Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/421-430

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Fascicules du tome 2
pages 411 à 420

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 421 à 430

pages 431 à 440


Dans les Académies de l’Empire, le Chancelier occupe la première place après le Recteur. Sa charge est perpétuelle. Il est l’Inspecteur & le Censeur commis pour empêcher qu’on ne viole les loix & les statuts de l’Académie ; qu’on ne remplisse les emplois de personnes incapables, & qu’on ne confère les degrés de Bachelier ou de Docteur à ceux qui en sont indignes, ou par leur ignorance, ou par leurs mauvaises mœurs.

On appelle aussi Chancelier, le Greffier qui a le sceau du Consulat, dans les Echelles du Levant.

Chancelier, dans les Universités d’Angleterre. Dans celle d’Oxford, le Chancelier est le premier Magistrat. Il est élu par les écoliers mêmes : sa charge consiste à gouverner l’Université, à en conserver les privilèges & les libertés, à convoquer les assemblées, & à rendre justice entre les membres de l’Université, qui sont tous soumis à sa Juridiction. Le Chancelier de l’Université de Cambridge a aussi une Cour de Justice, & jouit des mêmes prérogatives que celui d’Oxford, excepté qu’il n’est pas élu à vie comme celui d’Oxford. On le peut changer ou le continuer tous les trois ans.

Chancelier en Angleterre, & chez nous, en parlant de l’Angleterre, se dit du principal Officier d’un Evêque. Voyez Official.

Chancelier, dans quelques Congrégations de l’Ordre de S. Benoît, est un Religieux qui registre & conserve les actes & papiers qui concernent le gouvernement du Monastère.

Chancelier de la Basoche. Président d’une Juridiction en dernier ressort, appelée la Basoche, que les Clercs des Procureurs au Parlement de Paris ont pour juger les contestations qui peuvent survenir entr’eux.

☞ Le Roi de la Basoche étoit autrefois le Chef de cette Juridiction. Henri III ayant défendu qu’aucun de ses sujets prît le titre de Roi, le Chancelier de la Basoche en devint le premier Officier.

CHANCELIÈRE. s. f. Femme du Chancelier. La Chanceliere n’a point en France les honneurs du Louvre.

Chancelière. Terme de Fleuriste. Tulipe violet & blanc. Morin.

Chancelière, se dit encore d’une petite caisse de bois ou d’osier, garnie de peau d’ours ou de mouton, qui sert à mettre les piés pendant l’hiver pour avoir chaud. J’ai fait faire une chancelière pour mon cabinet.

CHANCELLADE. Chanoines Réguliers de la réforme de la Chancellade. C’est une Congrégation de Chanoines Réguliers de S. Augustin, en France. Canonici Regulares de fonte cancellato. Au commencement du XIIe siècle, quelques saints Ecclésiastiques s’étant retirés dans une solitude à une lieue de Périgueux, auprès d’une fontaine appelée Chancellade, fons Cancellatus, y menèrent la vie érémitique sous la conduite de Foucault, Abbé de Cellofrouin, Ordre de S. Augustin. Ils y bâtirent un Oratoire, puis une Eglise en 1128, qui fut appelée N. Dame de la Chancellade ; & l’an 1133 ils firent profession de la Règle de saint Augustin, & prirent l’habit de Chanoines Réguliers. Dans le XVe siècle, cette Abbaye fut ruinée par les Calvinistes. Alain de Solminiac, Abbé de la Chancellade, & dans la suite Evêque de Cahors, y commença la réforme en 1623 qui s’étendit les années suivantes, plusieurs Abbés ayant demandé des Chanoines Réguliers de la Chancellade, pour réformer d’autres maisons. En considération de cette réforme, Louis XIII en 1620 leur accorda le droit de nommer en cas de vacance trois Religieux Réformés, dont il choisiroit un pour Abbé, & cela pour tout le temps que dureroit la réforme.

CHANCELLEMENT. s. m. Démarche qui n’est pas ferme, qui n’est pas assurée, action de ce qui penche de côté ou d’autre, & qui menace de tomber. Titubatio, vacillatio. Danet. Tachard. Son chancellement vient d’avoir trop bu de vin.

CHANCELLERIE. s. m. Quelques-uns écrivent avec une seule l la Chancelerie. Espèce de Tribunal où l’on scelle les Lettres avec le sceau du Prince, pour les rendre authentiques. Cancellarii judiciale prætorium. La grande Chancelerie est celle où on scelle avec le grand sceau du Roi, gardé par M. le Chancelier, & qui a autorité par toute la France, & en tous les Parlemens. Superius majoris sigilli prætorium. Il y a aussi des Chancelleries établies près les Cours de Parlemens & autres Cours. Ainsi il y a les Chancelleries de Paris, de Toulouse, de Bourdeaux, de Dijon, de Bretagne, de Dauphiné, de Rouen, &c. On dit aussi Echiquier de Normandie. Voyez l’Edit de Charles VIII, donné à Amboise le onzième Décembre 1493, rapporté par Tessereau, Hist. de la Chanc. T. I, p. 65. ☞ La Chancellerie du Palais qu’on appelle aussi petite Chancellerie, pour la distinguer de la grande Chancellerie de France, est la Chancellerie particulière établie près le Parlement de Paris, pour expédier aux parties toutes les lettres de justice & de grâce qui sont scellées du petit sceau, tant pour les affaires pendantes au Parlement que pour toutes les autres Cours souveraines, & autres Juridictions Royales & Seigneuriales, dans l’étendue de son ressort, à Paris ou dans les Provinces. Le commencement de la Chancellerie de France a cela de commun avec toutes les choses qui sont fort éloignées de nous, que le temps empêche qu’on en puisse aisément découvrir la vérité. Tessereau. Il y a de grands & de petits Officiers de la Chancellerie. Les grands sont le Chancelier, le Garde des Sceaux, les Secrétaires du Roi, &c. Les petits sont l’Aumônier, les Huissiers, Fourriers, Ciriers, Valet-Chauffecire, & Porte-coffres. Le Sciendum de la Chancellerie est une de ses plus authentiques pièces. Tessereau, T. I. p. 39. Nous en parlerons au mot Sciendum. On dit grosse Chancellerie de cire verte. Id. T. I, p. 14. Cet Auteur appelle petites Chancelleries celles qui sont établies près les Cours du Royaume, tant des Parlemens, que Présidiales. Il y a aussi des Chancelleries près les Chambres des Comptes, & les Cours des Aides. Chancelleries Présidiales, sont celles qui sont près les Présidiaux. Inferius minoris sigilli prætorium. Un Maître des Requêtes, ou autre Officier commis pour cette fonction, scelle les Lettres avec le petit sceau, dans les petites Chancelleries. Voyez l’Histoire Chronol. de la Chancellerie par Tessereau.

Le lieu où l’on scelle les Lettres avec le petit sceau, près les Parlemens, Chambres des Comptes, Cours des Aides & Présidiaux, se nomme aussi Chancellerie.

On appelle aussi la Chancellerie les Maisons où loge le Chancelier, qui lui sont affectées auprès des Maisons Royales, comme à Paris, à S. Germain, à Fontainebleau, à Versailles, &c. Assignatum in regalibus domibus Cancellario Franciæ hospitium.

On se sert encore de ce terme en parlant des expéditions qui se font en Chancellerie, quand même elles ne seroient pas scellées. Comme les signatures de Cour de Rome pour les provisions des Bénéfices viennent en papier de la Chancellerie Romaine, on y fait différence entre la Pénitencerie & la Chancellerie. Les règles de la Chancellerie Romaine ne sont reçues en France qu’en peu de rencontres. On les trouve à la fin de la pratique de Rebuffe.

Le style de la Chancellerie, le Trésor de la Chancellerie, sont des livres qui contiennent des formules de toutes les Lettres de Chancellerie, soit de grâce, soit de justice.

On appelle encore Chancellerie, le corps des Officiers qui sont nécessaires pour le sceau, les Grands Audienciers, les Secrétaires du Roi, les Trésoriers, Contrôleurs, Référendaires & Chauffecires. La Chancellerie a été au-devant du Roi à son entrée. Collegium Magistratuum ad Cancellarii munus pertinentium.

On appelle aussi Chancellerie de l’Université, le lieu où l’on scelle des Lettres de Maître-ès-Arts, de Docteur, &c.

On appelle aussi Chancellerie, le Greffe d’un Consulat de Marine où l’on délivre des expéditions authentiques, comme celles des Notaires & des Greffiers.

Chancellerie, en Angleterre, c’est la Cour Souveraine du Royaume pour les affaires civiles. Supremus totius Angliæ civilibus in rebus magistratus. Le Grand Chancelier, ou le Garde du grand Sceau, est le seul Juge de cette Cour : seulement dans les cas difficiles, il prend conseil, & cependant il n’est pas obligé de s’y conformer. Il doit juger selon les loix & les statuts du Royaume ; mais il peut aussi juger selon l’équité, & modérer la rigueur de la loi, selon laquelle les autres Juges sont obligés de prononcer. La Cour de la Chancellerie est au-dessus de toutes les autres, dont elle peut corriger & réformer les jugemens. On la divise en deux Cours : l’une où l’on juge à la rigueur ; & là, les procédures & tous les actes se font en latin. Il y a vingt-quatre Clercs établis pour cela. L’autre est celle de l’équité, & là, les procédures se font en Anglois, six Clercs sont ordonnés pour ces sortes d’actes. Comme la dernière est une Cour de conscience & de miséricorde, il y a moins de chicane, & on y abrège fort les procédures. Le Chancelier a douze Assistans, qu’on appeloit autrefois Coadjuteurs. Ils ont des appointemens du Roi, & doivent être Docteurs en Droit civil. Le Chancelier les consulte dans les cas importans & douteux, sans être obligé absolument de déférer à leur avis. Le premier de ces Assistans est le Maître des Rôles ; il juge en l’absence du Chancelier. Il a séance dans la Chambre haute, à côté du Chancelier. C’est aussi la Cour de la Chancellerie qui dresse les Lettres circulaires du Roi, pour convoquer le Parlement, les Edits, les Proclamations, les Pardons, &c. Chamberlain.

