Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONSÉCRATION

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 821-822).

CONSÉCRATION, action par laquelle le Prêtre qui célèbre la messe, consacre le pain & le vin. Christi corporis effectio, confectio, consecratio. L’élévation de l’hostie se fait incontinent après la consécration, afin que le peuple l’adore. Si la substance qui demeure après la consécration a les mêmes dimensions & la même superficie que le pain, & si elle fait la même impression sur nos sens, comme le suppose Descartes, il s’ensuit nécessairement que le pain demeure après la consécration. Pere Dan.

Il y a de grandes difficultés entre les Théologiens, touchant les paroles de la consécration. L’opinion la plus commune, & la plus reçue dans l’église latine, est que la consécration du pain & du vin, consiste en ces mots : Ceci est mon corps, ceci est mon sang. Ambroise Catharin, qui a assisté au Concile de Trente, & Chef-Fontaine, Archevêque de Césarée, ont combattu ce sentiment par des écrits publics. Le premier a composé là-dessus deux dissertations, qui ont été imprimées à Rome en 1552, avec ses autres opuscules : dans son Epitre dédicatoire au Pape Jule III, il réfute assez au long les disciples de S. Thomas. De Chef-Fontaine, dans un petit ouvrage qu’il a publié sous ces titres, de necessaria Theologiæ scholasticæ correctione, qui est adressé au Pape Sixte V, prétend qu’il faut corriger sur ce sujet l’opinion commune des Théologiens de l’école, comme étant contraire au Concile de Trente, & même au texte des Evangélistes. Il cite en sa faveur, les Docteurs de Cologne, Lindanus & quelques autres Théologiens. Quoique cette opinion n’ait point été censurée par la Faculté de Théologie de Paris à laquelle le livre de l’Archevêque de Césarée fut déféré, elle n’est point reçue communément dans l’église latine ; mais elle est reçue de toutes les Eglises d’Orient.

Les Grecs d’aujourd’hui attribuent, au moins en partie, le changement du pain & du vin au corps & au sang de notre Seigneur, à une certaine prière qu’ils appelent l’invocation du Saint-Esprit. Dans cette prière ou invocation, le Prêtre demande à Dieu qu’il envoye son Saint-Esprit sur le pain & sur le vin, & que par sa présence, il les sanctifie & les change au corps & au sang de Jesus-Christ. Elle se fait après que le Prêtre a récité ces paroles : Ceci est mon corps, ceci est mon sang ; que les mêmes grecs croient être seulement nécessaires pour la consécration des symboles, parce qu’elles renferment l’histoire de l’institution de ce divin sacrifice. Cette opinion est reçue généralement de toute l’église grecque, qui s’est déclarée la-dessus depuis quelques années dans une confession de foi écrite en Grec vulgaire, sous le titre de Confession orthodoxe de l’église catholique & apostolique d’Orient. L’original de ce livre se trouve en manuscrit avec les souscriptions des Evêques, dans la bibliothèque de M. L’Archevêque de Reims. Il n’y a rien de plus clair ni de plus décisif pour établir la transubstantiation, & en même-temps l’opinion des Grecs touchant la consécration, que des paroles qui se trouvent dans cette confession : Le Prêtre n’a pas plutôt récité la prière qu’on appelle l’invocation du Saint-Esprit, que la transubstantiation se fait, & que le pain se change au véritable corps de Jesus-Curist, & le vin en son véritable sang, ne restant plus que les espèces qui paroissent.

Cette prière, ou invocation du Saint-Esprit, dans laquelle les Grecs font consister en partie les paroles de la consécration, se trouve dans tous les exemplaires de leurs liturgies. Comme la liturgie Grecque est la source de toutes les liturgies des Eglises d’Orient, aussi n’y en a-t’il aucune, en quelque langue qu’elle soit écrite, à moins qu’elle n’ait été réformée par les Latins, qui ne contienne l’invocation du Saint-Esprit de la même manière qu’elle est dans la liturgie grecque. Les Grecs la lisent à Rome dans leur Missel. Ceux qui voudront être instruits plus à fonds de tout ce qui regarde la consécration, doivent consulter les notes étendues du P. Simon, sur les Opuscules de Gabriel, Archevêque de Philadelphie, qui ont été imprimées à Paris en 1671. Il traite aussi cette question dans son petit ouvrage de la créance de l’Eglise Orientale sur la transubstantiation, & dans ses remarques sur le voyage du Mont Liban ; ces deux livres ont été imprimés au même lieu.

Consécration. Imposition des mains ; cérémonie pour consacrer un Evêque. Consecratio. Toutes les cérémonies de la consécration représentent quels sont les devoirs & les fonctions d’un Evêque. S. Evr. La consécration de l’Evêque est sa vraie réception. Loyseau.

Ce mot se dit peu, on dit vulgairement sacre & sacrer.

