Dictionnaire de l’administration française/BANQUE DE FRANCE

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BANQUE DE FRANCE.

sommaire.

chap. i. origine, 1 à 7.
chap.ii. organisation actuelle, 8 à 12.
chap.iii. comptoirs ou succursales, 13 à 21.
chap.iv. opérations, 22 à 26.
CSect. 1. Escompte, 27 à 33.
CSect. 2. Effets au comptant, 34.
CSect. 3. Comptes courants, 35 à 39.
CSect. 4. Dépôts volontaires, 40, 41.
CSect. 5. Avances sur effets publics, 42 à 45.
CSect. 6. Avances sur lingots et monnaies, 46.
CSect. 7. Billets à ordres, 47, 48.
chap. v. rapports entre le trésor et la banque, 49 à 58.
Bibliographie.
Administration comparée.


CHAP. I. — ORIGINE.

1. L’origine de la Banque de France remonte à l’an 1800.

À cette époque, une réunion des principaux banquiers et négociants de Paris et de la province, animés du désir de rappeler au sein du pays les capitaux que les circonstances politiques en avaient éloignés, fonda, sous le nom de Banque de France, une société anonyme.

Son capital fut fixé à 30 millions de francs, divisés en 30,000 actions.

L’escompte devait être la principale opération de l’établissement nouveau.

Il émettait des billets de banque payables au porteur et à vue ; mais aucun privilége ne lui fut d’abord accordé par le Gouvernement pour ces émissions.

2. On retrouve dans les statuts de cette société, en date du 24 pluviôse an VIII, les principales bases de l’organisation actuelle de la Banque de France.

Ainsi, l’universalité des actionnaires était représentée par les 200 plus forts propriétaires d’actions, dont la réunion formait l’assemblée générale.

Elle conférait à un conseil général, composé de 15 régents et de 3 censeurs nommés par elle, le mandat d’administrer et de surveiller la marche de la Banque.

Le conseil général élisait à son tour un comité central, composé de trois de ses membres, lequel était spécialement et privativement chargé de diriger l’ensemble des opérations de la Banque, mission dont il devait rendre compte chaque semaine au conseil général.

La Banque marcha ainsi jusqu’en 1803.

3. Nous avons vu qu’elle n’avait pas de privilége pour émettre à Paris des billets de banque payables au porteur et à vue ; la caisse d’escompte du commerce, le comptoir commercial, la factorerie et d’autres établissements analogues, en émettaient aussi.

De là une multiplicité de billets circulants, qui faisait hésiter le public sur le degré de confiance à leur accorder. Cette hésitation ne se peut mieux comparer qu’à celle que ferait éprouver l’adoption d’un système monétaire qui livrerait à la circulation des pièces métalliques ayant des titres différents ; toujours incertain sur leur valeur réelle, le public finirait par les repousser toutes, et la circulation se trouverait entravée.

4. Cependant la sage direction imprimée aux opérations de la Banque de France l’ayant fait distinguer des établissements rivaux, le premier consul jugea utile à l’intérêt général de lui confier le pouvoir d’émettre seule des billets faisant office de monnaie métallique.

En conséquence, la loi du 24 germinal an XI, point de départ de la législation qui régit la Banque de France, lui conféra, pour 15 ans, le privilége d’émettre des billets payables au porteur et à vue.

5. Toutefois, ce privilége ne s’appliquait qu’à la ville de Paris, et le Gouvernement se réservait, dans cette même loi, la faculté d’accorder un privilége semblable aux banques qui pourraient se former dans les départements.

Cette réserve semble être en contradiction avec le principe même de la loi de germinal, mais elle s’explique aisément si l’on se reporte aux idées et aux circonstances d’alors. Le pays sortait à peine du régime des assignats, et l’on était loin de prévoir les avantages qu’il y aurait à ce qu’un établissement de crédit, fonctionnant à Paris sous la surveillance de l’État, étendît la circulation de ses billets sur tous les points de la France.

6. Après la concession du privilége, les principales dispositions de la loi du 24 germinal furent : 1° de porter de 30 à 45 millions le capital de la Banque de France ; 2° de créer un conseil d’escompte, composé de 12 commerçants de Paris, dont le choix fut attribué aux censeurs ; 3° d’affranchir de toute opposition les sommes déposées en compte courant dans les banques autorisées ; 4° enfin, d’assimiler aux faux-monnayeurs et de frapper des mêmes peines les contrefacteurs des billets émis par lesdites banques.

7. Cette loi confirma, du reste, les principales dispositions des statuts primitifs de la Banque, dits statuts de l’an VIII, en ce qui concernait l’assemblée générale et les pouvoirs du comité central.

Elle maintint dans leurs titres, leurs fonctions et leurs attributions les régents et censeurs auxquels était due la création de cet établissement.

CHAP. II. — ORGANISATION ACTUELLE.

8. L’organisation actuelle de la Banque de France est la même qui lui a été donnée, en 1806, par l’empereur Napoléon Ier.

Elle repose sur l’action combinée d’un conseil général, dont les membres sont élus par les actionnaires, et d’un gouverneur assisté de deux sous-gouverneurs, nommés tous les trois par le chef de l’État.

Comme à l’origine de la Banque, le conseil général est composé de 15 régents et de 3 censeurs nommés par une assemblée générale des 200 plus forts actionnaires, laquelle représente l’universalité de la société.

Cette assemblée se réunit tous les ans dans le mois de janvier ; il lui est rendu compte de toutes les opérations de la Banque.

9. Les régents sont élus pour cinq ans, et le censeurs pour trois ; les uns et les autres sont rééligibles.

Les censeurs sont particulièrement chargés, par les statuts, de surveiller les opérations de la Banque ; ils peuvent vérifier les portefeuilles et les caisses toutes les fois qu’ils le jugent convenable ; ils rendent compte de cette surveillance à l’assemblée générale.

Le conseil général se réunit au moins une fois par semaine, sous la présidence du gouverneur ; il lui est présenté un résumé hebdomadaire des opérations et de la situation de la Banque.

