Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CORDE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 909-910).
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CORDE. s. f. ☞ tortis fait ordinairement de filamens de chanvre appliqués fortement les uns contre les autres, servant à différens usages. Funis, restis.

☞ On fait des cordes de plusieurs autres matières, de lin, de laine, de jonc, d’écorce de tilleul & d’autres matières pliantes & flexibles. Aux Indes on en fait de coco, de Magnay, &c. Quand elle est extrêmement grosse, on l’appelle câble. Tunis nauticus, rudens. Quand elle est fort déliée, on la nomme ficelle. Funiculus, resticula. Corde de puits, d’un bac. Echelle de corde. Voyez le Mémoire de M. de Reaumur, ou M. l’Abbé Nolet, T. III, de ses leçons de physique, on y trouvera de belles remarques à faire sur les cordes. On fait aussi des sangles de corde, des ponts de corde, des souliers de corde, que les Espagnols nomment alpargates, & dont on fait grand trafic aux Indes, jusqu’à en charger des navires. Les enfans de Bramines portent à cinq ans une petite corde au cou en manière de chaîne d’or, & ils estiment si fort cette corde, qu’ils la renouvellent tous les ans. Vie de Bram.

Ce mot de corde vient du Grec χορδή, qui signifie proprement un gros intestin dont on peut faire des cordes.

On dit proverbialement & figurément : vous verrez beau jeu si la corde ne rompt ; pour dire, vous verrez des choses fort surprenantes dans quelque affaire, dans quelque entreprise, si les moyens dont on se sert pour y parvenir ne manquent pas.

Corde se dit aussi d’un gros cable tendu en l’air, attaché par les deux bouts, sur lequel les bateleurs dansent. Danseur de corde. Funambulus, schænobatis.

☞ On dit au figuré qu’un homme danse sur la corde ; pour dire, qu’il est dans une affaire périlleuse, dans une situation incertaine & chancelante, dans laquelle il peut succomber à tout moment.

☞ La corde d’un arc, d’un arbalète, est celle qui fait partir la flèche. Nervus, chorda. Tendre, bander la corde.

☞ On dit en ce sens au figuré qu’un homme a plusieurs cordes à son arc, quand il a plusieurs moyens de faire réussir une affaire.

Corde se dit aussi, en termes de jeu de paume, de celle qui se tend au milieu du jeu avec un filet qui va jusqu’à terre pour arrêter les balles. Le joueur qui ne fait pas passer la balle par dessus la corde, perd un quinze. Mettre sous la corde. Funis. Et on dit qu’une balle a passé à fleur de corde, qu’elle a frisé la corde, funem perstringere ; pour dire, que peu s’en est falu qu’elle n’ait été dessous.

On se sert des mêmes phrases en un sens figuré ; pour dire, qu’un homme a pensé à être condamné, à perdre son procès, qu’il n’a eu que ce qu’il lui falloit de voix en justice pour le gagner. On dit aussi qu’un homme a frisé la corde ; pour dire, que peu s’en est falu qu’il n’ait été condamné à être pendu.

Corde, en parlant du drap, se dit des fils dont il est tissu. Filum. Quand le drap est usé, il montre la corde. On dit figurément d’une finesse aisée à découvrir. Cela montre la corde.

Corde signifie aussi le supplice de la potence, parce qu’on étrangle avec une corde les criminels qui sont pendus. Laqueus, restis. Ainsi on dit, il mérite la corde, il fille sa corde, il traîne sa corde ; il n’y va que de la corde, il a frisé la corde ; pour dire, il a pensé être pendu ; expression tirée du jeu été paume. Il est échappé de la corde. Souffrir le libertinage des enfans, c’est leur mettre la corde au cou. Faire amende honorable la corde au cou. On dit aussi d’une légère faute, la corde & le fouet en sont dehors. On dit d’un homme très-soumis qui vient demander grâce à sa partie, qu’il l’est venu supplier la corde au cou. En ce sens, on appelle un homme de sac & de corde, un scélérat, un homme qui mérite d’être noyé, ou pendu ; car autrefois on enfermoit les criminels dans un sac pour les noyer. On dit encore, quand on donne la question, au premier, au second trait de corde : c’est quand on met un tréteau plus haut pour étendre davantage les nerfs du patient, qui est suspendu avec des cordes. On le dit aussi des coups d’estrapade.

☞ On dit proverbialement qu’il ne faut point parler de corde dans la maison d’un pendu, pour faire entendre qu’il ne faut point parler de choses dont le reproche peut tomber sur quelqu’un de ceux avec qui l’on est.

En termes de Marine, on appelle corde de retenue, une corde dont l’usage est de retenir un fardeau lorsqu’on l’embarque. On appelle encore, cordes de défenses, de grosses cordes mêlées & entrelacées, qu’on fait pendre sur les flancs d’un vaisseau, pour le conserver contre le choc des autres vaisseaux.

