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Dictionnaire de la Bible/Péché

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Letouzey et Ané (Volume Vp. 7-8-11-12).
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PÉCHÉ

PÉCHÉ (hébreu : ḥêteʾ, ḥâtâʾâh, ḥattâʾâh, ḥattâʾṭ, maʿal, ʿâvôn, peṡa, ṡêt, ṡegîʾâh, ṭahâlâh ; chaldéen : ḥâtây, ʿivyâʾ, ʿavyâʾ; Septante : ἀμαρτία, ἀνομία, ἀνομημα, παραπτώμα ; Vulgate : peccatum, culpa, iniquitas, offensa, offensio, delictum, scelus), transgression volontaire de la loi divine, naturelle ou positive.

Sa genèse.

1. Le péché apparaît pour la première fois au paradis terrestre, sous la forme d’un acte de volonté humaine en opposition avec la volonté souveraine du Créateur. Dieu défend un acte sous peine de mort. Ce qui a été dit de l’homme créé à l’image de Dieu, Gen., i, 26, 27, la notion d’un Dieu puissant, sage et juste, qui ressort des premiers récits du Livre sacré, et la défense imposée à l’homme par ce Dieu souverainement bon et parfait, supposent nécessairement que l’homme jouit d’une volonté libre, intelligente et par conséquent responsable. Malgré la défense divine, un acte extérieur est accompli. Bien que le récit sacré ne raconte que ce qui se voit, dans cet acte et ses conséquences, il va de soi qu’il faut aller ici au delà de la lettre. Le mal n’est pas dans l’acte extérieur, mais dans la volonté qui désobéit ; le coupable n’est pas la main qui exécute, mais l’âme libre qui commande aux organes. Cette conclusion ressort clairement du châtiment imposé au coupable. Pour encourir un pareil châtiment de la part d’un Dieu juste, il a fallu qu’il y eût dans le péché, non seulement un acte extérieur, mais encore et surtout un acte intérieur, celui d’une volonté consciemment et librement en opposition avec la volonté du Maître tout-puissant. Il est vrai qu’un autre être intervient pour incliner dans le sens de la désobéissance la volonté de la femme et, par elle, celle de l’homme. Mais cette influence, si perverse et si forte qu’elle soit, n’a d’action sur la volonté libre qu’autant que celle-ci le veut bien. Elle peut diminuer sa responsabilité, elle ne la supprime pas, parce que la volonté de l’homme est restée suffisamment maîtresse d’elle-même. C’est ce qu’il faut encore conclure de la sentence de condamnation, mitigée et laissant la porte ouverte à l’espérance du pardon, mais cependant sévère et supposant une culpabilité grave chez les deux coupables. Gen., iii, 119.

2. Après avoir ainsi fait son apparition dans l’humanité, le péché s’y perpétue, par des actes volontaires, à travers toutes les générations. Le meurtre d’Abel par Caïn a sans doute été précédé par bien d’autres fautes moins graves. Toujours est-il qu’avant son crime le meurtrier reçoit un avertissement qui marque l’attitude que doit avoir l’homme en face du bien et du mal, quelles que soient la fureur de ses passions et les sollicitations de la tentation : « Si tu fais bien, ne seras-tu pas agréé ? Et si tu ne fais pas bien, le péché ne se tient-il pas à ta porte ? Son désir se tourne vers toi ; mais toi, tu dois dominer sur lui. » Gen., iv, 7. Le premier phénomène se passe dans la conscience de l’homme, quand il a cessé de faire le bien, c’est-à-dire de conformer sa volonté à celle de Dieu. Il sent qu’il n’est plus agréable à son Créateur, qu’il ne peut plus lever la tête vers lui avec assurance. Déjà le péché est à la porte, comme une bête fauve qui cherche à forcer l’entrée ; il veut contracter une sorte d’union avec l’homme ; mais celui-ci reste le maître, il peut et doit dominer. Sa liberté reste suffisante, sa volonté demeure assez armée pour se défendre et triompher. Caïn ne sut pas faire triompher sa volonté.

