Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CURE
☞ CURE. s. f. Ce terme est quelquefois synonyme à guérison, sanatio, quelquefois à traitement d’une maladie, ou application des remedes, & maniere de traiter une maladie. Curatio.
☞ Dans le premier cas le mot cure, exprime le succès ou le bonheur d’un Médecin dans le traitement d’une maladie longue ou invétérée, ou regardée comme très difficile à guérir.
☞ Dans le second cas le mot cure désigne la manière de traiter une maladie, en employant les remèdes propres pour en procurer la guérison. Ainsi un Médecin dit qu’il a employé tel ou tel remède dans la cure d’une maladie. Dans ce cas le mot cure ne suppose point nécessairement le rétablissement de la santé.
☞ Nous ajouterons ici les remarques de M. l’Abbé Girard, pour fixer, autant qu’il est possible, la vraie signification de ces deux mots. On fait une cure, dit-il, on procure une guérison. La première a plus de rapport au mal & à l’action de celui qui traite le malade. La seconde a plus de rapport à la santé & à l’état du malade qu’on traite. On dit de l’une qu’elle est belle ; alors elle fait honneur à celui qui l’a entreprise : on dit de l’autre qu’elle est prompte & parfaite ; c’est tout ce qu’on doit desirer dans la maladie ; & l’on dit de toutes les deux qu’elles sont faciles ou difficiles.
☞ Il semble que la cure n’ait pour objet que les maux opiniâtres & d’habitude ; au lieu que la guérison regarde aussi les maladies légères & de peu de durée.
☞ Plus le mal est invétéré, plus la cure est difficile. C’est souvent plus à la force du tempérament qu’à l’effet des remèdes qu’on doit la guérison.
Cure, en termes de Fauconnerie, est un certain remède que les Fauconniers donnent à leurs oiseaux en forme de petites boules d’étoupes, de coton, ou de plumes, pour dessécher leur flegme. Turunda, bucca stupea. Les oiseaux se portent bien quand ils ont rendu leur cure. On dit qu’un oiseau tient sa cure, quand la pilule fait son devoir. La cure de l’oiseau doit être de plume, ou d’osselets d’oiseaux froissés, ou de pieds de lapins, ou de lièvres, dont on a rompu les ongles, & ôté les gros os. La cure de coton n’est pas bonne à user ; car elle brûle & consomme le poumon, & fait mourir l’oiseau ; & principalement quand elle est donnée sans être lavée ou baignée. Quand elle est lavée ou baignée en eau, elle élargit plus qu’autre chose le boyau de l’oiseau, & lui ôte la superfluité des humeurs. La cure jetée au matin par l’oiseau, qui est nette & non séche, & qui est sans mauvaise odeur, montre que l’oiseau est sain. La cure molle, pâteuse & puante, marque flegme & indigestion à l’oiseau. Quand l’oiseau garde trop sa cure, le moyen de la lui faire rejeter & rendre est de ne le paître point qu’il ne l’ait rendue ; si ce jour-là il ne la jette, le lendemain il la lui faut faire rendre en la manière qui suit : Prenez du gras de lard bien rafraîchi, & lavé en deux ou trois eaux bien nettes & bien fraîches, & un peu de sel menu & de poudre de poivre, faites-en une pilule, & la faites avaler à l’oiseau, & attendez qu’il l’ait jetée. S’il ne la jette pas, prenez de ce qu’il aura jeté, broyez le & le mouillez, puis mettez le dans un drapeau, & le faites flairer à l’oiseau, & alors il rendra sa cure.
Cure, est aussi un vieux mot François, qui signifioit soin. Cura. Il n’a plus d’usage qu’en cette phrase proverbiale : On a beau prêcher à qui n’a cure de bien faire, en parlant de ceux qui n’ont aucun soin de profiter des instructions qu’on leur donne.
Cure, en matière bénéficiale, est un bénéfice dont le titulaire a soin de la conduite des âmes dans une certaine étendue de pays qu’on appelle une Paroisse, Parochia. Une Cure est un Bénéfice à charge d’ames, qui requiert résidence. Une Cure avec son annexe, Parochia alteri in subsidium annexa. Pour être pourvu d’une Cure, il n’est pas nécessaire d’être Prêtre ; il suffit de se faire promouvoir à l’Ordre de Prêtrise dans l’an, à compter du jour des Provisions. On appelle Prieurés-cures des Cures qui sont possédées par des Religieux, comme sont celles qui ont été données aux chanoines Réguliers de St. Augustin.
Les Evêques de France ont fait quelques tentatives dans leurs assemblées de 1682 & de 1700, pour rendre les Cures amovibles ; mais cela n’a eu aucun effet. Le P. Thomassin, dans sa Discipline Ecclesiastique, p. 4. l. 2. ch. 6. montre par l’autorité de plusieurs Conciles, que les Bénéficiers, & même les Curés, n’ont jamais été amovibles au gré des Evêques ; que pour les destituer il falloit un Jugement Canonique. Il produit là-dessus un Canon du Concile tenu à Plaisance en 1095, où il est arrêté que les Clercs seront attachés pour toujours aux Eglises pour lesquelles ils auront été ordonnés, & qui leur serviront de titres. Ordinatio in qua quilibet titulatus est, in ea perpetuò perseveret. On ne peut rien voir de plus décisif pour la stabilité des Curés, que le Canon IX. d’un Concile de Nismes en 1096. Il y est dit en termes formels, que les Prêtres auxquels les Evêques auront donné des Cures les desserviront pendant toute leur vie, à moins qu’ils ne soient destitués par un jugement en forme. Plusieurs autres Conciles confirment la même chose, de sorte qu’il est évident que les Curés n’ont point été destituables à la volonté des Evêques, comme quelques-uns le prétendent.
Il y a de la difficulté pour les Cures de Normandie ou le déport est en usage : savoir, si ceux qui en sont pourvus sont obligés de se faire Prêtres dans l’an, à compter du jour de leurs provisions. La raison est que l’Evêque jouit des revenus de la Cure, & que même il y commet un Prêtre pour le spirituel, avec défense au pourvu d’y faire aucunes fonctions Ecclésiastiques ; & ainsi il semble n’être obligé de se faire Prêtre que dans l’an, à compter du jour que finit le déport, puisque les loix lui donnent une année entière pour opter.
Cure actuelle est opposée à Cure primitive. La Cure actuelle est celle que posséde le Curé qui a la charge des ames, qui exerce les fonctions curiales, & qui est Vicaire perpétuel d’un Curé primitif. Voyez mémoire de M. Sarrazin pour l’Eglise de Paris, & l’union de S. Germain l’Auxerrois, p. 9. Il a droit de prêcher sans être sujet à prendre aucuns pouvoirs de l’Ordinaire, non pas en qualité de Curé primitif, qui n’autorise pas à prêcher, mais à titre de Curé actuel. Mannori. Voyez Curé primitif & Vicaire perpétuel.
Cure, signifie aussi la maison destinée à loger le Curé. Curialis domus. Ce Curé a établi un petit Séminaire dans sa Cure.