CHANCEUX, EUSE. adj. qui a des hasards heureux. Felix, fortunatus. Cet homme est si chanceux, qu’il a eu deux lots à la loterie.

Il est des gens si chanceux, que tout leur réussit, jusqu’aux fautes qu’ils peuvent faire. Ce terme n’est que de conversation, & de peu d’usage dans les livres, où l’on se sert plutôt d’heureux (Voyez au mot Chance la différence de ces mots.) Mais il subsiste absolument dans ce proverbe : Mieux vaut jouer contre un pipeux, que contre un chanceux ; parce qu’il faut laisser les proverbes tels qu’ils sont : c’est pourquoi on dit dans celui-ci pipeux au lieu de pipeur, qui est le véritable mot.

On dit proverbialement & ironiquement, c’est un homme bien chanceux ; pour dire, c’est un homme entre les mains duquel rien ne réussir.

CHANCIL. On appeloit ainsi autrefois une sorte de toile.

CHANCIR. v. n. Commencer à se corrompre, à mollir. Mucidum fieri. Il se dit particulièrement des confitures sur lesquelles il vient une certaine pellicule blanchâtre, quand elles n’ont pas été assez cuites. On le dit aussi quelquefois du pain, du fromage, quoiqu’on dise plus proprement moisi. On le dit aussi des fruits.

Chancir se dit en termes de Jardinage, du fumier qui étant dans un tas, ou sur une couche fort sèche, commence à blanchir, & à faire une espèce de filamens que l’on regarde comme des commencemens de champignons. La Quint. & Lig. Le fumier ne produit des champignons que lorsqu’il est chanci. Liger.

On le joint aussi au pronom personnel. Le pain se chancit. Pour employer les fumiers nous n’avons que les cinq mois de l’année qui sont les plus humides ; savoir, depuis le commencement de Novembre jusques vers la fin de Mars. Les fumiers qu’on emploie dans les autres temps n’y sont que sécher, se chancir ; & ainsi bien loin d’être favorables aux végétaux, ils leur sont pernicieux & funestes. La Quint.

Chanci, ie. part. & adj. Mucidus, rancidus. Cotignac chanci, fumier chanci.

Ce mot vient apparemment de canus, blanc, canescere, blanchir ; de canescere on a fait cancir, chancir. Ce qui chancit devient blanc, la chancissure est blanche.

☞ Quoiqu’on confonde assez souvent ces deux mots, chancir & moisir, & que les Vocabulistes, après l’Académie, les définissent l’un par l’autre, je crois pourtant qu’ils ont chacun leur idée propre & particulière. Moisir paroît dire quelque chose de plus que chancir. Il annonce une corruption, une altération plus considérable. Chancir, c’est commencer à moisir, se couvrir d’une pellicule blanchâtre, telle qu’on en voit sur les confitures & sur les fruits qui se chancissent ; & moisir, c’est non seulement se couvrir de cette pellicule, mais encore d’une mousse ou espèce de barbe qui s’élève de cette pellicule blanchâtre. Le Dictionnaire de l’Académie Françoise prétend que chansir ne se dit guère que des choses qui se mangent. Les Auteurs qui ont traité de l’Agriculture le disent du fumier.

CHANCISSURE. s. f. Commencement de moisissure qui vient sur la surface des choses humides qui se corrompent, & qui s’annonce par une pellicule blanchâtre. Situs, mucor. Quand on regarde un morceau de chancissure avec un microscope, elle paroît comme un jardin où il y a plusieurs fleurs, les unes en bouton, les autres épanouies. On en voit la figure dans la Micrographie de M. Hook.

CHANCRE. s. m. Ulcère malin qui ronge les chairs. Cancer, cancinona, carcinodes.

On distingue les chancres en simples, en scorbutiques, & en véroliques ou vénériens. Les simples viennent dans la bouche ; ils ne sont point différens des aphtes. Les scorbutiques attaquent aussi la bouche, particulièrement les gencives. Les vénériens naissent aux parties naturelles de l’un & l’autre sexe. Col de Vil.

Quelques-uns donnent aussi ce nom à la maladie qui est plus connue sous le nom de cancer. Voyez Cancer.

Chancre, se dit aussi ☞ de certaines pustules ou élevures que la chaleur de la fièvre, ou autre cause, fait venir sur la langue, au palais, ou aux lèvres.

☞ On le dit aussi de la crasse ou espèce de tartre qui s’amasse autour des dens, quand on n’a pas soin de les nettoyer.

Le chancre vient aussi aux oiseaux ; & en Fauconnerie on dit ôter le chancre à l’oiseau. Il faut prendre du miel & du vin blanc, faire bouillir le tout ensemble, lui en laver la bouche, après l’éssuyer, & mettre dessus de la poudre de cerfeuil.

Chancre, en termes de Jardinage, est une maladie qui survient à l’arbre, qui fait mourir sa peau ; elle est semblable à la dartre, ou la galle, qui vient sur le corps humain. On fait des incisions tout à l’entour avec la pointe d’un couteau jusqu’au bois pour arrêter cette maladie. ☞ On remplit la plaie de boule de vache couverte d’un linge lié à la partie chancreuse. On a donné à cette maladie le nom de chancre, parce que c’est une certaine pourriture qui leur survient & qui les pénètre jusqu’au vif, ainsi que le chancre ronge les chairs. Liger.

On dit proverbialement d’un goulu, d’un grand mangeur, qu’il mange comme un chancre.

CHANCREUX, EUSE. adj. Qui tient de la nature du chancre. Canceraticus, carcinomate affectus. Ulcère chancreux. Bosse chancreuse.

Il se dit aussi en termes de Jardinage du bois de quelque arbre fruitier sujet au chancre. Le bois de cet arbre est tout chancreux. Liger.

☞ CHANDEGRI. Ville de l’Inde au deçà du Gange, capitale du Royaume de Norlinque. Quelques-uns appellent Bisnagar le Royaume & la ville.

CHANDELEUR. s. f. C’est une fête qu’on célèbre dans l’Eglise le 2 de Février, en l’honneur de la Présentation de N. S. au Temple & de la Purification de la Sainte Vierge, où l’on fait des Processions avec des chandelles de cire, ou des cierges. Lustrantis se Virginis Deiparæ festivitas. Bede dit que l’Eglise a changé heureusement les lustrations des Païens qui se faisoient au mois de Février autour des champs, en la fête de la Purification, où l’on fait des processions avec des chandelles allumées pour marquer que Jésus-Christ est la lumière du monde : ce qui fut établi par le Pape Gélase, qui abrogea les Lupercales. Ce sont ces chandelles ou cierges qui ont donné le nom à la Chandeleur, qu’en quelques lieux on appelle Chandeleuse. Festum purificatæ Virginis ; Christi in Templo oblati solennitas.

On dit proverbialement, à la Chandeleur la grande douleur, pour dire qu’en ce temps-là il fait quelquefois un froid excessif. La rime a plutôt fait ce proverbe que la raison.

CHANDELIER. s. m. Ouvrier, ou Marchand, qui fait, ou qui vend des chandelles. Candelarum concinnator, opifex. On dit aussi, une Chandelière au féminin. La Police défend aux Chandeliers de vendre des grains. De la Mare, Tr. de la Police, Liv. V, Tit. XIV, ch. 14, p. 1019.

Ce mot vient du latin Candela.

Chandelier s. m. Ustensile, instrument qui sert à mettre des chandelles, des cierges, ou des bougies pour éclairer. Candelabrum. Il y a des chandeliers d’Eglise où l’on met des cierges qui brûlent pendant le service divin. Les Orfèvres les nomment à pié triangle, ou à pié ovale. Des chandeliers de cuivre, de cristal. Des chandeliers à plaques. Des bras de chandeliers. Le grand chandelier que fit Moïse dans le Tabernacle étoit d’or, & pesoit cent mines. Il avoit sept branches, & soixante & dix lampes. Josephe.

On donne aussi le nom de chandelier de cristal à ce qu’on appelle autrement un lustre.

On dit, en termes de Jardinage, faire le chandelier, lorsqu’on coupe avec la serpette ou couteau de Jardinier toutes les petites branches nouvelles qui sont sur les plus grosses, pour les laisser dégarnies. ☞ Méthode peu suivie par les Jardiniers intelligens, & qui n’est uniquement fondée que sur le préjugé que ces nouvelles branches appauvrissent l’arbre, & empêchent les fruits de devenir gros. Arborem ad candelabri similitudinem tondere, rescindere, amputare.

Chandeliers, en termes de Fortification, sont des pieux fichés à plomb dans de longues pièces de bois, entre lesquelles on met des fascines pour couvrir les travailleurs. Pali. On y met aussi des planches pour empêcher de voir ce qui se fait derrière. Ces pièces de bois sont éloignées de six à sept piés. Les chandeliers sont propres pour faire une blinde à l’épreuve du canon.

Chandelier se peut dire en parlant de cerfs, mais non pas en véritables termes de Chasse. C’est quand le haut de la tête d’un vieux cerf est large & creux. Salnove V. R.

Chandelier d’eau, c’est une fontaine dont le jet est élevé sur un pié en manière de gros balustre, qui porte un petit bassin comme un plateau de guéridon, dont l’eau retombe dans un autre bassin plus grand au niveau des allées, ou avec un bord de marbre, ou de pierre au-dessus du sable.