3. Saint Jacques, i, 13-15, analyse l’acte ordinaire du péché, tel qu’il se produit dans l’homme. « Que nul, lorsqu’il est tenté, ne dise : C’est Dieu qui me tente. Car Dieu ne saurait être tenté de mal et lui-même ne tente personne. » On sait qu’Adam avait essayé de faire remonter jusqu’à Dieu la responsabilité de son péché, en disant : « La femme que vous m’avez donnée pour compagne m’a présenté le fruit de l’arbre. » Gen., iii, 12. L’excuse est vaine et injurieuse à Dieu. L’apôtre ajoute : « Chacun est tenté par sa propre convoitise, qui l’amorce et l’entraîne. Ensuite la convoitise lorsqu’elle a conçu, enfante le péché, et le péché, lorsqu’il est consommé, engendre la mort. » Ainsi, il y a tout d’abord, issu du fond même de la nature humaine, un désir immodéré et désordonné, qui se porte vers une apparence de bien créé. Ce désir prend peu à peu une forme précise et consentie, bien que reconnue répréhensible par la conscience ; la volonté s’ébranle et veut positivement ce bien apparent, qui est un mal réel. Dès cet instant, il y a péché et l’âme est frappée à mort. La tentation peut se produire, provenant des êtres extérieurs ; le péché n’est possible que si la convoitise intérieure entre en ligne et décide la volonté. C’est ce qui permet à saint Augustin, De Gen. ad lit., xi, 30, t. xxxiv, col. 445, et à saint Thomas, Sum. theol., i, q. xliv, a. 4, ad 1um ii, de dire que la tentation n’aurait pas eu de prise sur Ève si celle-ci n’avait péché au préalable par un amour coupable de sa propre excellence.

4. Le récit de la Genèse, iii, 5, montre que cette pensée de complaisance personnelle fut d’ailleurs aidée par l’habile tentateur : « Vous serez comme Dieu ! » De là, à la source de tout péché, l’orgueil, la pensée de l’indépendance, l’idée que la créature peut se suffire à elle-même et entend mieux son bien propre que le Créateur.

L’orgueil commence quand l’homme se sépare du Seigneur,
Et quand le cœur s’éloigne de celui qui l’a fait : Car le commencement de l’orgueil, c’est le péché,

ou, d’après la Vulgate :

Le commencement de tout péché, c’est l’orgueil…
Le malheur de l’orgueilleux est sans remède,
Car la plante du péché a jeté en lui ses racines.

Eccli., x, -15 ; iii, 30.

En réalité, orgueil et péché sont corrélatifs et s’appellent l’un l’autre. Cf. Is., xiii, 14.

5. Cet orgueil lui-même, qui est le premier instigateur de la convoitise et du péché, a sa cause dans la nature de l’être créé, alors même qu’il n’est pas encore déchu. La Sainte Écriture ne le dit pas formellement ; mais, avant de raconter la chute, elle commence par montrer que l’homme est un être créé. Or, plus un être créé a reçu de dons de la munificence du Créateur, plus il a de motifs pour se complaire en ce qu’il est et en ce qu’il a, si sa volonté vient à dévier de la rectitude parfaite. Ainsi a pu se produire le péché des anges et ensuite celui de l’homme. Voir Mal, t. iv, col. 598-600.

Sa nature.

1. Le péché consiste essentiellement dans l’opposition de la volonté de l’homme à la volonté de Dieu. C’est ce que montrent les textes précédents. Le péché n’est donc pas dans l’acte extérieur, tel que le voient les hommes ; il est dans l’âme, telle qu’elle apparaît aux yeux de Dieu. I Reg., xvi, 7. Par conséquent, les sentiments et les pensées peuvent être coupables.