10. Jusqu’en 1806 l’État n’avait aucune part dans l’administration intérieure de l’établissement.

« La Banque, est-il dit dans l’exposé des motifs de la loi du 22 avril 1806, dont nous allons parler tout à l’heure, était une véritable république financière dans l’État, donc elle ne dépendait que par la préférence qu’il lui avait accordée et par la protection dont il l’honorait. »

Cependant, comme c’est au Gouvernement qu’elle était redevable du privilége exclusif d’émettre, à Paris, un papier représentant la monnaie métallique, et que c’est là une délégation d’une partie de l’autorité souveraine, il était à la fois naturel et juste que le Gouvernement ne demeurât pas plus longtemps étranger à la conduite intérieure de la Banque ; la fortune publique exigeait ici l’intervention de l’État, tuteur des intérêts de tous.

Tel fut le motif qui dicta la loi du 22 avril 1806. Son objet principal fut de remettre à un gouverneur nommé par le chef de l’État, et assisté par deux sous-gouverneurs, l’autorité exécutive exercée, sous l’empire de la loi de germinal, par un comité pris dans le sein du conseil général.

11. En même temps qu’elle consolidait en la complétant, l’organisation de la Banque, la loi de 1806 prorogea de 25 ans son privilége, ce qui en portait l’expiration à la fin de l’année 1842.

La même loi donna au conseil général la mission de préparer, pour les soumettre ensuite à l’approbation du Gouvernement, les statuts qui devaient fixer le régime intérieur de la Banque. Ces statuts, approuvés par décret du 16 janvier 1808, forment encore aujourd’hui sa règle intérieure. Enfin, elle éleva le capital de 45 à 90 millions.

Ce capital a subi, depuis cette époque, plusieurs modifications importantes. D’abord réduit à 67,900,000 fr., il fut reporté à 91,250,000 fr. par l’incorporation à la Banque de France des neuf banques départementales qui existaient lors des événements de 1848.

La loi du 9 juin 1857 l’a doublé en le portant de 91,250,000 fr. à 182,500,000 fr.

12. Les attributions respectives du conseil général et du gouverneur, c’est-à-dire du corps délibérant et du pouvoir exécutif, sont si clairement définies par la loi de 1806, qu’aucun conflit ne s’est élevé depuis sa promulgation.

Ainsi, pour ne citer que les attributions principales, au conseil appartiennent : le choix des effets à prendre à l’escompte ; la délibération de tous traités généraux et conventions ; le placement des fonds de la réserve à laquelle le dividende était alors soumis ; enfin le vote des dépenses annuelles d’administration.

Mais nul effet ne peut être escompté sans l’approbation du gouverneur ; seul, il signe tous traités ou conventions ; il préside l’assemblée générale, le conseil général et tous les comités ; il nomme tous les agents de la Banque ; enfin, aucune délibération du conseil général ne peut être exécutée si elle n’est revêtue de sa signature.

CHAP. III. — COMPTOIRS OU SUCCURSALES.

13. L’art. 10 des statuts de 1808 impose à la Banque l’obligation de créer des comptoirs d’escompte dans les villes des départements où les besoins du commerce en feront sentir la nécessité.

14. L’organisation de ces comptoirs est réglée par le décret impérial du 18 mai 1808, et par l’ordonnance royale du 25 mars 1841, rendus l’un et l’autre sur la proposition du conseil général de la Banque.

15. Cette organisation est calquée sur celle de la Banque centrale.

Ainsi chaque comptoir est surveillé et administré par un conseil d’administrateurs et de censeurs, présentés ou nommés par le conseil général de la Banque ; il est dirigé par un directeur nommé par le chef de l’État sur la présentation du gouverneur.

16. Les premiers comptoirs, fondés en exécution du décret de 1808, furent établis l’année même de ce décret à Lyon et à Rouen ; un troisième fut fondé, en 1810, à Lille.

Leurs débuts furent assez heureux ; mais les événements politiques de 1812 à 1815, et le ralentissement général qui s’ensuivit dans les opérations de commerce, frappèrent ces établissements de stérilité ; ils furent successivement supprimés de 1813 à 1817.

Ce ne fut qu’en 1836 que la Banque, cédant à des vœux qui se manifestaient sur divers points, recommença à fonder des comptoirs en province.

17. Mais dans l’intervalle qui s’était écoulé de 1817 à 1836, le Gouvernement, usant de la faculté qu’il s’était réservée dans la loi du 24 germinal an XI, avait successivement autorisé la formation de neuf banques départementales, auxquelles il avait accordé, pour les villes où elles s’étaient établies, le privilége exclusif d’émettre des billets au porteur.

18. Lorsque le nombre de ces banques commença à s’accroître, on ne tarda pas à reconnaître le danger qu’il y avait à ce que des établissements placés en dehors de toute surveillance, pussent émette un papier faisant office de monnaie.

Ce danger avait été prévu et signalé à plusieurs reprises par l’administration de la Banque de France.

Dans un article très-complet sur les banques en général, dû à M. Gautier, sous-gouverneur de la Banque de France, et inséré dans l’Encyclopédie du Droit, de Sébire et Carteret, on trouvera des considérations d’un ordre élevé sur cette question. Il y est démontré que dans tout système de crédit, il doit y avoir nécessairement ordre, harmonie des parties avec le tout, et, par conséquent, dépendance d’un centre et d’une impulsion uniques.

19. Ces sages prévisions furent justifiées à l’époque des perturbations commerciales qui suivirent les événements de 1848, et qui suscitèrent des embarras à plusieurs des banques départementales dont nous venons de parler.

Le Gouvernement provisoire conjura la danger en les incorporant à la Banque de France par les décrets des 27 avril et 2 mai 1848, incorporation dont les esprits les plus éclairés avaient, depuis longtemps, reconnu en principe la nécessité, mais que des influences locales s’efforçaient d’empêcher.

20. À partir de cette époque, le mouvement sans cesse croissant des affaires permit à la Banque de prendre une plus grande extension et de doter les départements des bienfaits du crédit.

La loi du 9 juin 1857, qui prorogeait le privilége de la Banque, vint consacrer ces résolutions, en déclarant, par l’art. 10, que « dix ans après la promulgation de cette loi, le Gouvernement pourrait exiger de la Banque de France qu’elle établît une succursale dans les départements où il n’en existait pas. » La Banque n’attendit pas cette époque pour répondre aux vœux et aux besoins du commerce et, de 1857 à 1870, 33 nouveaux comptoirs furent décrétés. Cependant, le 27 janvier 1873, l’Assemblée nationale, reprenant et définissant les termes de la loi de 1857, a fixé au 1er janvier 1877 la date extrême à laquelle les départements privés de succursales en devaient être pourvus.

