Dictionnaire de la langue française du seizième siècle/Compagnon

La bibliothèque libre.
Éditions Honoré Champion (IIp. 377-378).
Compain  ►

Compagnon. Collègue. — Les despenses faictes furent communes à luy et à son compagnon Figullus au consulat. Deroziers, trad. de Dion CAssius, Hist. Rom., L. XXXVII, ch. 3 (3 ro). — Cicero demoura en Romme. Et bien que au sort la prefecture de Macedoine luy fust advenue, toutesf ois n’alla en ceste province, ains la rendit à son compaignon du consulat. id., ib., ch. 5 (8 ro). — Il feit elire pour son compagnon au Consulat le pere de Lucrece. Amyot, Publicola, 12. — Il s’embarquoit avec Sophocles, qui lors estoit son compagnon en la charge de Capitaine general. id., Périclès, 8. — Estant donques venu de la Sicile le compagnon de Marcellus au Consulat, il voulut nommer Dictateur un autre que celuy que le Senat luy presentoit. id., Marcellus, 25. — Il nomma Prince du Senat son amy et compagnon au magistrat de la Censure, Lucius Valerius Flaccus. id., Caton le Censeur, 17. — Il se rengea du costé de Catulus qui estoit compagnon de Marius au Consulat. id., Sylla, 4. — Comme Caesar eust esté esleu Consul pour la cinquieme fois, il choisit incontinent Antonius pour son compagnon. id., Antoine, 11. — Epaminondas estant en un bancquet avec ses compagnons en magistrat. id., Propos de Table, II, I. — Monsieur mon compaignon, M. de Bellegarde, chevalier de l’ordre du Roy et cappitaine de cinquante hommes d’armes de ses ordonnances. Monluc, Lettres, 228 (V, 207). — Sophocles estant compagnon en la Preture avec Pericles. Montaigne, I, 29 (1, 249). De ce mesme papier où il vient d’escrire l’arrest de condemnation contre un adultere, le juge en desrobe un lopin, pour en faire un poulet à la femme de son compagnon. id., III, 9 (IV, 103). — Moy qui, par le moyen de mon Estat d’Advocat du Roy, pouvois suppléer l’absence du Procureur General mon compaignon. E. Pasquier, Lettres, XIII, 11. — Il [le maréchal de Matignon] avoit un compagnon qui ne le ressembloit pas, qui estoit M. le mareschal d’Aumont. Brantôme, Cap. franç., le mareschal d’Aumont (V, 175).

Confrère. — Il commande… tout ce qu’est au medecin… complaire et delecter le malade. Ainsi faire… je me peine et efforce envers ceulx que je prens en cure. Ainsi font mes compaignons de leur cousté. Rabelais, IV, Ancien Prologue. — Qui vid jamais medecin se servir de la recepte de son compagnon sans y retrancher ou adjouster quelque chose ? Montaigne, II, 137 (III, 215). Mon premier project fut de vous destiner à l’estat d’Advocat : qui est celuy auquel, graces à Dieu, j’ay acquis quelque degré entre mes compagnons. E. Pasquier, Lettres, IX, 6.

Faisant partie d’une nation alliée. — Peu avant avoit esté traicté que le gouvernement leur fust donné par l’espace de cinq ans, pendant lequel temps peussent user de tel nombre de souldardz que bon leur sembleroit tant de citadins comme de compaignons. Deroziers, trad. de Dion Cassius, Hist. Rom., L. XXXIX, ch. 15 (32 vo).

Bon compagnon. Brave. — Les habitans furent si bons compagnons qu’ils se firent tous tuer en se défendant. Aubigné, Hist. Univ., VI, 9.

Faire le bon compagnon. Faire le brave. — Frerot faisant le bon compagnon courut apres ce ballon. Rabelais, la Sciomachie (III, 409). — Comment la tempeste finie Panurge faict le bon compaignon. id., L. IV, ch. 23 (titre). — Quelques capitaines faisans des bons compaignons, comme gens bien asceurez et deliberez, luy dirent : Voyez vous combien nous avons encore d’Aigles? id., IV, 39.

Bon compagnon. Homme gai, bon vivant. — Il se marya bien avant en l’aage, ayant passé en bon compaignon sa jeunesse, grand diseur, grand gaudisseur. Montaigne, II, 17 (III, 37). — Estant en lieu où c’est discourtoisie barbaresque de ne respondre à ceux qui vous convient à boire… j’essaiay de faire le bon compaignon, en faveur des dames qui estoyent de la partie. id., ib. (III, 44).

