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Dictionnaire de la Bible/Grec biblique

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Letouzey et Ané (Volume IIIp. 311-312-331-332).

2. GREC BIBLIQUE. On appelle ainsi le grec de l’Ancien Testament et celui du Nouveau Testament. Le premier se compose 1o du grec post-classique parlé à l’époque de la traduction ou de la composition des livres de l’Ancien Testament et 2o d’un élément hébraïsant. Le second se compose 1o du grec post-classique parlé à l’époque où ont été écrits les livres du Nouveau Testament, 2o d’un élément hébraïsant et 3o d’un élément chrétien.

Ire Partie. — Histoire de la formation du grec biblique.

i. diffusion du dialecte attique.

1o Période alexandrine ou macédonienne.

Les conquêtes d’Alexandre, les guerres et les bouleversements politiques qui se produisent sous ses successeurs broient les petites nationalités grecques, mettent violemment en contact les Grecs et les Asiatiques (y compris les Égyptiens), établissent entre eux des rapports nécessaires et suivis, et détruisent leur esprit national, particulariste et exclusif. C’est alors que se produit la diffusion de l’hellénisme, civilisation et langue.

Avant Alexandre, il n’existe que des dialectes grecs, dont le principal est l’attique. Désormais, l’attique supplante peu à peu en Grèce les autres dialectes. Il suit les armes d’Alexandre et de ses successeurs et se répand partout avec l’hellénisme, même jusqu’aux frontières de l’Inde. Il s’introduit en Palestine, il fait une fortune brillante en Égypte, à Alexandrie. Il devient la langue des pays grecs et hellénisés, du monde gréco-oriental.

2o Période gréco-romaine.

Les Romains réduisent la Grèce en province sous le nom d’Achaïe en 146 avant J.-C. Es s’emparent aussi de l’Égypte et des pays hellénisés de l’Asie occidentale jusqu’en Mésopotamie.

L’attique se répand alors du côté de l’Occident, et prend pour ainsi dire possession de Rome ; il s’étend jusqu’en Espagne et en Gaule, grâce aux marchands, aux esclaves, etc.

ii. langue commune ou grec post-classique.

L’attique qui s’est répandu autour des rivages de la Méditerranée et plus ou moins dans l’intérieur des terres, en Orient et en Occident, a été appelé par les grammairiens du iie siècle « langue commune », ἡ κοινή, et « langue grecque », ἡ ἐλληνική. Les modernes l’appellent aussi « dialecte alexandrin » et « dialecte macédonien », parce qu’il appartient à la période alexandrine ou macédonienne. Mais alors, il ne faut le confondre ni avec le dialecte macédonien qu’on parlait en Macédoine avant Alexandre et que nous connaissons peu ; ni avec le dialecte alexandrin, c’est-à-dire avec la langue commune telle qu’elle était parlée à Alexandrie, modifiée par des particularités locales. Aujourd’hui, la « langue commune » est le plus souvent appelée « grec post-classique ».

L’attique, qui est devenu la langue commune, n’est pas l’attique littéraire des orateurs et des historiens d’Athènes, mais l’attique parlé par le peuple, soit à Athènes, soit le long des côtes européennes et asiatiques de la mer Égée. Il doit sa diffusion au commerce, à la navigation, aux guerres, aux expéditions, aux émigrations, aux colonisations, aux affaires politiques, en un mot aux mille rapports établis entre les hommes par les nécessités de la vie pratique. La langue commune est essentiellement la langue parlée, la langue familière et courante, écrite telle qu’on la parlait, et parfois la langue populaire. Elle est aussi, pendant les deux périodes alexandrine et gréco-romaine, une langue vivante, soumise aux influences intérieures et extérieures qui la modifient sans cesse.

iii. caractères de la langue commune.

Voici les principaux :

1o Formation de nombreux dérivés et composés ou surcomposés nouveaux, sous l’influence des idées latentes du langage et de l’analogie. Adoption de mots et formes dits poétiques ; de mots et formes empruntés aux dialectes mourants ; d’un petit contingent de mots étrangers, sémitiques, perses, égyptiens, latins, même celtiques. Modification dans la prononciation et l’orthographe. Variations dans le genre des noms, dans les flexions nominales et verbales avec une certaine tendance à l’uniformité. Disparition du duel, ainsi que de mots et formes dits classiques. — Modification du sens des mots et des expressions ; certains termes, ayant un sens général, en prennent un spécial, ou inversement ; d’anciens sens se perdent, pendant que de nouveaux s’attachent aux anciens mots ; le sens originel de la métaphore dans certains mots et certaines expressions est oublié. — La nature physique des pays où se parle maintenant la langue commune, les conditions nouvelles de la vie au milieu des développements de la civilisation, des changements politiques et sociaux, produisent de nouvelles idées, de nouvelles métaphores, par suite, de nouveaux mots et de nouvelles locutions. Les nouvelles idées religieuses, philosophiques, scientifiques, etc., amènent aussi de nouveaux termes, de nouvelles expressions, des sens nouveaux et surtout spéciaux donnés à d’anciens mots. — De nouveaux rapports s’établissent entre les mots et leurs compléments et produisent de nouvelles constructions. Les constructions analogiques ou équivalentes influent les unes sur les autres, ou bien permutent entre elles ; ainsi pour l’emploi des cas (avec ou sans préposition), des particules, des modes, des formes des propositions. — Parlée par la majorité du peuple, sur une étendue de pays considérable, la langue commune n’est soumise que très faiblement à l’influence des rhéteurs, des grammairiens, des lettrés ; elle tend à se charger de tours et de termes très familiers, populaires. — Quoiqu’elle fût la même partout, la langue commune présentait çà et là des particularités locales ; ainsi le grec des Hellènes d’Alexandrie. — Elle se distingue si bien du dialecte attique littéraire et des autres dialectes disparus, que les œuvres des poètes et des prosateurs classiques ont besoin d’être commentées. Alors naît la philologie grecque avec ses scholiastes, ses grammairiens, etc. — Les écrivains post-classiques qui veulent imiter alors les classiques forment une sorte d’école ; ce sont les atticistes.

2o La diction subit des changements essentiels. Le moule littéraire du dialecte attique est brisé. Ne cherchez plus ni les périodes bien liées, variées avec habileté, dont les parties se distribuent harmonieusement et se balancent dans un équilibre plein d’art et de grâce ; ni la mise en relief de l’idée principale autour de laquelle se groupent et se subordonnent les idées secondaires ; ni les nuances et les finesses de la pensée ; ni les métaphores, les comparaisons, les allusions des auteurs classiques ; ni les atticismes de la pensée et de l’expression. Langue de tous, écrite pour tous, la langue commune évite d’être périodique, synthétique, littéraire en un mot. Elle est familière, analytique, déliée dans ses constructions, aimant à exprimer les idées séparément plutôt qu’à les fondre ; elle vise avant tout à la clarté, à la simplicité, à la facilité. — Aussi, elle est internationale, employée par des peuples très différents, qui ne sont pas grecs, ni même européens, comme les Syriens, les Juifs d’Alexandrie et de Palestine. — Elle est universelle ; elle sert à tous, et pour tout ; souple et flexible, elle peut être employée par tous, elle peut exprimer toutes les idées nouvelles, même étrangères. — L’activité littéraire n’est plus cantonnée à Athènes ni même en Grèce ; elle se manifeste à Alexandrie, à Antioche, à Pergame, à Rhodes, à Rome, etc.

iv. les juifs hellénisants.

La connaissance et l’adoption de la langue grecque par les Juifs est un des résultats de la conquête macédonienne. — Pendant les périodes alexandrine et gréco-romaine, l’hellénisme et, avec lui, le grec s’introduisent ou tentent de s’introduire en Palestine. Des colonies grecques entourent la Palestine presque de tous côtés. Il s’en rencontre aussi dans l’intérieur de la province. Les cites grecques renfermaient alors une minorité de Juifs, comme des villes juives renfermaient une minorité de Grecs païens. Les différents maîtres étrangers de la Palestine y avaient introduit des éléments d’hellénisation, comme des magistrats d’éducation grecque, des lettrés et des rhéteurs grecs, des soldats mercenaires parlant grec. Hérode Ier avait à sa cour des lettrés grecs, comme le rhéteur Nicolas de Damas. Josèphe, Ant. jud., XVII, v, 4. Ajoutez les fêtes, les jeux, les gymnases, les représentations théâtrales en usage chez les Grecs ou les hellénisants de la province. Pour les grandes fêtes religieuses des Juifs, des étrangers hellénisants accouraient en foule à Jérusalem, ainsi que des milliers de Juifs, vivant à l’étranger et parlant grec. Beaucoup de ces Juifs émigrés revenaient terminer leurs jours à Jérusalem ou en Judée. Des relations, exigées par les nécessités de la vie pratique, par le commerce, par l’industrie, par le voisinage, s’établissaient entre l’élément juif et l’élément grec de la population juxtaposés. Ces causes réunies ont produit chez les Juifs de Palestine la connaissance de la langue grecque, mais une connaissance restreinte. Pour tous les détails qui précèdent, voir Éphébée, Gymnase, Hérode. — Beaucoup de Juifs palestiniens émigrent ; ce sont les Juifs de Dispersion. Voir Dispersion (Juifs de la), t. ii, col. 1441. Ils adoptent régulièrement la langue de leur nouveau pays. Les Juifs parlant grec, et ce sont les plus nombreux, sont dits hellénistes ou hellénisants, ἑλληνισταί, Act., vi, 1 ; ix, 29 (et cf. ἑλληνίζειν, « vivre comme les Grecs » ou « parler grec »), tandis que les Juifs appellent tous les païens parlant grec « les Grecs », οἱ Ἕλληνες. — Mais le grec parlé par les Juifs est un grec distinct, appelé « hellénistique » par Joseph Scaliger, Animadv. in Euseb., in-fo, Genève, 1609, p. 134. Au lieu de l’appeler « grec » ou « idiome hellénistique », mieux vaudrait dire « grec hébraïsant, langue grecque hébraïsante, langue judéo-grecque ». — Les Juifs lettrés, comme JoJosèphe et Philon, emploient la langue littéraire de leur époque, et non le grec hébraïsant ; ce que nous disons ici des Juifs hellénisants et de leur langue particulière ne s’applique pas à eux.

v. formation de l’idiome hellénistique.