Corde, terme d’Anatomie, se dit d’un nerf qui est couché sur la membrane du tambour de l’oreille. C’est une petite portion de nerf qui appartient au tympan de l’oreille, & qui part du rameau du nerf qui va se distribuer à la langue. Demours, Acad. d’Ed. T. I, p. 185. Je dirai avec les autres Anatomistes que la corde du tympan est une production ou un rameau de la branche maxillaire inférieure, quoique je serois plus porté à croire qu’elle est une branche de la portion dure de la septième paire unie avec la cinquième. La corde du tympan prend le plus souvent son origine de cette branche de la cinquième paire, qui va se distribuer à la langue ; mais je l’ai vû souvent se détacher du tronc même qui fournit cette branche qui se porte à la langue, & celle qui entre dans le conduit de la mâchoire inférieure. La corde du tympan, dès sa naissance, se porte en arrière & en dehors, étant enveloppée dans un tissu cellulaire jusqu’à ce qu’elle entre dans la partie osseuse de la trompe d’Eustachius. Ib. p. 179, 180. Chorda. Les Anatomistes ne s’accordent pas sur l’usage de cette petite corde. Les uns veulent qu’elle serve à donner quelque son à cette membrane, comme fait celle qu’on met sur la peau des tambours ; & les autres prétendent que cette corde n’est autre chose qu’une branche de la cinquième paire.

Corde, autre terme d’anatomie & de nourrice, qui se dit des mammelles des femmes qui donnent à tetter. Dans les commencemens, avant que le lait vienne abondamment par les bouts, il faut que les cordes se cassent, c’est-à-dire, que les passages se fassent.

Cordes à boyau, sont celles que l’on fait de boyau de mouton pour des raquettes. Nervus. On en applique aussi sur des instrumens de musique, le luth, le thuorbe, le violon, la viole, la guitarre. Chorda, fides. Les anciens qui ne connoissoient pas l’usage de ces cordes à boyau, se servoient de cordes de lin.

Quelques-uns croient que le mot de corde vient du grec χορδή, qui est un nom que les médecins donnent aux boyaux, parce que la plûpart des cordes des instrumens de musique, sont faites de boyaux desséchés. On en fait d’autres de fil de fer & de laiton, pour les épinettes, clavessins, psaltérions & autres. Une corde fausse, c’est celle qui n’est pas unie, & qui rend de mauvais tons. On a trouvé depuis peu, l’invention de charger les cordes à boyau pour rendre leur son beaucoup plus fort sans en changer le ton, comme remarque M. Perrault. Les cordes faites d’or trait dans les clavessins, rendent un son presqu’une fois plus fort que celui des cordes de cuivre. Une corde d’acier a le son plus foible qu’une corde de laiton, parce qu’il est moins pesant & moins ductile. La sixième corde des basses de viole, & la dixième des grands thuorbes sont faites de 50 filets de boyau ; & il y en a qui ont jusqu’à cent pieds de long, qu’on tord & qu’on polit avec la prêle.

☞ Outre les cordes à boyau dont on vient de parler, les boyaudiers en font d’autres plus grossières de boyaux unis en filets, tortillés & unis avec la prêle, qui servent à fortifier ou à mouvoir des machines.

☞ On a fait aussi des cordes de nerfs ou plutôt de ligamens & de tendons qu’on a voulu substituer aux ressords des chaises de poste & des autres voitures. Il paroît que cette nouvelle invention n’a pas eu le succès dont on s’étoit flatté.

Corde, en termes de musique, signifie la note, ou le ton qu’il faut toucher ou entonner, & se dit de tous les intervalles de musique. Nota, sonus. La quinte à cinq cordes ou cinq sons. On l’appelle dominante. La tierce s’appelle médiante, & celle par laquelle on finit, s’appelle finale. Corde signifie aussi un accord ; c’est dans ce sens qu’on dit : cette pièce a de belles cordes, pour exprimer les beautés qu’on trouve dans la mélodie. Rameau. Il y a dans le mode quatre sons essentiels, qu’on nomme cordes : la corde fondamentale qui est ordinairement la finale, la tierce du dessus de la finale, qu’on nomme médiante, la quinte au-dessus de la finale qu’on nomme dominante, & l’octave qu’on nomme replique. La corde principale est celle qui sert de fondement aux autres. Monteclair.

Cordes-avalées, terme de Musique. C’est un accord du violon en quarte, au lieu que l’accord ordinaire est une quinte. Les habiles joueurs de violon jouent à cordes avalées, afin de faire plus V facilement des accords.

On dit figurément en ce sens, toucher la grosse corde, quand on parle d’une chose qui doit faire du bruit, ou toucher vivement celui à qui on parle. On dit aussi, il ne faut pas toucher cette corde-là ; pour dire, ne parlez point de cette affaire, de cette circonstance, de peur de choquer quelqu’un qui renverseroit tous vos desseins.

