Dictionnaire de l’administration française/ABATTOIR

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ABATTOIR. 1. On désigne sous ce nom les établissements communaux dans lesquels s’effectue l’abatage des animaux de boucherie et celui des porcs. Indépendamment de l’abattoir proprement dit, ces édifices doivent nécessairement comprendre des locaux assez vastes pour recevoir, chaque semaine, les animaux destinés à la consommation locale. De plus, on y annexe presque toujours : 1o une triperie pour la préparation des issues des animaux abattus ; 2o des fondoirs pour la fonte des suifs et graisses. On établit, en outre, assez fréquemment dans les abattoirs des étables pour l’engraissement des porcs, ce qui constitue une porcherie.

2. Les abattoirs sont rangés dans la première classe des établissements dangereux, insalubres ou incommodes (D. 15 octobre 1810 ; O. 14 janvier 1815 et 15 avril 1838 ; D. 31 décembre 1866). Ils doivent, par conséquent, être éloignés des habitations, et, à raison des opérations qui s’y accomplissent, on exige qu’ils soient, autant que possible, placés dans le voisinage d’un cours d’eau. Les triperies, les fonderies de suif en branche à feu nu, et les porcheries appartiennent également à la première classe. Ainsi, un abattoir, avec toutes les annexes qu’il comporte, se compose en réalité de la réunion, dans un seul et même édifice, de quatre établissements dangereux ou insalubres de première classe.

3. Aux termes de l’article 2 de l’ord. royale du 15 avril 1838, la mise en activité de tout abattoir public et commun, légalement établi, entraîne de plein droit la suppression des tueries particulières situées dans la localité. Toutefois, on réserve ordinairement aux habitants le droit d’abattre ou faire abattre chez eux, dans un lieu clos et séparé de la voie publique, les porcs qu’ils élèvent pour leur propre consommation. Du reste, à une ou deux exceptions près, tous les actes du Gouvernement, portant création d’abattoirs et antérieurs à l’ordonnance de 1838, ont prescrit la fermeture des tueries particulières existant dans la commune où l’abattoir était établi. L’ordonnance du 15 avril 1838 n’a donc fait autre chose qu’énoncer d’une manière générale un principe qui était passé depuis longtemps dans la pratique.

4. La suppression des tueries particulières n’implique pas nécessairement, pour les bouchers, l’obligation de se servir de l’abattoir. Ils peuvent, en se conformant aux règlements, établir des tueries en dehors de la ville où l’abattoir est créé, ou abattre leurs bestiaux dans une commune voisine. Tel est, du moins, le système qui a prévalu depuis 1832, et dans lequel on s’est plus préoccupé du principe de la liberté industrielle que de l’intérêt financier des communes. Dans la période antérieure, au contraire, les actes d autorisation imposent en général aux bouchers l’obligation de faire abattre exclusivement dans l’abattoir de la commune tous les animaux de boucherie destinés à la consommation locale. Lorsqu’on veut apprécier le régime d’un abattoir, il importe donc de se reporter au texte même de l’acte qui l’a institué ; mais, dans l’un et l’autre système, les intérêts de la salubrité et de la sécurité publiques peuvent être également sauvegardés.

Les bouchers qui ne sont pas tenus de se servir de l’abattoir ne peuvent pas être imposés d’une taxe d’entretien, quel que soit le nom donné à cette taxe.

5. À l’égard des fonderies de suifs et des triperies annexées aux abattoirs, on n’a pas toujours suivi non plus les mêmes errements. Pendant plusieurs années, on trouve dans les ordonnances de création une disposition portant maintien des anciennes fonderies et triperies, et défense de délivrer des permissions pour en établir de nouvelles ; mais, depuis longtemps, on ne prescrit plus rien à ce sujet, et chacun reste libre de créer des fonderies et des triperies en concurrence avec celles de l’abattoir, en se conformant aux décrets et ordonnances sur les ateliers insalubres. La clause qui, dans certaines villes, interdisait d’autoriser de nouvelles fonderies et triperies, paraît d’ailleurs être généralement tombée en désuétude.

6. À Paris, les bouchers sont tenus de se servir des abattoirs non-seulement pour l’abatage de leurs bestiaux, mais encore pour la fonte des suifs et la préparation des issues provenant des animaux qu’ils font abattre. Il existe, d’ailleurs, des abattoirs spéciaux pour les porcs.

7. Le décret du 25 mars 1852 sur la décentralisation administrative ayant rangé l’autorisation des établissements insalubres de première classe parmi les objets sur lesquels les préfets pouvaient désormais statuer sans recourir à l’autorité supérieure, on en tira d’abord cette conséquence qu’en tant qu’établissements dangereux et insalubres, les abattoirs étaient décentralisés, et qu’à l’égard des voies et moyens d’exécution, les préfets pouvaient également approuver les tarifs d’abatage, les acquisitions, aliénations et échanges de terrains, et donner, dans les limites nouvelles déterminées par le décret du 25 mars, les autorisations nécessaires pour les emprunts et impositions extraordinaires ; mais la question ayant été examinée par les sections réunies de l’intérieur, de l’instruction publique et des cultes, des travaux publics, de l’agriculture et du commerce, du Conseil d’État, cette interprétation a été abandonnée, et, conformément à l’avis des deux sections du Conseil, les préfets avaient été invités à s’abstenir dorénavant de statuer sur les questions d’abattoirs. (Circ. int. 22 juin 1853).