Les Juifs lettrés savaient seuls l’hébreu. Pendant les périodes de temps qui nous occupent, la langue nationale des Juifs est l’araméen, qui diffère peu de l’hébreu pour la manière de penser et de s’exprimer. Aussi nous appliquons les qualificatifs d’hébraïque et d’hébraïsant aussi bien à l’araméen qu’à l’hébreu, lorsqu’il n’y a pas lieu de distinguer. À parler d’une manière générale, les premiers Juifs hellénisants de la Palestine ou de la Dispersion ont appris le grec par la conversation, par les rapports journaliers du commerce et de la vie pratique, auprès de la partie la plus nombreuse de la population parlant grec, mais la moins cultivée ; ils ont appris le grec parlé ou familier de la langue commune. Leur but immédiat était de comprendre les Grecs et de s’en faire comprendre. Ces Juifs continuaient longtemps encore de penser en hébreu ou à la manière hébraïsante, tout en apprenant le grec et en le parlant. Comme le génie de l’hébreu diffère essentiellement de celui du grec, le grec parlé par les Juifs se chargea de tant d’hébraïsmes et prit une couleur hébraïsante si marquée qu’il se distinguait complètement de la langue commune. C’est le grec hébraïsant. Les Juifs hellénisants le transmettaient à leurs enfants. Ils le transmettaient aussi aux émigrants juifs qui arrivaient sans cesse de Palestine ; ces derniers apprenaient le grec, surtout auprès de leurs frères juifs, avec qui ils entretenaient naturellement et les premiers rapports et les rapports les plus fréquents. Dès lors, le grec hébraïsant est une branche de la langue commune ; il est fixé définitivement comme langue parlée, propre à la race juive. Puis, quand les livres sacrés des juifs ont été traduits ou composés dans ce grec hébraïsant, il se trouve aussi fixé comme langue écrite. Les Juifs parlant grec habitaient des pays très différents et très éloignés les uns des autres. Mais leur idiome restait le même partout. Le fond de leur langue était la langue commune, la même partout, abstraction faite des particularités locales. L’influence de l’hébreu s’exerçait partout sur elle d’une manière identique. Enfin, l’influence des livres sacrés, qu’on lisait maintenant en grec, favorisait puissamment dans toute la Dispersion l’uniformité du grec hébraïsant parlé. À mesure que les années s’écoulaient, les Juifs entretenaient des rapports plus fréquents avec les Grecs de langue ; la dureté première du grec hébraïsant allait s’affaiblissant ; l’étrangeté de cette langue allait diminuant ; les Grecs pouvaient s’entretenir plus facilement avec les Juifs hellénisants et se familiariser eux-mêmes avec la pensée hébraïque et le grec hébraïsant.

IIe partie. — Ancien Testament grec ou Septante.

Ces deux appellations désignent tous les livres de l’Ancien Testament traduits ou composés en grec, protocanoniques et deutérocanoniques. Les Juifs de la Dispersion et de la Palestine se partagent au point de vue de la langue, pendant les périodes qui nous occupent, en trois catégories : ceux qui ne savent que l’araméen et l’hébreu ; ceux qui savent l’araméen et l’hébreu et le grec ; ceux qui ne savent que le grec. Les Juifs des deuxième et troisième catégories étaient les seuls qui pussent lire les livres composés en grec. Alexandrie fut, pendant la période alexandrine, le berceau de la littérature judéo-grecque. La population de cette ville comprenait alors trois éléments principaux : les colons et commerçants grecs et tout l’élément grec de la cour et des administrations ; les Égyptiens ou indigènes ; les colons et commerçants juifs. Ajoutez des colons et commerçants venus de toutes les parties du monde. Alexandrie était une ville cosmopolite. La colonie juive était nombreuse et puissante. C’est pour elle, en premier lieu, que l’on a traduit en grec les livres sacrés des Juifs. Les traducteurs ou auteurs des Septante montrent parfois une certaine culture grecque. Cependant, ils ne paraissent pas être des lettrés ; ils ne sont pas maîtres de la langue grecque, dont ils connaissent mal les règles traditionnelles. Ils sont ouverts d’avance et pleinement à l’influence de l’hébreu qui s’exerce puissamment sur leur langue. Les livres des Septante ont eu divers traducteurs ou auteurs, écrivant à de certains intervalles ; de plus, quelques livres ont pu être composés, non à Alexandrie, mais ailleurs ; une différence de main et de style se fait donc parfois sentir ; cependant, la langue reste essentiellement la même ; elle est le grec hébraïsant tel qu’on le parlait à Alexandrie, au sein de la communauté juive ; on y retrouve le grec post-classique de cette ville, avec des particularités locales et un énorme mélange d’hébraïsmes ; beaucoup de ces derniers devaient exister déjà dans la langue courante des Juifs alexandrins ; l’influence du texte hébreu a dû seulement en accroître le nombre ou la dureté.

i. élément grec ou post-classique dans les septante.

En principe, on regardera comme appartenant à la langue commune tout ce qui, d’un côté, s’écarte de la langue classique, et, d’un autre côté, n’est pas hébraïsant. Exemples :

1o Mots nouveaux et formes nouvelles (dialectales, alexandrines, populaires), ἀναθεματίζειν, ἐνωτίζεσθαι, ἔσθοντες, ἐλήμφθη.

2o Mots composés (directement ou par dérivation), ἀποπεμτόω, ἐϰτοϰίζειν, ὁλοϰαύτωσις, προσαποθνήσϰειν, προτοτοϰεύω, σϰηνοπηγία.

3o Flexions nominales. Au génitif Bαλλᾶς, Μωϋσῆ, Num., ix, 23 ; au datif, μαχαίρη, Exod., xv, 9 ; γήρει, Gen., xv, 15 ; à l’accusatif, ἃλω et ἃλωνα, Ruth, v, 6, 14.

4o Flexions verbales, ἐλεᾶν, Tob., xiii, 2 ; ἱστᾶν, II Reg., xxii, 34, et ἱστἀνω, Ézech., xxvii, 14 ; à l’imparfait, ἥγαν, II Reg., vi, 3 ; ἐϰρίνοσαν, Exod., xviii, 26 ; au futur, λιθοβοληθίσεται, ἐλάσω, ἀϰoύσω, φάγεσαι, Ps. cxxvii, 2 ; à l’aoriste, ἥλθαν, ἀπἐθαναν, ϰαθείλoσαν, Jos., viii, 29 ; ἥρoσαν, Jos., iii, 14 ; εἴπoσαν et εἴπαν, Ruth, iv, 11, et i, 10, ϰεϰράξαντες et ἐϰἐϰραξεν, Exod., xxii, 23, et Num., xi, 2 ; ἀνέσαισαν, optatif 3e pers. plur. de ἀνασείω, Gen., xlix, 9, ἔλθoισαν, Job, xviii, 9 ; au parfait, παρέστηϰαν, Is., v, 29.

5o Syntaxe : Emploi intransitif de certains verbes comme ϰατισχύω, Exod., vii, 13, ϰoρέννυμι, Deut., xxxi, 20 ; ϰαταπαύω, Exod., xxxi, 18. Point de duel. Après un collectif singulier, les mots qui s’y rapportent immédiatement s’accordent ad sensum ; mais dans la suite de la phrase le verbe est au pluriel. Les particules adverbiales de mouvement peuvent être remplacées par celles du repos. La particule d’indétermination est ἐάν ; elle se joint aux relatifs (ὅς, ὅστις, ὅπoυ, ἡνίϰα, etc.) pour marquer que le sens du relatif ou la fréquence de l’acte sont indéterminés ; dans le second de ces emplois, on la trouvera avec les temps de l’indicatif. Exod., xvi, 3 ; xxiii, 9. Beaucoup de pronoms sujets ou compléments. Les particules de subordination sont moins nombreuses et moins employées qu’en grec classique ; la langue familière ne peut se parler en liant des périodes. Emploi extrêmement fréquent de l’infinitif avec ou sans article (τοῦ par exemple). Le style indirect est régulièrement écarté sous toutes ses formes, et, par suite, sous celle de l’optatif oblique. Extension de l’emploi du participe au génitif absolu. La construction du verbe avec son complément peut changer, comme avec πoλεμεῖν, Exod., xiv, 25, ἐξελθεῖν, Num., xxxv, 26. Tendance à employer une préposition entre le verbe et le complément, etc.

ii. élément hébraïsant des septante.

L’hébreu est une langue essentiellement simple, familière et populaire, un peu primitive même et rudimentaire, par comparaison avec le grec classique. En écrivant, le Juif ne forme pas de périodes ; il ne subordonne pas les idées, il ne les groupe pas et ne les fond pas en un tout en les synthétisant. Pour lui, les idées sont toutes égales et prennent place sur la même ligne, les unes à la suite des autres ; les propositions se suivent tantôt sans être liées et tantôt en étant liées par une particule spéciale appelée « vav consécutif ». La fonction de cette particule ne consiste pas seulement à lier grammaticalement la phrase qui suit avec celle qui précède, mais encore à indiquer qu’il existe entre les deux un rapport logique : de causalité, de finalité, de condition, de comparaison, de conséquence, de simultanéité, de postériorité et d’antériorité, et même de manière, etc. Voir Hébraïque (Langue). Dans le grec des Septante, le vav consécutif est rendu en général par ϰαὶ.

— De là la multitude de petites phrases et de fragments de phrases que nous offrent les Septante ; la multitude innombrable des ϰαὶ qui encombrent les pages de ce livre ; l’insuccès des essais de périodes que l’on y rencontre et le désordre assez fréquent de ces périodes ; l’embarras que l’on éprouve au premier abord devant cette manière d’exprimer la pensée, ainsi que pour saisir la valeur nouvelle de la particule ϰαὶ.

— Tel est le mécanisme élémentaire et fondamental de l’hébreu et du grec biblique. On s’explique dès lors l’allure générale de ces deux langues.

— Si l’on compare la période artistique des auteurs classiques avec les phrases des auteurs qui emploient cette langue familière, il semble que la période grecque ait été démembrée, désarticulée, pour être réduite à ses éléments disposés séparément. Cette formation du grec post-classique, familière, à tendance analytique, était la condition nécessaire pour que le grec pût se rapprocher de l’hébreu, se plier à la pensée juive, et recevoir d’elle un moulage en partie étranger, tandis que l’attique littéraire y aurait été rebelle. Cette condition remplie, le judaïsme a pu s’approprier le grec, et alors s’est produite la fusion de ces deux langues d’un génie absolument différent, ou, pour mieux dire, l’infusion de la pensée, de l'âme juive, dans un corps grec qu’elle a façonné pour elle par un travail intérieur, très profond et très étendu.

— Deux exemples feront toucher du doigt la transformation du grec sous l’influence de l’hébreu d’après ce qui vient d'être dit : Jud., xiii, 10 : ϰαὶ ἐτάχυνεν ἡ γύνη ϰαὶ ἔδραμεν ϰαὶ ἀναγγειλεν ϰτλ., littéralement, suivant le génie de l’hébreu : « et la femme se hâta et elle courut et elle annonça, » tandis que le génie du grec aurait demandé : ταχέως δὲ ἡ γυνὴ δραμοῦσα ἀνήγγειλεν, « vite la femme courut annoncer ; » III Reg., xii, 6 : πῶς ὑμεῖς βουλεύεστε ϰαὶ ἀποκριθῶ τῷ λαῷ τούτῷ λόγον ; littéralement : « Comment conseillez-vous et vais-je répondre une parole à ce peuple ? » tandis qu’on devrait avoir : πῶς ὑμεῖς βουλεύεστέ μοι ἀποκριθῶ τῷ λαῷ τούτῷ ; « comment me conseillez-vous de répondre à ce peuple ? »

iii. caractères du grec hébraïsant dans les septante.

