Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COMPAS

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 741-742).

COMPAS. s. m. instrument de Mathématique, qui sert à décrire des cercles, & à mesurer les distances de deux points, de deux lignes. Circinus. Il est composé de deux branches de fer ou de cuivre, pointues par en bas, & attachées, par un clou rivé sur lequel elles sont mobiles dans une charnière. Un compas à quatre pointes, ou à pointes changeantes, est celui qui a des pointes d’acier ; un porte-crayon, un coupe-cercle, qu’on change, & qu’on attache avec une vis à une des branches. Les Poëtes nous ont voulu faire croire qu’Icare étoit l’inventeur du compas. C’est Calus, fils de la sœur de Dédale qui l’inventa, & Dédale en conçut une telle jalousie, qu’il le tua.

On dit figurément, faire les choses avec règle & compas ; marcher avec règle & compas ; pour dire, avec grande précaution & exactitude, avec une proportion étudiée, ne faire rien à l’étourdi. Metiri omnia suis rationibus. Il pèse toutes ses paroles, & crache même avec compas. Main. Tout son corps est fait au compas. Voit. On dit qu’un homme a le compas dans l’œil ; pour dire, qu’il mesure aussi juste à l’œil, qu’il le pourroit faire avec un compas.

Son discours, ses gestes, ses pas,
Sont tous mesurés au compas. Gomb.

En pareil jour, que chomons ici-bas ;
Prêtre sacré baptisoit une Muse,
Qui les surpasse autant par ses appas,
Que par le don d’une science infuse,
De bien rimer, d’ajuster au compas,
Tendre chanson, ou plaintive Elégie,
Et qui plus est composer Tragédie.

Nouv. choix de vers.

Ce mot vient de compartir, compartissement. On peut aussi le faire venir de compes. En effet le compas a deux piés, dont l’un tourne pendant que l’autre est fixe.

Compas brisé. Les Doreurs sur tranche se servent de ce compas pour placer l’or en feuilles sur l’assiette, dont ils couvrent la tranche du livre qu’ils veulent dorer.

Compas de division, est un compas, qui par le moyen d’une vis tarodée de deux grosseurs, l’une plus déliée que l’autre, & traversant deux petits cylindres mobiles dans le milieu de ses branches, s’ouvre & se ferme tant & si peu que l’on veut, pour diviser une ligne en autant de parties qu’on fait faire de mouvemens à la vis. Circinus divisiones adjuvans.

Compas à tracer des ellipses & des ovales. Le Gentilhomme de Bretagne qui a donné la méthode de tracer des courbes rampantes pour les escaliers, donne à la fin la figure & la description de cet instrument. Il est composé d’une règle de bois carrée, bien droite & bien égale, d’environ sept à huit piés de longueur, sur laquelle sont ajustées deux boîtes pour couler au long de la règle ; au dessous de ces boîtes est un petit cône autour, & au dessus une petite vis à oreille, pour l’arrêter sur la règle, à l’extrémité de laquelle s’ajuste aussi une pointe d’acier au dessous de la boîte, qui coule librement, & s’arrête aussi par le moyen d’une vis à oreille pour tracer l’ovale, soit avec la pointe ou un crayon. Les deux boîtes s’ajustent au long des branches d’une croix, sur laquelle porte la règle, & au dedans de laquelle il y a une coulisse en forme de queue d’aronde. Cette croix doit être faite bien carrément, c’est-à-dire, bien exactement à angles droits, & les coulisses doivent être également profondes & également larges ; car c’est en cela que consiste toute la justesse. On met la règle dans les coulisses ; on arrête les boîtes ; on tourne la règle, qui faisant aussi tourner les boîtes dans la coulisse, en avançant & reculant au long de la croix & l’autre boîte dans l’autre branche de la croix. Il faut mettre aussi des pointes de clou par dessus la croix aux quatre coins, pour l’arrêter fixement sur un plancher, ou sur un enduit. Il y a une petite platine mince pour ajuster dans la mortoise sous la vis à oreille, afin d’affermir les boîtes sur la grande règle que l’on fait mouvoir, comme on l’a dit, dans les coulisses, pour tracer l’ovale que l’on demande, & selon qu’on la veut, plus grande ou plus petite, ou si l’on en veut deux concentriques l’une à l’autre s’il n’y a qu’à avancer ou reculer sur la règle la pointe d’acier, qui sert à tracer l’ovale.