21. Voici dans l’ordre chronologique, les dates de fondation des 82 succursales actuelles de la Banque [1] :

1817 7 mai Rouen [2].
1818 11 mars Nantes [3].
23 novembre Bordeaux [3].
1835 29 juin Lyon [2].
27 septembre Marseille [2].
1836 6 mai Reims.
17 juin Saint-Étienne.
29 juin Lille [2].
1837 25 août Havre (Le) [2].
16 octobre Saint-Quentin.
1838 19 janvier Montpellier.
11 juin Toulouse [2].
8 novembre Orléans [2].
1840 31 mars Grenoble.
24 avril Angoulême.
1841 21 août Besançon.
Caen.
Châteauroux.
Clermont-Ferrand.
1846 28 avril Mans (Le).
29 mai Nîmes.
10 juillet Valenciennes.
1849 10 juillet Limoges.
1850 21 juin Angers.
8 juillet Rennes.
31 décembre Avignon.
1851 21 janvier Troyes.
1852 7 juillet Amiens.
1853 2 février Rochelle (La).
18 avril Nancy.
Toulon.
14 décembre Nevers.
1855 13 juin Arras.
Dijon.
Dunkerque.
1856 29 novembre Carcassonne.
Poitiers.
Saint-Lô.
1857 17 juin Bar-le-Duc.
Laval.
Tours.
Sedan.
1858 26 juin Agen.
Bastia.
Bayonne.
Brest.
1860 25 juin Annonay.
Châlon-sur-Saône.
Flers.
11 août Nice.
1863 30 novembre Lons-le-Saulnier.
1865 8 avril Annecy.
Chambéry.
18 septembre Chaumont.
1866 28 février Castres.
Évreux.
Niort.
1867 1er février Auxerre.
Lorient.
Montauban.
Perpignan.
Rodez.
Saint-Brieuc.
31 décembre Périgueux.
Roubaix-Tourcoing.
1868 29 février Valence.
18 avril Épinal.
27 mai Moulins.
1869 30 janvier Blois.
1870 22 janvier Bourges.
6 juillet Chartres.
1871 30 juin Versailles.
1872 23 mars Vesoul.
1873 27 février Aubusson.
Beauvais.
15 novembre Bourg.
Cahors.
Tarbes.
26 Auch.
Aurillac.
1874 26 janvier Puy (Le).
1875 6 janvier Mende.
CHAP. IV. — OPÉRATIONS.

22. Les opérations de la Banque et de ses succursales consistent :

1° À escompter le papier de commerce ;

2° À recouvrer les effets qui leur sont remis pour l’encaissement ;

3° À ouvrir des comptes courants d’espèces ;

4° À tenir une caisse de dépôts volontaires ;

5° À faire des avances sur effets publics, sur actions et sur obligations de chemins de fer français, et sur obligations de la ville de Paris, du Crédit foncier et de la Société générale algérienne ;

6° À faire des avances sur lingots et monnaies ;

7° À délivrer des billets à ordre tirés de Paris sur les succursales et vice versâ.

23. Avant d’entrer dans le détail de ces opérations, il paraît utile de parler des billets qu’émet la Banque en échange des valeurs que ces opérations font entrer dans ses portefeuilles.

Le privilége d’émission conféré à la Banque de France avait été prorogé jusqu’au 31 décembre 1867, en vertu de la loi du 30 juin 1840 et du décret impérial du 3 mars 1852 ; il a été prorogé de nouveau jusqu’au 31 décembre 1897 par la loi du 9 juin 1857.

Les billets sont de 5,000 fr., de 1,000 fr., de 500 fr., de 200 fr., de 100 fr., de 50 fr., de 25 fr., de 20 fr., et de 5 fr. ; les billets de 5,000 fr. sont peu répandus, et ceux de 200 fr. qui rentrent dans les caisses de la Banque ne sont plus remis en circulation. Les billets de 25 fr., créés par la loi du 12 août 1870, ont été remplacés par les coupures de 20 fr., par décision du Gouvernement de la défense nationale, en date du 12 décembre 1870.

Chaque billet porte en titre le nom de la ville où il a été émis ; le porteur n’a pas le droit de se faire rembourser ailleurs. Si la Banque accorde le remboursement hors du lieu de l’émission, c’est par pure tolérance, puisque la loi la laisse maîtresse absolue à cet égard.

24. C’est ici le lieu de faire observer que personne ne peut être contraint de recevoir en paiement des billets de banque au lieu de numéraire.

D’après un avis du Conseil d’État du 30 frimaire an XIV, inséré au Bulletin des lois, le porteur d’une lettre de change a le droit d’exiger son paiement en numéraire ; les billets de banque, établis pour la commodité du commerce, ne sont que de simple confiance.

C’est là le principe qui, dans les circonstances ordinaires, a toujours régi la circulation des billets de la Banque.

25. Cependant, en deux circonstances graves, le Gouvernement, d’accord avec le conseil général de la Banque, a dû y déroger.

La première fois en 1848, lorsque la panique survenue après les événements de Février menaça d’épuiser l’encaisse de la Banque. Le Gouvernement provisoire rendit alors un décret qui donna momentanément cours légal et forcé aux billets de la Banque. Cette mesure dura jusqu’à la loi du 6 août 1850 qui, sur la demande de la Banque, rétablit les choses en l’état primitif.

Lors de la guerre contre l’Allemagne, le cours légal a été rétabli, sur l’initiative du Gouvernement, comme conséquence de la prorogation des échéances et nonobstant les résistances de la Banque, en vertu de la loi du 12 août 1870, qui a dispensé cette dernière, jusqu’à nouvel ordre, de l’obligation de rembourser ses billets avec des espèces.

26. Dans les deux circonstances où le cours forcé a été établi sur les billets de la Banque, le Gouvernement, pour donner au public toute sécurité et l’assurer contre tout retour au papier-monnaie, a cru devoir stipuler la limitation des émissions.