Le Juif, en écrivant, suit sa pensée beaucoup plus que les règles de la grammaire, qu’il connaît peu. De là, par exemple : lorsque la phrase commence par une construction périodique, cette tournure tend à se briser, ou l’accord grammatical à cesser. La phrase revient alors à la construction indépendante, plus facile, avec de courtes propositions. Lev., xiii, 31 ; Deut., vii, 1-2 ; xxiv, 1-4 ; xxx, 1-3 ; Is., xxxiii, 20.

— Le Juif aime à ajouter une explication, l’explication se relie facilement avec ce qui précède au point de vue logique ; grammaticalement, elle s’accorde ou ne s’accorde pas, ou s’accorde comme elle le peut.

— Le grec biblique contient une multitude d’accidents de syntaxe : appositions ou juxtapositions indépendantes, changements de nombre, de personne, de genre, de temps et de mode ; répétitions et suppressions de certains mots ou d’une partie de la proposition ; accords bizarres ; absences d’accord, etc.

— Les interruptions dans le développement régulier de la phrase et dans l’accord grammatical peuvent correspondre à des pauses ; les parties ainsi détachées reçoivent un accent oratoire ou se rapprochent de l’exclamation et de la parenthèse, et tendent à devenir indépendantes. Gen., vii, 4 ; IV Reg., x, 29 ; Ps. xxvi, 4.

— Le Juif aime à renforcer l’affirmation. On trouvera souvent : le ton interrogatif employé pour affirmer (et nier) plus vivement, IV Reg., viii, 24 ; les expressions : « tout le peuple, tout Israël, tout le pays, personne, pas un seul, » au sens de l’affirmation renforcée et exagérée.

— Le Juif, comme tous les Orientaux, emploie les métaphores les plus extraordinaires. Gen., ix, 5 ; Lev., x, 11 ; Ruth, i, 7.

— Le Juif aime à rapporter directement les paroles d’autrui.

— Les cas n’existent pas à proprement parler en hébreu. Par imitation de la construction hébraïque, quand deux noms se suivent dont le second complète le premier, on trouvera, dans les Septante, par exemple : ϰαταϰλυσμον ὕδωρ. De plus, l’hébreu marque fréquemment la relation entre le verbe et le complément au moyen d’une préposition ou d’une locution prépositive ; les Septante imitent souvent cet usage. Gen., vi, 7 ; Is., xxiii, 20 ; Jonas, i ; iv, 2, 5, 6, 8, 10, 11.

— Le Juif aime à considérer l’acte comme accompli ou s’accomplissant, à le représenter comme réel, et à l'affirmer. De là la facilité à concevoir l’acte futur comme accompli déjà ou comme s’accomplissant, Lev., v, 1, 10 ; xiii, 31 ; de là le mélange des temps passé, présent et futur dans les prophéties. De là l’emploi du participe présent, qui montre l’acte comme s’accomplissant.

— Les modes grecs ne correspondent pas à ceux de l’hébreu, et le Juif ne pense pas comme le Grec ; plusieurs des modes grecs étaient difficiles à manier pour le Juif. Certains modes deviendront rares, comme l’optatif avec ou sans ἄν, sauf pour le souhait ; comme l’impératif et le subjonctif parfait, et même le participe futur, etc.

— Pour le Juif, la parole et la pensée ne font qu’un. « Penser » suppose qu’on a parlé et avec soi et avec d’autres ; « parler » peut signifier que l’on n’a parlé qu’avec soi-même, qu’on a seulement pensé. Le Juif n'établit pas, comme le Grec lettré, une différence nette entre les verbes du sens de « croire, penser, percevoir, dire ».

— Les Septante ont été souvent contraints de transporter en grec des mots, des expressions, des constructions purement hébraïques, quand ils ne connaissaient pas d'équivalent en grec. Mais ils considéraient aussi leur texte comme la parole même de Dieu ; ce respect pour le texte matériel favorisait encore, même à leur insu, les hébraïsmes littéraux.

— Les doctrines théologiques des Juifs, leurs idées morales, leurs sentiments de piété sont exprimés pour la première fois en grec dans les Septante. La langue en reçoit une physionomie toute nouvelle, tout à fait étrangère.

— Il n’est pas une page des Septante qui ne présente des hébraïsmes ; cependant, certains livres sont moins hébraïsants que d’autres ; ainsi la version de Daniel par Théodotion, le second livre des Machabées, la Sagesse, ces deux derniers écrits en grec, etc.

— Le grec des Septante prend avec la syntaxe grecque un nombre considérable de libertés ; néanmoins, il règne dans ce livre une uniformité de pensées, de style, d’expression, qui touche à la monotonie. Mais quand on s’est familiarisé avec ce grec particulier, il produit une impression profonde, toute particulière, qui doit provenir du fond.

— De prime abord, le grec des Septante, fond et forme, devait être à peu près inintelligible, même pour un Grec lettré, instruit.

iv. exemples du grec hébraïsant des septante.

1o Idées religieuses juives : Kύριος, « Dieu, le Seigneur maître du monde ; » κτίζειν et ποιεῖν, « créer ; » πνεῦμα, « l’esprit ou l’inspiration de Dieu qui possède l’homme inspiré, l’instruit ou le conduit ; » δικαιοσύνη, « la justification » théologique ; χάρις « la grâce divine ; » τὰ μάταια, τὰ μὴ ὄντα, « les idoles, les dieux qui n’existent pas. »

2o Sens juif de mots grecs : σάκκος, Gen., xxxvii, 53, « habit de deuil ; » ἄρτος, ἄρτοι, Ruth, i, 6, « des vivres, de quoi manger ; » τὸ ρῆμα, Ruth, iii, 18, « la chose, l’affaire ; » σκεῦος, Deut., i, 41 ; xxii, 5 ; Is., liv, 16, « un vêtement, un instrument, une arme ; » διδόναι, Deut., xxvii, 1 ; Num, xiv, 4, « établir, constituer, — rendre tel ou tel. » —
3o Métaphores juives  : ἐπέσκεπται Κύριος τὸν λαὸν αὐτοῦ δοῦναι αὐτοῖς ἄρτους, Ruth, i, 6, ="le Seigneur a favorisé son peuple de manière à lui donner de quoi vivre ; " εὕροιτε ἀνάπαυσιν, Ruth, i, 9, « le repos, = la vie tranquille et sûre ; » γένοιτο ὁ μισθός σου πλήρης παρὰ Κυρίου θεοῦ Ἰσραήλ, πρὸς ὃν ἦλθες πεποιθέναι ὑπὸ τὰς πτέρυγας αὐτοῦ, Ruth, ii, 12, ="s’abriter sous sa protection ; " ἐx χειρὸς πάντων τῶν θηρίων ἐκζητήσω αὐτό, Gen., ix, 5, et ἐλάλησεν Κύριος πρὸς αὐτοὺς διὰ χειρός Μωϋσñ, où les locutions métaphoriques avec χειρός sont de simples locutions prépositives, le sens de χειρός étant oublié ; ἐκ χειρός = ἐκ, « de, de la part de, » et διὰ χειρός = διὰ, « par l’intermédiaire de. » —
4o Mots hébreu : σάββατον, οἶφί, κόνδυ, βαάλ. —
5o Expressions hébraïques : εὑρίσκειν χάριν ; καὶ ἰδού ; καὶ ἔσται ; καὶ ἐγένετο ; τάδε ποιήσαι μοι Κύριος καὶ τάδε προσθείη, Ruth, i, 17 ; ἀναστῆσαι τὸ ὄνομα τοῦ τεθνηκότος, Ruth, , 5 ; ἐχθὲς καὶ τρίτης, Ruth, ii, 11, = « auparavant, jusqu’à présent ; » ζῇ κύριος, formule de serment ; ἐπορεύθη ἐν πάσῃ ὁδῷ Ἰεροβοάμ, III Reg., xvi, 26, — « il imita tout ce qu’avait fait… ; » ἐν βιβλίῳ λόγων τῶν ἡμερῶν τῶν βασιλέων, III Reg., xvi, 28d, —
6o Nominatif où accusatif absolus placés en tête : Lev., xxii, 14 ; Num., xx, 5 ; Is., xx, 17, —
7o Féminin avec la valeur du neutre pour désigner des choses. Exod., xiv, 31 ; Num., xix, 2 ; Jud., xix, 30 ; III Reg., xii, 8, 43 ; Ps. xxvi, 24 ; Is., xlvii, 12 ; Ezech., xxiii, 21. —
8o Sens du comparatif et du superlatif, δεδικαίωται Θαμάρ ἢ ἐγώ, Gen., xxxviii, 26, avec = « plus que » ; ἔθνη μέγαλα καὶ ἰσχυρότερα μᾶλλον ἣ ὑμεῖς, Deut., ix, 1 ; τὸ δὲ ὕδωρ ἐπεκράτει σφόδρα σφοδρῶς. Gen., vii, 19. —
9o Mot relatif, à compléter avec le pronom personnel qui suit le verbe : οἷς εἶπεν αὐτοῖς ὃ Θεὸς ἐξαγαγεῖν, Exod., vi, 26, en réunissant οἷς et αὐτοῖς, = οἷς seul ; τὴν ὁδὸν δι’ἧς ἀναβησόμεθα ἐν αὐτῇ, Deut., i, 2, en réunissant δι’ἧς et ἐν αὐτῇ, = δι’ἧς seul ou ἐν ᾗ seul. —
10o Multitude de prépositions et locutions prépositives : γίνεσθαι ὀπίσω τινός, III Reg., xvi, 21, « être du parti de, suivre ; » ἐκτήσατη… ἐν δύο ταλάντων, III Reg., xvi, 24 ; ἔσονται ὑμῖν εἰς ἄνδρας, Ruth, i, 11 ; ἐλάλησας ἐπὶ καρδίαν τῆς δούλης σου, Ruth, ii, 13 ; ἀνὰ μέσον τῶν δραγμάτων συλλεγέτω, Ruth, ii, 15 ; ὅσα ἐὰν εἴπῃς ποιήσω, Ruth, iii, 5, et, au verset suivant, ἐποίησεν κατὰ πάντα ὅσα ἐνετείλατο. —
11o Verbe grec avec sens causatif de l’hiphil : ἐβασίλευσεν τὸν Σαούλ, « il avait fait devenir roi ; » ὃς ἐξήμαρτεν τὸν Ἰσραήλ, IV Reg., iii, 3, « qui avait fait pécher. » —
12o Interrogation et serment avec εἶ : εἶ γεύσεται ὁ δοῦλός σου ἔτι ὃ φάγομαι ἢ πίομαι ; II Reg. xix, 85, Et : ὥμοσα αὐτῷ ἐν κυρίῳ λέγων Εἰ θανατώσω σε ἐν ρομφαίᾳ, II Reg., ii, 8, = « je lui ai juré par le Seigneur de le tuer d’un coup d’épée. » —
13o Proposition conditionnelle, avec la proposition principale introduite par καὶ : ἐὰν δὲ προσήλυτος ἐν ὑμῖν γένηται… καὶ ποιήσαι. Num., xv, 44 ; cf. Ruth, ii, 9.