L’usage de consacrer à Dieu les hommes destinés à son service, & au ministère de ses temples & de ses autels, les lieux, les vases, les instrumens, les vêtemens qui y servent, est très-ancien ; Dieu l’avoit ordonné dans l’ancienne Loi, & il en avoit prescrit toutes les cérémonies, comme on le voit dans l’Ecriture. Exod. XXVIII, 41. XXIX, 1, 7, 21, 29, 35, XXXII, 29, XL, 11. Lévit. VII, 30, 37, VIII, 9, 22, 31, 33, XVIII, 21, XXI, 7, 10, XXII, 2, 53, XXIII, 12, XXVII, 10, 16, 21, 28. Nombr. III, 3, VI, 5, 9, 13, VII, 1, &c. VIII, 12, XVIII, 10. Jos. VI, 24. Jug. XVI, 17, XVII, 3, 3, des Rois, XV, 13, 1. Paral. X, 10, XVIII, 11, XXII, 19, 2, Paral. 11, 4, XVII, 16, XXVI, 18, 1, d’Esdr. III, 5, VIII, 23. Ecclesiast. XLIX, 9. Dans la Loi nouvelle, quand ces consécrations regardent des hommes, & qu’elles se font par un Sacrement institué de Jesus-Christ, nous les nommons en françois Ordinations, excepté celle des Evêques, que nous appelons consécration. Quand elles se sont seulement par une cérémonie instituée par l’Eglise, nous les nommons Bénédictions ; quand elles se font pour des temples, des autels, des vases, des vêtemens, nous disons Dédicace, Bénédictions. Voyez tous ces mots.

Consécration s’est dit autrefois d’une cérémonie usitée à la profession des Religieuses. Cet usage a cessé dans presque toute l’Eglise depuis le treizième siècle. L’Abbaye de Ronceray en Anjou est la seule qui l’ait conservé en France. Marc Cornaro, Evêque de Padoue, au commencement du dernier siècle la voulut rétablir dans son Diocèse, & il consacra plus de deux cens Religieuses en différens Monastères. Il semble qu’elle soit encore en pratique dans l’Abbaye de S. Zachaire à Venise. En 1709, M. Poncet, Evêque d’Angers, consacra treize jeunes Professés de l’Abbaye de Ronceray. Les cérémonies de cette Consécration sont celles qui sont prescrites dans le Pontifical Romain pour la Consécration des Vierges. A Ronceray il y a de plus quelques usages particuliers.

Consécration. L’Abbé des Fontaines s’est servi de ce mot en parlant des enfans qu’on destine à l’état monastique. On décrit à cette occasion l’abus qui régnoit alors dans l’Eglise au sujet de la consécration des enfans. Obs. sur les Ecr. mod. t. 19, p. 200.

Consécration se dit aussi des cérémonies & bénédictions qui se font sur quelque chose, afin que de prophane qu’elle étoit, elle devienne sainte ; comme la consécration, ou la dédicace d’une Eglise. Elle se fait par un grand nombre de bénédictions, & d’aspersions dedans & dehors. L’Evêque consacrant, la parfume d’encens, & fait aux murailles plusieurs onctions avec le saint Chrême. C’est une cérémonie Episcopale.

Consécration, terme de Médaillistes. C’est l’Apothéose d’un Empereur, sa translation & sa réception dans le ciel parmi les Dieux exprimée sur une médaille, d’un côté est la tête de l’Empereur, couronnée de laurier, & souvent voilée, & dans l’inscription on lui donne le titre de Divus. Au revers il y a un temple, ou un autel, ou un bûcher, ou une aigle sur un globe, & qui prend son essor pour s’élever au ciel ; quelquefois l’aigle est sur l’autel, ou sur un cippe. D’autres fois l’Empereur paroît dans les airs porté sur un aigle qui l’enlève au ciel ; & pour inscription toujours Consecratio. Ce sont là les types les plus ordinaires. Antonin Pie, a au revers de ses consécrations quelquefois la colonne Antonine. Au lieu d’une aigle les Impératrices ont un paon. Pour les honneurs rendus après la mort aux Empereurs, qui consistent à les mettre au nombre des Dieux, ils s’expliquent par le mot Consecratio, par celui de Pater, de Divus, & de Deus. Deo Pio, Divus Augustus Pater. Deo & Domino caro. Quelquefois autour des Temples & des autels on met Memoria felix, ou Memoriæ æternæ. Quelquefois aux Princesses. Æternitas, ou Sideribus recepta : & du côté de la tête Diva & les Grecs Θεά. P. Jobert.

Consécration est aussi la cérémonie de l’apothéose des Empereurs & des Impératrices, Voyez Apothéose.

Consécration des Pontifes Romains. On le faisoit descendre dans une fosse avec ses habits pontificaux, puis on couvroit la fosse d’une planche percée de plusieurs trous, alors le victimaire & les autres Ministres servans aux sacrifices amenoient sur la planche un taureau orné de guirlandes de fleurs, & lui enfonçoient le couteau dans la gorge, le sang qui en découloit, tomboit par les trous de la planche sur le pontife, qui s’en frottoit les yeux, le nez, les oreilles & la langue. Après cette cérémonie on le tiroit de la fosse tout couvert de sang, on le saluoit par ces paroles, salve Pontifex, & après lui avoir fait changer d’habits, on le conduisoit chez lui, où il y avoit un magnifique repas.