En 1848, cette limitation fut fixée à 350 millions pour les billets de la Banque centrale et à 102 millions pour les billets des banques départementales. Le 27 avril de la même année, par suite de la réunion de ces banques à la Banque de France, la limite de la circulation des billets de cette dernière se trouvait ainsi étendu à 452 millions pour être bientôt élevée de nouveau à 525 millions par la loi du 22 décembre 1849. Le maximum de circulation fut aboli par la loi du 6 août 1850.

En 1870, le Gouvernement recourut à des mesures analogues : par la loi du 12 août 1870, la limite d’émission a été portée à 1800 million, puis deux jours après, le 14 août, à 2400 millions ; le 20 décembre 1871, ce chiffre était élevé à 2800 millions, et enfin à 3200 millions, en vertu de la loi de finances du 15 juillet 1872.

Revenons maintenant aux opérations de la Banque.

Sect. 1. — Escompte.

27. L’escompte est, d’ordinaire, la principale opération des banques. Son but est d’avancer, sous déduction d’un intérêt modéré, le montant d’effets de commerce non encore échus, que le besoin de se procurer de l’argent fait présenter aux banques.

28. Comme en échange de ces effets de commerce, les banques délivrent leurs propres billets, toujours échangeables contre du numéraire, il leur importe de n’admettre que des effets parfaitement garantis par la solvabilité des signataires, et dont le paiement s’effectue exactement à l’échéance.

La fortune publique n’est pas moins intéressée à ce que les banques apportent la plus grande prudence possible dans leurs opérations d’escompte, puisque les billets, délivrés en échange de ces escomptes, entrant dans la circulation générale, forment à la charge de ces banques une dette toujours exigible, dont le public est le créancier.

29. La Banque de France n’escompte que des effets de commerce à ordre, à trois mois d’échéance, et revêtus d’au moins trois signatures notoirement solvables.

30. Elle peut cependant admettre du papier à deux signatures seulement, lorsqu’il est créé pour faits de marchandises, et que la troisième signature est remplacée par un transfert de rentes sur l’État, d’actions de la Banque, ou de toutes valeurs sur lesquelles elle est autorisée à faire des avances. (D. 16 janvier 1808 et 13 janvier 1869.)

Les récépissés de dépôts sur marchandises mentionnés dans le décret du 21 mars 1848 peuvent également être admis en remplacement d’une troisième signature.

31. L’examen du papier présenté à l’escompte est fait par un comité qui se réunit tous les jours et se renouvelle toutes les semaines. Il est composé du gouverneur, des deux sous-gouverneurs, de quatre régents et de trois membres du conseil d’escompte.

Ses délibérations sont secrètes.

L’admission des effets ne peut avoir lieu sans l’approbation du gouverneur.

Les présentateurs touchent le montant des effets admis le jour même de la présentation.

32. Si, à l’échéance, ces effets ne sont pas payés, le présentateur est tenu de les rembourser immédiatement à la Banque.

33. Le taux de l’escompte est fixé par le conseil général : il ne peut être différent dans les succursales du taux adopté par la Banque centrale, à moins d’une autorisation spéciale du Gouvernement.

En vertu de l’art. 8 de la loi du 9 juin 1857, la Banque peut, si les circonstances l’exigent, élever au-dessus de 6 p. 100 le taux de ses escomptes et l’intérêt de ses avances.

Sect. 2 — Effets au comptant.

34. La Banque encaisse, sans frais, les effets payables en ville que lui remettent les personnes admises au compte courant.

Elle fait recouvrer également les factures visées, lorsqu’elles ont une échéance fixe.

Sect. 3. — Comptes courants.

35. L’ouverture des comptes courants, avec ou sans facilité d’escompte, est accordée par délibération du conseil général, sur demande adressée au gouverneur : la demande doit être appuyée d’un certificat dont la Banque délivre la formule, et qui doit être signé par trois personnes connues ; l’usage veut qu’elles aient elles-mêmes un compte à la Banque.

Aucun failli non réhabilité ne peut être admis au compte courant.

36. Il n’est pas admis d’opposition sur les sommes déposées en compte courant à la Banque.

37. Ces fonds ne produisent aucun intérêt en faveur du titulaire du compte.

38. Les personnes qui veulent déposer leurs fonds, mais non en compte courant , peuvent les verser à la Banque contre un récépissé payable à vue : il n’est pas reçu de versement au-dessous de 5,000 fr. à Paris, et de 2,000 fr. dans les succursales.

39. On peut également se faire délivrer des billets à ordre payables à vue.

Sect. 4. — Dépôts volontaires.

40. La caisse des dépôts volontaires reçoit en garde les titres ou effets publics de toute nature, français ou étrangers, dont les arrérages ou dividendes se paient à Paris.

Ce mode de dépôt se fait contre remise d’un récépissé nominatif et peut être effectué par un tiers, pour le compte du propriétaire des titres.

Le droit de garde est annuel et se paie d’après le tarif suivant :

20c pour les titres de 1,250f et au-dessous val. nom
30c 1,251f à 2,000f
40c 2,001f à 3,000f

et ainsi de suite.

Les rentes paient à raison de 10 c. pour 25 fr. de revenu, soit 4 p. mille.

Le minimum du droit est d’un franc par dépôt, non compris le timbre.

Par une disposition particulière, la Banque encaisse et restitue sans frais, aux déposants, les arrérages et dividendes afférents aux titres confiés à sa garde.

41. Indépendamment des titres, la Banque reçoit en garde les diamants et les bijoux moyennant 1 fr. 25 c. par 1,000 fr. pour 6 mois.

Elle n’admet pas les dépôts d’argenterie.

Sect. 5. — Avances sur effets publics.

42. La loi du 17 mai 1834 a étendu aux effets publics français à échéances non déterminées la faculté accordée à la Banque par les statuts de 1808, de faire des avances sur ces effets lorsqu’ils ont une échéance déterminée.

Cette faculté a été étendue, par décret impérial du 3 mars 1852, aux actions et aux obligations des chemins de fer français ; par un autre décret du 28 du même mois, aux obligations de la ville de Paris ; par la loi du 9 juin 1857, aux obligations du Crédit foncier, et enfin, par décret du 13 janvier 1869, aux obligations de la Société générale algérienne.