IIIe Partie. — Grec du Nouveau Testament.

« Les Romains, dit M. Droysen dans son Histoire de l’hellénisme, t. ii, p. 774, ne sont pas parvenus, là où ils

rencontraient des civilisations déjà affinées, à imposer leur idiome avec leur domination, au lien que l’hellénisation paraissait s’implanter sur le sol d’une façon d’autant plus décisive que les peuples auxquels elle s’attaquait étaient à un degré de civilisation plus élevé. » En effet, la Grèce réduite en province romaine et les pays hellénisés conquis par Rome ont conservé leur langue, qui s’est même répandue chez leurs vainqueurs. C’est que le grec était plus facile, plus riche, et beaucoup plus connu et parlé que le latin, quand il s’est rencontré avec ce dernier. Aussi, dans la seconde moitié du Ier siècle de notre ère, quand la prédication chrétienne s’établit dans le monde gréco-romain, elle parle le grec post-classique du monde gréco-romain, mais un grec hébraïsant, et qui exprime pour la première fois les idées chrétiennes ; d’où les trois éléments de sa langue : grec, hébraïsant et chrétien.

I. ÉLÉMENT GREC OU GREC POST-CLASSIQUE DANS LE NOUVEAU TESTAMENT.

Ce que nous avons dit de l’élément grec dans les Septante s’applique aussi à cet élément dans le Nouveau Testament, sauf exception, s’il y a lieu.

1o Vocabulaire.

Le lexique du Nouveau Testament compte en chiffre rond 5500 mots : mots (et formes) classiques, un peu plus de 3000 ; mots (et formes) non classiques ou post-classiques, avec les mots prenant un sens nouveau, plus de 2000. Les seconds se décomposent ainsi :
1o mots et formes des anciens dialectes ;
2o mots et formes dits poétiques, qui ont toujours existé dans la langue parlée, mais que les poètes seuls avaient employés jusqu’alors ;
3o mots et formes paraissant spécialement populaires, très peu ;
4o mots et formes post-classiques, propres à la « langue commune », très nombreux ;
5o mots et formes paraissant propres au Nouveau Testament ;
6o mots étrangers ;
7o mots classiques ayant pris un sens nouveau ; mots grecs ayant pris une signification étrangère, purement juive par exemple.
La plupart des mots post-classiques sont dérivés ou composés de mots classiques. Beaucoup se rencontrent déjà dans les Septante. On trouvera tous les exemples dans les lexiques et Les grammaires du Nouveau Testament. En voici quelques-uns : γογγύζω, ρήσσω, πλημμύρης, συνειδυίης sont ioniens, et, d’ailleurs, l’élément grec des côtes méditerranéennes de l’Asie-Mineure paraît avoir joué un rôle important dans la langue commune ; ἵλεως est attique ; πιάζω, κλίβανος sont doriens ; κράβαττος, παρεμβολή (camp), ρύμη (rue) paraissent proprement macédoniens ; ἑώρακαν, τετήρηκαν paraissent des formes propres à Alexandrie ; βουνός est d’origine cyrénaïque ; εἰπόν est syracusain ; ἐνβριμᾶσθαι se trouve une fois, dans Eschyle ; les formes, apocopées Ζηνᾶς, Δημᾶς, sont populaires ; ἐπίβλημα, εὐκαιρεῖν, καταφέρεσθαι, οἰκοδεσπότης, οἰκιακός, παρεκτός, ἀποκαταλλάσσειν sont post-classiques ; ἐνκακεῖν, ἀποκαραδοκία, ἐπιδιορθοῦν (aussi sur une inscription) sont propres au Nouveau Testament ; sens nouveaux de mots grecs : χρηματίζειν, « recevoir un nom, » ὀψάριον, « poisson, » περιέχειν, « se trouver, » συναέρειν, « compter avec quelqu’un. »

2o Syntaxe.

Les expressions et constructions traditionnelles, qui forment l’ossature de la langue, restent dans le Nouveau Testament, surtout si elles sont claires, simples, faciles. Mais d’autres constructions, familières et faciles, y apparaissent aussi. On les trouvera recueillies dans les grammaires complètes du Nouveau Testament. En voici quelques exemples :
Tendance à unifier les flexions, διδῶ, ἀφίω, οἶδα οἴδαμεν, στήκω, ὁρέων πλοός, νοός. —
Locutions populaires : εἷς ἕκαστος, εἷς καθ’εἷς. —
Sujet partitif du verbe, συνῆλθον δὲ καὶ τῶν μαθητῶν, Act., xxi, 16 ; cf. Joa., xvi, 17. —
Relation particulière établie entre un verbe et son complément : comme l’emploi de εἷς avec l’accusatif ou de ἐν avec le datif, pour le repos dans un lieu ou le mouvement ; comme les constructions de πιστεύειν avec ses compléments, comme κρατεῖν τῆς χειρός, Matth., ix, 25, et κρατεῖν τοὺς πόδας, Matth., xxviii, 9, comme μνημονεύειν τι et τινός, I Thes., i, 3 ; II, 9, comme οἱ χρώμενοι τὸν κόσμον. I Cor., vii 31. —
Ὄφελον, particule invariable pour le souhait irréalisable. Ἄφες, ἄφετε, sorte de verbes circonstanciels avec le sens du français « laissez que, permettez que ». —
L’interrogation directe est introduite par τί ὅτι, ὅτι, ποταπός, etc., ou bien ne prend aucune particule, comme dans la conversation. Λαλεῖν est assimilé à λέγειν et εἰπεῖν ; δείκνυμι, δηλῶ, φανερῶ (= φαίνω) prennent ὅτι. —
La proposition finale avec ἵνα devient envahissante ; elle peut n’être qu’une seule périphrase (analytique) de l’infinitif et lui être coordonnée, comme ἐδόθη αὐτῷ λαβεῖν τὴν εἰρήνην… καὶ ἵνα ἀλλήλους σφάξωσι. Apoc., vi, 4. —

L’indicatif futur et l’aoriste du subjonctif sont regardés comme des équivalents et permutent ; on trouvera le futur après èiv ou une autre particule combinée avec « v, et le subjonctif aoriste après eî ou une autre particule sans av ou èiv. — Beaucoup de participes sont au génitif absolu ou même indépendants, qui auraient dû être fondus dans la construction. Mais bien des constructions de la langue familière employées dans le Nouveau Testament se rencontrent aussi chez les écrivains profanes post-classiques. D’autres constructions, qui appartiennent par nature à la langue familière et se rencontrent pour la première fois dans le Nouveau Testament, sont dites nouvelles ; de fait, la plupart d’entre elles, au moins, devaient être en usage dans la langue familière de l’époque, et particulièrement dans celle des Juifs de la Dispersion. Le grec post-classique, en continuant d’évoluer, est devenu le grec chrétien et le grec byzantin’; parfois, des formes et des constructions du Nouveau Testament trouvent des analogies et des confirmations dans le grec postérieur, chrétien, byzantin, moderne, plutôt que dans le grec classique.

II. ÉLÉMENT LATIN DU GREC POST-CLASSIQUE DANS LE

nouveau testament. — Cet élément n’existe pas chez les Septante, antérieurs à la conquête romaine en Egypte et en Palestine, mais existe dans le Nouveau Testament. Quelques-uns des auteurs du Nouveau Testament se sont trouvés en contact avec dés Latins, à Rome ou dans les provinces. De fait, l’élément latin du Nouveau Testament, d’ailleurs très restreint, existait déjà dans la langue grecque familière de l’époque et dans le grec hébraïsant des Juifs de là Dispersion ; C’est surtout à leurs contemporains parlant grec que les auteurs du Nouveau Testament ont emprunté : des mots comme 5r]vàpiov, xev-cupfwv, xt|V<70{, xoXtovia, xoucrTwSfa, xoSpctvmç, X-eyeûv, XévTiov, ), iëepTÏvoi, <pçnxyOû>, etc. ; des expressions comme ptofiatorC « en latin », xô Exavôv X.a[Lëâvstv, îxavbv jtotsïv xtvÉ, <7U[jiëoiiXiov X. « 6sïv, etc. Notons psêrj, mot celtique latinisé et ensuite grécisé. Voir P. Viereck, Sermo grmcus quo senatus populusque romanw… usi sunt examinatur, in-4°, Gœttingue, 1888 ; F. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes archéologiques, 2e édit., 1896, p. 13-14. — Le Nouveau Testament est une source bien supérieure aux Septante pour la connaissance du grec post-classique. Les auteurs de ce livre savent la langue commune beaucoup mieux que les Septante, et ils en ont plus l’habitude ; ils pensent et composent en grec, plus ou moins correctement, mais plus librement que les Septante, constamment influencés et gênés par le texte hébreu qu’ils traduisaient. Les particularités du lexique, de la morphologie et de la syntaxe du Nouveau Testament constituent les caractères positifs de sa langue. Les mots nouveaux, les sens nouveaux, les formes nouvelles, les constructions nouvelles, même populaires, constituent les gains de cette langue.