8. Une des principales considérations qui avaient motivé cette décision était tirée de la tendance des villes à exagérer les taxes d’abatage et de la crainte que les préfectures ne résistassent pas assez énergiquement à cette tendance. Depuis lors, pour éviter l’abus et pour faire profiter en même temps les créations d’abattoirs du bénéfice de la décentralisation, on a imaginé un moyen terme consistant à donner aux préfets le droit de statuer sur ces sortes d’affaires, mais à fixer en même temps les limites que ne pourraient excéder les tarifs des abattoirs dans les cas les plus ordinaires, et à réserver l’approbation de ces tarifs à l’autorité supérieure, lorsque, par suite de circonstances exceptionnelles, il y aurait lieu d’admettre des taxes plus élevées. Tel a été l’objet du décret du 1er août 1864.

9. Ce décret, qui confère aux préfets le droit d’autoriser l’établissement des abattoirs, pose en principe que les taxes d’abatage seront calculées de manière à ne pas dépasser les sommes nécessaires pour couvrir les frais annuels d’entretien et de gestion des abattoirs, et pour tenir compte à la commune de l’intérêt du capital dépensé pour leur construction et de la somme qui serait affectée à l’amortissement de ce capital.

10. Aux termes du même décret, ces taxes ne peuvent dépasser le maximum d’un centime cinq millimes par kilogramme de viande de toute espèce. Toutefois, lorsque les communes sont forcées de recourir à un emprunt ou à une concession temporaire pour couvrir les frais de construction des abattoirs, les taxes peuvent être portées à deux centimes par kilogramme de viande nette, si ce taux est nécessaire pour pourvoir à l’amortissement de l’emprunt ou indemniser le concessionnaire de ses dépenses.

11. Lorsque l’amortissement du capital est opéré, ou à l’expiration de la concession, les taxes doivent être ramenées au taux nécessaire pour couvrir seulement les frais d’entretien et de gestion.

12. Dans le cas où des circonstances exceptionnelles nécessitent des taxes supérieures à celles qui ont été indiquées ci-dessus, elles ne peuvent être autorisées que par un décret rendu en Conseil d’État.

13. La création des abattoirs est donc aujourd’hui replacée sous le régime déterminé par l’article 3 de l’ordonnance royale du 15 avril 1838, lequel est ainsi conçu : « Quand il y a lieu à autoriser une commune à établir un abattoir public, toutes les mesures relatives tant à l’approbation de l’emplacement qu’aux voies et moyens d’exécution, devront nous être soumises simultanément par nos ministres de l’intérieur et des travaux publics, de l’agriculture et du commerce, pour en être ordonné par un seul et même acte d’administration publique. »

14. Toute demande en création d’abattoir doit être faite par délibération du conseil municipal. Elle doit être soumise à toutes les formalités d’affiches et d’enquête de commodo et incommodo prescrites par le décret du 15 octobre 1810 et l’ord. royale du 14 janvier 1815. L’instruction doit porter non-seulement sur la création de l’abattoir, mais sur celle de ses annexes, telles que fonderie de suifs, triperie et porcherie, dont chacune constitue, comme nous l’avons dit plus haut, un établissement insalubre de première classe. S’il s’élève des oppositions, elles doivent être déférées au conseil de préfecture, pour qu’il donne son avis en exécution du décret du 15 octobre 1810. (Voy. Établissements insalubres.)

15. En tant qu’établissement communal, l’abattoir peut donner lieu à un emprunt, à des acquisitions, aliénations ou échanges de terrains, à une expropriation pour cause d’utilité publique, ou bien encore à une concession des droits de la commune à des entrepreneurs se chargeant à forfait de toutes les dépenses à faire moyennant la jouissance des taxes d’abatage pendant un temps déterminé. Cette seconde partie de l’instruction doit nécessairement varier dans ses détails suivant le mode d’exécution qui est préféré. (Voy. Organisation communale).

16. Ce premier examen accompli, l’affaire passe au ministère de l’intérieur pour la question des voies et moyens (tarif des droits d’abatage, acquisition de terrain, expropriation pour cause d’utilité publique, emprunt, autorisation de concéder l’abattoir, etc.), et dans la plupart des cas elle est soumise à la section du Conseil d’État correspondant à ce ministère. Le dossier revient ensuite au département du commerce, chargé de réunir toutes les autorisations nécessaires dans un seul et même décret porté devant la section correspondant au ministère de l’agriculture et du commerce.