Le dernier précepte du Décalogue proscrit les simples convoitises mauvaises, Exod., xx, 17, et Notre-Seigneur déclare que du cœur sortent les pensées mauvaises. Matth., xv, 19 ; Marc, vii, 21. Il affirme en outre que certains désirs sont coupables, comme les actes eux-mêmes. Matth., v, 28. Ainsi les actes extérieurs ne suffirent pas à constituer le péché. Dans leur confession négative, qui forme le chapitre cxxv du Livre des Morts, cf. W. Pleyte, Étude sur le chapitre cxxv du Rituel funéraire, Leyde, 1866 ; Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 189, les Égyptiens ne savent s’accuser que de fautes extérieures d’ordre moral, social ou parfois purement liturgique. Les Babyloniens ont une confession analogue, où il est question d’adultère, d’homicide, de vol, d’autres fautes contre la morale ou la liturgie, mais sans allusion aux actes intimes de la conscience. Cf. Zimmern, Beiträge zur Kenntniss der babylonischen Religion, Leipzig, 1901, Surpu, ii, l. 47-51 ; Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 225, 226 ; Revue biblique, 1906, p. 657. Cf. Ézéchiel, xviii, 14-17. Autrement significative est la confession qui se lit dans Job, xxxi, 4-37. L’auteur y énumère les principales fautes contre la morale qui se pouvaient commettre dans son milieu. Mais il y joint ici et là des remarques comme celles-ci :

Dieu ne connaît-il pas mes voies,
Ne compte-t-il pas tous mes pas ?
Si mon cœur a suivi mes yeux…
Si j’ai mis dans l’or mon assurance…
Si, en voyant le soleil jeter ses feux,
Et la lune s’avancer dans sa splendeur,
Mon cœur s’est laisse séduire en secret…
Si j’ai été joyeux de la ruine de mon ennemi…
Si j’ai, comme font les hommes, déguisé mes fautes,
Et renfermé mes iniquités dans mon sein…

2. En effet, la conscience morale, telle que la suppose la religion du vrai Dieu, obéit à cette règle posée à Abraham : « Marche devant ma face et sois irréprochable. » Gen., xvii, 1. C’est devant la face du Seigneur, sous son regard auquel rien n’échappe, qu’on est coupable ou irréprochable, et, si l’on est coupable, c’est tout d’abord dans l’âme elle-même que le péché existe.

Dieu, tu connais ma folie,
Et mes fautes ne te sont pas cachées. Ps. lxix. (lxviii), 6.

Cf. Ps. x, 15 ; Eccli., xv, 21.

3. Le péché outrage toujours Dieu, alors même qu’il semble viser exclusivement le prochain. Num., v, 6.

Je reconnais mes transgressions,
Et mon péché est constamment devant moi ;
C’est contre toi seul que j’ai péché,
J’ai fait ce qui est mal à tes yeux,

dit le Psalmiste, Ps. li (l), 5-6, avouant que ses transgressions de toute nature ont avant tout offensé Dieu. De même le prodigue, qui a tant outragé son père, se reconnaît coupable contre lui, mais avant tout « contre le ciel ». Luc, xv, 18. « En péchant contre vos frères et en violentant leur conscience encore faible, vous péchez contre le Christ, » dit saint Paul. I Cor., viii, 12.

4. Le péché est un acte par lequel l’homme s’écarte et s’éloigne de Dieu, en mettant sa volonté en opposition avec celle de Dieu, connue soit par la conscience, soit par la loi positive, qui rend mauvais des actes qui ne le seraient pas toujours par eux-mêmes. Rom., iii, 20 ; vii, 7, « Être infidèles à Jéhovah et le renier, nous retirer loin de notre Dieu, » voilà comment Isaïe, lix, 13, caractérise le péché. Cette idée d’éloignement de Dieu par le péché revient souvent. Deut., xi, 16 ; xxxii, 15 ; Jos., xxii, 16 ; Job, xxi, 14 ; xxii, 17 ; Sap., iii, 10 ; Bar., iii, 8 ; Dan., ix, 5, 9, etc. En conséquence, la sagesse qui vient de Dieu ne peut habiter dans un être soumis au péché, Sap., i, 4, et cet être, ainsi séparé de Dieu, ne peut manquer d’agir parfois par l’inspiration du démon, I Joa., iii, 8, et d’en faire les œuvres, qui sont des œuvres de péché. Joa., viii, 41. Si Dieu hait tant le péché, Ps. v, 5, 7, c’est parce qu’il y voit nécessairement un attentat contre sa souveraineté inaliénable.