Chandeliers de Perriers, ou de Piériers, se dit sur mer, de certaines pièces de bois reliées de fer, qui sont percées en long, sur lesquelles on pose le pivot de fer sur quoi tourne le perrier. Chandelier de fer de perrier, est une fourche de fer avec deux anneaux qui soutiennent les deux tourillons des perriers, & qui tourne sur un pivot dans un chandelier de bois. Le pivot sur lequel tourne le perrier s’appelle aussi chandelier de fer de perrier. Chandeliers de chaloupe, sont deux fourches de fer qui soutiennent le mât, la voile, & ce qui est de la chaloupe lorsqu’on la nage avec les avirons. Chandeliers de fanal, est un fer où il y a un pivot, sur lequel est posé le fanal de poupe. Chandeliers de lisse, sont ceux que l’on met dans les lisses, sur le haut des vaisseaux, & autour de l’ouverture qui est faite pour passer la manivelle du gouvernail. Chandeliers d’échelle, sont des chandeliers de fer à tête ronde, que l’on met des deux côtés de chaque échelle, où l’on amare des cordes qui traînent jusqu’à l’eau pour la commodité de ceux qui montent au vaisseau, ou qui en descendent.

Toutes ces différentes significations du mot de chandelier, se peuvent rendre par le mot latin candelabrum, en expliquant l’usage qu’on en fait.

On dit proverbialement, qu’il ne faut pas mettre le chandelier sous le boisseau ; pour dire, qu’il ne faut point cacher ses bonnes qualités, & que les vertus éclatantes doivent servir d’édification au peuple. C’est un proverbe sacré tiré de l’Evangile.

On dit, Être placé sur le chandelier, pour dire, occuper une place éminente, principalement dans l’Eglise. Académie Françoise.

CHANDELIÈRE. s. f. Femme de Chandelier, ou d’ouvrier qui fait des chandelles, ou du Marchand qui en vend.

CHANDELLE. s. f. Quelques-uns écrivent chandele. Composition de suif fondu, ou de cire qu’on fait prendre autour d’une mèche, & qui sert à éclairer. Candela. Celles dont on use dans les maisons bourgeoises s’appellent simplement chandelles. Elles se font de suif de bœuf en dedans, & de mouton en dehors. Candela è sebo, ou sebo, candela sebacea. On en fait aussi de suif de bœuf, & de suif de mouton mêlés ensemble, ou de suif de mouton seul, parte qu’il est plus blanc, & a plus de consistance que celui de bœuf. De la Mare. Traité de la Police, Liv. V, Tom. II, ch. 9. Il est défendu par la Police d’en faire de suif de porc. Ces chandelles sont plongées, ou mouillées. Celles qu’on brûle dans les Eglises sont de pure cire, & s’appellent cierges. Les chandelles de cire qu’on brûle chez les Grands Seigneurs s’appellent bougies. Candela cerea. Les chandelles de veille, sont de grosses chandelles qu’on laisse brûler toute la nuit.

Ce mot vient de candor, ou du verbe candeo. Κανδήλα, candela, chandelle, vient du celtique Cantol. Pezron. Κανδήλα, est un mot grec pris du Latin depuis la translation de l’Empire à Constantinople.

Moucher la chandelle, c’est couper le haut de la mèche qui est brûlée. Candelam emungere. C’est une charge fort considérable en Espagne que celle de grand Moucheur de chandelles. On le nomme Espavildlado major.

C’est une formule dans les adjudications des Fermes du Roi, de les donner à chandelle éteinte. On allume une chandelle, & tandis qu’elle brûle, tout le monde est reçu à enchérir ; & après qu’elle est éteinte, on n’y est plus reçu. Licitari ad extremam lucentis candelæ micam. On fait aussi des excommunications à chandelle éteinte, c’est-à-dire, qu’on donne encore le temps de la durée d’une chandelle aux pécheurs pour venir à résipiscence ; après quoi, ils demeurent tout-à-fait excommuniés. Ces chandelles sont de petits bouts de bougie.

Chandelle se dit proverbialement en ces phrases. Cette femme est belle à la chandelle, mais le jour gâte tout, pour dire, que sa beauté ne soutient pas le grand jour. On dit aussi des matières fort peu importantes ; que le jeu ne vaut pas la chandelle. On dit aussi de celui qui est échappé d’un grand péril, qu’il doit une belle chandelle à Dieu ; pour dire, qu’il lui doit un grand remercîment. On dit aussi d’un ménage où le mari dépense d’un côté, & la femme de l’autre, qu’on y brûle la chandelle par les deux bouts. Et d’un homme qui fait en même temps plusieurs dépenses mal-à-propos, qu’il brûle sa chandelle par les deux bouts. On dit encore de celui qui a de la peine à s’expliquer, apportez-lui un bout de chandelle pour trouver ce qu’il veut dire. On dit qu’un homme s’est venu brûler à la chandelle, quand il a quitté un asyle où il étoit en sûreté, pour venir en un autre lieu se faire prendre. On dit aussi, à chaque Saint sa chandelle ; pour dire, qu’il faut faire des présens à tous ceux dont on a besoin, pour faire réussir une affaire. On dit encore, qu’on donne une chandelle à Dieu, & une autre au Diable, quand on est d’intelligence avec les deux partis pour subsister, quelque chose qui arrive. On dit aussi des choses fort bigarrées, qu’elles sont bariolées comme la chandelle des Rois, parce que c’étoit autrefois une cérémonie de brûler une chandelle peinte de diverses couleurs le jour des Rois. On dit aussi des yeux fort vifs & brillans, qu’ils brillent comme des chandelles ; & de ceux qui ont reçu quelque grand coup proche des yeux, qu’on leur a fait voir mille chandelles. On dit encore, que la chandelle se brûle, quand on perd le temps inutilement, & sur-tout dans les voyages, quand on veut dire que le soir approche, & qu’on n’aura pas assez de temps pour arriver au gîte. On dit aussi d’un homme qui meurt insensiblement & de vieillesse, qu’il s’en va comme une chandelle, que c’est une chandelle qui s’éteint : & de celui qui est à l’agonie, qu’il est réduit à la chandelle bénite. On dit aussi, pour se moquer de ceux qui attendent à faire des libéralités pieuses dans leurs testamens, que la chandelle qui va devant éclaire mieux que celle qui va derrière.

On dit qu’un homme est ménager de bouts de chandelles, pour dire, qu’il est économe en de petites choses, ne l’étant pas dans les plus importantes. Acad. Franc.

On appelle figurément & populairement chandelles de glace, ces eaux glacées qu’on voit pendre des toits des maisons, des gouttières, des arbres, & qui sont des neiges fondues qui se convertissent en glace avant que de tomber. Gelata tectorum stilla, concretum gelu stillicidium. C’est ainsi que le forment dans les grottes les cristaux de roche. On le dit aussi des toupies glacées qui pendent ou distillent en hiver du nez des gens enrhumés. Turpis stiria è nase pensilis ; nasi mucosi stiria.

☞ CHANDELLE. Terme de Charpentier. C’est ainsi qu’on appelle un poteau qu’on place de bout à plomb sous une autre pièce, pour la soutenir horisontale.

CHANDERNAGOR. Ville des Indes, près d’Ougly. La Compagnie Françoise y a un comptoir. Il s’y fait un grand commerce. M. De la Hire & M. Des Places marquent sa différence du méridien de Paris à 5h 43′ ; mais le P. Boudier, Jésuite, qui y a demeuré long-temps, par plusieurs observations du premier satelite de Jupiter, ne trouve la différence moyenne entre les plus sures de ces observarions que de 5h 42′ 16″, ce qui fait pour la longitude de cette ville 103d 25′ 50″, & non pas 103d 36′ 30″, comme il résulte des Tables de M. De la Hire & de M. Des Places. Je suppose toujours la longitude de Paris de 10d 51′ 30″, comme M. Cassini l’a déterminée sur les observations du R. P. Feuillée, Minime, & non pas 19d 51′ 33″, comme l’a marqué M. Des Places.

☞ CHANÉE. s. f. Dans les Manufactures en soie, cannelure pratiquée à l’ensuple, qui sert au métier de l’étoffe en soie. Elle sert à recevoir dans sa cavité le comporteur, & à fixer & arrêter le commencement de l’étoffe ou de la chaîne, quand on plie sur l’ensuple. Encycl.

CHANEL. s. m. Vieux mot qui s’est dit pour canal, d’une rivière. Alveus.

CHANFREIN. s. m. C’est la partie du devant de la tête du cheval depuis le dessous des oreilles jusqu’à la bouche, en descendant par l’intervalle des deux sourcils. Frons equina.

Ce mot vient de camus & de frenum. Ménage.

Chanfrein-blanc, autrement Belle-face, est une marque blanche qui règne le long du chanfrein du cheval, c’est à-dire, depuis son front jusqu’à son nez. Frons equina albâ maculâ signata.

Chanfrein est aussi l’armure du cheval qui couvre cette partie, quand il est sous un Cavalier armé de toutes pièces. Equinæ frontis tegumentum. Les Plumassiers le disent pareillement du bouquet de plumes qu’on met sur la tête des chevaux ; & les Selliers, des pièces de cuir ou d’étoffe qui couvrent cette partie.

Chanfrein. Terme d’Horlogerie. C’est une pièce, une petite crénure faite en cône, dont on abat les quarts.

Chanfrein, en termes d’Architecture, est un ornement ou demi-creux, qui est moitié moindre que la scorie. Stria, sulcus columnæ. On l’appelle autrement escape. C’est aussi le pan qui se fait par l’arrête rabattue d’une pierre, ou d’une pièce de bois : on le nomme autrement biseau. Oblique angulata lapidis extremitas.

☞ Ce terme, pris pour signifier une surface qui se termine par un tranchant, est quelquefois employé en Botanique dans la description de certains fruits.

CHANFREINDRE, ou Ebiseler un trou avec une fraise, c’est le faire en cône. Thiout, Traité de l’Horlogerie. Chanfreiner est plus usité.

CHANFREINER. v. a. Terme de Menuisier & autres Ouvriers. Couper le bout d’une planche de biais. Rabattre une des arrêtes, & généralement faite un chanfrein. Asserem obliquè angulare.

Chanfreiné, ée. part. Obliquè angulatus. On trouve ce mot dans l’Art de tourner &c. par le P. Plumier.