Le compas à ellipse est, selon Frézier, un instrument composé du compas à verge, & de deux poupées de plus, qu’on fait mouvoir dans une coulisse, pratiquée dans une figure de croix pour une ellipse entière, ou de T pour tracer une demi-ellipse sur des arcs donnés. Cet Auteur donne la description de cet instrument dans sa Stéréotomie, p. 138.

Le Compas à ovale est une simple équerre, sur les côtés de laquelle on fait couler deux pivots attachés à certaine distance à une règle, au bout de laquelle est un crayon pour le tracer : d’où il suit que pour une ellipse entière il faut assembler quatre équerres séparées par une coulisse, pour laisser le passage de ces pivots ; supposant qu’on ne veuille tracer qu’une demi-ellipse, il faut un instrument composé de deux équerres avec une coulisse entre deux. Frézier.

Compas de proportion, est un instrument de Géométrie composé de deux règles plates, mobiles dans une charnière avec des pinules. Circinus proportionibus inveniendis aptatus. Il sert à observer les longueurs, largeurs & distance des corps, & pour plusieurs usages de l’Altimétrie. Il y a des lignes divisées qui sont marquées sur les branches plattes, dont deux sont de parties égales, d’autres qui marquent la mesure ou la corde des angles, d’autres la proportion du poids des métaux, &c. Stauffler, Henrion, Ozanam, & plusieurs autres Auteurs, ont écrit des livres entiers de l’usage du compas de proportion.

Compas de réduction, est un compas qui étant composé de deux branches croisées & mouvantes sur un centre fixe, forme quatre pointes ou jambes, dont les deux petites opposées aux deux plus grandes, servent à réduire toute mesure capable de la plus grande ouverture à la moitié, au tiers, ou au quart, selon la longueur proportionnée de ses jambes. Circinus cujus decussata crura quadruplex acumen exhibent, quorum minora duo majoribus opposita, vel mediam, vel tertiam, vel quartam mensuræ partem, quam præferunt, majori complectuntur.

Compas de trissection. En Géométrie on regarde la trissection de l’angle par la règle & par le compas comme une chose impossible. Plusieurs grands hommes ont travaillé à la solution de ce problème sans y avoir satisfait pleinement, parce que leurs manières étoient purement méchaniques. En 1688, M. Tarragon, Professeur de Mathématiques à Paris, donna dans le Journal des Savans du 23e Septembre, la conntruction d’un compas de trissection, par lequel on résout ce problème d’une manière purement Géométrique. Il est composé de deux règles centrales ; d’un arc de cercle de 120 degrés, qui est immobile avec son rayon. Le rayon doit être attaché avec une des règles centrales comme les deux bras d’un compas de proportion, afin que cette règle centrale puisse parcourir tous les points de la circonférence de l’arc. Le rayon & la règle doivent être le moins épais qu’il est possible, & la règle attachée avec le rayon doit être battue à froid, pour acquérir du ressort. La largeur de l’autre règle centrale, qui est la plus grande, doit être triple de la largeur du rayon. Il faut sur la grande règle une coulisse à queue d’aronde de la largeur du rayon qui y doit être attaché, afin qu’il puisse se mouvoir. Il faut aussi un petit trou au centre de chaque règle. La figure fera mieux comprendre ceci. Voyez le journal cité.

Compas à verge, est un instrument pour tracer de grands arcs de cercle, qu’on ne peut faire avec les compas d’Appareilleur. Il consiste en une longue règle qu’on fait passer au travers de deux morceaux de bois ou de fer, qu’on appelle poupées, qui peuvent s’approcher ou s’éloigner comme l’on veut, & être fixées par le moyen des vis. Chacune de ces poupées est terminée à un bout par une pointe de fer, qui sert l’une à fixer au centre, & l’autre à tracer l’arc. Cet instrument vaut mieux qu’un cordeau, parce qu’il ne peut ni se ralonger, ni se raccourcir, dès qu’il est une fois réglé à la longueur. Frézier.