43. Comme les valeurs dont il s’agit sont toutes soumises aux variations des cours de la Bourse, la Banque ne pourrait avancer aux emprunteurs une somme égale au montant de la valeur au cours, sans s’exposer au danger d’avoir dans les mains, le lendemain peut-être de l’avance, un gage qui ne représenterait plus le montant du prêt.

C’est pourquoi elle se réserve une marge contre cette éventualité. La fixation de cette marge appartient au conseil général : elle varie suivant les circonstances et la nature des titres, sans pouvoir être, pour les rentes, au-dessous de 20 p. cent.

44. Indépendamment de cette garantie, l’emprunteur s’engage à couvrir la Banque de toute baisse pouvant survenir sur les titres qui font l’objet du prêt.

45. La durée de l’avance est uniformément de 60 jours pour toutes les valeurs admises en garantie.

Sect. 6. — Avances sur lingots et monnaies.

46. Cette nature d’opérations ne présentant aucun risque, la Banque avance la valeur intégrale des matières d’or et d’argent qui lui sont présentées.

L’intérêt est habituellement de 1 p. 100 par an : un minimum de 36 jours d’intérêt est retenu par la Banque en cas de remboursement avant ce dernier terme.

Sect. 7. — Billets à ordre.

47. Toute personne peut se faire délivrer par la Banque des billets à ordre payables dans les villes où sont établies des succursales.

La même faculté est offerte au public dans les succursales pour se procurer des billets payables à Paris. Mais les succursales ne peuvent fournir de billets à ordre les unes sur les autres : la loi leur interdit de faire, entre elles, aucune opération, à moins d’une autorisation expresse du conseil général.

48. La Banque perçoit, sur le montant de ces billets, une commission qui varie suivant la distance des villes sur lesquelles les billets sont fournis : cette commission, fixée par le conseil général, ne peut être inférieure à 50 c., et le maximum ne dépasse par 1 p. mille.

CHAP. V. — RAPPORTS ENTRE LE TRÉSOR ET LA BANQUE.

49. Il est de principe, en France, que le crédit public et le crédit commercial demeurent dans une complète indépendance l’un de l’autre.

De là résultent deux conséquences importantes.

La première c’est que si des circonstances difficiles mettent le Trésor dans la nécessité de recourir à la Banque, cette dérogation au principe ci-dessus rappelé doit être autorisée par un acte de la puissance législative qui porte à la connaissance du public les conventions arrêtées entre les deux parties. Il en serait de même si c’était la Banque qui eût besoin de l’appui du Gouvernement.

La seconde conséquence de ce principe, c’est que lorsque la Banque vient momentanément en aide au Trésor, celui-ci s’attache à lui fournir des garanties surabondantes, afin que le crédit de la Banque n’éprouve pas la moindre atteinte dans ces circonstances difficiles.

50. Lorsqu’il y a lieu à passer entre le Trésor et la Banque des conventions de cette nature, la proposition du traité appartient au gouverneur et la délibération au conseil général.

Plusieurs fois, depuis l’origine de la Banque, et notamment dans ces derniers temps, par suite des événements de 1870-1871, le Trésor a dû recourir au crédit de celle-ci, et ces négociations, toujours favorablement accueillies par le public, ont eu pour résultat de fortifier sa confiance dans la gestion de cet établissement.

Cet heureux résultat sera nécessairement produit, ainsi que le fait remarquer M. Gautier dans l’écrit déjà cité, tant que la loi, ou le pouvoir chargé de l’exécuter, ne cherchera à exercer aucune action sur le mécanisme du crédit commercial, et s’abstiendra d’intervenir dans les opérations auxquelles le crédit donne lieu.

51. Le principe de l’indépendance entre le Crédit public et le crédit commercial ne saurait d’ailleurs s’opposer à ce que la Banque place en rentes sur l’État la portion disponible de son capital ; c’est de sa part une simple collocation de fonds, toujours révocables, et rien, dans la législation qui la régit, ne s’oppose à ce que la Banque n’aliène les rentes qu’elle a pu acheter ; il y en a eu des exemples.

52. Nous n’entrerons pas dans le détail des négociations accomplies entre le Trésor et la Banque depuis l’origine de celle-ci. Il suffira de rappeler, comme les plus importantes de toutes, les conventions qui ont eu lieu depuis 1848.

Lors des événements de Février, ce fut la Banque qui la première réclama la protection de l’État. La panique précipitait aux caisses de remboursement les porteurs de billets ; quelques jours encore, et l’encaisse aurait été épuisé.

53. Dans cette situation critique, le conseil général eut recours au Gouvernement, et le décret du 15 mars, en dispensant jusqu’à nouvel ordre la Banque de rembourser ses billets avec des espèces, et en donnant à ces mêmes billets cours de monnaie légale, préservera le pays des malheurs qu’aurait entraînés la suspension des escomptes de la Banque.

54. Mais dans le même temps, les sources des revenus publics s’étant subitement taries, et la dépréciation du cours des rentes ne lui permettant pas de recourir à la voie de l’emprunt, le Trésor se vit bientôt à la veille de ne pouvoir remplir ses engagements.

Il recourut alors à la Banque, et celle-ci consentit à un prêt de 150 millions, garanti moitié par un dépôt de rentes, moitié par une vente de forêts de l’État.

55. Ce traité, porté à la connaissance du pays par le décret du 5 juillet 1848, fut favorablement accueilli dans le public et l’on vit s’améliorer immédiatement le cours de la rente : bientôt le recouvrement des revenus publics reprit sa marche habituelle, et le Trésor, sage ménager des ressources que lui avait procurées cet emprunt, put renoncer plus tard à la seconde moitié des 150 millions que la Banque s’était engagée à lui fournir.