☞ CHANFRER. Ce terme est aussi usité parmi les Ouvriers qui travaillent les métaux, pour dire, former sur l’extrémité d’un trou une espèce de biseau, qui se remplit par la tête du rivet qu’on y refoule à coups de marteau.

☞ CHANGANAR. Royaume de la presqu’île de Malabar, dans les montagnes de Jate, avec une Capitale de même nom.

☞ CHANGANOR. Ville & pays des Indes dans la presqu’île de Malabar, au midi des Etats du Samorin.

☞ CHANGCÉ. Ville de la Chine, dans la province de Chansi. Lat. 37d 8′.

☞ CHANGCHEU. Ville de la Chine, dans la province de Kiansi. Voyez Cantcheou.

Changcheu. Ville de la Chine, dans la province de Kiagnan ou Nanquin, dont elle est la cinquième métropole. Elle est de 2d 50′ plus orientale que Pékin. Lat. 32d 45′.

Changcheu. Ville de la troisième métropole de la province de Fokien. Elle est d’un degré 10′ plus orientale que de Pékin. Lat. 24d 42′.

☞ CHANGCING. Ville de la Chine, dans la province de Xantong ou Chanton. Elle est par les 36d 56′ de lat.

☞ CHANGCO, Ville de la Chine, dans la province de Honan. Lat. 35d 19′.

CHANGE. s. m. Action de changer une chose contre une autre. Permutatio. ☞ Le mot de change marque simplement l’action de changer dans un sens abstrait, qui exclud tout rapport & toute idée accessoire. C’est peut-être pour cela qu’on ne l’emploie pas à dénommer directement aucune espèce ; car on ne dit pas le change d’une chose, & qu’on l’emploie néanmoins dans toutes les espèces, en régime indirect, avec une préposition, pour indiquer l’essentiel de l’acte, en sorte que, dans toutes les occasions, on dit également bien, perdre ou gagner au change. Troc, échange & permutation servent à dénommer les espèces ou façons de changer les choses les unes pour les autres. Troc se dit pour les choses de service & pour tout ce qui est meuble. Ainsi l’on fait des trocs de chevaux, de bijoux, d’ustensiles. Echange se dit pour les terres, les personnes, tout ce qui est fonds. Ainsi l’on dit des échanges d’états, de charges, de prisonniers, &c. Permutation n’est d’usage que pour les biens & titres ecclésiastiques. On permute une Cure, un Canonicat, un Prieuré, avec un autre Bénéfice.

Ce mot vient du latin cambitio, cambium & cambitus, qu’on a dit dans la basse latinité dans le même sens, aussi-bien que concambio & contracambium, pour dire, contre-change. Du Cange.

Change se dit aussi en Morale, & signifie Changement. Mutatio. Un inconstant aime le change. Ce mot est plus usité en Poësie qu’en prose : & même en Poësie on ne s’en doit servir que rarement, à moins qu’il ne soit employé dans quelque jolie façon de parler.

Il n’est permis d’aimer le change
Que des femmes & des habits. Malh. & Rac.

Change signifie quelquefois la menue monnoie qu’on donne pour de la grosse, Pecuniæ permutatio, commutatio. Il m’est venu demander le change d’une quadruple. On ne le dit plus en ce sens.

Change signifie aussi le commerce d’argent qu’on fait en donnant de l’argent dans un lieu, pour le remettre ou le faire tenir en un lieu éloigné. Publica pecuniæ commutatio. Ce Banquier exerce le change avec honneur, il entend bien le change.

Change est aussi un profit qu’un Banquier ou un Négociant a droit de prendre d’une somme de deniers par lui reçue, pour laquelle il tire une lettre de change payable en quelque lieu, & par une autre personne, tant pour le salaire de sa négociation, que pour l’intérêt de son argent, permutatæ pecuniæ usura. Ce profit n’est jamais égal, & est quelquefois de deux, trois, quatre, ou de dix ou quinze pour cent, suivant que l’argent est rare, ou que l’aloi des espèces est différent. Le change se règle suivant l’usage de la place, du lieu où les lettres sont payables.

Ce mot vient de ce que ce profit ou intérêt change toujours, & n’est jamais égal ; ou de ce qu’il est tantôt haut & tantôt bas ; ou bien de ce qu’on change son argent contre une lettre, ou qu’on change de débiteur.

Le change menu, qu’on appelle quelquefois pur ou naturel, ou commun, ou manuel, est le change qui se fait tous les jours & à tous momens, en faveur des Marchands & des Voyageurs, qui, voulant avoir de la monnoie pour de grosses pièces d’or & d’argent, ou certaines espèces pour d’autres, donnent quelque petit profit à ceux qui leur font ce change.

Le change réel, que quelques-uns appellent mercantile ou mixte, est celui qui se fait par lettres de change & négociation d’argent de place en place.

Le change sec, Cambium siccum, qu’on nomme feint, ou impur, est celui qui n’a que le nom & l’apparence du change : & c’est pour cela qu’il est appelé sec, c’est-à-dire, qu’il ne donne aucun titre & fondement légitime pour prendre quelque profit, & n’est qu’un pur prêt & usure palliée. Ainsi, quand sous le nom de change on prête de l’argent, & qu’on prend quelque chose au-delà du capital, à cause du seul délai du payement, c’est un change sec. Confér. Eccl. du Dioc. de Condom.

Le change du pair se dit quand il n’y a rien à perdre ou à gagner entre les Cambistes, & quand pour un louis d’or qu’on donne en un lieu, on en reçoit un autre en la même espèce dans une autre place. Gratuita pecuniæ commutatio. Les Auteurs qui ont traité du change, sont Boyer, dans son Arithmétique des Marchands ; Le Gendre, dans son Arithmétique en perfection ; Barrême, dans son Livre du Grand Commerce ; Savari, dans son Parfait Négociant ; Samuel Ricard, dans son Traité du Commerce, &c. Le change est gros d’ici à Rome, à cause de la diversité des monnoies.

Lettre de Change, est une rescription que donne un Banquier ou un Marchand pour faire payer à celui qui en sera le porteur, en un lieu éloigné, l’argent qu’on lui compte au lieu de sa demeure. Publica pecuniæ permutatio, Mensarii chirographum ad pecuniam ab alio mensario alio in loco accipiendam ; Cambium nationale. Quelques-uns appellent change sec, les lettres de change qui se donnent sans faire aucun transport de deniers. Il y a quatre sortes de lettres de change : la première, pour valeur reçue ; la seconde, pour valeur en marchandises ; la troisième, pour valeur de moi-même ; & la quatrième, pour valeur entendue. Les lettres de change sont payables, ou à lettre vue, ou à tant de jours de vue, ou à certain jour nommé & précis, ou à usance, qui est un mois, ou à double usance, qui est de deux mois. Elles sont aussi payables au porteur ou à son ordre. L’origine des lettres de change est venue des Juifs ; lorsqu’ils furent chassés de France sous Philippe Auguste en 1181, & Philippe le Long en 1316. Elles furent mises d’abord en crédit à Lyon. D’autres en font remonter l’origine jusques sous Dagobert, l’an 640 qu’il chassa les Juifs de France. Les billets de change sont différens des lettres de change, en ce que les lettres de change se font pour argent fourni & reçu effectivement ; au lieu que le billet de change est causé pour valeur reçue en une autre lettre de change qui est fournie en même temps & en certain lieu sur certains Marchands. Ces billets sont sujets aux mêmes diligences que les lettres de change, & doivent être demandés dans les dix jours de l’échéance & de l’acceptation, après lequel temps il n’y a plus de recours sur le tireur ; à la réserve qu’il suffit de faire pour ceux-ci de simples sommations, au lieu d’un protêt en forme. Tous les tireurs de lettres ou billets de change, donneurs d’ordres ou d’aval, accepteurs, ou souscripteurs, peuvent être contraints par corps.

Les Bonzes du Japon donnoient des lettres de change pour l’autre vie. Ils donnoient des lettres de change en faveur des morts. Idem.

Place du change est un lieu public dans les villes de commerce, où les Marchands & Banquiers s’assemblent pour exercer leur commerce d’argent. Forum argentarium. A Lyon on l’appelle absolument le Change, la loge du Change ; à Amsterdam & autres lieux, la Bourse. A Paris on l’appelle simplement la Place. On ne souffre pas qu’un Marchand qui a fait faillite entre dans la loge du Change. On appelle aussi le Pont au Change à Paris, le pont où demeuroient autrefois les Changeurs. Pons argentarius.

Change signifie encore la banque, ou le lieu où se fait précisément le Change. Mensa. Aller au Change. Le Change est ouvert, est fermé, est plein de monde.

Change, en terme de Vénerie, se dit quand des chiens qui poursuivoient un cerf ou quelque gibier, le quittent pour courre après un autre qui se présente devant eux. Erratio seu canum, seu venatorum in persequendo cervo adventitio peu eo quem jam aliquamdiù persecuti suerant ; aberratio. Cette meute ne prend point le change. Il est opposé à droit, qui est le premier gibier qu’on a poursuivi. Garder le change, c’est suivre toujours le même gibier. Prendre le change, c’est en suivre un nouveau. Un vieux cerf donne le change, & laisse son écuyer à sa place. On le dit aussi d’un lièvre, lorsqu’il se dérobe des chiens, & leur donne à courre quelqu’autre lièvre à sa place.

Change, se dit aussi en termes de Fauconnerie, lorsque l’oiseau quitte son entreprise pour une nouvelle, ou lorsqu’il prend des pigeons, ou d’autre gibier qu’il ne doit pas voler. Erratio accipitris.

En ce sens, on dit figurément qu’un homme a pris le change, qu’on lui a donné le change, quand on lui a fait quitter quelque bonne affaire pour en poursuivre une autre qui lui est moins avantageuse. Aberrare, falli, hallucinari, alio adduci. Il est aisé de faire prendre le change à son adversaire, quand il n’est pas ferme sur ses principes.

Un homme prend le change, lorsque dans une dispute, dans un raisonnement, dans la négociation d’une affaire, il sort de son sujet pour s’attacher à des choses dont il n’est point question. Acad. Franc.

