêque d’Ostie, & Doyen de tous les Cardinaux, quoiqu’il puisse n’être pas le plus ancien Cardinal. Collegium Cardinalium.

On disoit autrefois le Collège des Apôtres ; cette expression a vieilli, on ne s’en sert presque point aujourd’hui. Apostolorum Collegium.

Collège des Electeurs. Collegium Electorum Imperii. C’est le corps des Electeurs, ou de leurs Députés à la Diète de Ratisbonne. Autrefois le Roi de Bohême n’avoit point de Député dans le Collège des Electeurs, il en a un aujourd’hui comme les autres Electeurs.

Collège des Princes. Collegium Imperii Principum. C’est le Corps des Princes ou de leurs Députés qui se trouvent à la Diète de Ratisbonne.

Collège des Villes. Collegium Imperii Civitatum. C’est le Corps des Députés que les villes de l’Empire envoient à la Diète de Ratisbonne.

☞ Cette division du Corps Germanique fut établie dans la Diète tenue à Francfort en 1580.

☞ L’Archevêque de Mayence des Directeur du Collège Electoral. L’Archi-Duc d’Autriche & l’Archevêque de Saltzbourg, sont alternativement Directeurs du Collège des Princes ; & le premier Magistrat de la Ville Impériale où la Diète est convoquée, est Directeur du Collège des Villes.

Ce mot vient selon Papias, a Societate Collegarum, c’est-à-dire, de plusieurs personnes constituées en la même dignité.

Collège se dit aussi d’un lieu public & doté de certains revenus, où l’on enseigne les Lettres divines & humaines, dans des salles appelées classes destinées pour cela. Gymnasium Litterarum, Gymnasium, Scholæ. ☞ L’Université de Paris consiste en plus de 50 Collèges, 10 de plein exercice, & plus de 40 autres fondés pour des boursiers, aujourd’hui réunis sous une même administration dans le Collège de Louis le Grand. A Oxford il y a dix-huit Collèges dotés & rentés ; outre ceux qui ne le sont point. Il y en a seize à Cambridge, qui ont aussi leurs revenus fixes. Chamberlain. En France l’érection des Collèges appartient au Roi : les particuliers peuvent bien bâtir des Collèges, les doter, mais ils ne sauroient les ériger, il faut pour cela permission du Roi. Voyer l’Hommeau, Chaline Févret, de l’Abus, T. I.

Toutes les nations policées ont eu & ont encore des Collèges pour l’instruction de la jeunesse, qu’on a toujours regardée comme une chose des plus importantes pour le bonheur d’un Etat. Les Juifs & les Egyptiens ont eu leurs Collèges. Le Thalmud & plusieurs livres des Juifs parlent de leurs Ecoles, ou Collèges : quelques villes ont eu des noms qui marquoient que les Sciences y florissoient ; comme Nardée, dont le nom signifie Fleuve de Science, & Cariath-sepher, qui veut dire, ville de livres. Les plus célèbres Collèges des Juifs ont été ceux de Jérusalem, de Tibériade, de Nardée, de Mata-Machasia, de Pompodita, de Sura, &c. & sur tout de Babylone. On prétend que ce dernier fut établi par Ezéchiel ; qu’il subsistoit encore au temps de Mahomet ; & que cet Importeur voulut que les Collèges voisins fussent subordonnés à celui de Babylone.

Chez les Grecs, le Lycée & l’Académie étoient de célèbres collèges, dont le dernier a donné son nom aux Académies & aux Universités, qu’on appelle en latin du nom Academia. La maison de chaque philosophe & de chaque rhéteur pouvoit passer pour un Collège, ils y donnoient des leçons à leurs disciples, à moins qu’ils ne choisissent pour cela quelque lieu public, comme un portique, une galerie, &c.

Les Romains établirent en divers endroits, & sur tout dans les Gaules, des Ecoles ou Collèges : les plus célèbres étoient ceux de Marseille, de Lyon & de Besançon. Les Collèges ont presque toujours été entre les mains de ceux qui étoient consacrés au ministère de la religion. C’étoient les Mages en Perse, les Gymnosophistes aux Indes, & les Druides dans les Gaules, qui enseignoient les sciences aux jeunes gens. Voyez César, l. 6, de la guerre des Gaules. Quand la religion chrétienne fut établie en France, il y eut presque autant de Collèges, que de Monastères. Charlemagne dans ses Capitulaires, l. 1, c. 22, ordonne que dans tous les Monastères on apprit aux enfans les pseaumes, la musique, l’arithmétique, la grammaire. Mais parce que le soin de l’éducation de la jeunesse tiroit les Moines de leur solitude, partageoient trop leur temps, & les empêchoit de vaquer aux exercices de leur profession, dans la suite on a donné le soin de plusieurs Collèges à des personnes qui n’eussent point d’autres occupation que celle-là.

Collège se dit aussi d’un lieu fondé pour y entretenir quelques pauvres garçons, & leur donner moyen d’étudier, sous le nom de Boursiers. Collegium. Ils sont conduits par un Principal, sans qu’il y ait aucun exercice, ni Professeur, comme le Collège de Fortet, de Me Gervais à Paris, nous avons déjà dit que ces Collèges étoient réunis.

On dit d’un homme qui fait paroître une ignorance grossière, qu’il a bien perdu son temps au Collège. On dit aussi qu’une chose sent le Collège, quand elle est faite ou dite, d’une manière pédantesque. Les gens de Cour envoient un Savant dans le fond d’un Collège. Boil. Ces ames de Collège & d’Université sont toujours armées de syllogismes pour disputer sur tout. Pere Daniel.

Si le texte est latin, cite l’original,
Mais non pas s’il est grec, le grec sied toujours mal,
Et porte malgré nous notre esprit au Collège.

Vill.

On dit dans le Droit que trois personnes suffisent pour faire Collège, Collegium tres faciunt.

On dit, le Collège des Avocats au Conseils du Roi, & l’Ordre des Avocats au Parlement. ☞ On dit cependant Collège des Avocats en quelques endroits, à Rouen, à Lyon.

Collège se dit des Chapitres de Chanoines & de Chanoinesses. Nicolas des Ursins, Comte de Solero, fonda un Collège de Chanoinesses à Noli, dans l’Etat de Genes. P. Hélyot, T. VII, C. 48. De-là vient qu’on appelle Collégiales, les Eglises des Chapitres de Chanoines qui ne sont pas dans une Cathédrale. Voyez Collégiale.

Collège des Marchands. C’est ainsi que l’on nomme dans presque toutes les villes Anséatiques, un certains lieu, ou place publique, où s’assemblent ordinairement les Marchands & Négocians, pour traiter des affaires de leur commerce. C’est proprement ce qu’on appelle à Nantes & ailleurs, Bourse, & à Lyon, Place du Change.