56. Au moment des pénibles événements qui ont précédé et suivi, en France, l’invasion allemande en 1870, le Gouvernement a rétabli le cours forcé comme conséquence de la prorogation des échéances et, en présence de ses immenses besoins, s’est adressé à la Banque et a contracté envers elle, à diverses reprises, des emprunts qui se sont élevés au chiffre énorme de 1,530 millions ; ces avances, garanties pour une faible partie par les bois et forêts dépendant de l’ancienne liste civile impériale, et autorisées par décrets, on été reconnues par la loi de finances du 20 juin 1871 dont l’art. 5 porte qu’à partir de 1872, et indépendamment des intérêts annuellement perçus, une somme de 200 millions au moins sera inscrite au budget de chaque année et payée à la Banque de France, jusqu’à l’entier remboursement de sa créance. À partir de 1872, l’intérêt à payer par le Trésor à la Banque sur ces avances a été réduit à 1 p. 100 l’an.

57. En dehors des circonstances exceptionnelles où l’État et la Banque ont à se prêter un mutuel appui, le Trésor n’a d’autres rapports habituels avec celle-ci que ceux qui résultent des opérations du compte courant qu’elle lui a ouvert.

Ce compte est régi par les mêmes principes que ceux qui sont ouverts aux simples particuliers ; cependant, en vertu du traité passé entre le Trésor et la Banque, en date du 10 juin 1857, les sommes dont le Trésor est débiteur par suite des avances à lui faites par la Banque en vertu de l’art. 2 de ce traité, avances qui peuvent s’élever jusqu’à 60 millions, se compensent jusqu’à due concurrence, avec celles qui forment le crédit de son compte courant.

Les intérêts de ces avances sont réglés, sur le solde dont il est réellement débiteur, au taux fixé par la Banque pour l’escompte du papier de commerce, sans qu’ils puissent excéder 3 p. 100.

58. En ce qui touche à l’ensemble de ses opérations, la Banque doit en rendre compte au Gouvernement au commencement de chaque semestre, et lui faire connaître le chiffre du dividende.

Autrefois, elle était tenue de communiquer, tous les trois mois, au ministre des finances chargé d’en faire la publication, sa situation moyenne pendant le trimestre écoulé : mais cet usage ayant provoqué des réclamations dans le public, le conseil général, dans sa séance du 1er juin 1865, a décidé que la situation générale de la Banque et de ses succursales devait être affichée, le jeudi de chaque semaine, à la Bourse et publiée au Journal officiel.

bibliographie[4].

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Sur la Banque de France, les causes de la crise qu’elle a éprouvée, les tristes effets qui en sont résultés, et le moyen d’en prévenir le retour, avec une théorie des banques, par P. S. Dupont de Nemours. In-8°. Paris, Delame. 1806.

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Des banques départementales en France, de leur influence sur les progrès de l’industrie, des obstacles qui s’opposent à leur établissement, et des mesures à prendre pour en favoriser la propagation, par M. d’Esterno. In-8°. Paris, Renard (Guillaumin). 1838.

Le crédit de la banque, contenant un exposé de la constitution des banques américaines, écossaises, anglaises, françaises, par M. Courcelle-Seneuil. In-8°. Paris, Pagnerre. 1840.

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Des banques en France, leur mission, leur isolement actuel, moyen de les coordonner dans leur intérêt, celui du Trésor et du pays, par Louis de Noiron. In-8°. Paris, Marc-Aurel. 1847.

De la Banque de France, de la crise monétaire, des coupures au-dessous de 500 fr., de l’augmentation et de la mobilisation du capital des banques départementales, de la nécessité d’une circulation unique et des règles à lui imposer, par L. Muret (de Bord). In-8°. Paris, Guiraudet. (A publié en 1853 une seconde brochure.)

Mémoire sur la contestation existant entre la Banque et la direction de l’enregistrement et du timbre, relativement aux droits de timbre à payer sur les certificats d’action de la Banque de France, depuis la promulgation de la loi du 15 juin dernier. In-4°. Paris, impr. de Plon. 1850.

Conférence Molé. Projet de loi sur la Banque de France. In-8°. Signé : Léon Say. Paris, impr. de Duverger. 1850.

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La Banque de France dans ses rapports avec le crédit et la circulation, par G. Marqfoy. Paris. In-8°. Guillaumin et Cie. 1862.

Enquêtes parlementaires anglaises sur les questions de banque, de circulation et de crédit, traduites par Coullet et Juglar. In-8°. Paris, Guillaumin et Cie. 1865.

Enquête sur la circulation monétaire et fiduciaire. 1865-1869.

Histoire de la Banque de France et des principales institutions de crédit depuis 1716, par A. Courtois. In-8°. Paris, Guillaumin et Cie. 1875.

administration comparée.

Nous n’avons pas à examiner ici les banques au point de vue économique et financier (voy. notre Dictionnaire politique), mais simplement à titre d’institutions réglementées par les lois et se trouvant dans un certain rapport avec le Gouvernement ou l’administration. Commençons par dire que l’industrie du banquier est complétement libre dans tous les pays ; elle est seulement assujettie aux conditions générales de toute industrie. Si la banque est constituée en société, elle subit la loi imposée à toute compagnie par actions (voy. Sociétés, etc.), mais pour le reste elle est banque privée et libre. Le point caractéristique des institutions dont nous allons parler, c’est leur droit d’émettre des billets à vue et au porteur (banknotes). Ce droit peut avoir été conféré à une banque unique, à plusieurs banques, ou même avoir été déclaré commun à tous, mais il est toujours plus ou moins réglementé, soit quant au montant de l’émission, soit quant à la couverture (dans le sens étroit : la quantité proportionnelle de numéraire ou de métaux précieux en caisse ; dans le sens le plus large : toutes les garanties quelconques, encaisse, portefeuille, bons du Trésor, nantissements, etc., etc.), soit relativement à la publicité (situation, comptes rendus), soit en ce qui concerne la nature des affaires qui lui sont permises. Ce que l’État veut généralement obtenir, c’est de ramener d’une façon ou d’une autre l’émission aux proportions utiles au commerce, en empêchant les excès qui peuvent produire des catastrophes. Souvent aussi l’État veut tirer un avantage fiscal des banques. Enfin, lorsqu’il accorde un privilége, c’est pour une période déterminée quitte à le renouveler. Nous allons faire connaître les législations caractéristiques.