On a donné le change aux ennemis, on a fait semblant de marcher à droit, & on a pris à gauche.

On dit proverbialement, rendre le change à quelqu’un, lui donner son change ; pour dire, lui répliquer fortement, lui rendre la pareille. Par pari referre.

CHANGEANT, ANTE. adj. Qui change souvent. On le dit proprement de ce qui est inconstant. Levis, mobilis, inconstans. Les femmes sont d’humeur changeante. Voilà un temps bien changeant, fort inconstant. On ne sauroit nier que la langue françoise ne soit fort changeante ; nous changeons de langage presqu’aussi souvent que de mode. La langue espagnole se sent en quelque manière de la constance & du flegme de la nation : elle ne sait ce que c’est que de changer. Bouh. Ce qui nous rend si changeans dans nos amitiés, c’est qu’il est trop mal-aisé de connoître ceux que nous aimons. Rochef. La Fortune est changeante ; & je ne suis moi-même (Darius) qu’un trop illustre exemple de son inconstance. Vaug.

☞ Une legère, dit M. l’Abbé Girard, ne s’attache pas fortement. Une inconstante ne s’attache pas pour long-temps. Une volage ne s’attache pas à un seul. Une changeante ne s’attache pas au même. La légère se donne à un autre, parce que le premier ne la retient pas : l’inconstante, parce que son amour est fini ; la volage, parce qu’elle veut goûter de plusieurs ; & la changeante, parce qu’elle en veut goûter de différens.

Les hommes sont ordinairement plus légers & plus inconstans que les femmes ; mais celles-ci sont plus volages & plus changeantes que les hommes : ainsi les premiers pèchent par un fonds d’indifférence qui fait cesser leur attachement ; & les secondes par un fonds d’amour qui leur fait souhaiter de nouveaux attachemens.

Couleur changeante, est une couleur qui change suivant la différente lumière qui lui est opposée. Color varius. Les couleurs de l’iris, de la gorge de pigeon, sont changeantes. Taffetas changeant est celui qui paroît de différentes couleurs, parce que la trame est d’une couleur, & la chaîne d’une autre.

CHANGEMENT. s. m. Transformation, conversion d’un corps en un autre. Mutatio, immutatio, permutatio. Le changement de la femme de Loth en statue de sel, fut une punition divine. Toutes les choses de la nature se corrompent, il s’y fait de perpétuels changemens.

Changement se dit aussi des choses accidentelles, des révolutions, de la vicissitude, ☞ de tout ce qui altère l’identité des êtres ou des états : c’est le passage d’un état à un autre. Les changemens de temps sont ordinaires en ces climats. Les changemens de mode sont communs en France. Le changement de vie. Le changement d’opinions. Envisagez cette suite continuelle de changemens qui arrivent, & dans nos corps, par la défaillance de la nature, & dans nos âmes, par l’instabilité de nos désirs. Flech. L’homme est avide de choses nouvelles : il aime le remuement & le changement. Mont. Le changement d’un Amant ne doit pas s’attribuer au dessein d’une infidélité méditée : c’est qu’on se dégoûte avec le temps. S. Evrem. Je regarderai votre changement avec autant de mépris que de tranquillité. Vill.

Ainsi de vos désirs toujours reine absolue,
Les plus grands changemens vous trouvent résolue. Corneille.

Changement & Variation, considérés dans une signification synonyme.

☞ La Variation, dit M. l’Abbé Girard, consiste à être tantôt d’une façon & tantôt d’une autre. Le changement consiste seulement à cesser d’être le même.

Les variations sont ordinaires aux persones qui n’ont point de volonté déterminée. Le changement est le propre des inconstans.

On dit proverbialement : changement de propos réjouit l’homme, pour dire, qu’il ne faut pas toujours parler de la même chose. Changement de corbillon fait appétit de pain bénit ; pour dire, que la nouveauté est une espèce de ragoût. On dit aussi, changement de temps, entretien de sot, qui est un proverbe espagnol : Mudança di tiempos, bordon de necios.

☞ CHANGER. Ce verbe, quelquefois actif, quelquefois neutre, dans une signification générale, fait naître l’idée d’une chose qui cesse d’être ce qu’elle étoit, qui passe d’un état à un autre ; mais cette idée générale est différemment modifiée dans les différentes acceptions du verbe. Voyez Changement.

Changer, v. a. Convertir une chose en une autre, transmuer, faire changer de nature. Mutare, convertere, transmutare. Aux noces de Cana, Jésus-Christ changea l’eau en vin. La femme de Loth fut changée en statue de sel. Dans le sacrement de l’Eucharistie, le pain & le vin se changent au corps & au sang de Jesus-Christ. Les Alchimistes prétendent changer les métaux en or.

Changer se dit aussi activement dans la signification de quitter une chose pour une autre, se défaire d’une chose pour en prendre une autre à la place. Changer une chose pour une autre, contre une autre. Aliquid mutare aliquâ re. Il a changé son chapeau vieux pour un neuf. Il a changé ses tableaux contre des meubles. Ici il a quelque chose de la signification de troquer.

Changer se dit dans un sens à peu près le même, pour, substituer une chose à une autre. Cette femme a changé son Amant pour un autre. Sufficere aliquem alteri, in locum alterius. On nous a changé notre vin.

Changer signifie encore donner une nouvelle forme, un nouvel arrangement aux choses. Faire prendre de nouveaux sentimens, de nouvelles inclinations aux personnes, en sorte que ces choses & ces personnes cessent d’être ce qu’elles étoient auparavant. Cet homme a changé toute sa maison. Cet Auteur a changé le plan de son Ouvrage. Cet événement a changé la face de l’Etat. On dit en proverbe, que les honneurs changent les mœurs. Honores mutant mores.

Le temps, qui change tout, change aussi les humeurs. Boil.

Changer, v. n. terme relatif au passage d’un état à un autre, se dit des choses dont l’identité est altérée, ou qui cessent d’être les mêmes. Changer d’humeur, de caractère, de conduite : changer d’état, de profession. Changer de vie ; changer de bien en mal, de mal en bien. Mutari in pejus, in melius. Changer de pays, d’air. Changer de place. Mutare locum, ou mutare se loco. Changer de dessein. Mutare animum. Platon ne trouvoit rien plus dommageable à la société, que d’accoutumer les jeunes gens à changer, même dans leurs amusemens ; parce qu’ils viennent ensuite à mépriser les anciennes constitutions. Mont.

Jamais un Affranchi n’est qu’un Esclave infâme ;
Quoiqu’il change d’état, il ne change point d’ame. Corn.

Changer s’emploie quelquefois absolument. Le temps changera, si le vent vient à changer. Les modes changent ; tout change dans ce monde.

On le dit de même pour changer de conduite, de sentimens. Vous changerez un jour.

Sa flamme à tous momens peut prendre un autre cours ;
Et qui change une fois, peut changer tous les jours.

Changer & varier, considérés dans une signification synonyme. Varier, c’est être tantôt d’une façon, & tantôt d’une autre. Changer, c’est cesser d’être le même. C’est varier dans ses sentimens, que de les abandonner & de les reprendre successivement. C’est changer d’opinion, que de rejeter celle qu’on avoit embrassée pour en suivre une nouvelle. Ceux qui n’ont point de volonté déterminée, sont sujets à varier ; changer est le propre des inconstans. On n’a point de peine à changer de doctrine, quand on est plus attaché à la fortune qu’à la vérité.

☞ Les Vocabulistes en font aussi un pronominal réfléchi, au propre & au figuré. Au propre : son teint ne s’est pas changé. Au figuré : ses idées ne se changeront plus. Nous observerons, en passant, que ces façons de parler sont très-mauvaises, & plus que surannées.

Changer, en termes de Marine, a plusieurs significations. Changer les voiles, c’est mettre un côté de la voile au vent, au lieu que l’autre côté y étoit avant ce changement. Changer les voiles de l’avant & les mettre sur le mât, c’est brasser tout-à-fait les voiles du mât de misaine du côté du vent ; ce qui se fait afin qu’il donne dessus, & que le vaisseau étant abattu par-là, on puisse le mettre en route. Changer de bord, ou virer de bord, c’est mettre un côté du vaisseau au vent pour l’autre, afin de changer de route. Changer l’artimon, c’est faire passer la voile d’artimon avec sa vergue d’un côté du mât à l’autre. Changer le quart, c’est faire entrer une partie de l’équipage en service, en la place de celle qui étoit de garde, & qu’on relève. Changer la barre, c’est mettre la barre du gouvernail du côté opposé à celui où elle est.

Changer de main, changer un cheval, termes de manége. C’est porter la tête d’un cheval d’une main à l’autre, la tourner de gauche à droite, ou de droite à gauche.

On dit proverbialement, il a changé son cheval borgne contre un aveugle, pour dire, changer une chose mauvaise contre une plus mauvaise encore.

On dit aussi, il change comme un caméléon, à cause d’une vieille opinion, qui faisoit croire que le caméléon changeoit souvent de couleur. On dit aussi d’un enfant qui ne ressemble point à ses parens, qu’il a été changé en nourrice. On dit aussi que le temps changera, quand on voit quelqu’un faire une chose fort contraire à son genre de vie ordinaire.

On dit aussi proverbialement & figurément, changer de note, pour dire, changer de façon de faire ou de parler. Ac. Fr,

Changé, ée. part. Mutatus, immutatus, commutatus, permutatus. Selon les diverses significations du verbe changer.

On dit qu’un homme est bien changé, qu’il n’est pas reconnoissable ; pour dire, qu’il a été fort malade, qu’il est fort défiguré. On le dit aussi en morale de celui qui a changé de genre de vie, soit en bien, soit en mal.

CHANGEOTTER. Fréquentatif de changer. Changer souvent, à tous momens. Frequenter mutare, permutare, &c. Il est bas & hors d’usage.