Compas d’Appareilleur, est un compas dont chaque branche, longue d’environ deux piés, est plate & droite, avec une pointe ; il est aux Appareilleurs & Tailleurs de pierres. Circinus lapicidæ, vel præfecto signandis lapidibus deserviens. Il sert aussi à prendre la mesure des angles gras & maigres. C’est pourquoi on l’appelle communément fausse-équerre.

Compas de fondeurs de Cloches. Voy. Cloche.

Compas de Cordonnier, est un instrument de bois avec lequel on prend la mesure du pié pour faire des souliers, mensura sutoria. Il est marqué de plusieurs divisions qu’on appelle points.

Compas courbe, terme d’horlogerie. Instrument qui sert à mesurer un corps rond.

Compas droit, instrument qui sert à couper les plaques.

Les Chirurgiens se servent aussi d’un compas à pointes pour couper l’os du crâne.

Compas de Tonnelier, est un compas de bois pointu par en bas, & rond par en haut, qui s’ouvre ou se serre avec une vis pour marquer les fonds de leurs tonneaux. Circinus qui dolarii in usu est. Les vis en sont tournées les unes à droite, & les autres à gauche, afin qu’il se puisse ou ouvrir ou fermer des deux côtés.

Compas de Tourneur, est un compas dont les jambes sont courbées en rond pour prendre les diamètres des globes, les épaisseurs des corps. Circinus cujus crura arcuata tornando deserviunt. Les. Sculpteurs & Graveurs s’en servent aussi.

Compas de Bijoutier, C’est un instrument avec lequel les Bijoutiers mesurent les pièces lorsqu’ils les taillent. Norma quam ad exigendos angulos gemmarum scalptores adhibent. Cet instrument est un morceau de bois, comme le fût d’un rabot fendu par dessus jusques à la moitié de sa longueur. Dans cette fente il y a une petite règle de laiton qui tient par un bout dans le milieu du rabot avec une cheville, en sorte que cette règle se meut comme une équerre pliante. Elle sert à prendre les angles des pierres que l’on pose sur le fût du rabot, à mesure qu’on les taille. Ce fût est quelquefois de laiton, comme la règle.

☞ Il y a un grand nombre d’autres compas à l’usage des différens ouvriers, dont il est inutile de faire le détail.

COMPAS est aussi un terme de Manufacture, qui signifie modèle, mesure. On dit, faire une étoffe sur le compas d’une autre ; pour dire, la faire de la même largeur, avec le même nombre de fils, & autant de portées, que celle qu’on prend pour modèle.

COMPAS, en termes de Marine, signifie la boussole dont se servent les Pilotes pour conduire leur vaisseau, qu’on appelle compas de mer & volet. Pixis nautica. On appelle compas de route, un instrument composé d’un carton mince, coupé circulairement, divisé en 32 parties égales, représentant l’horison avec les 32 vents, au centre duquel est un cône concave de laiton, appelé chapelle, avec un aiguillon en lozange, de bon fer ou d’acier, cloué au dessus du carton, & touché d’une pierre d’aimant. Tout ce composé s’appelle rose. On la met sur un pivot, & puis dans une boëte couverte de verre, & cette boëte est renfermée dans une autre qui sert à soûtenir un ou deux cercles de cuivre ou de laiton, qu’on nomme balanciers, qui servent à tenir horisontalement le compas ou la boussole. Le compas de variation, est un instrument qui, outre tout ce que l’on vient d’exposer, a un cercle divisé en 360 degrés, & un fil qui traverse par dessus la vitre, partant au dessus du centre, & tombant perpendiculairement d’un côté & d’autre le long de la boëte, qui est ouverte en cet endroit-là avec une vitre, & tout cela pour aider à observer la variation de l’aimant. Un compas renversé est une boussole suspendue, que l’on voit par le dessous, comme l’autre par le dessus. Compas mort, est une boussole qui a perdu la vertu de l’aimant. Compas de carte, est un compas qui s’ouvre en le pressant du côté de la tête ; les Pilotes s’en servent à compasser les cartes marines.