111. LA LANGUE LITTÉRAIRE DANS LE GREC DU NOUVEAU

testament. — Elle y est représentée, pour le lexique et la syntaxe, par un assez grand nombre de vestiges, particulièrement dans saint Luc et saint Paul, dont le premier était d’Antioche et le second de Tarse, deux villes pleines de l’hellénisme pendant les périodes alexandrine et gréco-romaine. Ces vestiges sont recueillis dans les grammaires complètes du grec du Nouveau Testament. Voici quelques exemples : o-Jv, plus fréquent (dans saint Luc et saint Paul) que (letâ ; è-ptaX.eïv (saint Luc et saint Paul), au lieu de xocnrropeïv, « accuser ; ti Ç^ty)[mi (Act.), « objet de recherches et de discussion ; » jièv oîv ; [tév et 8s, pour distribuer la phrase en deux parties équilibrées, surtout dans saint Luc et saint Paul, y compris l’Epitre aux Hébreux ; iatioi, au lieu de ot’êant ; oi rap’i naOXov, Act., xiii, 13, « Paul et ses compagnons ; » emploi approprié des verbes simples et de leurs composés ; emploi correct du parfait, ainsi que de l’optatif potentiel et oblique (dans saint Luc) ; interrogation ou

DICT. DE LA D1BI.E

exclamation double (Jac, iii, 5) ; emploi de la proposition infinitive après les verbes du sens de déclarer, et du participe après les verbes de perception ; emploi de Srcwe av (dans saint Luc et saint Paul) ; emploi de constructions synthétiques du sujet et de l’attribut, etc. Mais beaucoup de mots, de locutions et de tours, très littéraires, sont abandonnés ou tendent à l’être ; ainsi : l’optatif, comme mode dépendant ou indépendant, en.dehors du souhait ; plusieurs interrogations fondues en une seule ; les formes enfermant une idée de duel comme sxarepoc, Tcdrepoc ; ôthoç ; orctoç et 6’tkoç >.t avec le futur ; le participe causal avec are, ofôv, oî « , et l’infinitif causal avec iizt tû après les verbes de sentiment ; le comparatif suivi de $ &rm et autres constructions analogues ; lapériode conditionnelle avec l’optatif pour la simple possibilité et plusieurs formes de la période concessive ; en un mot, les constructions et les tours trop synthétiques, difficiles ou délicats à manier, ou trop abstraits, ou demandant un certain travail d’élaboration, de combinaison et de polissage. Les mots, formes, locutions, constructions de la langue littéraire, abandonnés ou tendant à être abandonnés dans le Nouveau Testament, constituent les caractères négatifs de la langue de ce livre et les pertes de cette langue.

IV. RÉPARTITION DE L’ÉLÉMENT GREC (LANGUE LITTÉ-RAIRE ) DANS LE NOUVEAU TESTAMENT. — L’élément grec est inégalement réparti entre les livres du Nouveau Testament, soit pour la quantité, soit pour la qualité. Au premier rang viennent l’Épitre aux Hébreux, les Actes, l’Épitre de saint Jacques : au dernier, l’Apocalypse ; à un rang moyen les autres livres, avec quelques degrés de différence entre eux. La langue des deux ouvrages de saint Luc présente le même contraste ; d’un côté, une correction recherchée et des tours littéraires, dans la narration par exemple, et surtout dans les Actes ; de l’autre, les constructions les plus embarrassées, les hébraïsmes les plus rudes ou une couleur hébraïsante épaisse, principalement dans les discours ou les récits qui ont dû être rapportés en araméen ou en grec aramaïsant. Enfin la langue présente entre saint Paul et saint Luc beaucoup de points de ressemblance, qui donneraient lieu à beaucoup de rapprochements de détail.

7. ÉLÉMENT BÉBRAÏSANT DANS LE NOUVEAU TESTAMENT

— Ce que nous avons dit de l’élément hébraïsant dans les Septante s’applique aussi à cet élément dans le Nouveau Testament, sauf exception. Jésus-Christ et ses Apôtres avaient pour langue maternelle Taraméen, et, comme ils vivaient à la campagne, leur araméen était plus rude que celui des lettrés des villes et particulièrement de Jérusalem. Tous les auteurs du Nouveau Testament, même saint Paul et saint Luc, nés hors de la Palestine, ont subi l’influence hébraïsante et introduit dans leurs écrits un élément hébraïsant. Aux aramaïsmes il faut joindre les rabbinismes, c’est-à-dire certaines expressions en usage dans les écoles et dans la bouche des rabbins ou docteurs de la loi. Les hébraïsmes du Nouveau Testament sont : parfaits ou complets, quand ils n’ont rien de grec ; imparfaits, incomplets ou partiels, quand ils présentent quelque chose de grec. On trouvera tous les hébraïsmes du Nouveau Testament dans les lexiques et les grammaires du Nouveau Testameûï’et dans les traités spéciaux qui leur sont consacrés. Voici des exemples : I. Mots. — 1° Mots hébreux fléchis ou non, àéaS&ôv, féevva, àprp, naTâv et (ratavâç ;

— 2° Sens hébraïsant donné à un mot grec, Oâvaxoç, « destruction, peste ; » xaxia, « peine, travail ; » à 5t<xëoX.oç, « l’accusateur, le dénonciateur » (en parlant de Satan) ; t) 6 « Xa<Nra, « le lac, ; » à âSrjî, « les enfers » (au sens du Se’ôl hébreu) ; xo >i : oZiyiov, « l’âne ; » eîç, « premier ; » — 3° Métaphores hébraïsantes dans le goût juif, nipS *a <x ?[ia, = « l’homme considéré dans sa nature faible et impuissante ; » itXarjvGiv tïiv xapSc’av, « élargir son cœur = entourer de sa tendresse ; » <nù.ai III - Il χνἰζόμαι, = « je suis ému de compassion, » et σπλάγχνα « l’affection, la tendresse ; » τὰς ὁδούς μου ἐν Χριστῷ, « ma méthode et ma manière d’agir ; » στηρέζειν τὸ πρόσωπον αὐτοῦ τοῦ πορεύεσθαι, = « se déterminer à se rendre ; » πορεύεσθαι et περιπατεῖν, = « se conduire, vivre, agir. » Mais beaucoup d’expressions figurées sont le bien commun de toutes les langues, parce qu’elles naissent spontanément dans l’esprit des hommes, comme « le sommeil de la mort, avoir soif de vengeance, dévorer son bien ». La prose la plus ordinaire contient ces figures. Lorsqu’on en trouve dans le Nouveau-Testament, on doit supposer a priori qu’elles sont hébraïsantes, comme πίνειν τὸ ποτήριον, = « subir son sort ; »

Expressions hébraïques transportées en grec, ἐν γεννητοῖς γυναικῶν = ἐν ἀνθρώποις ; οἱ υἱοὶ τῆς ἀπειθείας = oi ἀπειθοῦντες ; καὶ προσθεὶς εἶπεν et προσέθετο πέμψαι ; —

Besoin d’affirmer et de représenter l’idée, πάντες ἀπὸ μικροῦ ἕως μεγάλου, Act., viii, 10 ; καὶ ὡμολόγησε καὶ οὐκ ἠρνήσατο, Joa., i, 20 ; ἀνοίξας τὸ στόμα αὐτοῦ εἶπεν. Act., viii, 35 ; x, 34 ; διὰ στόματος Δαυείδ, Act., i, 16 ; iv, 25 ; ἐποίησεν κράτος ἐν βραχίονι αὐτοῦ, Luc., i, 51.

II. Syntaxe.

Constructions hébraïsantes : ἀνέπεσον πρασιαί πρασιαί, Marc., vi, 40, « par groupes ; » τρίτην ταύτην ἡμέραν ἄγει, Luc., xxiv, 21 ; ὅτι ἤδη ἡμέραι τρεῖς προσμένουσίν μοι, Μatth., xv, 32 ; —

Construction absolue d’un mot placé en tête de la phrase ou d’une apposition détachée, casus pendens, Marc., xii, 38 ; Luc., xx, 27 ; Act., x, 37 ; Phil, iii, 18, 19 ; Apoc., i, 5 ; iii, 24 ;

Génitif lié au mot précédent pour le qualifier ou le décrire, ἀνάστασις ζωῆς, ἀνάστασις κρίσεως, δικαίωσις τῆς ζωῆς ; σῶμα τῆς ἁμαρτίας ; τὸν οἰκονόμον τῆς ἀδικίας = τὸν ἀδικὸν οἰκονόμον ; τὸν μαμωνᾶ τῆς ἀδικίας, τέκνα φωτός, πληγὴ θανάτου, « une plaie mortelle ; » —

Degrés de comparaison, καλόν σοί ἐστιν εἰσελθεῖν… ἢ δύο χεῖρας ἔχοντα βληθῆναι, Matth., xvii, 8, et λυσιτελεῖ αὐτῷ… ἢ ἵνα σχανδαλίση, Luc. xv, 9, χαλεποὶ λίαν ὥστε, Matth., viii, 28, πιστός ἐστιν καὶ δίκαιος ἵνα ἀφῇ, I Joa., i, 9, « il est assez fidèle à sa parole et assez juste pour remettre… ; »

5° Serment négatif, ἀμὴν λέγω ὑμῖν. Εἰ δοθήσεται τῇ γενεᾷ ταύτῃ σημεῖον, Marc., viii, 12, et cf. la construction grecque dans Matth., xvi, 4 : σημεῖον οὐ δοθήσεται αὐτῇ ; —

Sens hébraïsant donné à une construction grecque ; ainsi le futur de commandement, qui atténue l’idée en grec ordinaire, la renforce en grec hébraïsant. Matth., i, 21. Si la manière de parler hébraïque trouve en grec une expression correspondante, elle favorise l’emploi de cette dernière ; ainsi l’emploi du tour interrogatif pour renforcer l’affirmation et la négation, l’emploi de la conjugaison périphrastique, l’emploi du présent et de l’imparfait aux dépens de l’aoriste de narration, l’emploi de l’infinitif avec τοῦ. Par suite, l’influence de l’hébreu porte aussi sur certaines constructions grecques par elles-mêmes, pour en multiplier l’emploi. Enfin, d’une manière générale, l’hébreu et l’araméen, langues familières et populaires, contribuent par leur influence à faire employer par les auteurs du Nouveau Testament la langue grecque familière avec ses constructions familières et même populaires. —

III. Aramaïsmes proprement dits.

Mots : ἀββᾶ, ρακά, μαμωνᾶς, ἐφφαθά, Κηφᾶς ; γεύεσθαι τοῦ θανάτου, = « subir la mort, » ἔρχου καὶ ἴδε, « venez voir, » formule d’invitation ; δέω καὶ λύω, = « je défends et je permets ; » τὰ ὀφειλήματα, « les péchés ; » τὰ ὀφειλήματα ou τὰς ἁμαρτίας ἀφιέναι ; σὰρξ καὶ αἶμα, cité plus haut ; ὃ αἰὼν οὗτος, ὁ ἐνεστὼς αἰών, ὁ νῦν αἰών, « le monde actuel jusqu’à sa fin ; » ὁ αἰὼν ἐκεῖνος, ὁ αἰὼν ὁ ἐρχόμενος, « le monde futur après la fin de celui-ci ; » μεθιστάνειν ὄρη, « transporter des montagnes ; » θάνατος, Apoc., vi, 8, xviii, 8, « peste ; » εἷς, « un, » article indéfini, et la conjugaison périphrastique sont surtout aramaïsants ; τί ὑμῖν δοκεῖ » formule rabbinique pour introduire la discussion. —

Constructions.