☞ CHANGEUR. s. m. Celui qui est préposé en titre d’office pour changer les espèces d’or & d’argent, recevoir les monnoies anciennes, étrangères, défectueuses ou altérées, & en donner le prix à ceux qui les portent.

☞ Les Changeurs sont obligés d’envoyer aux hôtels des monnoies toutes les espèces défectueuses qu’ils ont reçues. Mensarius, nommularius. Comme le change de l’argent est une chose qui regarde le public, & d’une grande conséquence pour le bien de l’Etat, nos Rois se sont appliqués dans tous les temps à régler le nombre des Changeurs, & l’exercice de leur charge. Voyez l’Edit d’Henri III, en 1580 ; les Lettres-patentes du 20 août 1581 ; la Déclaration du 17 Octobre de la même année ; l’Edit du 19 Décembre 1582 ; l’Edit d’Henri IV de 1601 & de 1607. Chez les Romains c’étoit par le ministère des Changeurs que se faisoient les charges, les dépôts, les achats, les ventes, les prêts : les Changeurs faisoient presque toutes les fonctions de nos Changeurs, de nos Banquiers & de nos Notaires.

On a appelle autrefois le Trésorier du Domaine Changeur du trésor, jusqu’à ce que François I, en sa place, créa en 1543 seize recettes générales de toutes sortes de deniers.

On dit proverbialement d’un homme qui paye bien, qu’il paye comme un Changeur, parce que les Changeurs payent comptant, & qu’un homme est riche comme un Changeur, quand on lui voit beaucoup d’argent comptant.

☞ CHANGGAN. Petite ville de la Chine dans la Province de Peking, par les 40d 16′ de latitude.

☞ CHANGHING. Ville de la Chine dans la Province de Chekiang, au département de Hucheu. Lat. 31d 12′.

☞ CHANGHOA. Ville de la Chine dans la Province de Chekiang, au département de Hangcheu. Lat. 30d 6′

☞ Il y a une autre ville de ce nom dans la Province de Quangtung ou Quanton, au département de Kiancheu. Lat. 19d 22′.

☞ CHANGKIEU. Ville de la Chine, dans la Province de Chanton. Lat. 37d 10′.

☞ CHANGLO. Il y a trois villes de ce nom : l’une dans la Province de Chanton, département de Cincheu ; l’autre dans la Province de Fokien, département de Focheu ; & la troisième dans la Province de Quanton, au département de Hoeicheu.

☞ CHANGLY. Ville de la Chine dans la Province de Peking, au département de Jungping. Lat. 39d 38′.

☞ CHANGNING. Il y a quatre villes de ce nom : la première dans la Province de Suchuen ou Souchouen, au département de Sioucheu ; la seconde dans la Province de Huquang, au département de Heugcheu ; la troisième dans la Province de Kiansi, au département de Cancheu ; & la quatrième dans la Province de Quanton, au département de Hoeicheu.

☞ CHANGTÉ. Ville de la Chine dans la Province de Honan, dont elle est troisième Métropole, à 37d de latitude.

Changté. Ville de la Chine dans la Province de Houquan, à 29d 38′ de lat.

☞ CHANGUN. Ville de la Chine dans la Province de Chensi, département de Sigan. Lat. 36d 54′.

☞ CHANGXA. Ville de la Chine dans la Province de Houquan, dont elle est Métropole. Lat. 28d 50′.

☞ CHANGXAN. Ville de la Chine dans la Province de Channton, département de Cinan. Latitude 37d 8′.

☞ CHANGXO. Ville de la Chine dans la Province de Nankin, département de Sucheu, Lat. 32d 16′.

☞ CHANGYANG, Ville de la Chine dans la Province de Houquan, département de Kingcheu. Lat. 31d.

☞ CHANGYE. Ville maritime de la Chine dans la Province de Channton, département de Laicheu. Lat. 36d 56′.

☞ CHANGYVEN. Ville de la Chine dans la Province de Peking, département de Taming.

CHANLATE. s. f. Terme de Couvreur. Pièce de bois, comme une forte latte, qu’on attache vers le bout des chevrons, & qui saillit hors du mur pour soutenir deux ou trois rangs de tuiles qu’on met ainsi en dehors, pour empêcher que la pluie ne tombe le long du mur, & ne le gâte ; en relevant les tuiles par le bout, en sorte qu’elles jettent l’eau plus loin.

CHANNE, χαννη, Jonston, est un poisson de mer qui ressemble beaucoup à la perche ; sa tête est grèle, son museau pointu, toujours entr’ouvert. On trouve de petites pierres dans sa tête. Son corps est couvert d’écailles minces. On l’appelle hiatula, parce qu’il a toujours le museau ouvert.

☞ CHANNITE ou CHAMPLITE. Petite ville de France en Franche-Comté, aux frontières de la Champagne.

☞ CHANNSI. (les Portugais disent XANSI.) Province qui tient le second rang entre celles de la partie septentrionale de la Chine. Cette Province a cinq villes du premier rang, qui sont autant de Métropoles.

☞ CHANNTON. (chez les Portugais XANTUNG). Province maritime de la Chine dans la partie septentrionale. Elle contient cinq villes métropolitaines. Cette Province abonde en soie, qu’on trouve sur les arbres & dans les campagnes, & que donnent, non des vers à soie qu’on nourrit dans les maisons, mais des vers qui ressemblent à des chenilles. On la trouve étendue en longs filets blancs sur les buissons & sur les arbrisseaux. Elle n’a pas la finesse de l’autre espèce de soie ; mais elle est d’un meilleur user.

☞ CHANOINE. s. m. Ce mot, dans sa signification la plus étendue, signifie celui qui vit selon la règle particulière du chapitre dont il est membre ; mais dans l’usage ordinaire on entend par Chanoine celui qui possède une Prébende dans une Eglise Cathédrale ou Collégiale, c’est-à-dire, un certain revenu affecté à ceux qui y doivent faire le Service Divin. Canonicus. Les Chanoines de Notre-Dame, de la Sainte-Chapelle, de sainte Opportune. Les Chanoines des Eglises Cathédrales ont quelque prééminence sur les autres. Ils sont obligés (en quelques lieux) à se faire Prêtres lorsqu’ils ont atteint l’âge requis ; autrement ils peuvent être privés des distributions quotidiennes. Selon Falquier, on ne connoissoit point le nom de Chanoine avant Charlemagne : du moins la plus ancienne origine des Chanoines, se trouve dans Grégoire de Tours, qui dit que Baudin, seizième Archevêque de cette ville, en institua le premier un Collège dans son Eglise du temps du Roi Clotaire I. Car les Chanoines n’étoient autrefois que des Prêtres ou autres Ecclésiastiques inférieurs, qui vivoient en commun, & qui résidoient auprès de l’Eglise Cathédrale, pour aider à l’Evêque à la desservir. Ils dépendoient de sa volonté en toutes choses. Ils étoient nourris du revenu de l’Evêché, & demeuroient sous le même toît, comme étant la vraie famille, ou même le Conseil & le Sénat de l’Evêque. Ils furent même héritiers de ses meubles jusqu’en l’an 816, que cela leur fut défendu par un Concile tenu à Aix-la-Chapelle, sous Louis le Débonnaire. Ce Concile fit beaucoup de Règlemens à leur égard. Insensiblement ces Communautés de Clercs formèrent un corps à part, dont l’Evêque étoit pourtant le chef. Il arriva même au Xe siècle que dans les villes où il n’y avoit point d’Evêque, l’on établit de pareilles Communautés ou Congrégations. On les appela Collegiales, parce qu’on se servoit, indifféremment du mot de Congrégation ou de Collége ; celui de Chapitre qu’on donne à leur corps, est le plus nouveau. La vie commune fut établie dans toutes les Cathédrales sous la IIe Race, & chaque Cathédrale avoit un Chapitre distingué du reste du Clergé, avec des Supérieurs particuliers. Mais ils n’étoient pas destinés à une vie aussi peu active que celle qu’ils mènent aujourd’hui. On les appela Chanoines, non-seulement à cause de la pension qui leur étoit alors assignée, qu’on appeloit Canon, ce qu’en vieux françois on appeloit aussi Provende, & en latin Præbenda, d’où vient que quelques-uns les ont appelés Sportulates Fratres ; mais aussi parce qu’on leur donna des règles & institutions canoniques, selon lesquelles ils étoient obligés de vivre. Ainsi Yves de Chartres dit qu’on les appela Chanoines, eò quod canonicas regulas arctiùs observare tenebantur. M. de Marca, en son Histoire de Bearn, dit qu’ils ont été ainsi nommés, quòd in canonem, seu matriculam Ecclesiæ relati essent. Dans la suite les Chanoines s’affranchirent de leur règle ; l’observance se relâcha, & la vie commune ayant cessé, les Chanoines ne laissèrent pas de faire corps. Ils prétendirent n’avoir d’autres fonctions que la célébration de l’Office, & cependant ils s’attribuèrent les droits de tout le Clergé ; d’être le Conseil nécessaire de l’Evêque ; de gouverner pendant la vacance du siège, & de faire seuls l’élection. Il y a même des Chapitres qui se sont soustraits de la Juridiction de l’Evêque, & qui ne reconnoissent que le Pape au-dessus de leur Doyen. A l’exemple des Cathedrales, les Chapitres des Collégiales ont continué à faire corps, après avoir abandonné la vie commune. Autrefois le Pape faisoit des Chanoines sans prébende, sub expectatione præbendæ, pour s’assurer de la première prébende vacante.