5. Saint Jacques, ii, 10, dit que « quiconque aura observé toute la loi, s’il vient à faillir en un seul point, est coupable de tous ». Ce texte fait l’objet d’une consultation adressée à saint Jérôme par saint Augustin, Ep. cxxxi, t. xxii, col. 1138-1147. Ce dernier propose sa solution en ces termes, col. 1145 : « Celui qui transgresse un précepte est coupable envers tous, parce qu’il agit contre la charité de laquelle dépend toute la loi. Il est coupable de tout parce qu’il agit contre celle dont tout dépend. » Saint Jérôme, Ep. cxxxiv, t. xxii, col. 1161, s’excuse de ne pas répondre et dit qu’il n’a rien à reprendre à la solution proposée. Saint Thomas, Sum. theol., Ia-IIæ, q. lxxiii, a. 1, adum iii, explique que l’Apôtre parle ici des péchés, non par rapport à l’objet vers lequel ils portent et qui est variable, mais par rapport à celui dont ils détournent et qui est toujours Dieu. Tout péché comporte le mépris de Dieu. Quand on faillit en un point on est coupable de tous en ce sens qu’on encourt le châtiment que mérite le mépris de Dieu, mépris et châtiment communs à tous les péchés. Les péchés demeurent donc distincts, bien que le principe et les conséquences de tous soient les mêmes, et l’on peut en commettre un sans commettre les autres. La pensée de saint Jacques revient à ceci que, quand on transgresse un commandement, on est ἔνοχος, passible de la peine qui châtie toutes les autres transgressions, non en quantité, mais en qualité, car dans tous les cas, c’est l’auteur même des lois qui est offensé et qui est obligé de sévir.

6. Tous les péchés ne sont pas mis sur le même rang dans la Sainte Écriture, bien que tous supposent l’opposition de la volonté de l’homme avec celle de Dieu. Il y a des péchés plus particulièrement graves, l’adultère, Gen., xx, 9 ; xxvi, 10 ; l’apostasie, Exod., xxxii, 21 ; la profanation du sacerdoce et le scandale, I Reg., ii, 17 ; l’idolâtrie, Jer., xix, 11 ; le péché contre le Saint-Esprit, Matth., xii, 31 ; Marc, iii, 28 ; la trahison du Fils de Dieu, Joa., xix, 11, etc. Notre-Seigneur note lui-même une gradation entre cer, tains péchés contre la charité. Matth., v, 22. Il y a des péchés qui sont commis par ignorance, sans pleine conscience ou sans volonté complète. Lev., iv, 2, 27 ; v, 17 ; Num., xv, 27, etc. Saint Paul s’excuse sur son ignorance des persécutions qu’il a exercées contre les chrétiens. I Tim., i, 13. Mais, dans la Sainte-Écriture, on ne trouve pas mention de ces culpabilités inconscientes et fatales, s’attachant inéluctablement à des êtres qui n’ont rien fait pour les encourir, ainsi que cela se rencontre dans les religions païennes, ni de ces fautes commises sans connaissance et sans volonté dont les idolâtres se croyaient si fréquemment coupables dans le culte de leurs dieux, par l’omission de formalités insignifiantes ou puériles.

7. Puisque rien n’échappe aux regards de Dieu et que Dieu hait le péché, la conséquence s’impose : « Tous les jours de ta vie, aie Dieu présent à ta pensée, et garde-toi de consentir jamais au péché. » Tob., iv, 6 ; cf. i, 10.

Fuis le péché comme le serpent,
Car, si tu en approches, il te mordra. Eccli., xxi, 2.

Et pour déterminer sa volonté à s’éloigner du mal, l’homme doit songer à la fin de sa vie et au compte qu’il devra rendre à Dieu, Eccli., vii, 40, sans se laisser tromper par les charmes du présent ni par la patience divine, car

La voie des pécheurs est pavée de pierres,
Mais à son extrémité est l’abîme de l’Hadès. Eccli., xxi, 11.

Ses conséquences. — 1. Le péché sépare l’âme d’avec Dieu. Is., lix, 2. Si l’homme meurt dans son péché, Ezech., iii, 20 ; xii, 43 ; Joa., viii, 21, etc., cette séparation devient définitive. « La justice du juste ne le sauvera pas au jour de sa transgression, … le juste ne pourra pas vivre par sa justice le jour où il péchera. » Ezech., xxxiii, 12.

