Dictionnaire de théologie catholique/ÉGLISE (PETITE)

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 4.2 : DIEU - EMSERp. 478).
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ÉGOISME. —


I. Notions et définitions.
II. Égoïsme dans un sens absolu.
III. Égoïsme dans un sens restreint.
IV. Egoïsme et abnégation.
V. Égoïsme et morale du bonheur.

I. Notions et DÉFINITIONS. —

Le mol égoïsme est d’usage assez récent ; il a commencé à figurer au dictionnaire de l’Académie en 1762. Son origine est due aux jansénistes de Port-Royal. Ces Messieurs ont généralement banni de leurs écrits l’usage de parler d’eux-mêmes à la première personne, dans la pensée que cet usage, pour peu qu’il lût fréquent, procédait d’un principe de vaine gloire et de trop bonne opinion de soi. Aussi pour en marquer leur éloignement, ils l’ont tourné en ridicule sous le nom d’égoïsme qui, depuis, a passé dans notre langue.

L’égoïsme est l’amour désordonné de soi, el lorsqu’il est absolu, c’est une disposition à tout rapporter à soi. C’est le vice le plus odieux et le plus opposé à la charité qui est la subordination de toute la personne à Dieu et par conséquent au prochain dans toute la mesure du devoir. L’égoïsme, avec l’orgueil qui s’y cache, est le père de tous les autres vices. La plupart des fausses morales (morale de l’intérêt, du plaisir, de l’utilité sociale) pèchent par l’égoïsme.

Toutes les affections que nourrit le cauir humain peuvent se ranger en deux classes bien distinctes. Ou bien l’homme prend pour objet de ses affections ce qui l’entoure, ce qui est en dehors de lui-même, comme Dieu, ses semblables, la vérité, le beau, etc. Ou bien elles ont pour objet lui-même, c’est-à-dire son bien, son utilité personnelle et tout ce qui intéresse plus ou moins sa personne. Dans ce cas, ces affections sont dites intéressées. Des affections intéressées ne constituent pas à proprement parler l’égoïsme. Si l’on méritait le nom d’égoïste par cela seul qu’on aime son bien et qu’on le recherche, à ce compte, il n’est pas un homme qui ne dût être ainsi qualifié, car il n’est pas un homme qui d’une manière ou d’une autre ne songe à soi et n’aspire à son bonheur. L’amour de sot n’est donc pas identique avec l’égoïsme, mais celui-ci commence lorsque l’amour de soi devient désordonné ou exclusif.

Certains philosophes modernes entendent par égoïsme l’amour de soi, opposé à l’altruisme. D’après Herbert Spencer, Les bases de lamorale évolutionnisle, c. v-xiii, toute action qui se rapporte à l’intérêt personnel est égoïste ; est altruiste « toute action qui, dans le cours régulier des choses, profile aux autres, au lieu de profilera celui qui l’accomplit ». Il esta peine besoin de faire remarquer ici, combien la charité diffère de l’altruisme ; celui-ci n’est au fond qu’un instinct de sympathie ou de bienveillance envers le prochain.

Il ne serait pas juste de confondre l’égoïsme avec ce que quelques contemporains appellent l'égotisme, Maurice Barrés, Un homme libre, Paris, 1889, et qui consiste dans la culture intensive des diverses facultés du moi et dans la jouissance des sentiments raffinés qui résultent de cette culture. La première partie de la culture du moi, loin d’être égoïste, est, au contraire,