Royaume-Uni. La législation anglaise sur les banques, si l’on voulait en donner un tableau complet, remplirait un gros volume. Elle n’est pas la même pour l’Angleterre que pour l’Écosse ou pour l’Irlande. Chacun des trois royaumes a ses lois spéciales qui ont été souvent remaniées, du moins dans leurs principales parties. Nous ne nous occuperons ici que de la Banque d’Angleterre et plus particulièrement de la loi du 19 juillet 1844, dite l’act de sir Robert Peel (7-8 Vict. c. 32). Cette loi a pour but d’empêcher l’émission de devenir excessive. Voici ses principales dispositions :

La Banque d’Angleterre est divisée en deux services ou départements : le département de l’émission et le département des opérations de banque proprement dites. Le département des émissions est seul autorisé à fabriquer des billets. Il en fournit pour 14 millions (actuellement pour 15 millions) sur des « sécurités » (des valeurs), comprenant la dette de l’État envers la Banque ; c’est-à-dire que la Banque ne peut pas émettre pour plus de 14 millions (15 millions) de billets à découvert ; en d’autres termes, cette somme est garantie par la dette de l’État. Lorsque les affaires rendent nécessaire une émission plus forte, le département des opérations doit acheter les billets contre espèces ou lingots au département des émissions, qui lui donnera valeur (en papier) pour valeur (en espèces).

La proportion de l’or et de l’argent sera de 3/4 en or au moins et 1/4 en argent au plus. Toute personne peut demander des billets pour de l’or, à raison de 3 l. 17 s. 9 d. l’once. La Banque publie toutes les semaines un état de situation dans le journal officiel. Ses billets ne sont pas assujettis au timbre ; en revanche, la Banque paie à l’État 180,000 l. par an pour son privilége (c’est-à-dire que cette somme est défalquée de la commission que l’État doit à la Banque pour les opérations de perception et de paiement dont celle-ci est chargée par le Gouvernement). Les bénéfices que la Banque tire de l’émission qui dépasse les 14 millions (15 millions) ci-dessus viennent également en déduction de cette commission.

À partir de la loi de 1844, aucune banque ne pourra plus être autorisée à émettre des billets. Les banques qui jouissaient alors de ce droit le conservent, mais elles ne peuvent dépasser le chiffre de la moyenne de leur émission dans les 3 mois qui ont précédé le 27 avril 1844. Les banques qui ont cessé de faire usage de leur droit ne peuvent plus le reprendre, mais la Banque d’Angleterre peut être autorisée, par un ordre en conseil, à augmenter le montant des sécurités déposées au département des émissions jusqu’à concurrence des 2/3 du chiffre de l’émission de la banque qui a cessé ses émissions. Le privilége de la Banque fut renouvelé alors indéfiniment, pouvant cependant lui être retiré, à partir de 1855, à la condition de l’avertir un an à l’avance et lui payer toutes les dettes qui lui sont dues par l’État. D’autres lois règlent ce qui concerne les billets, les fraudes et divers points d’une importance secondaire. La Banque d’Angleterre est une banque par actions, mais elle a prêté son capital à l’État, qui devrait lui être remboursé, comme nous l’avons vu, si son privilége lui était retiré.

L’élection des directeurs est réglée par la loi 8-9 Vict. c. 20 amendée par la loi 35-36 Vict. c. 34.

Allemagne. Avant 1875, chaque État allemand avait sa

législation spéciale dans laquelle la réglementation portait sur le capital de la Banque, sur la nature des affaires permises, sur le rapport entre l’encaisse et le montant de la circulation, et sur divers autres points. Le privilége de l’émission était toujours à temps ; en Prusse et dans deux ou trois autres États, plusieurs banque jouissaient simultanément du droit d’émission. La loi du 14 mars 1875 — applicable à toute l’Allemagne — a, comme la loi anglaise, pour but de prévenir l’excès de circulation fiduciaire ; mais au lieu de limiter strictement et directement le montant de l’émission à découvert, elle le limite indirectement en disposant, d’une part, que l’émission qui dépassera un certain chiffre (composé du capital et d’une somme en sus indiquée dans un tableau annexé à la loi) sera imposée d’une taxe de 5 p. cent ; et de l’autre, qu’en aucun cas, l’ensemble de l’émission d’une banque ne pourra dépasser le triple de son encaisse. L’ensemble des tolérances (ou sommes en sus du capital) pour les 33 banques de 1875 et de 385 millions de marks, dont 250 millions pour la Banque de l’empire seule.

À l’avenir, aucun privilége d’émission ne pourra être accordé, si ce n’est par une loi de l’empire. Toute banque devra rembourser ses billets à présentation. Divers articles prescrivent des mesures qui tendent à mettre les diverses banques en état de se contrôler mutuellement (par exemple, elles doivent toujours renvoyer à la banque d’origine les billets qui entrent dans leur caisse, soit pour se les faire rembourser, soit pour opérer un paiement). D’autres dispositions indiquent la nature des affaires auxquelles les banques peuvent se livrer. (Ce sont à peu près celles de la Banque de France, qui a servi de modèle sur plusieurs points.) Selon qu’il a été prévu par la loi allemande du 14 mars 1875, ratifiée par la loi prussienne du 27 mars suivant, la Banque de Prusse est devenue la Banque de l’Empire, qu’on pourrait aussi nommer la Banque centrale. La Banque de Prusse a dû être liquidée et la Banque de l’Empire constituée en même temps.

Il ne pourra être émis de billets inférieurs à 100 marks. La Banque de l’Empire est érigée en personne civile (établissement public), elle a son siége à Berlin, peut établir des succursales où elle le juge à propos, et doit en tous cas en créer dans les localités que le Conseil fédéral lui désignera (art. 13). Elle ne paie pas d’impôts généraux (mais les impositions communales) ; en revanche elle doit recevoir gratuitement des fonds d’État et faire, dans la limite de ces fonds, les paiements dont on la chargerait (art. 22). Le capital de la Banque est de 120 millions de marks en actions de 3,000 marks (art. 23). Le bénéfice net se répartit ainsi : les actionnaires commencent par prélever 4 1/2 p. cent ; de ce qui reste après ce prélèvement, 20 p. cent sont versés à un fonds de réserve jusqu’à ce que la somme totale de 30 millions est atteinte, et 80 p. cent sont partagés par moitié entre l’État et les actionnaires. Si le dividende dépasse 8 p. cent, l’État reçoit les 3/4 de l’excédant (art. 24). La direction de la Banque est entre les mains de fonctionnaires nommés par la Chancellerie impériale (art. 25-28), ses comptes sont révisés par la Cour des comptes (art. 29), mais un comité (conseil de la Banque) de 15 membres représente les actionnaires vis-à-vis de l’administration (art. 31). Le comité se réunit tous les mois, et on lui demande son avis sur un certain nombre d’objets sur lesquels il a voix consultative (gutachtlich). Quelques délégués du comité (censeurs) le représentent d’une manière permanente et exercent un contrôle plus intime. Les résultats en sont communiqués aux actionnaires en assemblée générale (art. 32).

