Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CROISSANT

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 30-31).
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☞ CROISSANT. s. m. La figure de la nouvelle Lune, jusqu’à son premier quartier. Elle présente alors un petit rayon de lumière aboutissant en pointe. Luna crescentis cornua.

On appelle improprement croissant, la même figure de la lune en décours ; mais alors les pointes sont tournées du côté de l’Occident, au lieu qu’elles sont du côté de l’Orient pendant le croissant. Voy. Lune.

Avant que les Turcs se fussent rendus maîtres de Constantinople, & de toute antiquité, la ville de Byzance avoit pris un croissant pour symbole, comme il paroît par les médailles des Byzantins, frappées à l’honneur d’Auguste, de Trajan, de Julia Domna, de Caracalla.

Croissant, se dit aussi de ce qui a la figure de cette nouvelle lune. Ainsi S. Amand a dit d’un fromage.

Pourquoi toujours s’appetissant,
De lune devient-il croissant ?

Croissant, se dit figurément & poëtiquement de l’Empire du Turc, qui a un croissant en ses armes, & qui le fait mettre sur tous les toits & lieux élevés, comme nous mettons les girouettes en Occident. Turcicum Imperium cujus luna crescens insigne est. Faire pâlir le Croissant. Boil. C’est-à-dire, Epouvanter les Turcs.

Croissant, est aussi un instrument tranchant, & fait en arc, dont se servent les Jardiniers pour tondre leurs palissades. Falcis genus crescentis in morem lunæ conformatum. On le dit aussi des autres ferremens taillés de cette manière, comme ceux qui servent à tenir la garniture du feu dans une cheminée.

On donne le même nom aux branches recourbées de fer ou de cuivre ordinairement doré, dont on se sert pour arrêter les portières & les rideaux de fenêtres.

Croissant, en termes de Luthier, est un enfoncement fait en forme de demi-cercle aux côtés des violons, des violes, des basses, &c. Fissura crescentis in morem lunæ citharis adacta.

Croissant. s. m. Ornement de tête des Dames & Demoiselles. C’est une partie de la coëffure que l’on nommoit Commode.

Croissant. Papier aux trois croissans. C’est ainsi qu’on nomme à Constantinople, une espèce de papier de France, qui se fabrique dans plusieurs lieux de la Provence.

Ordre du Croissant. Ordre de Chevalerie militaire fondé par René d’Anjou, Roi de Sicile, & Comte de Provence, en 1448. Ordo militaris a cressente luna nuncupatus. Les Chevaliers portoient sur le bras un croissant d’or émaillé, duquel pendoient autant de petits bâtons travaillés en façon de colonnes, que chacun de ces Chevaliers s’étoient trouvés ou à des batailles, ou à des sièges. Le P. Anselme. Ce qui donna occasion à l’établissement de cet Ordre, c’est que René avoit pris pour devise un croissant, sur lequel étoit cent le mot Los ; ce qui, en style de rebus, vouloir dire, Los en croissant ; c’est-à-dire, qu’en avançant en vertu, on mérite des louanges.

Croissant double, double croissant. Autre Ordre de Chevalerie, appelé autrement l’Ordre du Navire. Voyez Navire. Le P. Hélyot, T. VIII. c. 38. prétend que cet Ordre est chimérique & supposé, quoi qu’en dise l’Abbé Giustiniani, dans son Histoire des Ordres militaires, & quelques autres Auteurs. Il parle de l’Ordre que ces Auteurs prétendent avoir été institué par S. Louis, & porté à Naples par son frère Charles d’Anjou, Roi de Naples ; car pour l’Ordre du Croissant que l’on nomme aussi du Navire, ou des Argonautes de S. Nicolas, il convient qu’il a été plus réel, qu’il fut institué par Charles de Duras, Roi de Naples, que Jeanne I. qui n’avoit point d’enfans avoit adopté, & à qui elle avoit fait épouser sa Nièce Marguerite, dont il voulut rendre la cérémonie du couronnement plus auguste par l’institution de l’Ordre du Croissant & du Navire. Le collier de cet Ordre étoit composé de coquilles & de Croissans, au bas duquel étoit attaché un navire, avec cette devise : Non credo Tempori. L’habillement de ces Chevaliers, selon le P. Bonnani, constitoit en un grand manteau parsemé de fleurs de lys en broderie, au côté gauche duquel il y avoit un navire flottant sur les eaux. Leur toque étoit de velours noir, couverte par-devant d’une plaque d’or, qui représentoit aussi un navire. Après la mort de ce Prince, qui arriva en 1386. cet Ordre fut aboli dans des tems de troubles.

En terme de Blason, on appelle croissant montant, celui dont les pointes sont tournés en haut vers le chef, qui est sa plus ordinaire représentation. Lunula resupina. Les Ottomans portent de sinople au Croissant montant d’argent. Les Croissans adossés sont ceux qui ont leurs parties les plus grosses & les plus pleines à l’opposite l’une de l’autre, & dont les pointes regardent le flanc de l’Écu. Lunulæ obversæ. Le Croissant renversé ou couché, est celui dont les pointes sont au rebours du montant. Inversa. Les Croissans tournés se posent comme les adossés : la différence est, qu’ils tournent toutes leurs pointes d’un même côté vers le flanc dextre de l’Écu, soit en fasce, soit en bande, les contournés au contraire ont leurs pointes vers le côté gauche de l’Ecu. Lunulæ versis in scuti latus cornibus. Les Croissans affrontés, ou appointés, ont leur assiette contraire à celle des adossés, parce que leurs pointes se regardent, & sont opposées les unes aux autres. Lunulæ adversis cornibus positæ. Du Tillet dit que Clovis porta autrefois trois Croissans. Saint Louis institua l’Ordre du double Croissant. La devise d’Henri II. étoit aussi un double Croissant.