Du latin Canonicus, nous avons fait premièrement Canoine, comme l’on prononce encore en Picardie, & ensuite Chanoine. Ménage. Et Canonicus vient du grec Κανών ; car tous généralement tirent ce nom de là ; mais ce mot signifie trois choses. 1o. Régle. 2o. Une certaine pension, une assignation de quelque revenu fixe pour vivre. 3o. Catalogue, matricule. Les uns donc prétendent que les Chanoines ont été nommés Canonici, à cause de la règle qu’ils doivent suivre, de la vie régulière qu’ils devoient mener ; d’autres disent que c’est à cause de la pension qui leur étoit assignée ; d’autres prétendent que le nom de Chanoines ou Canoniques, se donnoit au commencement à tous les Clercs ; soit parce qu’ils étoient écrits dans le Canon ou Catalogue de l’Eglise, soit parce qu’ils vivoient selon les Canons ; mais depuis on le prit particulièrement pour ceux qui vivoient en commun, à l’exemple du Clergé de S. Augustin, & avant lui de saint Eusèbe de Verceil. Voyez l’Hist. des Ord. Ecclésiastiques, part. II, ch. 2, p. 15.

Il y a encore différentes espèces de Chanoines. Les Chanoines Cardinaux sont des Chanoines attachés, &, comme on dit en latin, incardinati, à une Eglise, de même que les Prêtres l’étoient à une Paroisse. Léon IX en créa l’an 1051 à S. Etienne de Besançon, & Alexandre III dans l’Eglise de Cologne. Il y en a eu encore à Magdebourg, à Compostelle, à Bénévent, à Aquilée, à Ravenne, à Milan, à Pise, à Naples & ailleurs. Les Chanoines damoiseaux, Canonici domicillares étoient autrefois les jeunes Chanoines, qui n’étant point encore dans les Ordres, n’avoient point droit de Chapitre. Les Chanoines expectans étoient ceux qui, en attendant une prébende, avoient le titre & la dignité de Chanoines, voix en Chapitre, & une forme ou place au Chœur. Chanoines forains, forenses, sont ceux qui ne desservent pas la Chanoinie dont ils sont pourvus, mais la font desservir par un Vicaire. Chanoines honoraires, sont les mêmes que les Laïques. Chanoines Mansionnaires, sont opposés aux forains. Voyez Mansionnaire. Il est parlé dans un Ordinaire manuscrit de l’Eglise de Rouen, de Chanoines de treize marcs. Peut-être étoit-ce le revenu annuel de leurs canonicats. Il y avoit dans l’Eglise de Londres des Chanoines mineurs ou petits Chanoines, qui faisoient les fonctions des grands Chanoines. Il y a à Luques des Chanoines mîtrés, qui par un privilège qui leur a été donné par plusieurs Papes, & confirmé par Grégoire IX, portent une mître. Les Chanoines de la pauvreté, Canonici paupertatis. Il en est fait mention dans l’Histoire d’Anneci, d’Odon Gelleius, Liv. I, c. 24. Chanoines Résidens, Residentes, sont les mêmes que les Mansionnaires. Il y a eu aussi des Chanoines qu’on appeloit Canonici ad succurrendum. C’étoient des gens qui se faisoient Chanoines à l’article de la mort, pour participer aux prières du Chapitre. Les Chanoines Tertiaires, Tertiarii, étoient ceux qui ne touchoient que la troisième partie des fruits d’un canonicat.

Chanoines ad effectum. Voyez Canonicat.

Chanoine d’Honneur. Canonicus Honorarius. On donne ce titre à ceux qui ont été Chanoines, & qui se sont démis de leur canonicat. On le donne encore à des personnes notables, lesquelles, sans être réellement Chanoines, jouissent de tous les droits des Chanoines, & ont place parmi eux.

Charlemagne ordonne dans les Capitulaires, que ceux qui se feroient Clercs, seroient obligés de vivre canoniquement, & selon la règle qui leur avoit été prescrite, obéissant à leur Evêque, comme les Moines obéissent à leur Abbé. Qui ad Clericatum accedunt, quod nos vocamus Canonicam vitam, volumus ut illi canonicè secundùm regulam suam omnimodè vivant, & Episcopus eorum regat vitam, sicut Abbas Monachorum. Ce fut par cette voie que l’esprit du Monachisme s’introduisit dans des Eglises Cathédrales. Les Clercs s’étant soumis à certaines règles, devinrent demi-Moines ; & au lieu de s’appliquer à des fonctions purement ecclésiastiques, la plupart étoient enfermés dans des cloîtres comme des Moines : on appela même le nom de leurs demeures Monasterium ; & il étoit fermé, comme il paroît par les Statuts synodaux d’Hinemar, faits en 874 : en sorte qu’il y avoit deux sortes de Monastères ; les uns étoient pour les Chanoines, & les autres pour les Moines. Le chant devint peu à peu leur principal emploi. Ils ne conservent encore aujourd’hui presque que le chant, & les Evêques ne les regardent que comme des Chapelains.

Saint Chrodegand fit au VIIIe siècle une règle pour les Chanoines. Nous l’avons encore en 34 articles, sans la préface. Elle est tirée de celle de S. Benoît, qu’il accommode, autant qu’il peut, à la vie des Clercs, qui servent l’Eglise. Elle fut reçue par tous les Chanoines. Il y règle la clôture, les vêtemens, les pénitences, les domestiques ou serviteurs des Chanoines. En 816, au mois de Septembre, la dixième indiction étant commencée, l’Empereur Charlemagne exhorta les Evêques assemblés à Aix-la-Chapelle, à dresser une règle pour les Chanoines, composée d’extraits des Peres & des Canons. Cette règle des Chanoines contient 145 chapitres, dont les 113 premiers ne sont que des extraits des Peres & des Conciles touchant les devoirs des Evêques & des Clercs ; après quoi les réglemens du Concile même, par rapport aux Chanoines, commencent. On trouve cette règle dans les Conciles de l’Edition du P. Labbe, T. VII, p. 1314. C’est le premier livre du Concile d’Aix.

Chanoine Régulier. Canonicus Regularis. Les Chanoines Réguliers sont des Chanoines qui vivent en communauté, & qui, comme des Religieux, ont ajoûté dans la suite à la pratique de plusieurs observances régulières, la profession solennelle des vœux. On les appelle Réguliers, pour les distinguer des Chanoines qui abandonnèrent avec la vie commune la pratique des saints Canons faits pour servir de règle au Clergé, & en maintenir l’ancienne discipline. Les Clercs Chanoines subsistèrent jusqu’au onzième siècle. En ce temps, quelques-uns s’en étant séparés, on les appela simplement Chanoines ; & ceux qui la retinrent Chanoines Réguliers, comme on a fait depuis ce temps-là, c’est-à-dire, depuis cinq ou six cens ans. Quelques-uns en rapportent l’origine au quatrième Canon du Concile de Rome, tenu sous Nicolas II, en 1059, qui ordonne que les Prêtres, Diacres ou Soudiacres, qui auront gardé la continence, suivant la constitution du Pape Léon IX, mangeront & logeront ensemble près des Eglises pour lesquelles ils sont ordonnés, mettront en commun tout ce qui leur vient de l’Eglise, & s’étudieront à pratiquer la vie commune & apostolique. Selon d’autres, dès le sixième siècle, plusieurs Clercs ayant quitté cette manière de vivre en commun & régulièrement, ceux qui la retinrent furent nommés Clercs Chanoines, c’est-à-dire, Clercs Réguliers, vivans selon les Canons & les règles de l’Eglise ; & les autres furent nommés Clercs Acephales, c’est-à-dire, sans chef, parce qu’ils ne vivoient plus en communauté avec l’Evêque.

Les Chanoines Réguliers font presque tous profession de suivre la règle dite de saint Augustin, adoptée par beaucoup de sociétés de l’un & de l’autre sexe. Quoiqu’ils réunissent en eux les différentes fins de l’état clérical & de l’état régulier, on doit les regarder comme faisant partie du corps du Clergé. D’autres croient que ces Chanoines Réguliers sont inférieurs aux Chanoines séculiers, à cause des vœux auxquels ils se sont assujettis : en sorte qu’ils doivent plutôt être comme des Religieux, que comme faisant partie du corps du Clergé. On met pourtant quelque différence entre les Chanoines Réguliers, & les Moines. La principale est que les premiers, par leur état, sont appelés au soin des âmes : & les autres seulement à leur propre sanctification. Ils ont cela de commun qu’ils ne peuvent plus ni hériter, ni tester ; mais que leur Communauté est leur héritière naturelle. Les Chapitres d’Usez & de Pamiers étoient encore, il n’y a pas long-temps, composés de Chanoines Réguliers, comme l’ont été autrefois ceux de quelques autres Cathédrales.

Saint Bernard fut très-favorable aux Chanoines Réguliers, dont il fait souvent l’éloge. Il les préféra aux autres Chanoines, pour ce qui étoit des fonctions ecclésiastiques. Aussi, nonobstant différentes observances régulières auxquelles ils se sont assujettis, & quoiqu’en vertu de leurs vœux ils soient véritablement Religieux, que plusieurs d’entr’eux vivent en Congrégation, ils se sont pourtant maintenus dans la possession des bénéfices à charge d’ames. Tout le Droit Canonique leur est favorable en cela, parce qu’étant Clercs par leur origine & par leur état, ils jouissent des droits essentiels attachés à la cléricature : lorsque les Conciles ont exclu les Moines Bénédictins de certaines Cures, quoiqu’ils ne les crussent point incapables par leur profession du gouvernement des ames, ils y ont conservé les Chanoines Réguliers, qui depuis environ 200 ans, sont devenus presque par-tout titulaires de leurs bénéfices, comme les séculiers.

