Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle/Semblant 2

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2. SEMBLANT, sambl., sanl., saml., sanll., semblent, s. m., ressemblance, image, portrait :

De l’ymaige que la royne Candace fist faire ou samlant dou rois Alixandres. (Roum. d’Alix., p. 38, Somm., Le Clerc.)

En celui tens avint que ceaus de la cité de Sur, qui estoient eschapes de la main d’Alixandre s’en alerent en Perse et conterent a Daire coment il lor estoit avenu. Quant Daires les ot ois, si lor comanda que il deussent entaillier en une table de marbre le semblant d’Alixandre. (Le liv. dou roi Alix., Richel. 4385, fo 21d)

Or ce vieillard avoit tousjours esté
Par les Troyens en grande aucthorité.
En son semblant ce dieu guerrier se change.
Autour du front des cheveux blancs arrange.

(P. Rons., Œuv. Franc, I. I, p. 413, éd. 1584.)

— Physionomie, extérieur, mine, manière d’être :

Mais nan conurent sum vis ne sum semblant.

(S. Alex., str. 23e, xie s., Stengel.)

Denez m’en, sire, le bastun e le guant,
E jo irai al Sarazin Espan.
Sin vois vedeir alques de sun semblant...

(Rol., 268, Müller.)

Pleine est d’arbres de mainz semblanz
E de fluies riches e granz.

(Ben., D. de Norm., II, 6355, Michel.)

Quant Dos le vil si cruel et si fier,
Li cuers li mue, color prist a cangier.
Dont ne volsist q’il i fust envoies
Por tote France, qi li donast en fies :
El neporquaut sanllant fist grant e fier.

(Raimb., Ogier, 10022, Barrois.)

Bon sanlant li eussent fait.

(Sarrazin. Roman de Ham, p. 223, ap. Michel, D. de Norm.)

Ostes, je n’ai avoir ne denier monaé :
Por le magier, beaus sire, que vos m’aves doné.
Et por le bel semblant que vos m’avez motré,

(Parise, 1354, A. P.)

De la bonne dame vos di
Et de ses filles autresi


Qu’a Deu commandent le Galois ;
Mais mesire Durmars anchois
Les avoit a Deu commandées
El de lor semblans merciees.

(Durmars le Gallois, 9331, Stengel.)

Se de vos peusse avoir.
Dame, un pou plus beau semblant,
Je ne sauroie voloir
Querre Dieu merci si grant.

(Thib. IV de Champ., Chans., p. 25, Tarbé.)

Com malades fait lait sanlant,
Mais le cuer a liet et joiant.

(Couci. 6782, Crapelet.)

Sains Brandans vit un diable en semblent d’un enfant ethyopien. (S. Brandan, fragm., Arch. Doubs.)

Si demandât l’oust a peuple et l’estandart a capitle, et les dest que ch’estoit por aleir contre le duc de Brabant. Ilh li fut tantoist tout otriet, dont les maistres fisent lait semblant ; mains li capitle mist hours l’estandart et li peuple leur banires. (J. d’Outrem., Myreur des histors, VI, 528, Chron. belg.)

Monstrer un semblant amyable.

(Farce du Pont aux Asgnes. Anc. Th. fr., II, 37.)

Ung jour. la dame luy va faire meilleur semblant que jamais n’avoit faict. (Marg. d’Ang., Hept., 58, Jacob.)

Ces mots finis, demeure mon semblant
Triste, transi, tout terni, tout tremblant.

(Cl. Marot, Epist., p. 125, éd. 1596.)

Il ne luy monstra jamais aucun semblant mauvais d’havne ny de passion contre luy. (Brant., Cap. Fr., Franc. Ier, III, 147, Lalanne.)

— Avis, pensée :

E l’arcevesques lur dist de sun semblant :
Seignur barun, n’en alez mespensant !

(Rol., 1171, Müller.)

Asez dit Floovant paroles et samblanz.

(Floovant, 488, A. P.)

Demanda a monseigneur Guillaume de Biaumont son semblant. (Joinv., S. Louis, LXXXIII, § 428. Wailly. éd. 1874.)

Segnors, chen dist Gaufrey, or oes mon semblant,

(Gaufrey, 2363, A. P.)

Et Grifon le traître forment s’en aira ;
Mes son selon semblant moult durement chela,

(Ib., 3440.)

Et quant ainsi ot dit Catons a son semblant,
Par sa haute parole tretuit ont maintenant
Ausi grant volenté et ausi grant talant
De demorer o lui, com il oreut devant…

(Jacot de Forest, Rom. de J. Cés., ap. Constans, Chrestomat., p. 130, 2e éd.)

Et violt Jehans et otriie que cil testamenteur devant noumet paiient ses dettes devant toutes choses, et. apries, paiient et amendent trestous ses forfais a tous ceaus qui li saront a demander, come gens qui seront creavle, au sanlant des testamenteurs. (1290, C’est le fame Jehan de Kieurerne, Testam. chirog., Arch. Tournai.)

Je veiz venir, si je le sçay descrire.
Un grand troppeau de chevaulx et de gens.
Entre lesquelz un chariot branlant
Veiz riche et beau, au moins a mon sem-[blant.

(Gratian Dupont, Controverse des sexes.)

Être semblant de, sembler bon de :

Einsinc comme semblant leur sera de faire. (1352, Lett. du comte de Savoie, ap.


