Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉDICACE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 158-159).
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DÉDICACE. s. f. Consécration d’un Temple, d’un Autel, d’une statue, &c. en l’honneur de quelque divinité. Dedicatio, consecratio. L’usage des dédicaces est très-ancien, soit parmi les Adorateurs du vrai Dieu, soit chez les Payens. Les Hébreux l’appellent חכה, hhanuchab, qui signifie Initiation, Dédicace, & que les Interprètes Grecs ont traduit par Ἐγκαίνια, & Ἐγκαινισμος, Renouvellement. Nous trouvons dans l’Ecriture des dédicaces du tabernacle, des autels, du premier & du second temple : des maisons même des particuliers. Nombr. VII. 10. 11. 84. 88. Deut. XX. 5. 80. 88. III des Rois V. 63. II. Paral. VII. 5. 9. I. Esdr. VI. 16. 17. II. Esdr. XII. 27. Ps. XXIX. 1. I. Machab. IV. 56. 59. II. Mach. II. 9. 12. 20. Hebr. IX. 18. Il y en a aussi des vases & des vêtemens des Lévites & des Prêtres, & des hommes mêmes : mais, dans le Christianisme, nous appelons ces cérémonies consécrations, bénédictions, ordinations, & non point dédicace, qui ne se dit que des lieux. Voyez donc sur cela le mot CONSÉCRATION, & tous ces autres mots. Salomon fit la dédicace du temple qu’il avoit bâti avec une magnificence, & des dépenses étonnantes.

Les Payens avoient aussi des dédicaces des temples, des autels, des statues de leurs Dieux, &c. Nabuchodonosor fit la dédicace de sa statue, Dan. III. 2. &c. Pilate dédia à Jérusalem des boucliers dorés à Tibère. Philon, De Legat. ad Caium p. 799. Pétrone voulut dédier une statue à l’Empereur dans la même ville, Ib. 791. Lycophron parle de la dédicace du temple de Parthénope ; Tacite, Hist. L. IV. C. 53. parle de la dédicace du Capitole rebâti par Vespasien, &c. Ces dédicaces se faisoient par des sacrifices propres de la divinité, à l’honneur de laquelle on les entreprenoit ; mais elles ne se pratiquoient point sans permission. Chez les Grecs on ne sait pas trop qui les donnoit : chez les Romains c’étoit le Magistrat. L’histoire d’Auguste est pleine de ces permissions accordées aux Provinces & aux Villes, par l’Empereur & le Peuple Romain.

Les Juifs célèbrent tous les ans la dédicace du temple pendant huit jours. Elle fut ordonnée par Judas Machabée & toute la Synagogue, l’an 148 de l’ère Syro-Macédonienne, c’est-à-dire, 164 ans avant J. C. le 25. du IXe. mois qu’on appeloit Cisleu, & qui répond en partie au mois de Novembre, & en partie au mois de Décembre. Les Payens avoient même de ces Anniversaires de dédicace, comme celle du temple de Parthénope, dont parle Lycophron.

Dans le Christianisme, dédicace ne se dit que d’une Eglise, & c’en est la Consécration faite par un Evêque avec beaucoup de cérémonies prescrites par l’Eglise. Les Chrétiens se voyant en liberté sous Constantin, à la place des Eglises ruinées, on en bâtissoit partout de nouvelles. Leurs Dédicaces étoient des fêtes magnifiques : les Evêques s’y assembloient en grand nombre, les peuples y accouroient en foule. Fleur. A la dédicace de l’Eglise de Tyr, Eusèbe Evêque de Césarée, prononça un Panégyrique. Id. S. Athanase fut accusé d’avoir célébré l’office dans la grande Eglise d’Alexandrie avant qu’elle fût dédiée. Oui, dit-il, on l’a fait, je le confesse, mais nous n’avons pas célébré la dédicace ; il n’étoit pas permis de le faire sans votre ordre. S. Athanase ne méprisoit donc pas cette cérémonie de la dédicace des Eglises, puisqu’il se détend si sérieusement sur ce point, mais il croyoit que l’on pouvoit, en cas de nécessité, se servir d’une Eglise avant qu’elle fut dédiée. Id. Le Concile de la Dédicace, est un Concile d’Antioche qui s’y tint en 341. à l’occasion de la dédicace d’une grande Eglise que Constantin y avoit fait bâtir.

La dédicace des temples ou Eglises des Chrétiens ayant commencé à se faire solemnellement sous l’Empire de Constantin, comme on l’a dit ; on la faisoit ordinairement dans un Synode, ou pour le moins on assembloit plusieurs Evêques pour rendre la cérémonie plus auguste. Nous avons dans Eusèbe la description de celle des Eglises de Jérusalem & de Tyr, sous Constantin, & beaucoup d’autres dans des Auteurs postérieurs. Dans le Sacramentaire du Pape Gelase ; la dédicace du baptistère est marquée séparément de celle de l’Eglise, qui se faisoit alors avec moins de cérémonies, que dans les derniers temps.

On appelle aussi dédicace de l’Eglise, une Fête qui se célèbre tous les ans, le même jour, en mémoire de sa consécration, & qui est marquée par des cierges qu’on met à tous les piliers. Consecrati templi anniversarius dies. La dédicace est une Fête double qui se célèbre avec son octave.

Dédicace, terme de littérature. Adresse d’un livre qu’on fait à quelqu’un par une épitre ou par une inscription à la tête de l’ouvrage. Dedicatio. Votre Majesté n’a que faire de toutes nos dédicaces. Mol. Furetière dit, dans son Roman Bourgeois, que le premier inventeur des dédicaces fut un Mendiant.

Tu verras les Auteurs,
Dégrader les Héros pour te mettre en leurs places,
De tes titres pompeux enfler leurs dédicaces ? Boil.