2. Par suite de l’affaiblissement moral que cause l'éloignement de Dieu, celui qui commet le péché finit par devenir esclave du péché, et il a de plus en plus de difficulté à se soustraire à sa tyrannie. Joa., viii, 43 ; Rom., vi, 17. « Le méchant est saisi par les liens de son péché. » Prov., v, 22 ; Eccli., XXI, 3. Le trouble et le malaise régnent dans son âme. Ps. xxxviii (xxxvii), 4, 19. Ainsi « ceux qui commettent le péché et l’iniquité sont leurs propres ennemis ». Tob., xii, 10. Le péché peut se généraliser dans une nation.

La justice élève une nation,
Mais le péché est l’opprobre des peuples.

Prov., xiv, 34.

3. Dieu menace et poursuit le péché des rigueurs de sa justice. Exod., xxxii, 34 ; Lev., XX, 20 ; Num., xxxii, 23 ; Jos., xxiv, 19 : « Jéhovah est un Dieu saint, un Dieu jaloux : il ne pardonnera pas vos transgressions et vos péchés… il se retournera, vous maltraitera et vous consumera. » Ps. lxxxix (lxxxvih), 33 ; Prov., xxii, 8 ; Ezech., xviii, 4 ; Dan., ix, 11 ; II Mach., vii, 18, etc. La justice de Dieu contre le péché s’exerce d’ailleurs par différents moyens, par les épreuves dans la vie présente, Jer., v, 25, etc., voir Mal, t, iv, col. 601, par les satisfactions volontaires, voir Pénitence, et par les sanctions de l’autre vie. Sap, , v, 2-14. Voir Enfer, t. ii, col. 1792 ; Purgatoire.

4. Le péché a de plus une répercussion prévue sur les générations qui suivent celui qui l’a commis, de même que la fidélité a la sienne. Dieu le fait répéter plusieurs fois : « Je suis Jéhovah, ton Dieu, un Dieu jaloux, qui punis l’iniquité des pères sur les enfants, sur la troisième et sur la quatrième génération à l'égard de ceux qui me haïssent, et qui fais miséricorde jusqu'à mille générations à ceux qui m’aiment et qui gardent mes commandements. » Exod., xx, 5-6 ; cf. xxxiv, 7 ; Num., xiv, 18 ; Deut, , v, 9 ; Jer., xxxii, 18 ; Lam., v, 7, etc. Cette répercussion, que l’expérience justifie fréquemment encore, ne fait pas porter aux enfants une peine injuste. Elle suppose que ces derniers imitent les péchés de leurs pères, ou constitue pour eux une épreuve temporelle destinée soit à les ramener au bien, soit à perfectionner leur vertu et à augmenter leur mérite définitif. Dieu se réservait d’appliquer cette sanction ; mais il n’a pas autorisé les hommes à châtier les enfants à cause de leurs pères. Deut., xxiv, 16 ; IV Reg., xiv, 6 ; II Par., xxv, 4. Le prophète Ézéchiel, xviii, 10-20, explique la conduite de Dieu en cette matière : impie lui-même, le fils de l’impie mérite d'être châtié ; vertueux et fidèle, il vit et ne porte pas le châtiment qu’ont attiré les crimes de son père.

Sa rémission. — Dieu est un juge sévère, mais il n’est pas un père inexorable. Voir Miséricorde, t. iv, col. 1131. Il veut bien pardonner le péché. Job, vii, 21 ; Ps. xxv (xxiv), 11 ; xxxii (xxxi), 1 ; lxxix (lxxviii), 9 ; lxxxv (lxxxiv), 3 ; Sap., xi, 24 ; Is., xliii, 25 ; Jer., xxxi, 34, etc.

2. Cependant, pour pardonner le péché, Dieu exige certaines conditions, et tout d’abord l’aveu. Lev., xxvi, 40 ; II Esd., ix, 2 ; Job, xxxi, 33, 34 ; Matth., iii, 6 ; Marc, i, 5 ; I Joa., i, 9, etc. Voir Confession, t. ii, col. 907.