17. Quand l’abattoir est autorisé et construit, il faut, avant de le mettre en activité, prendre les dispositions nécessaires pour la conduite des animaux qui doivent y être amenés, la répartition des cases d’abat entre les bouchers de la commune, l’enlèvement des fumiers et de tous les débris de matière animale, l’écoulement des eaux de lavage, le curage fréquent des égouts, etc. Ces dispositions forment la matière d’un règlement spécial. Pendant plusieurs années, les actes d’autorisation ont réservé tantôt aux préfets, tantôt aux maires le soin de préparer ces règlements, qui n’étaient exécutoires qu’après l’approbation du ministre ; mais depuis longtemps on a reconnu que les mesures de ce genre rentrent dans la catégorie des arrêtés de police locale que les maires sont autorisés à prendre en vertu des lois des 16-24 août 1790 et 19-22 juillet 1791, et qui, aux termes de la loi du 18 juillet 1837, art. 11, sont exécutoires un mois après avoir été déposés à la sous-préfecture, si le préfet n’a pas fait usage du droit de les annuler ou d’en suspendre l’exécution. L. Foubert.

bibliographie.

Traité de la police, par Delamare, 1729 ; t. II, p. 355.

Observation sur divers projets de l’entreprise des abattoirs par des compagnies, et projet d’une régie des abattoirs au nom et au profit de la ville de Paris, par Sauvegrain ; in-4o. Paris, l’auteur, Mad. Huzard ; 1816. Il parut alors aussi une publication du syndicat de la boucherie de Paris, mais qui n’a pas été mise dans le commerce.

Dictionnaire de l’industrie manufacturière, commerciale et agricole. Paris, 1833 art. Abattoir, par Parent-Duchâtelet et Gourlier ; Échaudoir, par Parent-Duchâtelet ; Fondoir, par Trébuchet.

Traité de la salubrité, par Montfalcon et Polinière. Paris, 1846 ; p. 226.

Du Commerce de la boucherie et de la charcuterie de Paris, par L. C. Bizette. Paris. 1847.

Rapport général sur les travaux du conseil de salubrité de Nantes, de 1817 à 1825, p. 16, et pendant l’année 1829 (Annales d’hygiène et de médecine légale, t. V, p. 471 et 472). Sur les abattoirs généraux de la ville de Paris et sur les viandes qui en proviennent. Extrait d’un rapport fait au conseil de salubrité de Paris le 21 janvier 1848, par MM. Huzard et Eméry (Annales d’hygiène, t. XXXIX, p. 380.

Ordonnances portant création de deux abattoirs pour les porcs (Annales d’hygiène, t. XLIII, p. 210).

Collection officielle des ordonnances de police depuis 1800 jusqu’à 1844, imprimé par ordre de M. Gabriel Delessert. Paris, 1844 ; t. I, p. 172, et II, p. 19, 119, 125, 289, 328, 345.

Documents fournis par M. le préfet de police au conseil municipal de Paris et à la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur le commerce de la viande. Paris, juin 1851.

Enquête sur la boucherie, et Rapport de M. Lanjuinais. Paris, 1851.

La création de l’abattoir de la Villette a également donné lieu à la publication de quelques écrits ou documents.

administration comparée.

La législation anglaise distingue deux sortes d’abattoirs, dans les uns on abat des animaux de boucherie, dans les autres on tue des chevaux et autres animaux non destinés à la consommation.

Cette dernière sorte d’établissements a besoin d’une autorisation qui est accordée dans les quarter sessions des juges de paix. L’autorisation (licence) doit être renouvelée tous les ans. Les locaux sont soumis à l’inspection, il est interdit d’y abattre des animaux destinés à la consommation humaine (26 G. lit, c. 71. — 7 et 8 Vict., c. 87. — 12 et 13 Vict., c. 92). Les abattoirs où l’on tue et dépèce les animaux de boucherie doivent être autorisés par le bureau sanitaire de la localité. C’est une attribution municipale (35 et 36 Vict., c. 70). Ces abattoirs sont également soumis à l’inspection.

Une loi spéciale, 37 et 38 Vict., c. 67 (7 août 1874), règle ce qui est relatif aux abattoirs de Londres. Les juges de paix ne peuvent accorder la licence qu’avec l’assentiment de l’autorité locale, à Londres le Board of Works. Les inspecteurs du service sanitaire examinent les animaux pour constater qu’ils ne sont pas malades. Diverses dispositions sont relatives aux tripiers et autres industries qui tirent leur matière première des abattoirs.

En Prusse, la matière est réglée par la loi du 18 mars 1868. Dans les communes où il existe un abattoir public, la municipalité peut décider qu’il sera interdit de procéder à l’abatage ailleurs que dans ledit établissement, en stipulant au besoin des exceptions en faveur de certains abattoirs ou de certains cas particuliers. La loi édicte une pénalité contre ceux qui transgresseraient le règlement municipal.

La loi italienne du 20 mars 1865 charge l’administration municipale de tout ce qui est relatif à l’hygiène locale, seulement les mesures prises doivent être approuvées par la « députation provinciale ». (art. 138). M. B.