Guichenon, Hist. de la mais. de Savoie, II, 222.)

— Apparence, signification conservée :

Et, se ce n’est par la raison dessus dite, avenir puet que ce est l’Anemis, qui par le pechié des seignors et des nices qui sont pecheor, lor fait venir leur choses a profit en samblant de boneur. (Phil. de Nov., des .iiii. tenz d’aage d’ome, 208, A. T.)

J’ay des semblans tant que je veul.
Mais du sourplus il n’est nouvelle.
Car sur ma foy la bonne et belle
N’a pas le cueur tel comme l’œil.

(Rondeaux et poés. du xve s., p. 33, LXXI, A. T.)

Ce prince, du commencement estonné, ne scachant si a bon escient, ou petit semblant cette parole estoit proférée, fut aucunement a se repentir de ce voyage si hardy. (E. Pasq., Recherch., VIII, 27, éd. 1723.)

Faire semblant, avoir l’air :

Troilus les haeit davant.
Puis lor mostra et fist semblant
Qu’il li aveient fet tal chose
Dont li membra puis a grant pose

(Ben., Troie, ap. Constans, Chrestom., p. 110, 2e éd.)

Oez que fist li lions donques,
Il fist que frans et de bon eire.
Que il li comança a feire
Sanblant que a lui se randoît.

(Chrest., Cheval, au lion, ap. Constans, Chrestom., p. 141, 2e éd.)

Pour le doute de sen corps et pour les sanlans que lidis castellains faisoit de lui courre sus. (1308, Lett. de la comtesse de Hain., 2e cart, du Hain., fo 1 ro, Arch. Nord.)

Essayez par bons moyens et sans faire semblant qu’elle ne vienne point plus avant. (Louis XI, Lett. à Cadorat, Richel. 20489, fo 69.)

Ne movoir nul semblant, ne faire semblant de :

Ses nies le vail tout ades chastoiant
Que ja vers iaus ne meit nul semblant.

(Auberi, I, 23, Tobler.)

Faire semblant de… montrer, laisser voir, témoigner telle chose :

Sa suer puisnee, qui aussy avoit perdu, ne faisoit semblant de sa perte. (Liv. du cheval. de La Tour, ch. xiv, Bibl. elz.)

Celle qu’il menoit regardoit plus la grace et beaulté du dict seigneur d’Avannes, que la danse ou elle estoit, combien que, par sa grande prudence : elle n’en fist ung seul semblant. (Marg. d’Ang., Hept., XXVI, Jacob.)

La vieille, qui entendit bien que vouloyent dire ces paroles, n’en fit pas pourtant grand semblant. (Des Per., Nouv. récréat., Du procureur..., fo 34, éd. 1564.)

Et ne dy mot et les regarde
Faire leur faict, et fay le mien.
Ne faisant pas semblant de rien.

(J. A. de Baif, le Brave, III, 1, éd. 1573.)

Il se faut bien donner garde de luy en faire semblant, car cela nous osteroit le moyen de le cognoistre. (Urfé, Astrée, II, i, éd. 1612.)

Je vesquis depuis ce jour de ceste sorte avec elle, ne luy faisant jamais semblant de tout ce qui c’estoit passé, (Id., ib., II, xii.)

— Monstrer semblant, faire mine :

Gh’est U enens de Henan qui le fait procurât
Et qui de faire pais mult grant semblant mostrat

(J. des Preis, Geste de Liege, 12044, Chr. belg.)

— Par semblant, à ce qu’on voit, à ce qu’il semble, en apparence :

Trop leidemant le demenez.
Aussi le menez par sanblant
Coq s’il estoit repris anblant.

(Chrest., Erec, 4108, Foerster.)

Tybers se tourne, si s’arreste ;
Vers Renart a torné la teste,
Ses ongles va fort aguisant.
Bien s’appareille, par samblant,
Que forment se vouldra deffendre,
Se Renart li veult le doi tendre.

(Ren., Br. XV, 29, Martin.)

Or dit l’istoire que en icelle chambre, comme ou milieu, avoit ung pillier gros, large et espes par samblant, le quel estoit si ingénieusement fait et proprement qu’il estoit tout creux et vuide. (Garin de Monglane, ap. Constans, Chrestom., p. 55, 2e éd.)

Celle grosse ville, ou bien par samblant avoit sept mil maisons. (Froiss., Chron., IV, 166, Luce.)

Quant li rois Jehans vei ces lettres, et il les eut oy lire, il fu plus pensieus que devant ; mais par samblant il n’en list nul compte. (Id., ib., IV, 181.)

Mains ilh ardoit par semblant. (J. d’Outrem., Myreur des hist., IV, 58, Chron. belg.)

Ledit duc et luy… s’entrefaisoient bonne chiere par semblant. (N. Gilles, Ann., II, fo 41 vo, éd. 1492.)

— Par semblant que, de sorte que :

Ilh allumoit chandelles, puis les stindoit, et faisoit nuit par semblant c’on ne veoit li une l’autre. (J. d’Outrem., Myreur des hyst., I, 238, Chron. belg.)

— A semblant, à ce qu’il semble :

En cel an fut veue .i. estoile en ciel, a clere jour flammant, et ardit del heure de thierche jusques a nonne ; et astoit a semblant a .ii. piez près de solea. (J, d’Outrem., Myreur des histors, IV, 302, Chron. belg.)

Canada, à mon semblant, à ce qu’il me semble, à mon avis.