Les hébraïsmes sont moins nombreux pour les constructions que pour le sens des mots. L’hébreu diffère essentiellement du grec ; il était impossible d’imiter en grec beaucoup de constructions de l’hébreu ; mais il était facile, par analogie, d’attacher à un mot grec un sens hébraïsant. D’ailleurs, un étranger s’approprie assez facilement les constructions courantes et faciles d’une langue ; beaucoup moins facilement tous les mots du lexique avec tous leurs sens, ou la couleur générale, le génie de sa nouvelle langue. Josèphe, Ant. jud., xx, xi. —

Quand une locution hébraïsante ou post-classique est propre au Nouveau Testament et se retrouve ensuite chez les écrivains chrétiens, il faut supposer a priori qu’ils ont empruntée au Nouveau Testament, comme στηρίζειν τὸ πρόσωπον, ἐνωτίζεσθαι. —

Chaque catégorie d’hébraïsmes relève d’une loi, d’une règle, dont il est utile de trouver la raison. Ainsi, en grec biblique, les verbes du sens de croire, penser, percevoir, sentir, dire et déclarer prennent ou tendent à prendre la même construction avec ὅτι ; et ceux du sens de « penser » enferment souvent en eux l’idée de parler, dire, comme ἔδοξαν. Matth., i, 9 ; Marc., vi, 49. La raison de ces deux faits, c’est que, pour le Juif, penser et dire sa pensée ne font souvent qu’un. Ainsi l’optatif, en dehors du souhait, est le mode de l’abstraction, de la passibilité, de l’affirmation adoucie ; autant de manières de penser auxquelles le Juif répugne naturellement.

VI. COMPARAISON DE L’ÉLÉMENT HÉBRAÏSANT DU NOUVEAU TESTAMENT AVEC CELUI DES SEPTANTE.

L’influence de l’hébreu a modifié le grec du Nouveau Testament de la même manière que celui des Septante, et produit sur lui les mêmes effets. L’allure générale hébraïsante est substantiellement la même ; les hébraïsmes sont analogues ou identiques à ceux des Septante. —

Les Septante sont une traduction en grec ; les quelques livres composés en grec ont été, pour ainsi dire, pensés en araméen ou en hébreu, et sont presque aussi hébraïsants que les autres. Le Nouveau Testament a été composé immédiatement en grec ; ses auteurs pensent en grec (hébraïsant}), du moins le plus souvent. —

Au Ier siècle de notre ère, le grec hébraïsant se trouvait plus allégé, plus flexible, plus correct, plus riche de tours et de termes grecs que ne l’était le grec hébraïsant des Septante trois siècles plus tôt, au moment de sa naissance. —

Les Septante étaient des Juifs vivant dans un milieu juif, et traduisaient de l’hébreu qu’ils continuaient peut-être de parler et d’entendre, mais qu’ils lisaient à coup sûr, et ils le traduisaient dans un grec à peine né. Les Juifs, auteurs du Nouveau Testament, n’ont pas débuté par écrire aussitôt en grec la révélation chrétienne formulée en araméen. Cette doctrine était prêchée en grec depuis quelque temps quand les livres du Nouveau Testament ont été composés ; c’est cette langue grecque de la prédication chrétienne, déjà formée et courante, que les auteurs du Nouveau Testament ont employée en écrivant, après l’avoir parlée eux-mêmes plus ou moins longtemps. —

Le grec des Septante n’est souvent qu’une traduction servile de l’hébreu. Celui du Nouveau Testament se meut beaucoup plus librement sous l’influence hébraïsante. Par Suite, le Nouveau Testament nous offre la langue grecque familière du Ier siècle beaucoup plus et mieux que les Septante ne nous offrent celle de leur époque. Par suite aussi, si l’on veut bien saisir la manière vraie dont l’hébreu influait librement et normalement sur le grec, il faut se servir du Nouveau Testament et non des Septante. Et, même dans le Nouveau Testament, il faut écarter les morceaux contenant ce qui a été dit ou rapporté en araméen, parce que le grec de ces fragments peut retomber dans la traduction. Il faut choisir les livres, les morceaux, où l’auteur juif pense pour lui-même et s’exprime en grec spontanément et librement ; ainsi les Épitres. —

Les Septante sont une collection de traducteurs, et l’on sent une main différente dans les différents livres ; cependant, la langue et le style y restent

substantiellement les mêmes. Dans le Nouveau Testament, le matériel de la langue, mots et constructions, reste le même, on peu s’en faut, dans tous les livres ; mais le maniement de la langue et le style diffèrent profondément entre les divers auteurs. — Les Septante contiennent des hébraïsmes. Le Nouveau Testament contient de plus des aramaïsmes et rabbinismes. — Dans les Septante, la couleur hébraïsante est épaisse, éclatante ; elle est répandue dans tous les livres et dans toutes leurs parties, et à peu près au même degré partout. Dans le Nouveau Testament, la couleur hébraïsante est saisissable à peu près partout ; mais elle n’y est pas excessive comme dans les Septante, elle y est très inégalement répartie, et cela dans un même livre. À peine sensible dans l’Épi tre aux Hébreux et dans certains chapitres des Actes, elle est très forte dans l’Apocalypse et très inégalement distribuée dans l’Évangile de saint Luc et dans ses Actes, où certains morceaux sont particulièrement hébraïsants. — Les observations précédentes montrent que le Nouveau Testament a été composé immédiatement en grec, et n’a pu être composé d’abord en hébreu et traduit ensuite en grec. — Beaucoup d’idées du Nouveau Testament sont nouvelles, par exemple les idées spécialement chrétiennes ; et ces idées n’existent pas dans la Septante. — La langue du Nouveau Testament est la sœur puinée de celle des Septante, et non sa fille ; la plus jeune a seulement demandé aide et secours à Painée. Au moment d’être prêché par des Juifs dans le monde hellénisant, le christianisme s’est formé sa langue, comme le judaïsme s’était formé la sienne trois siècles plus tôt. — On ne peut comprendre le Nouveau Testament clairement et complètement, sans connaître les éléments essentiels de l’hébreu, comme pour comprendre les Septante. Comme pour les Septante, on ne peut s’attacher à la lecture du Nouveau Testament sans être suffisamment déshabitué de la forme littéraire et traditionnelle du grec classique, et sans s’être familiarisé avec une manière nouvelle de penser et de s’exprimer.

VII. ÉLÉMENT CHRÉTIEN DU NOUVEAU TESTAMENT. —

La première modification linguistique produite par le christianisme a été celle de l’araméen, commencée par Jésus-Christ lui-même, et continuée par ses disciples vivant avec les communautés chrétiennes aramaïsantes de la Palestine. — La seconde a été celle du grec, dans la bouche des prédicateurs chrétiens hellénisants. Elle s’est faite dans les conditions suivantes : 1° Elle a subi l’influence de l’araméen, en tant qu’il avait été christianisé lui-même, et elle a imité ou transporté en grec des expressions araméennes chrétiennes ; 2° La réflexion des prédicateurs chrétiens sur leurs principes religieux, les controverses avec les adversaires juifs ou hérétiques, la réfutation du paganisme, les explications requises pour l’instruction des néophytes, toutes ces causes amènent le développement théorique de la doctrine chrétienne. Mais cette doctrine est aussi pratique ; elle donne de la vie une conception nouvelle, surnaturelle ; elle s’applique à tous les besoins et à tous les actes de la vie ordinaire soumise à la loi morale. Ce développement théorique et pratique du christianisme produit nécessairement une modification correspondante de la langue grecque ordinaire, qui se développe parallèlement pour former la langue grecque chrétienne. Ainsi, dans les Épltres, le péché originel, la grâce, l’habitation et l’opération du Saint-Esprit dans les âmes, la renaissance spirituelle de l’âme et la vie nouvelle qui en découle, l’inutilité des œuvres et des formalités dé la loi juive, les tentations et épreuves, l’attitude du chrétien à l’égard du monde extérieur et de ses biens, voilà des idées qui travaillent maintenant la langue grecque profondément, la développent et la transforment ; 3° Lorsque les auteurs du Nouveau Testament ont employé dans leurs œuvres la -langue de la prédication orale déjà formée dans une

certaine mesure, ils ont contribué à la développer dans cette même direction chrétienne qu’elle suivait depuis l’origine ; 4° Les modifications de la langue sous l’influence chrétienne sont soumises aux lois de l’analogie : le sens propre d’un mot grec est étendu de manière à lui faire exprimer une idée chrétienne ; le sens hébraïsant d’un mot grec reçoit aussi une extension de cette nature ; les composés ou dérivés nouveaux, exprimant des idées purement chrétiennes, suivent les règles ordinaires du grec hébraïsant, etc. ; 5° L’élément chrétien est inégalement répandu dans le Nouveau Testament. Dans les Épitres, par exemple, qui nous donnent le développement des principes chrétiens, il apparaît considérable et frappant, plus net et plus proprement chrétien que dans les Évangiles, où il reste enveloppé de judaïsme ; 6° La couleur chrétienne est parfaitement distincte de la couleur hébraïsante. L’influence et la couleur chrétiennes sont plus profondes et plus étendues dans le Nouveau Testament que l’influence et la couleur hébraïsantes. Mais la couleur chrétienne frappe moins : nous sommes trop habitués aux idées et expressions chrétiennes ; l’élément chrétien consiste surtout dans la christianisation du sens des mots grecs ou gréco-hébraïsants ; il affecte beaucoup plus le lexique, le style et l’exégèse que la morphologie ou la syntaxe. Au contraire, l’influence hébraïsante produit des changements et des irrégularités considérables. — Exemples de l’influence chrétienne : Mots nouveaux, composés ou dérivés, àvavevvâv, àvaÇîjv, à>>.otpi£m<TX0710< ;, ai^xztxyyaltx, pdt7r-Tia |ia, naêêxtimiii, o-uvtrraupoûo-Sai. Mots et expressions prenant un sens chrétien, « prov xXâuat, x<io-| « >i ;, awT7]pi’a, ï<ixq, eùaYTféXiov, x » )pûo-(Teiv et x^puYH* ! °’xXï]Tof ; oî èxXex-TOi, aTtôcnoXoi, uâpTupe ;  ; o’xoSo|ir, et oîxoôo^eiv ; ctvwdev Yevvâirtat ; âxovetv et àpâv appliqués aux actes du Ufot dans l’Évangile de saint Jean. Mots et expressions techniques : potirriÇeiv, rccVmc, ol luazol, Siâxovoç, êict’ffxoito ;, tiffxsiv en parlant de la passion de J.-C, Cîjv h xupîu, TtpedêuTepoç ; tô 7tveû(ia ou icvcOfia âyiov pour désigner la troisième personne de Dieu, et ô X^yoç, ô ylrfç pour désigner la seconde ; (ô) 8eôç avec ou sans article, nom propre du seul Dieu qui existe, de celui que les Juifs appelaient 6 ôsôç 6 ïrôv. Métaphores nouvelles, où les choses du monde matériel expriment les choses du monde chrétien surnaturel, TrepiraxTeiv èv xatvÔTrjTi ïwîjc, xaià aâpxa, èv r|[i.épot, èv màtti, xarà SvOpwTrov, tû> aÛTâ icveii(jiaT(, èv tw ipwrf, etc. ; nérpa axavoaXou, tô axâvSocXov toO (TTaupoû ; Ta (ilXr) toO TtovrjpoO Ta Tceicupto^éva et tôv 6upebv Trje nîorew ;, Eph., VI, 16 ; eï ti ; OsXes ômau> (iou èX8eîv, àicapvr^aàabiù iauTÔv xaî àpàrw tov (rravpbv ocÙtou xat àxoXouOtkw pot, Matth., xvi, 24, avec l’expression hébraïsante ottotw [io’j èXôeïv prenant un sens chrétien ; lirt Taûr » i tîj TOTpa oîxo£o| » )<nt) (io’j tïjv êxxXï](r(av xa miXaf â80y où xaTiff/ûffouiiv aÙTÎjç, Swam <toi Tac xXeCSaç xtX. Matth., xvi, 19 ; à 5>/ eic tôv x<SX ?iov toû itaTpôç. Joa., i. 18. Rapport nouveau, chrétien, entre un mot et son complément et constructions particulières, àitoOavetv tî à(jL « pT ! à ; i ; î]v tô » 8sâ, Çîjv tw 8e<3 èv XpidTtï’Ikjo-oû, Rom., vi, 11 ; t&v 7riaTev<SvTwv Si’àxpo6’jemaç, et x-îjç èv àxpo6u<TTÎot m’o-Teo » ;  ; PauriÇeiv Tivà év nvtJ|j.aTi, ecç nveOjiot, eU tô ovo(ia toû mxTpô ;, èirt xû> àvo^aTi, êv tw iv6xan, etî.Xp^iTTO’v, etç tôv OâvaTov, sic 8v <nô|j.a ; rjv icpo ; tciv 8e<Sv avec le sens théologique de « en Dieu et en union avec Dieu », = i wv eï « tov x<SXm>v, Joa., i, 1, 18 ; èvSuva(loSafle èv Kvpfu t.a Èv tw xpàTei Trjç la^Joi aÙToû (Eph., vi, 10), « par le Seigneur et en union avec lui, par sa force et en restant dans la sphère d’action de cette force. »

