Aller au contenu

Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DISCOURS

La bibliothèque libre.
Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 372-373).
◄  DISCOURIR

☞ DISCOURS. s. m. Ce mot, dans le sens général, marque tout ce qui part de la faculté de la parole. C’est un assemblage de paroles, par lesquelles on explique ce qu’on pense. Le discours est familier, noble, éloquent, soutenu, fleuri, concis, véhément, &c. Il faut retrancher les discours superflus. Interrompre le discours, reprendre le fil du discours. Les conversations ne sont, pour l’ordinaire, que discours frivoles. Discours à perte de vue.

Un jeune homme toujours bouillant dans ses caprices
Est vain dans ses discours ..... Boileau.

Mais du discours enfin l’harmonieuse adresse
De ces sauvages mœurs adoucit la rudesse,
Rassembla les humains dans les forêts épars. Id.

On dit, C’est un autre discours ; pour dire, il ne s’agit pas de cela. On dit aussi, simplement, discours, pour Vain discours, discours frivole. Vous me promettez monts & merveilles : discours, ce n’est que discours.

☞ Corneille a fait un mauvais usage de ce mot dans les Horaces, en l’appliquant aux pleurs.

Que les pleurs d’une amante ont de puissans discours !

☞ On peut bien dire le langage des pleurs, comme on dit le langage des yeux, parce que, les regards & les pleurs expriment les sentimens ; mais on ne peut dire le discours des pleurs, parce que, ce mot discours, tient au raisonnement. Les pleurs n’ont point de discours. Et, de plus, avoir des discours est un barbarisme. Volt.

Ce mot vient du Latin, discursus. Nicot.

Discours, dans un sens moins étendu, signifie, un assemblage de raisonnemens disposés, suivant les règles, & préparés pour des occasions particulières, quelquefois publiques & brillantes. Sermo, oratio. On apporte des Discours à l’Académie Françoise pour obtenir le prix d’Eloquence. Les Discours politiques & moraux du sieur de la Noue ont été fort estimés. Il faut prendre garde qu’une fausse idée de politesse ne rende le discours foible & languissant. S. Evr. Il n’y avoit ni grâce, ni élégance dans les discours de Caton. Id. L’étude & l’art qui paroissent dans un discours peigné, ne sont pas le caractère d’un esprit vivement touché de ce qu’il dit. J’admire plus dans un long discours la patience de l’auditeur, que la fécondité de l’Orateur. S. Evr. Il faut pour un discours public, des pensées brillantes, des expressions hardies, & du feu d’esprit. Idem.

Discours. Harangue & Oraison. Le dernier de ces mots, dit M. l’Abbé Girard, suppose toujours quelque appareil, ou quelque circonstance éclatante. Les deux autres n’expriment ni n’excluent l’éclat ; la harangue pouvant avoir sa place dans une occasion pressée & peu connue & le discours étant souvent préparé pour des occasions publiques & brillantes. Les discours qu’on prononce aux réceptions des Académiciens, dans les chaires, & en cent autres occasions, peuvent avoir l’appareil le plus éclatant, sans être ni harangues, ni oraisons, &, dans une conversation secrète, ou dans un tête-à-tête, on peut haranguer, au lieu de discourir.

☞ Le discours s’adresse directement à l’esprit, continue le même Auteur ; il se propose d’expliquer & d’instruire ; la beauté est d’être clair, juste & élégant. L’Académicien prononce un discours, pour développer ou pour soutenir un systême. Les Fleurs du discours en diminuent souvent les grâces. Voyez aux articles Harangue & Oraison, le caractère propre de ces mots, & en quoi consistent leurs différences.

☞ On accorde, disent les Encyclopédistes, à M. l’Abbé Girard, que ses notions sont exactes ; mais en les restreignant aux discours académiques, qui sont plutôt des écrits polémiques & des dissertations, que des discours oratoires. Il ne fait, dans sa définition, nulle mention du cœur, ni des passions & des mouvemens que l’Orateur doit exciter. Un plaidoyer, un sermon, une oraison funèbre sont des discours, & ils doivent être touchans, selon l’idée qu’on a toujours eue de la véritable éloquence.

☞ Ne peut-on pas même dire, que les discours de pur ornement, tels que ceux qui le prononcent à la réception des Académiciens, se proposent d’exciter des passions douces, l’estime pour les Sujets que l’on reçoit, le regret pour ceux qu’on a perdus, l’admiration de leurs travaux, &c.

☞ Horace a donné le titre de discours à ses satyres, nom qui convient plus à la prose qu’à la poësie, parce qu’à la mesure près, elles sont écrites dans un style qui approche de la prose, n’ayant aucun caractère particulier de la véritable poësie, qui tienne de la fable ou du sublime ; sermoni propiora.