Corde de bois, c’est une certaine mesure de bois à brûler qui se faisoit autrefois avec une corde. Mensura desecti caudicis. Aujourd’hui on la mesure entre deux membrures de quatre piés de haut, & éloignés l’une de l’autre de huit pieds. Le mot de corde est le mot usité parmi les marchands de bois. J’ai vendu, diront-ils, cent cordes de bois cette semaine ; j’ai bien deux milles cordes de bois dans mon chantier. Cependant le peuple de Paris se sert ordinairement de voie, qui ne contient qu’une demi-corde. Il me faut huit voies de bois pour mon hiver ; c’est-à-dire, il me faut quatre cordes. Le bois de corde est proprement le bois neuf qui est opposé à celui qui est flotté, parce qu’il vient par bateau, & que les marchands le mesurent par cordes.

En géométrie, on appelle corde, la ligne droite qui se termine à deux points de la circonférence d’un cercle, sans passer par le centre, & qui divise le cercle en deux parties inégales, qu’on appelle segmens. La corde d’un arc est la ligne droite qui va de l’extrémité d’un arc de cercle à l’autre. Linea. On l’appelle autrement subtendante. Les cordes sont marquées sur le compas de proportion. On appelle corde du complément d’un arc, ou demi-cercle, la corde qui soûtient le reste de cet arc, ou demi-cercle. La corde s’appelle en latin chorda, ou subtendens chorum. Elle coupe à angles droits la ligne tirée depuis son milieu jusqu’au centre du cercle. Elle est à son égard dans la même disposition que la corde d’un arc est à l’égard de la flèche, & c’est ce qui a fait nommer cette ligne, la corde de l’arc, & l’autre la flèche de l’arc, sagitta, comme l’appellent les anciens Géomètres. Le mot de corde est toujours demeuré ; mais on ne se sert plus guère de celui de flèche. Ce que les Anciens appeloient flèche, s’appelle maintenant le sinus du complément ; la moitié de la corde de l’arc double est ce qu’on appelle maintenant le sinus droit ; la différence de la flèche au rayon, ou la ligne qui va depuis la circonférence perpendiculairement sur le milieu de la corde, s’appelle sinus verse. La corde d’un angle & la corde de son complément au demi-cercle est la même chose. La corde de 50 degrés est aussi la corde de 130. On écrit toujours en françois corde sans h. Les grecs écrivent χορδή, & les latins chorda.

En agriculture on appelle corde, certaine dureté qui vient au milieu de certaines plantes & racines. Rigor, durities. Ces raves ne valent plus rien, elles ont des cordes. Condurescere, obdurescere. On le dit de quelques poissons, comme de la lamproie, parce que dans une certaine saison, lorsqu’elles commencent à se passer, elles durcissent, & il s’y forme, comme dans les raves, une espèce de corde. Voyez au mot Corder.

Corde, en termes de manège, est la grande loge qu’on tient à l’entour du pilier où le cheval est attaché pour le dégourdir, ou le faire manier. On appelle aussi les cordes des deux piliers, les longes du cavesson, quand le cheval travaille entre deux piliers : on dit qu’on le fait donner dans les cordes, pour le dresser à être bon sauteur.

Corde cablée, terme usité dans la chasse des oiseaux & la pêche des poissons. C’est une corde semblable à celle dont on se sert aux bateaux, laquelle est faite de trois cordons, composés chacun de trois autres. Dict. Œconom. au mot Termes non-vulgaires.

On dit aussi des chevaux, qu’ils font la corde ; pour dire, que par la respiration, ils retirent la peau du ventre à eux au défaut des côtes. Soleisel. On dit encore que les chevaux ont une corde de farcin, quand ils en ont bien des boutons de suite, qui font comme une corde. On le dit aussi dans certaines maladies vénériennes.

Corde à feu. Ce terme d’artificier signifie ordinairement les mèches de corde, dont on le sert pour conserver long temps une petite quantité de feu, & en allumer dans le besoin. On donne aussi ce nom à une sorte d’étoupille qui porte le feu plus lentement que les autres.

Cordes feuillards. On nomme ainsi à Bordeaux & dans le reste de la Guienne, les cordes à relier les futailles.

On appelle aussi la corde d’une montre, une corde de boyau qui se range autour de la fusée, quand le ressort est bandé, quoi qu’on la fasse par fois de fer ou de cuivre, & que ce soit une petite chaîne. Catella.

Corde sans fin, terme d’horlogerie. C’est une corde dont les deux bouts sont confus ensemble, & dans laquelle on renferme quatre poulies, quand on l’applique à une pendule à secondes. Cette corde a la propriété de ne point faire perdre le temps au mouvement, quand on remonte le poids.

Corde, terme de jeu de billard. On appelle corde deux clous placés sur les deux bandes des côtés, en deçà desquels un joueur doit placer sa bille pour commencer à jouer.

Corde (Tabac en) ; on appelle ainsi celui qui a été cordé. Voyez Corder.