Il parut en 1699 à Paris une Histoire des Chanoines, ou Recherches Historiques sur l’Ordre Canonique, par le P. Chaponel, Chanoine Régulier. Il y a un Livre intitulé, De Canonicorum Ordine Disquisitiones, dont le but principal est de montrer la différence que l’on a toujours mise dans l’Eglise entre les Moines & les Clercs, ou les Chanoines Réguliers, dont il établit d’abord l’antiquité ; sur quoi il distingue quatre sentimens. Le premier, qui est nouveau, selon cet Auteur, & que notre siècle a, dit-il, produit, veut que l’Ordre des Chanoines Réguliers n’ait commencé que dans le onzième siècle. Le second le fait remonter jusqu’au temps de Louis le Débonnaire & au Concile d’Aix-la-Chapelle tenu sous cet Empereur. Le troisième en attribue l’institution à S. Augustin. Le quatrième suppose qu’ils sont, quant à leur manière de vie, les successeurs des Apôtres & des premiers Clercs de l’Eglise. C’est ce dernier sentiment que l’Auteur de cet ouvrage embrasse, après avoir tâché de réfuter les autres, & de montrer en particulier, que S. Augustin n’est pas le premier qui ait institué des Chanoines Réguliers, pas même en Afrique ; & il prétend qu’à considérer les trois états différens dans lesquels vivent les Chanoines Réguliers en communauté, en particulier, dans des Paroisses, ou bien attachés à des Eglises séculières dans lesquelles ils ont des prébendes, leur vie ne peut passer que pour une institution apostolique, & une suite, une imitation de la manière de vie des premiers Clercs établis par les Apôtres. L’Auteur de l’Histoire des Chanoines est dans la même opinion, & tâche de montrer cette descendance.

Les Chanoines Réguliers ont eu de tout temps des contestations au sujet de la préséance au-dessus des Moines, qu’ils prétendent, comme fondés par les Apôtres, & faisant partie du Clergé. Pie V, par une bulle de l’an 1564, ordonna que les Chanoines Réguliers de Latran, qui est la première Eglise de Rome, précéderoient les Moines du Mont-Cassin ; mais les autres Chanoines Réguliers sont précédés à Rome dans les cérémonies par les Bénédictins, les Camaldules, les Religieux de Citeaux, ceux de Vallombreuse, les Feuillans, &c.

L’habit des Chanoines Réguliers dans le XIIe siècle étoit une aube, qui a depuis été changée en rochet, ou en surplis, & en tout temps une chape fermée, à laquelle a succédé l’aumusse pour l’été, & la chape ouverte en hiver. L’usage des bonnets est moderne ; & ce n’étoit d’abord qu’une espèce de calotte.

Ceux qui ont traité des Chanoines Reguliers, outre les Auteurs déjà cités, sont Gabriel Pennotus, Chanoine Régulier, Historia Canonicorum Regularium, à Rome 1624. in-fol. Jean-Bapt. Malegarus, Chanoine Régulier aussi, Instituta & progressus Clericalis Canonic. Ordinis, contre le P. Cellot, à Venise en 1648. Jean-Bapt. Signius autre Chanoine Régulier ; De Ordine & statu Canonico, à Boulogne en 1601. Le P. Du Moulinet a donné les figures de différens habits des Chanoines Réguliers, à Paris en 1666. Tout le second tome de la nouvelle Histoire des Ordres Monastiques est employé à celle des Chanoines Réguliers, de leurs différentes congrégations, tant d’hommes que de filles, & des Ordres militaires qui y ont rapport.

Chanoine-Moine. s. m. Canonicus Monachus. On croit, & il est bien vrai-semblable, que les Chanoines-Moines n’étoient point différens des Chanoines-Réguliers, & que les Chanoines ont été appelés Moines. Anastase le Bibliothécaire, dans la vie de Grégoise IV, dit que ce Pontife ayant fait rétablir la Basilique de Sainte Marie au-delà du Tibre, y mit des Chanoines-Moines ; & on lit dans un vieux Pontifical de S. Prudence, Evêque de Troyes, que dans le premier Memento de la Messe on y faisoit mention des Chanoines-Moines de cette Eglise. Histoire des Ordres Monastiques & Rel. p. 2. ch. 18.

Il y a aussi des Chanoines Laïques, ou Séculiers, qui ont été reçus par honneur & par privilèges dans quelques Chapitres de Chanoines. Canonici Seculares, ou Laïci. Et ainsi dans le cérémonial Romain l’Empereur est reçu Chanoine de S. Pierre ; les Comtes d’Anjou dans l’Eglise de S. Martin de Tours, aussi-bien que ceux de Nevers. Les Rois de France, par le seul titre de leur Couronne, sont Chanoines de l’Eglise de S. Hilaite de Poitiers, de S. Julien du Mans, de Tours, d’Angers & de Châlons ; les Ducs de Berry Chanoines de Lyon. Humbert, Dauphin de Vienne, étoit Chanoine de la grande Eglise. Du Cange.

Chanoines jubilaires ou jubilés, sont ceux qui jouissent de leurs prébendes depuis 50 ans. Ils sont tenus présens & reçoivent les distributions manuelles,

Chanoines majeurs, dans quelques Eglises, sont ceux qui possèdent les grandes prébendes, par opposition à ceux qui ont de moindres prébendes, qu’on appelle Chanoines mineurs.

Chanoines in minoribus, ceux qui ne sont pas encore dans les Ordres sacrés. Ils n’ont point de voix au Chapitre, & sont, dans plusieurs Eglises, dans les basses stalles, & de bout pendant l’office.

On dit proverbialement, vivre comme un Chanoine, c’est-à-dire, paisiblement, dans l’abondance & dans l’oisiveté.

Et comme un gros Chanoine, à mon aise & content,
Passer tranquillement, sans souci, sans affaire,
La nuit à bien dormir, & le jour à rien faire. Boileau.

Les Chanoines, vermeils & brillans de santé,
S’engraissent d’une longue & sainte oisiveté. Id.

CHANOINESSE. s. f. Fille qui possède une prébende affectée à des filles par la fondation, sans qu’elles soient obligées de renoncer à leur bien, ni de faire aucun vœu. Canonica virgo, Canonica. On n’en voit guère qu’en Flandre, en Allemagne & en Lorraine. Les Chanoinesses de Remiremont. C’est aujourd’hui plutôt un Séminaire, & une retraite honnête de filles à marier, qu’un engagement pour le Service de Dieu. Le Concile d’Aix-la-Chapelle en 816, fit une règle pour les Chanoinesses, comprise en 28 articles. Elle est dans l’édition des Conciles du P. Labbe, T. VII, p. 1406. C’est le IIe Liv. du Concile d’Aix. Le premier est la règle des Chanoines.

Chanoinesse de S. Augustin, est une sorte de Religieuses qui suit la règle de S. Augustin, & qui est habillée de serge blanche, avec un surplis de toile fine sur sa robe, un voile noir sur sa tête, & quelques-unes une aumusse sur le bras. Canonica sancti Augustini regulæ addicta, mancipata. Les Chanoinesses de saint Augustin sont fondées, & plusieurs d’entr’elles ont des Abbesses.

Quant à l’origine des Chanoinesses Régulières, on ne peut dire que S. Augustin soit leur instituteur. A la vérité il établit des Religieuses à Hippone ; & elles purent s’appeler Chanoinesses, Canonicæ ; parce que c’étoit alors la coutume tant en Orient qu’en Occident, d’appeler Chanoines & Chanoinesses tous les Ecclésiastiques, Moines, Religieuses, Vierges, bas Officiers de l’Eglise, domestiques des Monastères, & généralement tous ceux qui étoient compris dans la matricule ou catalogue appelé canon. Le P. Le Large, Chanoine Régulier de France, avoue cet usage ; mais il soutient que depuis le VIe siècle, il y a eu en Occident des Chanoinesses différentes des Moniales, fondées sur l’établissement d’un Monastère fait par saint Fridolin à Seking, où il mit des Chanoinesses. Mais Baker, Moine de Seking, du Xe siècle, qui seul rapporte ce fait, ne semble pas à d’autres devoir être cru. Les Chanoinesses, disent-ils, étoient inconnues au commencement du VIIIe siècle. Le Concile tenu en Allemagne l’an 742, ordonna que tous les Religieux & les Religieuses suivroient la règle de S. Benoît. Le Capitulaire de Charlemagne de l’an 779 fit la même chose, sans faire aucune mention de Chanoinesses. Ce n’est qu’à la fin du même siècle qu’on en trouve quelques vestiges, Voyez le Concile de Francfort de l’an 794, canon 47, & l’Assemblée d’Aix-la-Chapelle en 802. Le Concile de Châlon-sur-Saône l’an 813 fit des règles pour les Chanoines & pour les Chanoinesses, aussi bien que celui d’Aix-la-Chapelle en 816. Par ces règles, il ne paroît point que ni les uns ni les autres passassent pour enfans de S. Augustin. Au contraire, celle des Chanoinesses est tirée de S. Jérôme, de S. Cyprien, de S. Athanase & de S. Césaire. Il n’y est point parlé de la règle de S. Augustin. Le Concile de Rome tenu en 1060, par Nicolas II, nous apprend que jusqu’à cette année l’Institut de ces sortes de Chanoinesses n’avoit été reçu dans aucun endroit d’Asie, d’Afrique, ni même d’Europe, excepté dans un petit coin de l’Allemagne ; & qu’avant Louis le Débonnaire toutes les Religieuses, quelque part qu’elles fussent, suivoient la règle de S. Benoît. Ainsi l’on voit & le temps & le lieu de leur institution.

Dès le temps de S. Basile le Grand, le nom de Chanoinesse étoit en usage. Il y avoit à Césarée de Cappadoce un Monastère de Vierges que ce Père appelle Chanoinesses ou Canoniques. Voyez l’Histoire Ecclésiastique de M. Fleury, Liv. XVII, n. 9.

On ne peut rien dire de certain touchant l’origine des Chanoinesses séculières. Il y a plusieurs Abbayes, où pour le moins l’Abbesse, avant que de recevoir la bénédiction Abbatiale, doit s’engager & s’engage en effet à la Règle de S. Benoît. Cette obligation des Abbesses, & de toutes celles qui occupent les premières dignités, porta le P. Hélyot à croire que les Chanoinesses ont été dans la même obligation, & qu’elles ne sont venues à cet état de liberté qu’elles ont présentement, que par le relâchement qui s’y est introduit peu à peu. Et en effet, il est sûr que les Chanoinesses de Remiremont, de Nivelles & d’Andennes étoient autrefois régulières ; préjugé bien fort pour les autres. C’est aussi le sentiment du P. Mabillon. On ne commença à reconnoître ces filles en France sous le nom de