Autres pays de l’Europe. La Banque privilégiée d’Autriche date de 1816, mais elle a subi de nombreuses modifications depuis cette époque. Elle a seule le droit d’émettre des billets, dont autrefois le montant devait être couvert par un encaisse du tiers si la circulation ne dépassait pas 330 millions de florins (2 fr. 50 c.) et par un encaisse de moitié jusqu’à 440 millions, maximum autorisé alors. La loi du 13 novembre 1868 a réduit le capital de la Banque à 90 millions, dont 80 millions ont été prêtés au Gouvernement, et l’émission pourra aller à l’avenir à 200 millions au delà de l’encaisse ; mais le Gouvernement nomme les directeurs sur la proposition du conseil de la Banque.

La loi italienne du 30 avril 1874 (et décret royal du 23 septembre suivant)reconnaît à six banques le droit d’émission, savoir : Banque nationale d’Italie, Banques de Naples, de Toscane, de Rome, de Sicile, et la Banque de crédit toscane pour l’industrie et le commerce d’Italie. Cette loi donne cours forcé à un milliard en billets, à fournir par ces banques à titre de prêts à l’État, qui paie 50 cent. p. cent d’intérêts dans les 4 premières années et ensuite 40 cent. p. cent, sous la réserve de l’impôt sur les valeurs mobilières. Les billets remis à l’État sont sur papier blanc, ceux émis par les banques, sur papier de couleur. Leur chiffre est limité. Nous renvoyons à la loi pour les détails, les dispositions n’en étant pas intéressantes au point de vue des principes, ce qui est d’ailleurs le cas pour la plupart des banques plus ou moins dépendantes de l’État, les règlements étant inspirés plutôt par les nécessités du fisc que par toute autre considération. La Suisse mérite que nous nous y arrêtions un moment. La législation sur les banques rentre dans les attributions cantonales. Il pourrait donc y avoir à la rigueur 25 législations ; mais un certain nombre de cantons, dont Genève, n’ont aucune loi sur cette matière ; chacun peut donc émettre des billets à ses risques et périls. Quatre cantons ont des banques d’État, auxquelles le droit d’émission a été réservé. Dans quelques cantons, les banques, fondées sous la forme des compagnies anonymes, ont besoin d’une autorisation, et généralement le gouvernement cantonal se réserve alors de régler l’émission des billets. On trouvera d’autres détails dans Max Wirth, Handbuch des Bankwissens (Cologne, Dumont-Schauberg, 1870), et dans sa Statistique de la Suisse (1874). Nous devons ajouter qu’on étudie en ce moment un projet de loi qui, s’il maintient la pluralité des banques d’émission, en restreint le montant au double capital.

États-Unis. La grande république américaine a passé par les législations les plus opposées, elle a même eu sa banque unique d’État ; mais au moment où la guerre de sécession éclata, les banques étaient libres, c’est-à-dire non limitées en nombre, toutefois les États qui les autorisaient pouvaient leur imposer certaines conditions. Le fait que les banques étaient réglementées par les États leur a valu la désignation de state-banks (banques des États). La guerre ayant causé la chute de quelques banques, le gouvernement central en profita pour émettre un emprunt sous une forme nouvelle. Il établit en 1863 (National currency act), et développa par les lois de 1864 et de 1865, un système de banques dites nationales qui furent tellement favorisées par l’impôt et par d’autres priviléges, que toutes les state-banks se transformèrent en national banks. Toute association d’au moins 5 personnes peut fonder une banque à responsabilité limitée ; son capital doit être d’au moins 50, ou 100, ou 200,000 dollars, selon le chiffre de la population du siége de la banque.

Au commencement des opérations, les directeurs de la banque remettent au contrôleur général de la circulation (fonction créée à cet effet) 30,000 dollars (ou seulement 1/3 des 50,000 dollars) en obligations de la dette fédérale. En échange de ces valeurs (qui ne sont acceptées que pour les 9/10 du cours), les directeurs reçoivent des billets en blanc, enregistrés et signés par un agent du Gouvernement, mais qui doivent encore recevoir la signature et le timbre de la banque qui l’émet. Les billets de toutes les banques se ressemblent donc, sauf la signature. L’ensemble de ces billets pour toute l’Union ne peut pas dépasser la somme de 300 millions de dollars (actuellement 350 millions). Chaque banque est tenue de rembourser à vue ses billets, ne serait-ce qu’avec des greenbacks (papier-monnaie de l’État). Si une banque manque à ce devoir, l’administration des finances vend une partie correspondante des obligations déposées en cautionnement et rachète les billets. Les billets de ces banques sont reçus pour leur valeur nominale dans la plupart des caisses de l’État, mais les particuliers ne sont pas tenus de les accepter.

Dans ces derniers temps, la législation sur les banques américaines a subi bien des modifications de détail, mais les bases de l’organisation ne semblent pas destinées à être changées de sitôt.

Maurice Block.

  1. En vertu de la loi du 9 janvier 1872, portant ratification de la convention additionnelle au traité de paix du 10 mai 1871, signée à Francfort le 11 décembre de la même année, la Banque a liquidé les trois succursales de Metz, Mulhouse et Strasbourg compris dans les territoires cédés à l’Allemagne.
  2. a, b, c, d, e, f et g Ancienne banque départementale réunie à la Banque de France par décret du 27 avril 1848.
  3. a et b Ancienne banque départementale réunie à la Banque de France par décret du 2 mai 1848.
  4. Nous avons dû omettre tous les ouvrages généraux sur les banques considérées au point de vue économique ; on en trouvera la liste au catalogue de la librairie Guillaumin et Cie.