3. Il veut ensuite le regret sincère. Joël., ii, 13, etc. Voir Pénitence.

4. Certaines œuvres obtiennent le pardon de Dieu et rachètent le péché. Voir Aumône, t. i, col. 1252 ; Charité, t. ii, col. 591 ; Jeûne, t. iii, col. 1528 ; Sacrifice.

5. Dans le Nouveau Testament, les péchés sont remis au nom du Père, Matth., vi, 14 15 ; Marc, xi, 25 ; Luc, xi, 4, par le Fils, Matth., ix, 2-6 ; Marc, ii, 5-10 ; Luc, v, 20-49 ; etc., qui envoie ses Apôtres prêcher cette rémission, Luc, xxiv, 27 ; Joa., xx, 23, et qui leur donne le pouvoir de l’accorder dans le sacrement de pénitence, Joa., xx, 23, et dans celui d’extrême-onction. Jacob., v, 15.

6. Le pardon du péché est accordé en vertu de la rédemption opérée sur la croix. Daniel, IX, 24, avait annoncé que le Messie mettrait fin au péché, c’est-à-dire à son influence irréparable. Jésus-Christ, par sa croix, obtint à l’homme le pardon du péché. Matth., i, 21 ; xxvi, 28 ; Joa., i, 29 ; Rom., vi, t3 ; I Cor., xv, 3 ; II Cor., v, 21 ; Gal., i, 4 ; Eph., 1, 7 ; Col., i, 14 ; Heb., ix, 28 ; I Pet., iii, 18 ; I Joa., i, 7 ; Apoc, i, 5, etc. Ce pardon peut même atteindre les âmes dans l’autre vie, au purgatoire. II Mach., xii, 46.

7. Les écrivains sacrés et Notre-Seigneur se servent de différentes expressions caractéristiques pour marquer la réalité de la rémission du péché : « pardonner, » par conséquent ne plus tenir rigueur, II Reg., xii, 13 ; III Reg., viii, 31 ; Tob., iii, 13, etc. ; « remettre, » par conséquent ne plus rien exiger à ce sujet, Ps. xxxii (xxxi), 1 ; Matth., ix, 2 ; Luc, vii, 48, etc. ; «  ne pas imputer, » ne pas mettre au compte du pécheur repentant, Num., xii, 11 ; Rom., iv, 7, 8. etc. ; « ne plus se rappeler, » tenir pour non avenu, Ezech., xxxiii, 16 ; « couvrir, » de manière qu’on ne le voie plus, Ps. lxxxv (lxxxiv), 3 ; « fermer les yeux, » parce qu’on ne veut plus voir, Sap., xi, 24 ; « effacer, purifier, laver, » comme une tache que l’on veut faire disparaître, Ps. li (l), 4 ; Is., xliii, 25 ; « enlever, » Is., vi, 7 ; faire disparaître comme de la glace qui se fond, Eccli., iii, 17, comme un nuage qui se dissout, Is., xliv, 22 ; « ne plus trouver, » comme une chose qui n’existe plus, Jer., l, 20 ; « d'écarlate, rendre blanc comme neige, » c’est-à-dire remplacer la tache du péché par quelque chose qui en est l’opposé, Is., i, 18 ; « jeter derrière son dos, » comme une chose qu’on dédaigne et qu’on ne reverra plus, Is., xxxviii, 17 ; « mettre sous ses pieds, » comme une chose méprisable qu’on veut détruire, et « jeter au fond de la mer », comme ce qui doit périr définitivement. Mich., vii, 19, etc. Ézéchiel, xxxiii, 14-16, exprime sans figure et de la manière la plus positive l’effet de la rémission du péché : « Lors même que j’aurai dit au méchant : Tu mourras ! s’il se détourne de son péché et fait ce qui est juste et droit, … on ne se rappellera plus aucun des péchés qu’il a commis : il a fait ce qui est droit et juste, il vivra. » La réalité objective de la rémission du péché est d’ailleurs démontrée par la conduite de Dieu à l'égard de grands pécheurs, Adam, Sap., x, 1, David, Marie-Madeleine, saint Pierre, saint Paul, etc.