VlllCARACTÈRES DE LA LANGUE DU NOUVEAU TESTA-MENT. — 1° L’analyse des éléments constitutifs de la langue du Nouveau Testament montre qu’il faut la considérer comme une langue vivante, en voie de se transformer radicalement sous l’action d’étrangers juifs prêchant au monde la doctrine nouvelle du ehristia

nisme. Après la mort de ces étrangers, la transformation continuera quelque temps encore sous l’influence chrétienne seule, pour produire la langue grecque chrétienne proprement dite. Toute langue normalement et complètement développée comprend en réalité trois langues : la langue littéraire des orateurs, historiens, philosophes, etc. ; la langue familière employée pour les. affaires quotidiennes par les personnes de bonne éducation ; la langue populaire des personnes sans culture aucune. Toutes trois peuvent s’écrire sans changer. Le ton de la langue littéraire apparaît dans certaines parties du Nouveau Testament. L’Epître aux Hébreux y touche par son style périodique et soigné. L’Epître de saint Jacques offre des procédés de style et une couleur poétique qui étonnent à bon droit. Dans les Actes, surtout après le chapitre IX, certains récits et discours ne manquent ni de pureté, ni d’élégance. Quand saint Paul y parle aux Grecs ou au roi Agrippa, la langue prend aussitôt un certain caractère littéraire. D’ailleurs des secrétaires grecs lettrés ont pu corriger certaines œuvres du Nouveau Testament. Ces secrétaires sont mentionnés Rom., xvi, 2 ; I Cor., xvi, 21 ; Col., iv, 28 ; II Thés., iii, 18 ; et, dans les Actes, xxiv, 1-2, le grand-prêtre juif emploie, pour plaider sa cause, un rhéteur grec appelé Tertullus. La lettre de saint Jacques peut sortir de la main d’un secrétaire lettré. Mais, régulièrement parlant, les auteurs du Nouveau Testament ne sont pas des littérateurs comme ^Elius Aristides, Dion Chrysostome, Josèphe et Philon, saint Clément de Rome, saint Justin, etc. Comme ils écrivent pour convertir, pour tous, ils emploient nécessairement la langue de tous, qu’ils ont apprise de la bouche de tous ; ils visent à être clairs, simples et faciles, sans se préoccuper d’écrire avec art. Le ton général de la langue du Nouveau Testament, c’est celui de la langue familière et courante. Mais on retrouve dans cette langue familière le soin qu’apporte spontanément une personne de la classe moyenne à écrire mieux qu’elle ne parle, en évitant d’instinct les mots et locutions trop populaires, négligés ou incorrects. D’un autre côté, sortis du peuple, mêlés surtout au peuple, les auteurs du Nouveau Testament ne pouvaient échapper complètement à son influence ; de là des mots, formes, constructions et locutions parfois populaires, et qu’on pourrait appeler des vulgarismes, et, parfois aussi, une certaine allure populaire du style. Un Grec lettré était dérouté par les idées, les images, l’allure et la couleur de la langue du Nouveau Testament, par le peu d’art que les. auteurs de ce livre y montraient en écrivant. Aussi saint Paul se rendait - il compte de cette impression plutôt pénible produite sur le Grec par la langue nouvelle de la prédication chrétienne, comme on le voitl Cor., ii, l, et II Cor., ii, 6. Cette impression défavorable se retrouve chez les lettrés de la Renaissance qui établissent une comparaison entre le grec des classiques : et celui du Nouveau Testament. Leur opinion se résume dans ces paroles de Saumaise, auteur du livre : De hellenistica, in-12, Leyde, 1643 : « Tels les hommes (les auteurs du Nouveau Testament), tel aussi leur langage. Leur langage est donc celui que l’on appelait idiomxdç, le langage commun et populaire. Car on appelle ISiûtoi les hommes du peuple sans éducation littéraire, qui emploient le langage dont le peuple se sert dans sa conversation, et qui ont appris ce langage de leurs nourrices, » Aux xviie et XVIIIe siècles, on se querella vivement sur la qualité et la nature du grec du Nouveau Testament. Cette discussion, - qui eut le mérite de faire étudier la langue de ce livre, donna lieu aux systèmes des puristes, des hébraïstes et des empiristes :

— 1. Les puristes défendaient la pureté et la correction absolues du grec du Nouveau Testament. Ils niaient ou taisaient les hébraïsmes ; ils justifiaient les singularités de la langue par des exemples analogues, ou prétendus tels, déterrés chez les auteurs profanes, même dans

Homère. Ce système dura jusqu’au milieu du xviiie siècle.

— 2. Les hébraïstes. Leur système, en vogue à la fin du XVIIe, domine pendant le xviiie. Suivant eux, les auteurs du Nouveau Testament ont pensé en hébreu ou en araméen et traduit leur ransée en grec : leur langue n’est que de l’hébreu transporté en grec. — Les empiristes du xviiie siècle croient que les auteurs du Nouveau Testament ne savent pas le grec, ou ne le savent que peu, et qu’ils l’écrivent au hasard. Ils voient partout des énallages ; grâce à cette figure de grammaire, lès écrivains du Nouveau Testament avaient pu employer un temps pour un autre, un mode pour un autre, un cas pour un autre, etc., sans compter les ellipses. Les empiristes défendaient leur système en prétextant que l’hébreu ne distinguait ni temps ni modes, et n’avait pas de règles de syntaxe. La vraie méthode grammatical » appliquée au grec du Nouveau Testament, dans notresiècle, a fait justice de ces fantaisies. Le tort des érudits et des hellénistes des xvi «-xviiie siècles était d’ignorer qu’une langue n’a pas que son époque dite classique ; qu’elle est un organisme vivant qui traverse les siècles en se modifiant ; qu’elle doit être étudiée et appréciéeà chaque phase distincte et décisive de son histoire, quand elle subit quelque transformation caractéristique ; que toute langue complètement développée comprend la langue littéraire, la langue familière et la langue populaire, que chacune d’elles doit être étudiée pour elle-même et appréciée à sa valeur, non pas condamnée ou exclue ; que foute doctrine, même divine, ne peut être prêchée et écrite que dans la langue ordinaire deses prédicateurs et de leurs auditeurs. D’ailleurs, comm& la langue du Nouveau Testament est composée d’éléments divers, Comme elle est en voie de transformation, qu’elle est de qualité moyenne et variable, et qu’elle subit des influences diverses, les affirmations portées sur elle sont nécessairement toutes relatives ; elles nepeuvent être vraies que dans la mesure variable qui convient à chacune d’elles ; toute affirmation exclusiveou absolue est nécessairement fausse dans ce qu’elle a. d’exclusif ou d’absolu.

Caractère psychologique de la langue.

Étrangers,

les auteurs du Nouveau Testament n’ont jamais réussi à penser et à s’exprimer en grec nettement, comme un Grec de race l’aurait fait ; ils ne se préoccupent pas non plus de conformer leurs pensées aux constructions grammaticales et traditionnelles du grec ordinaire. Ils sont livrés à lsurs propres idées telles qu’ils les conçoivent, à tous les mouvements de l’âme qui les entraînent ; ils subissent sans réagir, ou presquesans réagir, l’action des diverses influences que nous avons énumérées en analysant leur langue. De là le caractère spontané de l’expression dans le Nouveau Testament, où l’idée crée l’expression, la phrase, le mouvement du style. De là plusieurs conséquences, parmi 1 lesquelles les suivantes : 1° Tandis que le matériel de la langue, lexique et grammaire, est impersonnel, le style est très personnel. Les auteurs du Nouveau Testament pensent et écrivent avec fermeté et netteté, sans hésitation, sans souci de préparer et de synthétiser les idées, de polir les phrases. La fatigue ni le travail d’écrire ne se font vraiment sentir chez eux, au moins en général. Ils suivent la libre allure de leur esprit, la vivacité de leurs ; . impressions,-la promptitude de leur mémoire, la mobilité de leur imagination (en ce sens précis qu’ils aiment à représenter l’idée, même abstraite, d’une manièreconcrète, ou bien à rapporter un événement avec les détails qui le mettent sous les yeux). — 2° La phrase et le style réfléchissent à leur tour la manière de penser propre à chacun d’eux. La phrase apparaîtra, suivant le cas, simple ou compliquée ; facile ou embrouillée quand l’arrangement en était aisé ; correcte et unie, ou interrompue, brisée ; par suite, claire ou obscure (pour nous). Le style offrira la solennité monotone de saint Matthieu, ,

la vivacité et le pittoresque de saint Marc, la grandeur émue de saint Jean, le charme apaisant et pénétrant des Actes, le mouvement tendre ou passionné de saint Paul, etc. ; et cela avec l’uniformité et même la médiocrité de la langue.