Gentil compagnon. Homme brave, bon soldat. — Les Lacedemoniens [envoyerent] six cens des plus gentilz compaignons de leurs esclaulx et de leurs laboureurs soubz la conduicte de Eccritus de Sparte. Seyssel, trad. de Thucydide, V, II, 3 (222 ro). — Antigonus… choisit en toute son armee des pietons qui portoient petites targes… tous les plus gentilz compaignons. id., trad. de Diodore, Il, 10 (43 vo). — Puis marchoit Galvanes… et quatre cens aultres Chevaliers, tous gentilz compaignons et bien deliberez de combatre. Amadis, III, 4. — Il estoit gentil compaignon de sa personne touchant le faict de la guerre. G. de Selve, Huict Vies de Plutarque, Alcibiade, 63 vo. — Ayant persuadé les plus gentilz compaignons et plus promptz de le suyvre… sans les avoir enrollez, il entra tout incontinent avec eulx en la terre des Romains. id., ib., Coriolan, 88 ro. — Le soudard recouvra la santé : mais guary qu’il fut, il ne se monstra plus si gentil compagnon, ne si avantureux aux dangers de la guerre comme il faisoit au paravant. Amyot, Pélopidas, 1. — Lamachus… se trouva seul à soustenir une trouppe de gens de cheval de ceulx de la ville, devant lesquelz marchoit le premier Callicrates homme courageux et gentil compagnon de sa personne. id., Nicias, 18. — La seconde fois que ces Barbares retournerent… les Romains en eurent tel effroy que lon estimoit lors bien gentil compagnon celuy qui avoit la hardiesse de demourer en son reng. id., Sertorius, 3. — Ils portent l’honneur au plus vaillant et à celuy qui s’est monstré le plus gentil compaignon en quelque rencontre. Thevet, Cosmogr., III, 4.

Faire du compagnon. Faire la mauvaise tête, se conduire mal. — Quand j’appelle petis enfans, je n’entens pas ceux qui sont à la mammelle, mais ces petites ordures qui sont attachez à une espee, et font des compagnons, et cuident estre hommes. Calvin, Serm. sur l’Epitre aux Ephesiens, 26 (LI, 576). — Le pere… entendoit assez telles nouvelles, où il faisoit la sourde aureille, prenant plaisir… tenir ainsi ce jeune homme en telle alteres et calamitez, le menaçant par fois se remarier, au cas qu’il feroit du compagnon, ou donner et mettre son bien en telles mains qu’il ne l’oseroit regarder. Du Fail, Contes d’Eutrapel, 16 (I, 215).

Petit compagnon, bas compagnon. Homme de peu d’importance, de rang médiocre. — Il n’appartient à si petit compaignon d’user de si grande familiarité à femme de si hault prix. Amadis, II, 19. — Il n’appartient a petit compaignon De supplier dame de si hault nom. J. Bouchet, Epistres familieres du Traverseur, 96. — Encore que je fusse par cy devant petit compagnon, toutesfois de present je suis vostre Roy. Saliat, trad. d’Hérodote, II, 172. — Ce que ledit seigneur roy de Navarre desire le plus est qu’à son arrivée les Espagnols et autres étrangers subjects du roy d’Espagne congnoissent que le roy et tout son conseil luy facent si bon raccueil qu’ils puissent faire rapport partout qu’il n’est point petit compagnon en France. Monluc, Lettres, 46 (IV, 109). — Ils ont prins une licence telle que Jesus Christ n’est sinon comme un petit compagnon au pris d’eux. Calvin, Serm. sur l’Epitre aux Galates, 10 (L, 399). — Bien souvent un homme qui meriteroit bien d’estre en quelque grande principauté sera un petit compagnon mesprisé de chacun. id., Serm. sur la premiere à Timothee, 46 (LIII, 548). — Le regret que tu as maintenant de te voir petit compagnon te doit causer telle fascherie qu’il te seroit beaucoup plus expedient qu’avec ton corps tu en eusses perdu la memoire. E. Pasquier, Pour-parler d’Alexandre (I, 1062). — Je vous laisse penser… de combien le monde est plus miserable aujourd’huy avec sa sumptuosité (qui est si grande qu’un petit compagnon despendra bien cent francs… pour une seule paire de chausses) qu’il n’estoit lors avec sa frugalité. H. Estienne, Apol. pour Her., ch. 28 (II, 132). — Il faict bon estre grand seigneur, car il fault tousjours qu’ung petit compaignon comme moy paye la folle dicte. Monluc, Commentaires, L. VII (III, 341). — Ces vers n’ont pas esté faicts pour des petits compagnons comme moy, mais pour des roys et des princes. id., ib. (III, 497). — Les Espagnolz luy donnoient le nom de dom Carlos, lequel dom ne se donne pas à de petis et bas compagnons et seigneurs. Brantôme, Cap. estr., Charles de L’Aunoy (1, 231). — Il n’est pas besoing que le sang de ces grands soit à si bon marché pour querelles particullières, comme de nous autres petits compaignons. id., Discours sur les Duels (VI, 462).

(Fém.). Compagnonne. — Ces Dames estans jalouzes, et se voulans vanger de celles sur qui elles avoient opinion de leurs maris, estouff oient des stellions ou lezards dans les fards dont elles estoient asseurees que leurs compagnonnes d’amour se fardoient le visage. Guill. Bouchet, 36e Seree (V, 127). — L’antiquité, constante compagnone de verité. Charron, les Trois Veritez, III, 7.