3° Instinctivement, l’auteur juif du Nouveau Testament adoptera la construction grecque, le mol grec qui se rapprocheront le plus de sa langue maternelle ; il couvrira d’un vêtement grec quelque locution aramaïsante ; il contraindra la langue et r expression grecques à plier sous sa pensée et à la servir, d’autant plus que sa pensée est pour lui la vérité divine, et que souvent déjà, dans les Évangiles par exemple, cette pensée est celle de son Maître divin.

4° Les idées parenthétiques sont assez fréquentes dans le Nouveau Testament ; elles sont insérées à leur place logique, elles s’accordent ou non ; elles sont reliées par xot ou un pronom avec ce qui précède, ou flottent indépendantes. Si la note explicative est longue, comme dans les Épîtres, l’auteur oublie le début de la phrase -et la reprend sous une autre forme. Ces remarques s’appliquent d’ailleurs à d’autres accidents de syntaxe, Matth., xv, 32 ; xxv, 15 ; Marc, mi, 11 ; Luc, ix, 28 ; xxiii, 51 ; Joa., i, 6, 39 ; iii, 1 ; Rom., v, 12, 18 ; ix, 11 ; xv, 23-25 ; I Cor., xvi, 5 ; Hehr., xil, 18-22 ; souvent ^lans l’Apocalypse ; ainsi qu’aux citations et réminiscences des Septante, souvent dans l’Apocalypse.

5° L’auteur passera inconsciemment du style indirect au style direct, qui résonne, pour ainsi dire, à son oreille, en même temps qu’il revient à sa mémoire.

6° Destinés presque tous aux communautés chrétiennes, les livres du Nouveau Testament sont écrits pour être lus, ou mieux, pour être dits à haute voix dans l’assemblée des fidèles à qui ils s’adressaient. Aujourd’hui encore, si l’on veut les comprendre pleinement, qu’on les lise à haute voix dans le texte, en marquant l’intonation, l’ac-cent oratoire, les pauses et les changements de tons dans les discours, dans les dialogues, dans les lettres, en suppléant les gestes et les attitudes. L’idée de l’auteur s’anime alors et s'éclaire sans autre explication ; on détermine mieux le vrai sens des phrases et leur portée, les nuances et les oppositions d’idées, les interruptions et les reprises du récit, du dialogue, du raisonnement, la suppression de certaines idées accessoires de transition, la tendance de l’accord à cesser après une pause et une interruption, etc. De même, c’est le ton de la voix qui marquera l’interrogation, bien mieux et plus vivement que ne le ferait une particule.

Convenance de la langue du Nouveau Testament.

Malgré ses particularités, le grec du Nouveau Testament était la meilleure langue pour la prédication chrétienne : elle était riche et souple. Le vocabulaire grec était assez étendu pour que les auteurs du Nouveau Testament pussent y puiser à leur gré les mots auxquels ils imposeraient un sens chrétien. De plus, le grec se prêtait à des dérivés et à des composés en nombre illimité, aussi nombreux que les idées et les nuances d’idées à exprimer, aussi clairs que la pensée même de l’auteur. La syntaxe de la langue familière était simple, unie, facile, et l’influence hébraïsante avait encore augmenté ces qualités. Au lieu de s’imposer aux auteurs du Nouveau Testament et de les gêner, comme l’aurait fait le grec classique, le grec hébraïsant pliait et obéissait à leur pensée, dont il recevait immédiatement le moule et l’empreinte. Il s’appliquait avec une égale facilité aux choses banales de la vie et aux spéculations les plus élevées, aux idées abstraites et aux idées concrètes. La quantité d'élément hébraïsant qu’il contient lui permettait d'être facile pour des Juifs habitués à une langue d’un genre différent ; de rester lié avec le monde juif et oriental, avec ses idées, ses croyances, sa manière <ie penser et de s’exprimer ; de conserver la masse d’idées juives passées dans le christianisme. Sa quantité « ncore plus grande de grec le rendait accessible et in telligible pour les masses du monde gréco-romain. Le grec du Nouveau Testament était essentiellement une langue de communication, de circulation, de propagation, précisément la langue qu’il fallait au christianisme s'élançant à la conquête du monde gréco-romain. Tel était ce grec du Nouveau Testament, qui constitue le point d’arrivée du grec familier et du grec hébraïsant, et que trois ou quatre siècles de révolutions politiques et sociales avaient formé et mûri pour la prédication chrétienne. Ni l’hébreu, ni l’araméen, ni le latin n'étaient des langues favorables pour elle ; aucun de ces idiomes n’avait ni ne pouvait avoir la richesse, la souplesse et le caractère universel et international du grec.

IX. Bibliographie.

L'étude de la langue des Septante est peu avancée, tandis que celle de la langue du Nouveau Testament est cultivée avec ardeur et s’enrichit sans cesse. Voici les principaux ouvrages publiés dans ce siècle : F. W. Sturz, De dialecto macedonica et alexandrina liber, Leipzig, 1808 ; M. J. H. Beckhaus, Veber das Gebrauch der Apocryphen des Alten Testaments zur Erlàuterung der neutestamentlichen Schreibart, 1808 ; H. Plank, De vera natura orationis gracie Nov : Testamenti, Gœttingue, 1810 ; P. H. Haab, Hebrâisch-griechische Grammatik fur das N. T., 1815 ; C. G. Gersdorf, Zur Spræhcharacteristik der Schriftsteller des Neuen Testaments, I, Leipzig, 1816 ; A. T. Hartmann, Linguistiche Einleitung in das Alte Testament, 1818 ; G. B. Winer, Grammatik der neutestamentlichen Sprachidioms, 1823 ; éditions postérieures, et traductions anglaises ; Tholuck, Beitrâge zur Spracjierklârung des N.T., 1832 ; H. Stuart, Grammar of*the N. T. dialect, Andover, 1834 ; éditions postérieures ;. du même, Treatise on the Syntaæ of the N. T. dialect, 1835 ; F. Nork (scilicet Korn), Rabbinische Quellen und Parallelen zum N. T., 1839 ; D. £. F. Bôckel, De hebraismis N. T., 1, Leipzig, 1840 ; W. Trollope, A Greek Grammar to the N. T. and to the Common or Hellenic diction of the Greek writers, Londres, 1842 ; G. P. C. Kaiser, De speciali Joannis grammatica culpa negligentix liberanda, i, ii, Erlangen, 1842. Pareil travail sur : Pierre, 1843 ; Matthieu. 1843 ; Marc, 1846 ; Paul, i, ii, 1847 ; C. G. Wilcke : Die neutestamentliche llhetorik, Dresde, 1843 ; E. W. Grinfield, iV. T. editio hzllenutica, Londres, 1843 ; Id., Scholia hellenistica in N. T., Londres, 1848 ; H. C. A. Eichstàdt, Sententiarum do dictione N. T. brevis census, Iéna, 1845 ; Berger de Xivrey, Étude sur le texte et le style du N. T., Paris, 1856 ; J. T. Beelen, Grammatica grxcitatis A*. T. quam ad G. Wineri ejusdem argumenti librum composait, Louvain, 1857 ; Gerhard von Zeschwitz, Profangrâcitâtund biblische Sprachgeist, 1859 ; R. C. Trench, Synonyms of the N. T., Londres, 1858-1802 ; éditions postérieures, et traduction française par de la Faye (1869) ; A. Buttmann, Grammatik des neutestamentlichen Sprachgebrauchs, 1859 ; traduction anglaise ; S. Ch. Schirlitz, Grundzûge der neutestamentlichen Grâcitât fur Studirende, Giessen, 1861 ; Id., Anleitung zur Kenntniss der neutestanientlichen Sprache zugleich als griechinche neutestamentliche Schulgrammalik fur Gyrnnasien, 1863 ; K. H. A. Lipsius, Grammatische Untersuchungen ùber die biblische Grâcitât : ûber die Lesezeichen, 1863 ; W. Webster, Syntax and Synonyms of the Greek Testament, Londres, 1864 ; B. A. Lasonder, De linguse Paulinæ idiotnate pars I lexicalis, Il grammaticalis, Utrecht, 1866 ; W. H. Guillemard, Hebraîsms in the Greek Testament, Cambridge, 1879 ; A. Buttmann et J. H. Thayer, À grammar of the New Testament Greek (translated by H. Thayer), Andover, 1880 ; G. Winer et W. Moulton, À treatise on the Grammar of the New Testament Greek (translated by W. Moulton), Edimbourg ; G. Winér et J. H. Thayer, A Grammar of the Idiom of the New Testament (translated by H. Thayer), Andover, 1883 ; Schilling, Cornmentarhts exegetico-philologicus in hebraïsmos N. T., Malines, 1886 ; S. G. Green, Handbook to the Grammar of the Greek Testament, Londres, 1886 ; E. Hatch, Essays in Biblical Greek, Oxford, 1889 ; Th. Burchardi, Elementargrammatik der griechischen Sprache des N. T., 1889 ; W. H. Simcox, The language of the New Testament, Londres, 1889 ; C. H. Hoole, The classical Elément in the N. T., Londres, 1888 ; W. H. Simcox, The wrilers of the New Testament : their style and characteristics, Londres, 1890 ; de Pauly, ’Op80TO(u’a, sive de N. T. dialectis accentibusque, Lyon, 1890 ; J. Viteau, Étude sur le grec du N. T. ; le Verbe : Syntaxe des propositions, Paris, 1893 ; G. Winer et P. W. Sclimiedel : Grammatik des neutestamentlichen Sprachidioms, 8e édit. par P. Schmiedel, Gœttingue, 1894 ; E. Combe, Grammaire grecque du N. T., Paris, 1895 ; Kennedy, Sources of the New Testament Greek ; of the influence of the Septuaginta on the vocabulary of the N. T., Edimbourg, 1895 ; Fr. Blass, Grammatik des neutestamentlichen Griechisch, Gœttingue, 1896 ; traduction anglaise par II. Thackeray, Londres, 1898 ; J. Viteau, Étude sur le grec du N. T., comparé avec celui des Septante : Sujet, complément et attribut, Paris, 1896 ; E. Nestlé, Einf’ùhrung in das griechische Neue Testament, Gœttingue, 1897 ; K. Dieterich, Untersuchungen zur Geschichte der griechischen Sprache von der hellenistichen Zeit bis zum iO lahrhundert, Leipzig, 1898 ; F. Blass, The philology of the Gospels, Londres, 1898 ; I. Reinhold, De græcitate palrum apostolicorum librorumque apocryphorum N. T. quæstiones grammatiese, Halle, 1898 ; G. Heine, Synonymik des neutestamentlichen Griechisch, Leipzig, 1898. — Pour les lexiques des Septante et du Nouveau Testament grec, voir Dictionnaires de la. Bible, t. ii, col. 1419-1422.

J. Viteau.